Le Koran (Traduction de Kazimirski)/89

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Traduction par Traduction d’Albin de Kazimirski Biberstein.
Librairie Charpentier (p. 507-509).

CHAPITRE LXXXIX.

LE POINT DU JOUR.


Donné à la Mecque. — 30 versets.


Au nom du Dieu clément et miséricordieux


  1. J’en jure par LE POINT DU JOUR et les dix nuits[1],
  2. Par ce qui est double et ce qui est simple,
  3. Par la nuit quand elle poursuit sa course,
  4. N’est-ce pas là un serment qui sied à un homme sensé ?
  5. Ne vois-tu pas à quoi Dieu a réduit le peuple d’Ad,
  6. Qui habitait Irem aux grandes colonnes[2],
  7. Ville dont il n’existait pas de pareille dans aucun pays ?
  8. À quoi il a réduit les Thémoudites qui taillaient leurs maisons en roc dans la vallée[3],
  9. Et Pharaon, inventeur du supplice des pieux[4] ?
  10. Tous ils opprimaient la terre,
  11. Et y propageaient le mal.
  12. Dieu leur infligea à tous le fouet du châtiment,
  13. Car ton Seigneur est sans cesse en observation.
  14. Quand, pour éprouver l’homme, Dieu le comble de bienfaits,
  15. L’homme dit : Le Seigneur m’a témoigné des égards.
  16. Mais que Dieu, pour l’éprouver, lui mesure ses dons,
  17. L’homme s’écrie : Le Seigneur m’a fait un affront !
  18. Point du tout ; mais vous n’avez aucun égard pour l’orphelin ?
  19. Vous ne vous excitez pas mutuellement à nourrir le pauvre.
  20. Vous dévorez l’héritage des autres avec une avidité aveugle[5],
  21. Et vous aimez les richesses d’un amour sans bornes.
  22. Oui, lorsque la terre sera réduite en menues parcelles ;
  23. Lorsque ton Seigneur viendra, et que les anges formeront les rangs ;
  24. Lorsqu’on avancera la géhenne qui doit engloutir les criminels[6] ; oh ! alors l’homme réfléchira ; mais à quoi lui servira alors de réfléchir ?
  25. Il s’écrira : Plût à Dieu que j’eusse fait le bien durant ma vie ! Ce jour-là, nul ne saurait punir comme Dieu.
  26. Nul ne saurait charger de chaînes comme Dieu.
  27. Et quant à toi, ô âme du fidèle ! Rassurée sur ton sort,
  28. Retourne auprès de Dieu, satisfaite de ta récompense, et agréable à Dieu ;
  29. Entre au nombre de mes serviteurs ;
  30. Entre dans mon paradis.

  1. Il s’agit ici des dix nuits sacrées du mois de dhoulhiddja.
  2. Un des rois de ce peuple, nommé Cheddad, avant entendu parler du paradis et de tes délices, imagina de construire dans ses États des palais, et de faire des jardins qui, par leur magnificence et leur beauté, donneraient une idée du paradis. Les écrivains orientaux, les poètes surtout, comparent souvent des sites charmants et de beaux palais aux jardins d’Irem. Ces jardins et ces édifices ont été détruits, dit-on, par un cri parti du ciel, en punition des crimes des peuples de ce pays-là.
  3. C’est la vallée nommée Wadi’lkora, située à une journée de distance d’El-hedjr.
  4. Le texte porte : Et Pharaon maître des pieux ; ce qui, selon les commentateurs, peut signifier qui faisait infliger aux croyants de son temps le supplice des pieux, c’est-à-dire de l’empalement, ou bien maître d’une suite nombreuse, par conséquent ayant besoin de beaucoup de pieux pour dresser les tentes. Voy. XXXVIII, 11.
  5. C’est-à dire, sans tous soucier de savoir si l’acquisition est licite ou illicite.
  6. La traduction ne reproduit que très-imparfaitement la terrible image renfermée dans l’expression très-concise du texte ; pour la rendre plus sensible, nous nous permettrons de comparer la géhenne qui apparaît au milieu de l’épouvantable cataclysme de l’univers, à une immense locomotive que l’on fait avancer avec fracas sur des rails, et qui ouvre ses flancs vomissant le feu.