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Le Ballet de la raillerie/Texte entier

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BALLET
DE
LA RAILLERIE.


Danſé par ſa Majeſté le 19.
Febvrier 1659.




À PARIS,
Par Robert Ballard, ſeul Imprimeur
du Roy, pour la Muſique.

M. DC. LIX.
AVEC PRIVILEGE DU ROY.

TABLE DES MATIÈRES

(ne fait pas partie de l’ouvrage original)

Page
 4
BALLET
DE
LA RAILLERIE.



C Omme le ſeul tître de ce Ballet ſuffit pour luy ſeruir d’Argument, la premiere ouuerture du Theatre expoſe aux yeux des ſpectateurs vn Portique dans lequel pareſt la Poëſie Françoiſe, qui pour s’adonner à la Raillerie s’eſtant occupée depuis quelque temps à faire des pourtraits, en a fait venir la Mode, juſqu’au point que la pluſpart des gens ſe raillent d’eux-meſme : Et dans cette penſée vient faire le pourtraict du Ballet.

La Poëſie Françoiſe.

RECIT.

La Poëſie, repreſentée par Mademoiſelle Hilaire.


JE deſcends du ſacré valon
Où je regne avec Apollon,
Pour le Pinçeau j’abandonne la Plume,

Je ne fay plus que des Pourtraits ;
Et j’en ay tellement établi la coûtume,
Que tout le monde veut peindre ſes propres traits.

J’ay quitté l’employ glorieux
De peindre les Rois, & les Dieux,
En vain l’Amour preſſe mon induſtrie
Pour ſes traits & pour ſon flambeau ;
Ce que j’ay de couleurs ſont pour la Raillerie,
Dont j’entreprends icy de faire le tableau.



LE Recit achevé la Perſpective commence à ſe deſcouvrir tout à fait, & laiſſe voir une grande court d’un beau Palais, avec une Fontaine au milieu, aupres de laquelle ſont aſſiſes en converſation la Raillerie, la Sageſſe, & la Folie qui chantent les vers Italiens qui ſuivent, dont la verſion a eſté faite par un autre que par celuy qui a fait les vers du Ballet.


La Raillerie, repreſentée par Mademoiſelle de la Barre.
La Sageſſe, par Mademoiſelle Hilaire.
La Folie, par La Signora Anna Bergerotti.


La Beffa, la Saviezza, la Pazzia.
Tutte tre.


Lun dell’altro ogn’un ſi burla
Si tal’hor ſono i viventi
Nella ſorte contraria al par contenti,
Quel che canta, è quel che urla
L’un del’altro ogn’un ſi burla.

La Beffa.

Coſi à me ſola è dato,
A me, che ſon di Corte Hoſpite eterna,
E’à gli infimi, e ſupremi
Diſpenſatrice egual d’armi da ſcherzo,
Dato è (dico) à me ſola
Farui concordi ò Qualitadi òppoſte
Sempre à beffarui à gara ambo diſpoſte

La Saviezza, e la Pazzia.

E di non ridere
Com’è poſſibile ?
Di per tua fè
Laſciarmi uccidere
Meno inſoffribile
Sarebbe a mè
E di non ridere. &c.


La Raillerie, la Sageſſe, & la Folie.
Toutes ensemble.


PAr tout l’un ſe moque de l’autre ;
Le ſimple artiſan rit autant
Que le Riche & que l’important :
Mortelz, quel eſprit eſt le voſtre ?
Chacun de ſon ſort eſt content,
Soit en heurlant ſoit en chantant
Par tout l’un ſe moque de l’autre.

La Raillerie, à la Sageſſe, & à la Folie.

C’eſt en moy que toutes les Cours
Ont de tout temps trouvé des charmes ;
C’est moy que l’on void tous les jours
Aux petits comme aux grands fournir d’égales armes :
Armes pourtant de qui les coups
Ne ſont qu’agreables & doux
Et ne couſtent ny ſang ny larmes ;
Enfin, c’eſt moy qui dans mes plaiſans jeux
(Quoy que par tout vous ſoyez oppoſées)
Semble vous avoir diſpoſées
A vous reünir toutes deux.

La Sagesse, et la Folie.

