Le Dialogue (Hurtaud)/110

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Traduction par Hurtaud.
Lethielleux (p. 1-8).

3ème Réponse

MISÉRICORDE A LA SAINTE ÉGLISE

LA RÉFORME DES PASTEURS !

CHAPITRE I

(110)

De la dignité des prêtres, et du sacrement du corps du Christ. De ceux qui se communient dignement, et de ceux qui le font indignement.

Je vais répondre maintenant, à la demande que tu m’as faite, concernant les ministres de la sainte Église. Pour mieux connaître la vérité, ouvre l’œil de ton intelligence et contemple leur excellence, et la dignité a laquelle je les ai élevés. Comme l’on comprend mieux une chose par son contraire, je veux te montrer la dignité de ceux qui administrent dans la vertu, le trésor que j’ai mis entre leurs mains. Par là tu verras davantage la misère de ceux, qui aujourd’hui se nourrissent au sein de cette épouse.

Alors cette âme, pour obéir à cette invitation, se mirait dans la Vérité, où elle voyait la vertu briller en ceux qui la goûtent vraiment.

Et le Dieu éternel lui disait : Ma fille très chère, je veux d’abord te dire la dignité où je les ai établis par ma Bonté, outre l’amour général que j’ai eu pour mes créatures, en vous créant à mon image et à ma ressemblance, et en vous faisant renaître à la grâce, dans le Sang de mon fils unique. Vous avez acquis une telle excellence, par l’union que j’ai faite de ma divinité à la nature humaine, que vous surpassez en dignité l’ange même car j’ai pris votre nature, non celle de l’ange. Ainsi, comme je te l’ai dit, je suis Dieu fait homme, et l’homme a été fait Dieu, par l’union de la nature divine et de votre nature humaine. Cette grandeur est un bénéfice commun à toutes les créatures raisonnables. Mais parmi elles, j’ai élu mes ministres, pour votre salut, afin que par eux vous soit distribué le Sang de l’humble Agneau immaculé, mon Fils unique. A ceux-là, j’ai donné pour fonction d’administrer le Soleil, en leur confiant la lumière de la science et la chaleur de la divine charité, et la couleur unie à la chaleur et à la lumière, le Sang et le Corps de mon Fils.

Ce Corps est un soleil, parce qu’il est une même chose avec moi qui suis le vrai Soleil, et si grande est cette union que l’on ne les peut diviser ni séparer l’un de l’autre. Ainsi, dans le soleil, l’on ne saurait séparer la chaleur de la lumière, ni la lumière de la chaleur, tant est parfaite leur union.

Le soleil, sans sortir de sa sphère, sans se diviser, répand la lumière sur l’univers entier. Quiconque le veut, participe à sa chaleur. Aucune impureté ne le peut souiller, et sa lumière lui est unie, comme je l’ai dit.

De même ce Verbe, mon Fils, avec son Sang précieux, est un soleil, Dieu tout entier, et homme tout entier : car il est une même chose avec moi et moi avec lui. Ma Puissance n’est pas séparée de sa Sagesse ; et la chaleur, le feu du Saint-Esprit n’est point divisée non plus, de moi le Père, ni de lui le Fils, parce que l’Esprit-Saint procède du Père et du Fils, et nous sommes un même Soleil.

Moi, le Dieu éternel, je suis le Soleil d’où procèdent le Fils et le Saint-Esprit. Au Saint-Esprit est attribuée la chaleur, au Fils la sagesse, et dans cette Sagesse mes ministres reçoivent une lumière de grâce, pour avoir administré cette lumière, avec lumière, et avoir su reconnaître mon bienfait à Moi, le Dieu éternel, en suivant la doctrine de cette Sagesse mon Fils unique. C’est cette lumière que possède, unie à elle, la couleur de votre humanité. La lumière de ma Divinité est ainsi la lumière qui est unie à la couleur de votre humanité.

