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La pomme de terre, considérations sur les propriétés médicamenteuses, nutritives et chimiques de cette plante/7

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CHAPITRE VII.

EXTRACTION DE LA FÉCULE DE POMMES DE TERRE.


PREMIÈRES SECTION.

Quelques considérations sur la matière de ce Chapitre.


Il est temps de commencer l’extraction de la fécule de pommes de terre aussitôt après la récolte des tubercules, et l’on doit en faire cesser les travaux dès qu’ils ont déjà poussé quelques germes, c’est-à-dire vers la fin du mois d’avril, parce qu’alors ils éprouvent une altération qui influe considérablement sur la qualité de la fécule, et sur la quantité qu’on peut en obtenir en toute autre circonstance plus favorable.

Le résultat moyen de cette fabrication est ordinairement d’un dixième, quelquefois plus, quelquefois moins ; cela dépend de la qualité des pommes de terre qu’on emploie, et du temps qu’elles ont eu pour grossir et pour mûrir. Si elles sont d’une bonne espèce et que la saison leur ait été favorable, leur produit en fécule est de 15 à 16 pour 100 ; mais si la pomme de terre, quelle qu’en soit d’ailleurs la qualité, ayant beaucoup souffert de la sécheresse, vient à grossir subitement par l’effet des pluies douces et abondantes au moment où il faut la cueillir, elle ne fournit pas un soixantième de fécule, et, quoique très-abondante, elle ne produit rien ni pour la nourriture des hommes, ni pour celle des animaux : cette circonstance influe même sur sa conservation ; car elle se fane et pourrit bientôt dans les caves et celliers où elle est déposée.

La fécule bien préparée est incorruptible et inattaquable par les insectes ; et si quelquefois, au mois de mai, elle éprouve un mouvement de fermentation, cela vient de ce que les fabricans profitent de la température de l’air pour la faire dessécher, et ne détruisent pas son inclination végétative par l’étuve.

D’après ces considérations, toutes basées sur l’exactitude des examens et sur l’expérience, il ne reste plus à celui qui désire se livrer à ce genre d’industrie, qu’à connaître les divers appareils qui constituent une féculerie, et la manière de s’en servir pour la fabrication de la fécule.

Ces appareils consistent en un cylindre à lavage, une râpe, des tamis de crin et à larges mailles, des baquets, quelques tables de sapin, un séchoir, des claies et une étuve.




DEUXIÈME SECTION.

Cylindre à lavage (Voy. pl. I.re).


Cette machine, de forme cylindrique, représente un blutoir ; mais elle est plus raccourcie : sa hauteur est égale au diamètre de ses bases circulaires, et sa surface convexe est formée de lattes de bois ou de tringles de fer qui, laissant entre elles des intervalles de trois centimètres de largeur, sont clouées à la circonférence des deux cercles qui forment les bases. Une porte à claires voies et à charnières, s’ouvrant dans toute la hauteur du cylindre, sert à y introduire les pommes de terre et à les en retirer. C’est par les deux extrémités de son axe en fer, qu’il repose sur des coussinets en cuivre, incrustés dans les rebords des deux grands côtés d’une cuve de forme rectangulaire, dans laquelle il descend à moitié, et où il fait son service par le mouvement de rotation qu’on lui donne, au moyen de deux manivelles placées aux deux extrémités de l’axe. Deux barres de fer, attachées aux deux extrémités supérieures d’un des petits côtés de la cuve et au bout desquelles sont des coussinets de même métal, s’avancent parallèlement en-dehors et à une distance convenable pour que ces coussinets se trouvent placés verticalement au-dessus d’une caisse en bois, destinée à recevoir les pommes de terre après le lavage. Une poulie mouflée sert à déplacer le cylindre, que deux ouvriers saisissent par les manivelles et font glisser sur les barres de fer jusqu’aux coussinets établis à leur extrémité. C’est là qu’après avoir décroché et ouvert la porte, on le tourne sur son axe pour vider les pommes de terre lavées qu’il contient, et pour en introduire de nouvelles.


TROISIÈME SECTION.

La Râpe (Voy. pl. II.).


