Le Dialogue (Hurtaud)/166

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Traduction par Hurtaud.
Lethielleux (p. 321-327).

CONCLUSION

CHAPITRE I

(166)

Résumé de tout le livre.

Maintenant, fille très chère et très aimée, j’ai satisfait ton désir au sujet de l’obéissance, du commencement à la fin.

S’il t’en souvient, tu me présentas d’abord, avec un désir plein d’angoisse que je t’inspirai moi-même pour faire croître en ton âme le feu de ma charité, quatre demandes.

La première pour toi : je l’ai exaucée, en t’illuminant de ma vérité, et en t’expliquant par quel moyen tu pourras parvenir à connaître la vérité à laquelle tu aspirais de toute ton âme. Ce moyen, t’ai-je dit, c’est la connaissance de toi-même et de moi, à la lumière de la foi.

Tu m’as demandé, en second lieu, que je fasse miséricorde au monde.

La troisième prière était pour le corps mystique de la sainte Église. Tu me suppliais de le délivrer des ténèbres et des persécutions, t’offrant toi-même pour que je punisse sur toi les iniquités des ministres. Je t’expliquai alors qu’aucune peine temporelle et transitoire n’est capable de satisfaire par elle-même à l’offense commise contre moi, le bien infini. Elle n’est vraiment satisfaisante, que si elle est unie au désir de l’âme et accompagnée de la contrition du cœur. Comment ? Je te l’ai exposé tout au long.

Je t’ai dit que je veux faire miséricorde au monde, en te montrant que la miséricorde est ma marque distinctive. C’est par miséricorde, c’est à cause de l’amour ineffable que j’eus pour l’homme, que j’envoyai le Verbe, mon Fils unique, et pour te faire bien comprendre le don de ma charité, je l’ai comparé à un pont, qui relie le ciel à ]a terre, par l’union de la nature divine à votre nature humaine.

Pour t’éclairer davantage encore de ma Vérité, je t’ai exposé comment l’on montait ce pont par trois degrés qui sont les trois puissances de l’âme. Je t’ai aussi représenté ces trois degrés sur le corps même du Verbe, par les pieds, par le côté, par la bouche, correspondant aux trois états de l’âme : l’état imparfait, l’état parfait et l’état très parfait, dans lequel l’âme atteint l’excellence de l’amour unitif.

Dans chacun de ces états, je t’ai indiqué ce qui détruit l’imperfection et procure la perfection quelle voie il faut suivre pour y arriver ; les embûches cachées du démon et l’amour-propre spirituel.

Je t’ai entretenue à propos de ces trois états, des trois réprimandes que fait nia clémence. La première est adressée à l’homme pendant sa vie ; la seconde, à la mort, pour ceux qui meurent sans espérance, en état de péché mortel ; ce sont eux qui s’engagent sous le pont dans la voie du démon ; je t’ai dit leurs misères. La troisième réprimande, je la ferai entendre au jugement général. Je te parlai à cette occasion de la peine (les damnés et de la gloire des bienheureux, quand chacun aura retrouvé la propriété de son corps.

Je te promis aussi, et je te promets encore, que par la grande patience de mes serviteurs, je réformerai mon Epouse, je vous invitai tous à souffrir pour elle, en te confiant la douleur que me causait l’iniquité de mes ministres. Je t’ai fait voir l’excellence des prêtres dans la dignité à laquelle je les ai élevés, et le respect que j’exige pour eux de la part des séculiers. Leurs défauts ne doivent diminuer en rien le respect à leur égard. J’ai dit combien c’est me déplaire que d’en agir autrement. En même temps et par contraste, tu as pu considérer la vertu de ceux qui vivent comme des anges. A ce sujet, je t’ai entretenue de l’excellence du sacrement de l’autel.

En traitant des trois états de l’âme, je t’ai fait connaître les états des larmes, d’où elles procèdent, et comment elles se réfèrent aux différents états intérieurs. Toutes les larmes, ai-je dit, ont leur source dans le cœur, et je t’ai expliqué pourquoi. Je t’ai distingué quatre sortes de larmes, puis une cinquième qui cause la mort.

A ta quatrième prière, qui portait sur un objet tout particulier, j’ai répondu que j’avais pourvu au cas spécial dont il s’agissait, et tu sais comment je l’ai fait. C’est à ce propos que je t’ai expliqué ma providence générale et particulière, en te montrant comment du premier instant de la création jusqu’au dernier jour du monde, rien n’a été fait et rien ne se fait que par le conseil de ma divine providence. Dans tout ce que je permets, dans tout ce que je vous donne, dans les tribulations et dans les consolations, temporelles ou spirituelles, je ne fais rien que pour votre bien, pour que vous soyez sanctifiés en moi, pour que ma Vérité s’accomplisse en vous. Ma Vérité c’est que je vous créai pour que vous possédiez la vie éternelle, et cette vérité, je vous la rendis sensible par le sang du Verbe, mon Fils unique.

