Le Dialogue (Hurtaud)/65

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Traduction par Hurtaud.
Lethielleux (p. 217-218).


CHAPITRE XXXV

(65)

Du moyen que doit employer l’âme pour parvenir à l’amour pur et libre.

Voilà donc l’âme entrée en elle-même. En suivant la doctrine du Christ crucifié, par un véritable amour de la vertu et par la haine du vice, elle est arrivée, à force de persévérance, à la cellule de la connaissance d’elle-même. Elle s’y tient recluse dans les veilles et les prières continuelles, complètement séparée de la conversation du siècle. Elle s’y est enfermée elle-même, par crainte, connaissant bien son imperfection, et par le désir qu’elle a d’atteindre à l’amour épuré et libre. Voyant et sachant bien qu’il n’est point d’autre moyen pour elle d’y parvenir, elle y attend, avec une foi vive, ma venue par un accroissement de grâce en elle.

Mais à quel signe reconnaître la foi vive ? — A la persévérance dans la vertu, à l’application continuelle dans la sainte oraison, quoiqu’il arrive ; car, à moins que l’obéissance ou la charité n’en fassent une obligation, l’on ne doit jamais quitter l’oraison.

Il n’est pas rare en effet, que le démon choisisse de préférence le temps de l’oraison, pour tourmenter l’âme et lui donner l’assaut. Il cherche ainsi à lui inspirer l’ennui de la sainte prière. Cette oraison ne te vaut rien, lui souffle-t-il souvent ; car dans la prière tu ne dois pas penser à autre chose, avoir d’attention à autre chose, qu’à ce que tu dis. Le démon lui insinue de semblables idées pour lui donner du dégoût, jeter la confusion dans son esprit, et l’amener à abandonner l’exercice de l’oraison. Car l’oraison est une arme avec laquelle l’âme se défend contre tous ses ennemis, quand elle est tenue par la main de l’amour et brandie par le bras du libre arbitre, dirigé par la lumière de la très sainte Foi.