L’instrument à râper les pommes de terre est un vrai cylindre, composé de disques de bois de chêne de six centimètres d’épaisseur sur soixante-dix de diamètre. L’on superpose ces disques, en ayant soin de placer alternativement le fil du bois dans des directions opposées, à angle droit, et en nombre suffisant pour obtenir la hauteur qu’on désire : elle doit être, à peu près, de cinquante à soixante centimètres. Après avoir monté le cylindre sur son axe, on en tourne la surface convexe et on y incruste, dans toute son étendue, au moyen d’un trait de scie dirigé vers le centre, des lames dentées, de même étoffe que celles de scie, de trois centimètres de largeur, et placées parallèlement à l’axe, à la distance de vingt millimètres l’une de l’autre.

Il convient de donner à ces lames un peu plus de longueur qu’au cylindre, afin que, dépassant de chaque côté, on puisse les enlever plus aisément ; ce qui donne beaucoup de facilité à les limer.

Pour les égaliser, lorsqu’on les a incrustées ou qu’on les remet en place après les avoir limées, on les fait passer successivement devant une règle en bois, placée en avant du cylindre, pendant qu’on fait tourner celui-ci sur son axe. Cette opération se fait promptement et avec beaucoup de facilité sur la cuve où il est monté pour faire son service.

Ce cylindre doit être construit de manière à ce qu’en changeant de côté les bouts de son axe, on puisse le faire tourner dans les deux sens, afin de faire travailler les deux faces des dents : il y a dans cela un avantage incontestable ; en effet, lorsque les dents se sont usées sur une de leurs faces, en travaillant dans une direction, il est facile de s’apercevoir que l’autre face présente encore des angles très-aiguisés ; alors, en les faisant travailler dans la direction opposée, on double le temps, au bout duquel il est nécessaire de les limer.

Lorsqu’elles deviennent, trop courtes, on enlève, avec un instrument tranchant propre à cela, un peu de bois entre les lames ; ce qui donne à la machine une durée presque indéfinie.

Les dimensions de ces dents sont une chose de la plus haute importance, parce que c’est d’elles que dépend le degré de finesse de la pulpe, et par conséquent la quantité de fécule qu’on peut en obtenir par le lavage. Elles doivent former un triangle équilatéral, et la distance entre leurs pointes doit être de cinq millimètres : je crois qu’il serait plus avantageux qu’elles fussent plus petites et par conséquent plus rapprochées à leur sommet ; car il y aurait dans ce cas beaucoup à gagner, quoique le travail fût moins expéditif.

L’on doit préférer ce genre de cylindre à tous autres formés d’une seule pièce de bois, et souvent susceptibles de céder aux influences de l’eau, mais surtout à ceux dont la hauteur est de beaucoup supérieure au diamètre ; parce que, outre son extrême solidité, il a encore l’avantage de faire lui-même les fonctions de volant par l’effet de son poids qui est considérable.

Ce cylindre, comme celui à lavage, est établi sur une cuve en bois, de forme rectangulaire ; il est également soutenu sur des coussinets par l’axe en fer qui le traverse, de manière à ce que la moitié de son diamètre s’enfonce dans la cuve, tandis que l’autre partie se trouve renfermée dans une grande trémie, qui s’élève en évasant, et dont la planche de derrière descend jusqu’au cylindre qu’elle effleure presque à frottement. Celle de devant, au contraire, en s’éloignant un peu, laisse une ouverture qui donne passage à la plus grosse pomme de terre, pour être conduite, comme malgré elle, par les dents de la râpe cylindrique, au moment de sa rotation, dans une oubliette qui, décrivant un arc en se rapprochant insensiblement du cylindre, finit par presque le toucher dans sa partie inférieure. Cette oubliette est garnie intérieurement d’une plaque de tôle percée, en forme de râpe concave : cette râpe immobile saisit la pomme de terre à son entrée ; le cylindre la force d’avancer et la déchire en même temps, jusqu’à ce qu’elle est réduite à zéro, pour passer dans la cuve qui la reçoit sous forme de vermicelle bien délié. Il faut toutefois bien prendre garde qu’il n’y ait pas de pierres, qu’on ne pourrait plus arracher qu’en démontant la râpe concave, qu’on tient toujours à égale proximité du cylindre, en avançant ou reculant la trémie par le moyen des clavettes en bois qui la tiennent assujettie sur les bords de la cuve, et que l’on enfonce ou qu’on retire plus ou moins à volonté.


