Le Dialogue (Hurtaud)/123

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Traduction par Hurtaud.
Lethielleux (p. 62-65).


CHAPITRE XIV

(123)

De maints autres vices de ces mauvais prêtres ; en particulier de la fréquentation des cabarets, du jeu, et du concubinage.

Quelle est donc la source de tant de corruption dans leur âme ? — Leur sensualité.

Leur amour-propre a fait de leur sensualité, une reine, à laquelle ils ont assujetti la pauvre âme, comme une esclave. Je les avais fait libres, cependant, par le sang de mon Fils, lors de l’affranchissement général, quand toute la race humaine fut soustraite à la domination du démon, qui la tenait en esclavage. A cette grâce, participe toute créature, raisonnable, mais, spécialement, mes oints, que j’ai délivrés, eux, de la servitude du monde, pour les attacher à mon service à Moi, le Dieu éternel, et les charger d’administrer les Sacrements de la sainte Église. J’ai eu tant de souci de leur liberté, que je n’ai pas voulu, ni ne veux encore, qu’aucun prince temporel se constitue leur juge.

Sais-tu, fille bien-aimée, comment ils me remercient d’un si grand bienfait ? Leur remerciement consiste à m’outrager sans cesse, par tant de crimes de toutes sortes, que la langue ne les pourrait raconter et que tu n’aurais pas la force de les entendre. Je veux cependant t’en dire quelque chose, outre ce que je t’ai déjà conté, pour te fournir un sujet de compassion et de larmes.

Ils doivent demeurer à la table de la très sainte Croix, par le saint désir, et s’y nourrir des âmes, pour mon honneur à Moi. Toute créature raisonnable le doit faire, et combien plus, ceux que j’ai élus, pour vous distribuer le corps et le sang du Christ crucifié, mon Fils unique, pour vous donner l’exemple d’une bonne et sainte vie par leurs travaux, et pour faire leur nourriture de vos âmes, par un grand et saint désir de votre salut, à l’exemple de ma Vérité. Mais, leur table à eux, elle est dans les tavernes. C’est là qu’on les trouve, jurant et parjurant, étalant publiquement leurs misères et leurs vices. Ils sont comme des insensés, des hommes sans raison. Leurs vices ont fait d’eux des animaux. Chez eux, actions, gestes, paroles, tout est lascif, et c’est là qu’ils se complaisent.

L’office, ils ne savent plus guère ce que c’est, et si parfois ils le récitent, c’est des lèvres seulement, leur cœur est loin de moi. Ils se conduisent, comme des libertins et des fripons. Comme ils ont joué leur âme qu’ils ont engagée au démon, ils jouent maintenant les richesses de l’Église et ses biens temporels, dissipant ainsi ce qu’ils ont recu par la vertu du Sang. En conséquence, les pauvres n’ont plus la part qui leur est due, et l’Église est dépouillée, elle n’a plus même les objets nécessaires au culte. Ils sont devenus les temples du démon, comment s’étonner qu’ils n’aient plus soin de mon temple. Ces ornements dont ils devraient enrichir le temple et l’Église pour honorer le Sang, c’est maintenant aux maisons qu’ils habitent qu’ils les réservent.

Et bien pis encore ! Jouant à l’époux qui orne sa propre épouse, ces démons incarnés parent des dépouilles de l’Église la complice diabolique de leur injustice et de leur impudicité. Sans la moindre honte, ils la feront assister à l’office, pendant qu’ils célèbrent à l’autel, sans trouver mauvais que cette malheureuse, tenant ses enfants par la main, se présente à l’offrande avec le peuple !

O démons, plus démons que les démons ! Si du moins vous aviez quelque souci de ne pas afficher ainsi vos iniquités, aux yeux de ceux dont vous avez la charge ! En les commettant dans le secret, vous m’offenseriez encore, Moi, et vous vous perdriez vous-mêmes ; mais du moins, vous n’entraîneriez pas les autres dans votre ruine, par l’étalage de votre vie criminelle. Vos exemples leur sont un motif, non seulement de ne point sortir de leurs péchés, mais encore d en commettre de semblables, ou de plus graves encore. Est-ce là, la pureté que j’exige de mon ministre, quand il monte à l’autel ? Le matin, l’âme souillée dans un corps corrompu, il se lève de la couche, où il gisait dans le péché mortel, dans le péché immonde, et il s’en va célébrer. Et c’est là, la pureté ? O tabernacle du démon ! Où sont les veilles de la nuit, dans la solennité pieuse de l’office divin ? Où, la prière assidue et fervente ? N’est-ce pas ainsi, que pendant les heures de la nuit, tu devais te préparer au ministère que tu avais à célébrer le matin, en apprenant à te connaître toi-même, et à te juger, par cette connaissance même, indigne d’une si haute fonction ; en apprenant à me connaître aussi, Moi qui, par ma Bonté, t’ai élevé à cette dignité, sans aucun mérite de ta part, et t’ai fait mon ministre, pour le service de mes autres créatures !