Qui de nous en bonne foy
Pourroit s’empeſcher de rire ?
Je confeſſe que pour moy
Ce ſeroit un grand martyre
Que de ne rire pas voyant ce que je voy.

La Piazzia.

Che colei ſolo col pondo
De leggieri
Suoi penſieri
Voglia ogn’hor peſare il Mondo

La Saviezza.

Che torcendo eſſa il timone
Di ſua Prora
Fede ogn’hora
Nieghi al polo di Ragione

Tutte due.

E di non ridere. &c.

Tutte tre.

Ma voi Dee di beltà,
Che de piu veri amanti
Con ſuperba impietà
Prendet’à giuoco il duolo, à rifo i pianti.
Sapete che fia ?
Amor, che nulla oblia
Di tal Sorte anche un di voi punirà
Si vuol giuſto Fato
Chi beffa, è beffato.

La Folie, à la Sageſſe.

Quoy ? par ces caprices divers
Celle-cy de tout l’Univers
Voudra regler le ſort & la conduite ?

La Sagesse, à la Folie.

Quoy ? par tout mal-reglée & de tout mal-inſtruite
On verra celle-là mettre tout à l’envers
Et devant la raiſon prendre toujours la fuite ?

La Sagesse, et la Folie.

Qui de nous, en bonne foy,
Pourroit s’empeſcher de rire ?
Je confeſſe que pour moy
Ce ſeroit un grand martyre
Que de ne rire pas voyant ce que je voy.

La Sagesse, la Folie, la Raillerie.
Aux Dames.

Vous, auſſi fieres que belles,
Qui voyez d’un œil mocqueur
Les peines les plus cruelles
Que cauſe voſtre rigueur ;
Amour a bonne memoire,
Et lors que l’on l’a choqué
Il ſçait bien vanger ſa gloire ;
Le ſort le veut ainſi, qui ſe mocque eſt mocqué.

Icy commence le Ballet.

Premiere Entrée.



Le Ris accompagné d’une Symphonie de toute ſorte de Fleurs, appellées communément par les Poëtes, le Ris des Prairies, ſe vient réjoüir de ce que la Raillerie ſa Compagne, a reduit tout le monde a faire profeſſion de la ſuivre, comme il paroiſt dans les railleries reciproques qui fondent toutes les Entrées du Ballet.

Pour SA MAJESTÉ, repreſantant le Ris.


La gravité d’Eſpagne eſt bien déconcertée
Par ce Ris éclatant qui vient de l’allarmer,
Ô que c’eſt un Ris amer
À la Flandre épouvantée !

La grace à le former s’eſt ſi bien employée,
Qu’il n’eſt point de Beauté ſi modeſte aujourd’huy
Qui ne voulut avec luy
Rire à gorge déployée.

Sa moderation laiſſe bien des malades
Qui languiſſent autour de cet aymable Ris,
Et luy font tant de ſouris,
Tant de mines, tant d’œillades.

Il eſt charmant & doux, & ſa maniere touche
Infinité de cœurs qui n’en témoignent rien :
Que ce Ris là ſeroit bien
Le fait d’une belle Bouche.

Amour, qui tant qu’il peut pouſſe les traits qu’il forge,
N’attend plus rien ſinon que le temps ſoit venu
Où ce Ris moins retenu
Paſſe le nœu de la gorge.


Fleurs. Meſſieurs de Molier, Tiſſu, Itier, Couperin, Pinel, Richard, le Camus, Hauteman, Martin, Couperin le jeune, Pinel le jeune, le Moine, Garnier, d’Aliſſan, Buret, & Mezeret.




II. Entrée.

Quatre Vieillards, & quatre Enfants.
Vieillards, Meſſieurs de S. Maury, & Cabou, les Sieurs Lambert, & Dolivet.
Enfants, Le Chevallier, du Mont, Des-Airs le fils, & Leſtang.



Les uns ſont ſi caßez, qu’à peine ils ſe ſoûtiennent,
Les autres au maillot naguére eſtoient captifs,
Et l’on ne ſçait quaſi qui ſont les plus chétifs
Ou de ceux qui s’en vont, ou de ceux qui s’en viennent.




