Le Dialogue (Hurtaud)/3

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Traduction par Hurtaud.
Lethielleux (p. 9-10).
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CHAPITRE II

(3)


Comment les œuvres finies sont insuffisantes pour expier et pour mériter, sans le sentiment intérieur et continuel de la charité.


C’est alors que l’éternelle vérité éleva et emporta vers elle plus fortement encore le désir de cette âme.

Dans l’ancienne alliance, quand on offrait un sacrifice à Dieu, le feu descendait du ciel et consumait pour lui le sacrifice qu’avait agréé le Très-Haut. Ainsi faisait à cette âme la douce Vérité, Elle envoyait le feu de la clémence de l’Esprit-Saint et il dévorait le sacrifice de désir, qu’elle faisait d’elle-même. Dieu lui disait : « Ne sais-tu pas, ma fille, que toutes les peines que l’âme supporte ou peut supporter en cette vie ne suffisent pas à punir même la plus petite faute. L’offense qui m’est faite à moi, le Bien infini, appelle une satisfaction infinie. C’est pourquoi je veux que tu saches que toutes les peines de cette vie ne sont pas une punition, mais une correction : elles sont faites pour châtier le fils, quand il s’oublie. Mais c’est avec le désir de l’âme que l’on expie, c’est par la vraie contrition, c’est par le regret du péché que l’on satisfait à la faute et à la peine. Une souffrance infinie est impuissante, il faut le désir infini.

« Infini je suis, et je veux un amour infini, une douleur infinie. Cette douleur infinie je la réclame de la créature, et pour ses propres offenses personnelles commises contre moi son Créateur, et pour celles qu’elle voit commettre par le prochain. Ceux-là seuls ont un désir infini, qui sont unis à moi par affection d’amour. C’est à ce titre qu’ils s’affligent lorsqu’ils m’offensent ou qu’ils me voient offensé. Toutes leurs peines, soit spirituelles, soit corporelles, de quelque côté qu’elles viennent, reçoivent ainsi un mérite infini et satisfont à la faute qui est due à une peine infinie, bien qu’elles soient des œuvres finies, faites dans un temps fini. La vertu du désir a agi en elles. Elles ont été supportées, avec désir et contrition et déplaisir infinis de la faute. De là leur prix. C’est ce que nous montre Paul quand il dit : Quand je parlerais la langue des anges, quand je connaîtrais les choses à venir, quand je donnerais mes biens au pauvres, quand je livrerais mon corps au bûcher, si je n’ai pas la charité, tout le reste n’est rien[1]. Ces paroles du glorieux apôtre font bien voir que les œuvres finies ne sont suffisantes ni pour expier ni pour mériter sans le condiment de la charité.

  1. I Cor. xiii, 1-3.