Le Livre d’un inconnu/32

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XXXII


Comme le sang coulant d’une blessure ouverte,
Je sens ma vie, hélas ! lentement s’écouler,
Chacun de mes espoirs tour à tour s’écrouler,
Mes stériles efforts s’user en pure perte.

Pourquoi lutter encore et sans cesse rouler,
Ô Sisyphe obstiné, ta lourde pierre inerte,
Pourquoi lorsque la Mort s’offre à toi, reculer ?
— Ainsi parle à mon cœur la voix qui déconcerte


Mon courage ancien, bien près de s’émouvoir ;
Pourtant une autre voix plus mâle et plus sévère
Parle à son tour, et dit : Lutte, vis, persévère ;

Même sans le comprendre obéis au Devoir,
Comme un soldat qui sans discuter se résigne
Et meurt stoïquement quand le veut sa consigne.