Le Croyant/XXXIII

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Despret frères (p. 44-45).

Contemplez ce ballon qui lentement déploie
Les immenses contours de sa robe de soie ;
Dans les champs de l’espace il a pris son essor ;
Il monte vers la nue, il monte, il monte encor,
Puis, sur l’aile d’un vent impétueux, rapide,
Il emporte bien loin son pilote intrépide ;
Tel notre char d’abord s’élève doucement ;
Puis, soudain, dans les airs volant légèrement,
Il s’élance d’un bond vers les champs d’Idumée,
Et poursuit le chemin que notre sainte armée
Sur les pas de Bouillon avait pris autrefois,
Lorsque de Pierre-Ermite elle entendit la voix.

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Des crimes des humains victime volontaire,
Depuis plus de mille ans, sur le sanglant Calvaire
Un Dieu, pour nous ravir à d’éternels malheurs,
Était mort accablé d’opprobre et de douleurs ;
Il avait replongé Satan dans son abîme.
Du saint Libérateur la morale sublime
Fit d’un bonheur nouveau tressaillir l’univers ;


Dans la cité pompeuse, au milieu des déserts,
Partout on la connut : car, pour la bien comprendre,
Notre esprit ne doit pas vers l’infini s’étendre ;
Pour en saisir le sens, il suffit, ici-bas,
D’avoir été souffrant… Eh ! qui ne souffre pas !  !  !…

Cependant en ces lieux témoins de ta naissance,
Ô Jésus, en ces lieux où brilla ta puissance,
Ton pieux souvenir déjà ne vivait plus
Que dans le sein tremblant de tes rares élus.

Un jour le prêtre offrait le divin sacrifice ;
Tout à coup, de ses mains arrachant le calice,
L’Arabe, blasphémant le nom de l’Éternel,
Pousse des cris affreux, s’élance vers l’autel,
Ose porter la main sur l’hostie adorée,
Et foule sous ses pieds la victime sacrée.
Un pèlerin le voit !… Indigné, plein d’horreur,
À l’Europe alarmée il demande un vengeur ;
Il montre les chrétiens, sur ce triste rivage,
Fléchissant sous le poids du plus dur esclavage.

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