Le Dialogue (Hurtaud)/61

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Traduction par Hurtaud.
Lethielleux (p. 203-204).


CHAPITRE XXXI

(61)

Comment Dieu se manifeste lui-même à l’âme qu’il aime.

Sais-tu comment je me manifeste moi-même à l’âme qui m’aime en vérité, en suivant la doctrine de ce doux Verbe d’amour ? Je manifeste ma vertu à l’âme de diverses manières, suivant le désir qu’elle en a, mais il y en a trois principales manifestations :

1.- Je manifeste dans l’âme ma vertu, c’est-à-dire mon affection et ma charité, premièrement par l’INTERMEDIAIRE du Verbe mon Fils. Cette affection, cette charité éclate dans le sang répandu avec un si beau feu d’amour. Et cette charité se manifeste ainsi de deux manières : l’une générale, vis-à-vis du commun des hommes, c’est-à-dire vis-à-vis de ceux qui demeurent dans la charité commune. A ceux-là je me manifeste, en leur prouvant jusqu’à l’évidence ma charité, par les nombreux et divers bienfaits qu’ils reçoivent de moi.

L’autre manière plus particulière, concerne ceux qui sont devenus mes amis. En plus de la manifestation commune, ceux-là goûtent et connaissent, ils éprouvent, ils sentent par expérience ma charité au fond de leurs âmes.

2.- La seconde manifestation de ma charité a lieu DANS L’AME MEME, quand je me révèle moi-même à elle par sentiment d’amour. Non que je fasse acception des créatures : je ne regarde qu’au saint désir. Mais je me manifeste à l’âme avec la même perfection qu’elle me cherche. Quelquefois je me révèle à elle — et c’est le second genre de manifestation dans l’âme — en lui donnant l’esprit de prophétie, en lui découvrant les choses futures, et de bien des manières différentes, suivant que je le juge conforme aux besoins de cette âme ou des autres créatures.

3.- D’autres fois — c’est le troisième genre de manifestation — je me révèle par le sentiment de la PRESENCE DE MA VERITE, mon Fils unique, dans l’esprit de mes serviteurs, suivant des modes divers, en conformité avec les désirs et la volonté de l’âme. Tantôt elle me cherche dans la sagesse de mon Fils, et je l’exauce en le proposant pour objet au regard de son intelligence ; tantôt elle me cherche dans la clémence de l’Esprit-Saint, et alors a Bonté lui fait goûter le feu de ma divine Charité, en lui faisant concevoir les vraies et réelles vertus, fondées sur la charité pure du prochain.