III. Entrée.

Des ſçavans & des Ignorans repreſentez par trois Docteurs, & trois Païſans.
Docteurs, Les Sieurs du Pront, la Font, & Raynal.
Païſans, Les Sieurs Don, Beauchamp, & Des-Airs.



Ce ne ſont pas les plus Sots
Que ces pauvres Idiots
Qui n’ont veu que leur Cabane,
Gens ſimples, & non menteurs,
N’entendant point la Chicane :
Cherchez parmy ces Docteurs
Vous trouverez là voſtre Aſne.




IV. Entrée.

D’un Poltron & deux Braves.
Poltron, Monſieur Baptiſte Lully.
Braves, Meſſieurs Bontemps, & Coquet.



La Valeur, & la Laſcheté
Ont chacune à part leur beauté,
L’une brillante, l’autre ſombre :
Leurs traits ſont par tout adorez,

L’une a beaucoup d’Amans, & qui ſont déclarez,
L’autre en a de ſecrets, mais en bien plus grand nombre.




V. Entrée.

Du Bonheur, de l’Eſprit, & de l’Argent.
LE ROY, repreſantant le Bonheur.
L'eſprit, Monſieur Langlois. L'Argent, le Sieur le Vacher.


Pour ſa Majeſté, repreſentant le Bonheur.


Lun ſouſtient que c’eſt le Bonheur,
L’autre dit que c’eſt le Merite ;
Et chacun des deux ſe dépite

À cauſe qu’il ne peut regler ce point d’honneur,
Tant la difference eſt petite.
 
Il n’eſt point de Bonheur, ou le voila, dit l’un,
Et le bon ſens repugne au voſtre :
Suffit icy du Sens commun,
Il n’eſt point de Merite, ou le voila, dit l’autre,
Prouvez-moy comme le hazard
En ſon fait a beaucoup de part,
Pour voſtre opinion j’auray ſur ce regard
Une déferance ſubite,
Par exemple, s’il eſt né
Couronné,
Je le quitte.

Vous vous rendez, dit le premier,
Et voſtre cauſe n’eſt pas bonne,

Je m’en vay vous juſtifier
Comme il a receu la Couronne
Preſqu’au temps qu’il receut le jour.

La-deſſus invervient l’Amour
Sans dire garre ;
Et pour finir la bagarre,
Il a ces mots prononcez.

C’eſt le Bonheur tout pur, & j’en enrage aſſez,
Une pureté ſi grande
N’eſt pas ce que je demande :
Sans ceſſe du Merite il eſt accompagné,
Et vous avez tous deux gagné.




VI. Entrée.

Des Sobres, & des Yvrongnes.
Sobres. Le Marquis de Genlis, Monſieur Joyeux, & le Sieur Tourry.
Yvrongnes. Monſieur Cabou, & les Sieurs Beauchamp, Dolivet, le Conte, Raynal, & Des-Broſſes.



Ces gens-là ſont mal-aſſortis,
Il eſt beau pour un des partis
D’avoir la Raison en partage :
Cependant l’abondance a de puiſſans apas,
Et ceux qui ſont remplis ont un grand advantage
Sur ceux qui ne le ſont pas.


Pour le Marquis de Genlis, repreſentant un Sobre.


Si tout le monde à la meſure
De ſon deſir avoit de la beauté,
Ne devroit-on pas, ô Nature !
Admirer ma ſobriété ?




INTERMEDIO

De la Muſica Franceſe, è de la Muſica Italiana.
La Signora Anna Bergerotti, rapreſentate la Muſica Italiana.
La Muſica Italiana.


Gentil Muſica Franceſe
Il moi Canto in che t’offeſe ?

La Muſica Franceſe.

Bell’italica ſirena
Strana è ben tal’hor tua vena.

La Muſ. Ital.

Tù formar altro non ſai
Che languenti, e meſti lai.

La Muſ. Franc.

Più diletto il mio ſtil porge
Che le tue noioſe gorge.

La Muſ. Ital.

Qual raggion vuol che rù deggi ?
Del tuo guſto altrui far leggi.

La Muſ. Franc.