Enfin, en dernier lieu, j’ai satisfait au désir que tu m’exprimais en même temps qu’à la promesse que je t’avais faite, en t’entretenant de la perfection de l’obéissance et de l’imperfection de la désobéissance. J’ai dit d’où vient l’obéissance, ce qui la fait perdre. Je l’ai comparée à une clef nécessaire à tous. Puis je t’ai parlé de l’obéissance particulière dans les parfaits et dans les imparfaits, en ceux qui sont dans la religion et en ceux qui vivent en dehors de la religion, en déterminant distinctement et à part, la condition de chacun. Tu as vu la paix que procure l’obéissance, la guerre soulevée par la désobéissance, tuas pu comprendre quelle profonde illusion est celle du désobéissant, et comment la mort est entrée dans le monde, par la désobéissance d’Adam.

Maintenant, moi, Père éternel, souveraine et immuable Vérité, je clos ce discours en affirmant que par l’obéissance du Verbe, mon Fils unique, vous avez la vie. Comme tous dans le vieil homme, le premier Adam, vous avez contracté la mort, ainsi tous ceux qui veulent porter la clef de l’obéissance, reçoivent la vie par l’homme nouveau, le doux Christ Jésus, duquel pour vous j’ai fait un pont car la route qui menait au ciel avait été rompue.

Pour finir, je vous invite tous à pleurer, toi et mes serviteurs. C’est par vos larmes et par vos humbles et continuelles prières que je veux faire miséricorde au monde. Morte à toi-même, élance-toi dans ce chemin de la vérité. Cours, oui, cours, pour que je ne puisse pas te reprocher d’aller lentement. Car désormais, je serai plus exigeant pour toi que je ne l’étais auparavant, après m’être manifesté moi-même à toi dans ma vérité. Garde-toi bien de jamais sortir de la cellule de la connaissance de toi-même. Conserve la, dans cette cellule intérieure, et exploite le trésor que je t’ai donné. C’est une doctrine de vérité fondée sur la roche vive, le doux Christ Jésus. La lumière qu’elle rayonne fait discerner les ténèbres. Revêts-toi donc de cette lumière, fille très douce et bien-aimée, ô ma vraie fille !


CHAPITRE II

(167)

Comment cette âme très dévote, en remerciant et en louant Dieu prie pour le monde entier et pour la sainte Etlise. Elle termine cet ouvrage en recommandant la vertu de foi.

Alors, cette âme, qui avec le regard de l’intelligence et à la lumière de la très sainte foi, avait vu et connu la Vérité et l’excellence de l’obéissance, qui l’avait entendue par le sentiment, goûtée par l’amour, dans un désir pâmé, qui fixait toute son âme dans la divine Majesté, lui rendait grâce : Merci, disait-elle, merci à vous Père éternel, qui ne m ’avez pas méprisée, moi, votre créature, qui n’avez pas détourné de moi votre visage, mais avez au contraire exaucé mes désirs. Vous la lumière, vous n’avez pas regardé à mes ténèbres ; vous la vie, vous ne m’avez pas repoussée, moi qui suis la mort. Vous le médecin, vous n’avez pas fui de moi, à cause de mes graves infirmités. Vous, pureté éternelle, vous n’avez pas été rebuté par mes innombrables souillures. Vous l’Infini, vos yeux se sont abaissés sur moi, qui suis finie. Vous la sagesse, vous avez condescendu à ma folie. Ni le nombre et l’énormité de mes fautes n’ont arrêté votre sagesse, votre bonté, votre clémence, votre bien infini, et vous ne m’avez point méprisée, malgré les innombrables misères qui sont en moi. Votre clémence m’a fait connaître la vérité et avec elle j’ai trouvé votre charité et l’amour du prochain. Et qui donc vous a déterminé ? Pas mes vertus assurément, mais votre amour, uniquement votre amour ! C’est votre amour qui vous a porté à éclairer mon intelligence de la lumière de la foi, pour que je puisse connaître et entendre la vérité que vous m’avez révélée.

Faites que nia mémoire soit capable de conserver vos bienfaits, que nia volonté brûle du feu de votre charité, et que ce feu fasse bouillonner dans mes veines et répandre pour vous, tout mon sang qu’avec le sang versé pour l’amour du Sang et avec la clef de l’obéissance, j’ouvre enfin la porte du ciel. Cette même grâce, je vous la demande aussi, et de tout mon cœur, pour toute créature raisonnable en général et en particulier, et pour le corps mystique de la sainte Église. Je confesse et je ne nie pas, que vous m’avez aimée avant que je ne fusse et que vous m’aimez ineffablement, comme si vous étiez fou de votre créature.

O Trinité éternelle ! ô Déité ! ô Nature divine qui avez donné un tel prix au sang de votre Fils ! Vous, Trinité éternelle, vous êtes une mer sans fond où plus je me plonge, plus je vous trouve, et plus je vous trouve, plus je vous cherche encore. De vous, jamais on ne peut dire : c’est assez ! L’âme qui se rassasie dans vos profondeurs vous désire sans cesse, parce que toujours elle est affamée de vous, Trinité éternelle ; toujours elle souhaite de voir votre lumière dans votre lumière. Comme le cerf