Le Dialogue (Hurtaud)/87

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Traduction par Hurtaud.
Lethielleux (p. 301-302).


CHAPITRE LVII

(87)

Comment cette âme demande à Dieu de vouloir bien lui faire goûter les fruits des larmes.

Alors cette âme, angoissée d’un immense désir, était enivrée de son union avec Dieu, et de ce qu’elle avait entendu et goûté de la douce Vérité première. Si l’aveuglement des créatures qui méconnaissent leur bienfaiteur et la profondeur de la Charité divine la brisait de douleur, une espérance cependant la remplissait d’allégresse. De la Vérité divine elle-même elle avait reçu une promesse, quand Dieu lui avait appris ce qu’elle devait faire avec ses autres serviteurs, s’ils voulaient qu’il fit miséricorde au monde. Levant le regard de son intelligence vers la douce Vérité à laquelle elle se tenait unie, elle souhaitait d’avoir une explication au sujet des états d’âme dont Dieu lui avait parlé. Elle voyait que c’est par les larmes, que l’âme parvient à ces états : elle voulait donc apprendre de la Vérité les différences des larmes, ce qu’elles sont, d’où elles procèdent, et les fruits qu’elles produisent.

Comme la vérité ne se peut connaître que dans la Vérité elle-même, c’est la Vérité qu’elle interrogeait, et comme aussi bien on ne peut rien connaître dans la Vérité que par le regard de l’intelligence, il faut donc, que quiconque veut apprendre, s’élève par le désir de connaître et par la lumière de la foi, vers la Vérité, et qu’il fixe l’œil de l’intelligence avec la pupille de la foi sur l’objet de la Vérité. Après donc qu’elle eut connu que la doctrine qu’elle avait reçue de la Vérité divine était présente à son esprit, et qu’elle n’avait pas d’autre moyen de savoir ce qu’elle souhaitait de connaître au sujet des états d’âme et des fruits des larmes, elle s’éleva au-dessus d’elle-même, par un désir immense. L’œil de son intelligence, illumine des clartés d’une foi vive, était grand ouvert sur la Vérité éternelle, dans laquelle elle vit et connut la vérité de ce qu’elle demandait. Dieu se manifestait lui-même ; sa Bonté condescendait à son ardent désir et, pour exaucer sa prière, lui parlait ainsi :