Deh cediam l’un l’altra il vanto,
Io in comporte, e tù nel canto




INTERMEDE

De la Muſique Françoiſe, & de la Muſique Italienne.
Mademoiſelle de la Barre, repreſentant la Muſique Françoiſe.


L’Italienne.


Ô Muſique Françoiſe ! apprends moy je te prie
Ce qui te ſemble en moy digne de raillerie ?

La Françoiſe.

Le trop de liberté que tu prends dans tes chants
Les rend par fois extravagans.

L’Italienne.

Toy par tes nottes languiſſantes,
Tu pleures plus que tu ne chantes.

La Françoiſe.

Et toy, penſes-tu faire mieux
Avec tes fredons ennuyeux ?

L’Italienne.

Mais ton orgueil auſſi ne doit pas ſe promettre
Qu'à ton ſeul jugement je me veuille ſoûmettre.

La Françoiſe.

Je compoſeray comme toy,
Si tu veux chanter comme moy.

La Muſ. Ital.

Io di te canto più forte
Perche amo più di tè
Chi riſente un mal di morte
Più che può grida mercè.

La Muſ. Franc.

I miei tuoni humili, e lenti
Spiegan meglio il mio languire,
Chi vicino è di morire
Non può dar forza agl’accenti.

Tutte due.

Dunque sù cantiamo inſieme
Che trà gioia, e trà dolore
Ben’s’accordano in Amore
Cor che canta, e Cor che geme
Dunque sù cantiamo inſieme.

L’Italienne.

Si mon amour a plus de violence,
Je dois chanter d’un ton plus fort,
Quant on ſe void preſt de la mort

Le plus haut que l’on peut on demande aſſiſtance.

La Françoiſe.

Mon chant fait voir par ſa langueur
Que ma peine eſt vive & preſſante ;
Quant le mal attaque le cœur
On n’a pas la voix éclatante.

Toutes deux.

Ceſſons donc de nous contredire
Puiſque dans l’amoureux empire,
Où ſe confond inceſſamment
Le plaiſir avec le tourment,
Le cœur qui chante & celuy qui ſoupire
Peuvent s’accorder ayſément.




VII. Entrée.

Des Filles de Cour, & des Filles de Village.
Filles de Cour. Le Marquis de Villeroy, Les Sieurs de Lorge, & Bonart.
Filles de Village. Monſieur Joyeux, les Sieurs Lerambert, & Vagnar.
Le Marquis de Villeroy, repreſentant une Fille de Cour.


LOn n’a pû juſqu’icy me ſoupçonner d’amour ;
Et nulle tache encor n’empeſche que j’eſclate ;
Mais ſçachant que l’honneur des Dames de la Cour
Eſt une chose delicate,
Rien n’eſt ſi difficile au point où je me voy
Que mon ſcrupule n’entreprenne,
Pour oſter tout ſujet de médire de moy,
Juſqu'à me retrancher l’Eſcuyer qui me meine.




VIII. Entrée.

De Gens qui ſe contrefont les uns les autres, & de trois Echos de differente Harmonie.
Contrefaiſeurs. Meſſieurs Bontemps, S. Maury, Baptiſte, Bruneau, Geoffroy, les Sieurs Des-Airs le Cadet, du Mouſtier, le Conte & Lambert.
Echos.
Violons. Les Sieurs la Quaiſſe, & le Marchand.
Fluſtes. Les Sieurs Pieche, & Deſcouſteaux.
Voix. Meſſieurs Hebert, & le Gros, qui chantent les paroles ſuivantes.



VOs beaux yeux embraſent mon cœur,
Mais l’excez de voſtre rigueur
Alentit peu à peu
L’ardeur de mon feu :
Ô Dieux ! ſi vous eſtiez un peu traittable
Vous verriez, Objet adorable,
Qu’Amour n’euſt jamais un amant
Plus ferme & plus conſtant.


Sarabande.



Enfin je vous revoy, charmante Cour,
Lieux tant aimez où naquit l’Amour
Que j’ay pour Climeine :
Mais je voy depuis mon retour
Que cette inhumaine,
Comme le premier jour,
Eſt inſenſible à ma peine.

Pour le Sieur Baptiſte, repreſentant un Contrefaiſeur.


