Le Livre pour toi/Avant de m’en aller vers d’autres contrées

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LXIX


Avant de m’en aller vers d’autres contrées, en longeant le fleuve indomptable que les barques craignent d’affronter, j’ai vu ton toit paisible, et les degrés de pierre et le fantôme de l’été défunt, assis, les yeux fermés, contre la porte close de ton jardin.

Impuissants, mes bras n’ont pu réveiller cette ombre et la réchauffer sur mon cœur, pour faire renaître les jours enfuis.

Sylvius, tant que le cornouiller au tronc noir restera debout, nos âmes vivront dans cet abri de verdure où nous nous sommes aimés, elles fleuriront avec les roses et se pencheront sur les bordures épaisses des buis.

Le vent, qui écoutait nos paroles, les fera chanter encore par les chemins ensoleillés ; les groseilles que mes lèvres prenaient sur ta main, mûriront gaîment à côté des noisettes et les abricots pâles, au duvet d’argent, deviendront chaque jour plus vermeils.

Il y aura là encore des nids et de confiants oiseaux dont les amours ne seront point troublées.

Mais nous, Sylvius, où serons-nous ?