Cette couleur est devenue lumineuse, quand elle est devenue impassible en vertu de la Déité de la nature divine. C’est par ce moyen, c’est-à-dire par le Verbe incarné, étroitement uni à la lumière de ma Divinité et à la chaleur et au feu de l’Esprit-Saint, que vous avez reçu la lumière. A qui en ai-je confié la dispensation ? — A mes ministres, dans le corps mystique de la sainte Église, afin que vous ayez la vie, en recevant d’eux son Corps en nourriture et son Sang pour breuvage.


Ce Corps, ai-je dit, est un soleil. Le corps ne peut donc vous être donné, sans que vous soit donné aussi le sang ; ni le sang et le corps, sans l’âme de ce Verbe ; ni l’âme ni le corps, sans ma Divinité à moi, le Dieu éternel. L’un est inséparable de l’autre. Comme je te l’ai dit en un autre endroit, la nature divine ne se sépare jamais de la nature humaine : ni la mort, ni rien ne les peuvent diviser. C’est donc toute l’Essence divine que vous recevez en ce très doux sacrement, sous cette blancheur de pain. Comme le soleil est indivisible, ainsi Dieu se trouve tout entier, et l’homme tout entier, dans la blancheur de l’hostie. Diviserait-on l’hostie en mille et mille miettes s’il était possible, en chacune je suis encore, Dieu tout entier, homme tout entier, comme je t’ai dit. En divisant le miroir l’on ne divise pas l’image qui se voit dans le miroir, ainsi en divisant l’hostie, l’on ne divise pas Dieu, l’on ne divise pas l’homme, mais en chaque parcelle il y a tout entier le Dieu-homme. Et il n’est pas non plus diminué en lui-même, comme on le peut comprendre par l’exemple du feu.

Si tu avais une lumière et que tout le monde vint y allumer ses flambeaux, ta lumière n’en serait pas diminuée, et chacun cependant l’aurait tout entière. Il est vrai, pourtant, que chacun y participe plus ou moins suivant la matière qu’il présente à la flamme pour en recevoir le feu. Un exemple te le fera mieux comprendre.

Supposons qu’il y ait plusieurs personnes à venir chercher de la lumière avec des cierges. L’une apporte un cierge d’une once, l’autre de deux onces, une troisième de trois onces, celle-ci d’une livre, celle-là, de plus encore. Toutes s’approchent de la lumière, et chacune allume son cierge. Dans chaque cierge allumé, quel que soit son volume, l’on voit désormais la lumière tout entière, sa couleur, sa chaleur et son éclat ; cependant, tu jugeras que celui qui porte un cierge d’une once possède moins de lumière que celui qui tient un cierge d’une livre.

Ainsi advient-il à ceux qui s’approchent de ce Sacrement. Chacun apporte son cierge, c’est-à-dire le saint désir avec lequel il reçoit et prend ce Sacrement. Le cierge est éteint, et il s’allume, lorsqu’on reçoit ce sacrement. Je dis qu’il est éteint, parce que, par vous-même, vous n’êtes rien. Je vous ai donné, il est vrai, la matière avec laquelle vous pouvez recevoir et conserver en vous cette lumière ; cette matière, c’est l’amour, parce que je vous ai créés par amour ; aussi, ne pouvez-vous vivre sans amour.

Cet être, qui vous a été donné par amour, a trouvé dans le saint baptême, par la vertu du Sang de ce Verbe, la disposition sans laquelle vous ne pourriez participer à cette lumière. Vous seriez comme un cierge, sans mèche, qui ne saurait brûler et qu’il est impossible d’allumer, si, avec le sentiment d’une âme créée par moi, faite pour aimer, — et tellement qu’elle ne peut vivre sans amour, que son aliment c’est l’amour, — vous n’aviez reçu dans le saint baptême, la très sainte foi unie à la grâce. La très sainte foi, voilà la mèche qui peut s’enflammer à cette lumière ! Et où donc l’âme ainsi préparée allumera-t-elle son flambeau ? Au feu de ma divine charité, en m’aimant, en me craignant, en suivant la doctrine de ma Vérité.

