Le Dialogue (Hurtaud)/2

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Traduction par Hurtaud.
Lethielleux (p. 7-8).


1ère réponse

MISÉRICORDE À CATHERINE

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DON DE LA DISCRÉTION

OU DU DISCERNEMENT SPIRITUEL


CHAPITRE I

(2)


Comment s’accroît le désir de cette âme, quand Dieu lui découvre la détresse du monde.


Grand était ce désir et continuel. Mais il s’accrut bien davantage, quand la Vérité première lui eut fait voir la misère du monde, et dans quel péril il se trouvait par ses offenses contre Dieu. Elle avait aussi reçu du Père de son âme une lettre où il lui découvrait la peine et la douleur intolérable que lui causait l’outrage à la majesté divine, la perte des âmes et la persécution de la sainte Église. Tout cela attisait le feu du désir. À la douleur qu’elle ressentait de l’injure faite à la Divinité se joignait chez elle l’allégresse d’une vive confiance qui lui faisait espérer que Dieu pourvoirait à tant de maux. Et parce que, dans la sainte communion, l’âme plus doucement resserre les liens entre elle et Dieu et connaît mieux sa vérité, — puisqu’alors l’âme est en Dieu et Dieu dans l’âme, comme le poisson est dans la mer et la mer dans le poisson — elle souhaita ardemment d’arriver au matin pour assister à la messe. Ce jour-là était le jour de Marie.

Le matin venu, à l’heure de la messe, elle se rendit à sa place, toute angoissée de désir, pénétrée de la connaissance d’elle-même, rougissant de son imperfection, s’estimant la cause de tout le mal qui se faisait dans le monde entier, concevant avec un sentiment de sainte justice la haine et le mépris d’elle-même, Par cette connaissance, par cette haine, par cette justice elle purifiait les souillures qui lui paraissaient être dans son âme, par sa faute. « Ô Père éternel, disait-elle, contre moi, j’en appelle moi-même à vous ! Punissez-moi des offenses en ce temps qui passe. Et puisque je suis cause par mes péchés des peines que doit porter mon prochain, je vous demande en grâce de le punir sur moi. »