Le Dialogue (Hurtaud)/23

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Traduction par Hurtaud.
Lethielleux (p. 78-81).


CHAPITRE VII

(23)

Comment nous sommes tous les ouvriers de Dieu dans la vigne de la Sainte Église ; et comment chacun possède une vigne à soi qui est lui-même, et comment tous doivent être unis à la vraie vigne du Fils de Dieu.

Ici, la Vérité éternelle montrait à cette âme qu’elle nous avait créés sans nous, mais qu’elle ne nous sauverait pas sans nous. Dieu veut que par notre libre arbitre et par notre volonté libre, nous employions le temps qui nous est donné à l’exercice des vraies vertus. Et il ajoutait aussitôt : il faut que tous vous passiez par ce pont, cherchant la gloire et l’honneur de mon nom dans le salut des âmes, supportant comme expiation de nombreuses fatigues, et suivant les traces de ce doux verbe d’amour. Pas d’autre moyen pour vous de venir à moi. Vous êtes mes ouvriers que j’ai mis à travailler dans la vigne de la sainte Église. Vous travaillez dans le corps universel de la religion chrétienne, placés là par moi, après vous avoir donné la lumière du saint baptême que vous avez reçu du corps mystique de la sainte Église, par les mains de mes ministres, que j’ai envoyés pour travailler avec vous. Vous, vous êtes dans le corps universel ; eux, sont dans le corps mystique, employés à paître vos âmes, en vous distribuant le Sang par les sacrements que vous recevez d’eux, en arrachant les épines de vos péchés mortels, et en semant en vous la grâce. Ils sont mes ouvriers dans la vigne de votre âme unie à la vigne de la Sainte Église.

Toute créature douée de raison possède en elle-même une vigne, qui est la vigne de son âme. C’est la volonté par le libre arbitre qui est l’ouvrier de cette vigne, durant le temps de la vie ; passé ce temps, il n’y peut plus faire aucun travail, ni bon ni mauvais, mais pendant la vie, elle peut cultiver sa vigne dans laquelle je l’ai envoyée. Si grande est la force dont je l’ai revêtue pour cette culture de l’âme, que ni le démon, ni une autre créature ne peuvent l’en dépouiller si elle ne le veut pas. C’est dans le baptême, qu’elle a reçu cette force, et qu’en même temps lui fut donné le glaive de l’amour de la vertu et de la haine du vice. C’est pour cet amour et cette haine, pour l’amour de vous et en haine du péché, qu’est mort mon Fils unique, en répandant pour vous tout son sang. Et c’est cet amour et cette haine que vous trouvez dans le saint baptême qui vous rend la vie par la vertu de son sang. Vous avez en main l’arme que vous devez user en par votre libre arbitre pendant qu’il en est temps, pour arracher les épines des péchés mortels et pour semer la vertu. sans cela, vous n’auriez point part au fruit du Sang, que distribuent les ouvriers placés par moi dans la sainte Église, pour arracher le péché mortel de la vigne de l’âme et lui donner la grâce, par les sacrements qui contiennent le Sang et sont administrés par l’Église. Il faut donc tout d’abord, vous purifier par la contrition du cœur et la détestation du péché, et par l’amour de la vertu, avant de recevoir le prix du Sang. Vous ne le pourriez recevoir si vous ne vous disposiez pas de votre côté à devenir de bons rameaux unis au cep de la vigne, mon Fils unique qui a dit : "C’est moi qui suis la Vigne, mon Père est le vigneron, et vous êtes les rameaux" (Jn 15, 45).

Telle est la vérité. C’est bien moi qui suis le vigneron, puisque toute chose qui a l’être, est venue et vient de Moi. Ma puissance est incompréhensible et par ma puissance et ma vertu je gouverne tout l’univers, si bien que rien n’est fait ni ordonné en dehors de moi. Oui je suis le vigneron ; c’est moi qui ai planté la vraie vigne de mon Fils unique dans la terre de votre humanité, pour que vous les rameaux, unis à cette vigne, vous portiez des fruits. Qui ne produira pas le fruit des œuvres bonnes et saintes sera retranché de la Vigne et se desséchera ; car, séparé du cep, il perd la vie de la grâce et est jeté au feu éternel, comme la branche qui ne porte pas de fruit est taillée et mise au feu parce qu’elle n’est plus bonne à autre chose. Ainsi en va-t-il pour ceux-là. Coupés de la Vigne par leur propre faute, s’ils demeurent dans le péché mortel, la divine Justice ne peut rien que les jeter au feu qui brûle éternellement. Ils n’ont pas travaillé leur vigne ; bien plus, ils l’ont détruite, et non seulement la leur, mais encore celle d’autrui. Loin d’y cultiver quelque bonne plante de vertu, ils en ont arraché la semence de grâce qu’ils avaient reçue par la lumière du saint baptême, en participant au sang de mon Fils, qui fut le vin que produisit pour vous cette Vigne véritable. Cette semence ils l’ont arrachée pour la jeter en pâture aux animaux, c’est-à-dire à leurs péchés aussi nombreux que variés. Ils l’ont foulée aux pieds de leur affection déréglée, pour mon offense, pour leur malheur et celui du prochain.

Ce n’est pas ainsi que font mes serviteurs, et c’est comme eux que vous devez faire, en demeurant unis à cette vigne et greffés sur elle. Dès lors vous produirez des fruits abondants, parce que vous participerez à la sève du cep. En demeurant dans le Verbe mon Fils, vous demeurez en moi, parce que je suis une même chose avec lui, et lui avec moi. En demeurant en lui, vous suivrez ses enseignements ; en suivant ses enseignements vous participerez de la substance de ce Verbe, c’est-à-dire que vous participerez de ma Divinité éternelle, unie à l’humanité, et puiserez en elle un amour divin où l’âme s’enivre. Voilà pourquoi je t’ai dit que vous participez à la substance de la Vigne.