Il est vrai que l’âme s’enflamme plus ou moins, comme je t’ai dit, suivant la matière qu’elle apportera pour alimenter ce feu ! Bien, que tous, en effet, vous ayez une même matière, puisque tous vous avez été créés à mon image et ressemblance et que tous, vous les chrétiens, vous possédez la lumière du saint baptême, chacun cependant peut croître en amour et en vertu, selon qu’il le veut, avec le secours de ma grâce. Non que vous changiez, pour prendre une autre forme que celle que je vous ai donnée ; mais vous accroissez, vous développez l’amour de la vertu par la pratique même de la venu, et le sentiment de la charité par l’exercice de votre libre arbitre, pendant que le temps vous en est donné car, le temps passé, vous ne le pourrez plus faire.

Ainsi, il dépend de vous de croître en amour, et c’est avec cet amour, que vous vous approchez de cette douce et glorieuse lumière, qui vous est distribuée par mes ministres auxquels je l’ai confiée, et que je vous ai donnée comme une nourriture. Tant vous apporterez d’amour et d’ardent désir, tant vous participerez à cette lumière. Vous ne la recevrez pas moins tout entière, comme je te l’ai expliqué par l’exemple de ceux qui participaient à la lumière suivant le poids des cierges qu’ils venaient y allumer, bien que chacun semblât avoir la lumière tout entière, sans division aucune. Ainsi la lumière de mon Fils ne peut être divisée, ni par l’imperfection de celui qui la reçoit, ni par la faute de celui qui l’administre. Mais cependant vous ne participez à cette lumière, vous n’en recevez de grâce en vous, que dans la mesure de vos dispositions, de votre saint désir. Qui s’approcherait de ce sacrement, en péché mortel, n’en recevrait aucune grâce, quoiqu’il reçut réellement Dieu tout entier, et l’homme, tout entier, comme je te l’ai dit.

Sais-tu à quoi ressemble cette âme qui reçoit le Sacrement indignement ? A un cierge qui serait tombé dans l’eau, et qui ne fait que crépiter quand on l’approche du feu ; veut-on y introduire la flamme, elle s’éteint, et il n’en reste que de la fumée. Cette âme, elle aussi, porte en elle son cierge, qu’elle a reçu au saint baptême, mais elle l’a jeté dans l’eau de la faute qu’elle a commise, au dedans d’elle-même. Cette eau a mouillé la mèche, cette lumière de la grâce qui lui fut donnée dans le saint baptême, et tant qu’elle n’a pas été séchée, au feu d’une véritable contrition accompagnée de l’aveu de la faute, elle va, à la table de l’autel, recevoir cette lumière, réellement, mais non spirituellement. Quand l’âme n’est pas préparée comme il convient à un si grand mystère, cette vraie lumière ne demeure pas en elle par la grâce ; elle s’éteint aussitôt, et l’âme se trouve en une confusion plus grande, en des ténèbres plus épaisses, avec une faute plus lourde à porter. De ce Sacrement, elle ne retire qu’un remords plus criant dans sa conscience, non par le défaut de cette lumière inaltérable, mais par l’effet de l’eau criminelle qui est dans cette âme, et qui fait obstacle au sentiment qu’elle devrait avoir, pour participer à la lumière.

Tu vois donc bien que cette lumière est inséparable de la chaleur et de la couleur auxquelles elle est unie. Cette union, rien ne la peut rompre, ni la faiblesse du désir qui porte l’âme à s’approcher de ce sacrement, ni la faute même de l’âme qui le reçoit, ni le péché de celui qui l’administre. Le soleil, t’ai-je dit, éclaire une chose immonde, sans en être impur, de même, en ce sacrement, cette douce lumière ne peut être souillée, ni divisée, ni diminuée ; rien ne peut l’atteindre ni la faire dévier de son centre. Quand le monde entier communierait à la lumière et à la chaleur de ce Soleil, ce Verbe soleil, mon Fils unique, ne se séparerait jamais de Moi, le Soleil Père éternel.

Par le corps mystique de la sainte Église, il est administré à quiconque veut le recevoir ; mais il n’en demeure pas moins tout entier, et bien que vous le receviez, Dieu et homme, tout entier, comme je te l’ai expliqué par l’exemple de la lumière, alors même que tous les hommes viendraient allumer leur flambeau à cette lumière, ils la recevraient tout entière. mais elle n’en demeurerait pas moins tout entière.