CHacun de nous a du merite en ſoy,
Et ce ſont des Talens differens que les noſtres,
Les autres quand je veux ſont contrefaits par moy :
Mais je ne me voy point contrefait pas les autres.




IX. Entrée.

De la Force ſuivie par des Soldats, & de la Raiſon ſuivie par des Notaires.
La Force. Monſieur Cocquet.
Quatre Soldats. Meſſieurs Tartas, & Barbot, Les Sieurs la Fonds, & le Noble.
La Raiſon. Le Sieur Beauchamp.
Quatre Notaires. Monſieur Cabou, les Sieurs Don, Raynal, & Des-broſſes.
Pour les Soldats, & les Notaires.


Ces differens emplois ont pareils caracteres,
Soit en nous faiſant peur, ſoit en nous obligeant
Les Soldats, & les Notaires
Nous font trouver de l’argent.




X. Entrée.

Des Amants, & des Maiſtreſſes.
Amants. Les Marquis de Mirepoix, & de Raſſan, Meſſ. Moliere, & Des-Airs l’aiſné.
Maiſtreſſes. Madame Guichart, Madame de Buridan, Mademoiſelle Molier la fille, & Madem. de la Faveur.

Pour les Amans, & les Maiſtreſſes.


Tel ſoupire pour une telle,
Et tant qu’il ſoupire pour elle
Sans ceſſe l’ingrate le fuit,
L’a-t’il quitée, elle le ſuit :
Telle va plus avant qu’elle n’euſt oſé croire,
Tel ſe penſant captif trouve la clef des champs :
Enfin voicy la grande Foire
Où ſe trompent tous les Marchands.

Pour le Marquis de Mirepois, repreſentant un Amant.


Je ſçay bien preſentement
Ce que c’eſt que d’eſtre Amant,
Je n’y pouvois rien comprendre ;
Mais j’y ſuis fort conſommé,
Il ne me faut plus qu’aprendre
Ce que c’eſt que d’eſtre Aymé.

Pour le Marquis de Raſſan, repreſentant un Amant.


Une charge d’Amant eſt fort conſiderable,
Et je le comprens mieux que jamais je ne fis ;
Mais qui l’exerce eſt miſerable
S’il n’en ſçait tirer les profis.




XI. Entrée.

Des Adroits & Mal-Adroits.
Adroits. Monſieur Coquet, & le Sieur Beauchamp.
Mal-Adroits. Monſieur Cabou, & le Sieur Dolivet.



Ce pauvre Mal-adroit qui ne plaiſt à perſonne,
Pourroit bien rencontrer ſon heure en quelques lieux ;
Comme ſouvent l’Amour a d’aſſez mauvais yeux,
Peut-eſtre n’a-t’il pas toûjours l’oreille bonne.




XII. et Derniere Entrée

Des diverſes Nations.
Deux Gentilhommes François, deux Italiens, deux Turcs, deux Indiens, & une Eſpagnolle.
LE ROY, repreſentant un Gentilhomme François, & Monſieur Langlois.
Deux Italiens. Meſſieurs Baptiſte, & Des-Airs l’aiſné.
Deux Turcs. Meſſieurs Verpré, & Bruneau.
Deux Indiens. Meſſieurs Bontemps, & le Vacher.
L’Eſpagnolle. Mademoiſelle Verpré, danſant avec Caſtagnettes, accompagnée de huict Guittarres.
LE ROY, repreſentant un Gentilhomme François.


Je croy, ſans vanité, qu’en quelque part que j’aille
Je pourrois m’égaler aux gens les mieux appris,
Je n’ay pas l’air mauvais, & voy que dans ma taille
Je ne ſuis pas des plus mal pris.

Avecque du credit j’ay des biens en Province,
Mes affaires d’ailleurs ſont en aſſez bon point ;
Qu’on parle devant moy d’une nobleſſe mince,
Cela ne me regarde point.

Quand un voiſin m’offence, ou m’a fait quelque injure,
Je me bas contre luy s’il eſt de mon eſtoc :
Puis je cherche la Paix, & voudrois je vous jure
Que les armes fuſſent au croc.

Tous ces Tiltres enflez ne ſont pas ce que j’ayme,
La vanité me choque, & c’eſt ſi peu mon grief,
Qu’on me nomme ſouvent par mon nom de Bapteſme.
Encor que j’aye plus d’un Fief.