QUATRIÈME SECTION.

Tamis en crin.


Ces tamis sont des paniers de 50 centimètres en largeur, dont les claires-voies de fond ont environ trois centimètres d’ouverture, et qui sont doublés, dans tout leur intérieur, avec de la toile en crin. Ils ont ordinairement 36 centimètres de profondeur, et sont munis de quatre anses pour la facilité des ouvriers chargés de les balancer dans les baquets par un mouvement de rotation : ces ouvriers sont au nombre de deux, et la quantité des tamis est proportionnée à l’étendue du travail.


CINQUIÈME SECTION.

Tamis à larges mailles.


Ce sont des paniers de même forme et de même grandeur que les tamis en crin, dont le fond, en osier, a des carrés de cinq millimètres d’ouverture, propres à laisser passer tout le parenchyme déchiré, et à ne retenir que les copeaux qui ont échappé à l’action de la râpe. Le mouvement de ces tamis est d’être plongés et retirés de l’eau, jusqu’à ce qu’ils soient débarrassés de tout le brouet, et qu’ils ne retiennent plus que ces copeaux.


SIXIÈME SECTION.

Baquets.


Les baquets, dont le nombre dépend encore de l’étendue du travail, peuvent être, comme je l’ai dit ailleurs, des pipes d’huile ou d’eau-de-vie sciées en deux : il faut, en les achetant, bien faire attention qu’elles aient au moins un mètre de profondeur par la bonde, afin que les tamis dont nous venons de parler puissent jouer aisément dans les baquets, et que ceux-ci contiennent bien toute l’eau nécessaire pour perfectionner la fécule.


SEPTIÈME SECTION.

Tables.


Les tables construites en bois sapin, d’une surface un peu convexe, doivent être bien unies et bien bouvetées, avoir quatre mètres de longueur sur un mètre de largeur, et être supportées par plusieurs tréteaux.


HUITIÈME SECTION.

Séchoir.


Le séchoir est un lieu de toute part bien aéré, et dont les courans d’air sont pratiqués de manière à ce qu’on puisse, au besoin, y établir des clôtures en toile à claires-voies, pour en mettre l’intérieur à l’abri des grands vents. Des hangars, des granges, des greniers peuvent être employés à cet usage, pourvu qu’ils aient assez d’étendue, et que d’ailleurs ils soient disposés selon les conditions requises.


NEUVIÈME SECTION.

Les Claies.


Les claies à faire sécher la fécule de pommes de terre, comportent une longueur de trois mètres sur un mètre de largeur : elles sont construites en fils de fer ou en osier, tendus à trois centimètres de distance, dans un encadrement en bois, et maintenus dans leur tension par deux planches fixées transversalement et en-dessous du cadre. Quatre piliers disposés perpendiculairement sur un plan semblable à celui des claies, dans les deux principales dimensions, mais plus rapprochés quant à la longueur, soutiennent ces claies à dix-huit ou vingt centimètres d’élévation l’une au-dessus de l’autre, par des chevilles mobiles, placées intérieurement dans les piliers et susceptibles d’être ôtées et remises à volonté, pour le placement ou le déplacement de ces mêmes claies chargées, et pour leur transmutation pendant le cours du séchage.


DIXIÈME SECTION.

Étuve.


L’étuve est un lieu fermé, où sont établies des ventouses pour faciliter l’évaporation de l’humidité et donner passage aux vapeurs qui en résultent. Cet endroit, muni dans son milieu d’un poêle d’une grande dimension, que l’on chauffe par économie avec de la houille, doit être assez vaste pour pouvoir être garni tout autour de claies supportées par leurs piliers, et ne saurait être trop chauffé, afin d’accélérer, autant que possible, la dessication de la fécule. Il peut pourtant y être suppléé par un four, au degré de chaleur qu’il a lorsqu’on en retire le pain ; mais alors il faut que la fécule soit bien reposée et presqu’à moitié sèche, pour ne point être susceptible de cuisson.