Le Dialogue (Hurtaud)/24

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Traduction par Hurtaud.
Lethielleux (p. 82-84).


CHAPITRE VIII

(24)

De quelle manière Dieu façonne les rameaux unis au cep, et comment la vigne de chacun est si étroitement unie à celle du prochain, que l’on ne peut cultiver ou ravager l’une sans l’autre.

Sais-tu comment j’en use avec mes serviteurs quand ils sont dociles à suivre les enseignements du doux Verbe d’amour ? Je les façonne, pour leur faire porter des fruits abondants et savoureux, et non des fruits sauvages. De même que l’ouvrier dispose le bon rameau qu’il a laissé sur la vigne, pour qu’il produise à souhait un vin généreux, ainsi fais-je, moi, le vrai vigneron. Mes serviteurs qui demeurent en moi, je les façonne par beaucoup de tribulations pour qu’ils donnent plus de fruits et de meilleure qualité, et prouvent par là même, la vertu qui est en eux ; ceux qui sont stériles je les coupe et je les mets au feu, comme il a été dit. Mes bons ouvriers sont ceux qui travaillent bien leur âme, y arrachant tout amour-propre et retournant en moi la terre de leur affection. Ils nourrissent ainsi et développent la semence de grâce qu’ils ont reçue au saint baptême.

En cultivant leur âme, ils cultivent aussi celle du prochain. Ils ne peuvent cultiver l’une sans l’autre : souviens-toi que tout mal et tout bien se fait par le moyen du prochain.. C’est ainsi que vous êtes mes ouvriers, envoyés par moi le grand et éternel Ouvrier, qui vous ai entés sur la Vigne par l’union que j’ai faite avec vous.

Dis-toi donc bien que chaque créature raisonnable a sa vigne immédiatement attenante à celle du prochain. L’une et l’autre sont tellement conjointes, que nul ne peut se faire du bien ou se nuire à soi-même qu’en même temps il ne fasse du bien ou ne nuise au prochain. Tous ensemble vous ne formez qu’une seule vigne universelle, qui est la société des chrétiens unie à la vigne du corps mystique de l’Église dont vous tirez la vie. Dans cette vigne est planté un Cep, mon Fils unique, sur lequel vous devez être greffés. Si vous n’êtes entés sur lui, vous êtes par là même en rébellion contre la sainte Église, vous êtes comme des membres retranchés du corps et qui par le fait entrent en décomposition. Il est vrai que, pendant que vous en avez le temps, vous pouvez vous débarrasser d’abord de cette pourriture du péché par un vrai repentir et recourir à mes ministres qui sont mes ouvriers et qui ont en dépôt les clefs du vin, c’est-à-dire du sang, sorti de cette vigne. Ce sang est si efficace et si parfait qu’aucun défaut dans le ministre, ne peut altérer le fruit de ce sang. C’est la charité qui relie les rameaux au cep par une véritable humilité, acquise dans une connaissance vraie de soi-même et de Moi. Ainsi tu vois que je vous ai tous envoyés comme ouvriers dans ma vigne. Et je vous y invite de nouveau, car le monde devient de plus en plus mauvais : les épines s’y sont multipliées au point qu’elles ont étouffé la semence et qu’il ne veut plus produire aucun fruit de grâce. Je veux donc que vous soyez de vrais ouvriers qui s’emploient avec beaucoup de zèle à cultiver les âmes dans le corps mystique de la sainte Église. Si je vous dis cela, c’est que je veux faire miséricorde au monde pour lequel tu me pries tant !