Je me veux marier, moy-meſme & mon Village
Tous deux avons beſoin que ce ſoit au pluſtoſt,
Et pour entretenir un honneſte ménage
Perſonne n’a mieux ce qu’il faut.

Habits, meubles, chevaux, un équipage leſte,
Ne ſe trouveront point ailleurs comme chez moy :
Jeune, Galand, adroit, vigoureux, quant au reſte
Gentilhomme comme le Roy.


Le Ballet finit par un Dialogue qui ſe fait entre le Ballet, la Critique, la Mode, la Contrarieté, & le Deſgouſté, accompagnez d’une trouppe de Muſiciens.


La Critique. Mademoiſelle de la Barre.
La Mode. La Signora Anna Bergerotti.
La Contrarieté. Mademoiſelle Hilaire.
Le Ballet. M. le Gros.
Le Deſgouſté. M. Meuſnier S. Elme.


Les Muſiciens.
Meſſieurs de la Barre, & Vincent,
Les Sieurs Pieche, Brunet, Deſcouſteaux, Deſtouche, Hobterre, Halais, Nicolai, le Conte, le Bret, les deux le Roux, Magni, la Quaiſſe, Marchand, Roulet, le Grec, la Vigne, Beſſon, & Orange.


Il Balletto, la Critica, la Moda, la Contrarietà, lo Suogliato.
Il Balletto.


Che dite di me ?
Io ſono il Balletto
Che qualche diletto
Pur hora vi diè.
Che dite di me ?
Scuſate il difetto
Ch’ongn’uno l’ha in sè,
Et anche in effetto
La Fretta mi fè
Che dite di me ?

La Critica.

D’antiche inventioni
Un miſto ſei tù

La Moda.

L’idée che tu eſponi
Non uſan qui sù

La Contrarietà.

Mai peggio cò ì ſuoni
Danſato non fu.

Lo Suogliato.

Da Maſtri ſi buoni
Speravo di più.


Le Ballet, la Critique, la Mode, la Contrarieté, le Dégouſté.
Le Ballet.


Que dites-vous trouppe critique
De moy petit Ballet comique

Qui vous ay cru donner un inſtant de plaiſir ?
Regardez mes defauts avec quelque indulgence,
Chacun ſans doute en a beaucoup plus qu’il ne penſe,
Et pour moy qui fus fait avec peu de loiſir,
Se peut-il que je m’en diſpenſe ?

La Critique.

De vieilles inventions
Tu n’es qu’un vil aſſemblage.

La Mode.

Tes falottes Viſions
Ne ſont plus à noſtre uſage.

La Contrarieté.

Jamais d’aucun Ballet ny les Airs ny la Danſe
N’ont ſi mal contenté l’oreille ny les yeux.

Le Deſgouſté.

Pour moy j’eſperois beaucoup mieux
De gens de cette conſequence.

Il Balletto.

Ah ah così fate ?
Così mi beffate ?
Ogn’un sà far ceffo
Et à buon cambio anch’ìo di voi mi beffo.

Tutti.

Amor tu ſol non erri
Se beffarti preſumi
De Mortali è de Numi,
Ch’ad un ſol colpo ogn’alterezza atterri ;
E s’aleun di te ride
Tu con armi homicide
Uſi punirne à doppìo il folle ardire
Sol ſi beffi di te chi sà fuggire.


FINE.
Le Ballet.

Quoy donc vous vous mocquez ainſi
De moy qui ne veux que vous plaire ?
Bien loin de m’en mettre en colere
Je me mocque de vous auſſi.

Tous enſemble.

Amour, vous ſeul impunément
Eſtes en pouuoir de vous rire,
Des Dieux & des Mortels qui ſont également
Soumis aux loix de voſtre empire :
Mais ſi quelqu’un des mortels ou des Dieux
Veut rire de voſtre puiſſance,
Vous puniſſez ſon ris audacieux
Par un ſupplice egal à ſon offence ;
Et celuy ſeul peut ſe mocquer de vous
Qui vous fuyant, ſe dérobe à vos coups.


FIN.