Le Mystère de Quiberon/11

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Dujarric et Cie, Éditeurs (p. 143-165).



CHAPITRE X

Rencontre de l’armée expéditionnaire et de l’escadre républicaine. — Attitude hésitante de Villaret-Joyeuse. — Combat naval ; retraite malheureuse de l’escadre républicaine. — Sommation de Belle-Isle par le commodore Ellison. — Termes de cette sommation faite au nom de Louis XVII ; fausse version introduite dans l’histoire. — Deuxième sommation au nom de Louis XVIII. — L’escadre anglaise dans la baie de Quiberon. — Temporisation de d’Hervilly. — Débarquement des premiers régiments. — Altercation publique entre les deux commandants. — La messe de Carnac ; scission entre les corps royalistes ; proclamation de Louis XVII ou de Louis XVIII ; nouvelle version fausse. — Les motifs de d’Hervilly entrevus par Michelet. — La proclamation de Puisaye au nom de Louis XVII.

Le départ de la première division avait eu lieu le 10 juin. Elle se composait de cinquante bâtiments de transport. Le commodore sir John Borlase Warren l’escortait avec une escadre de trois vaisseaux de ligne, le Robuste, le Tonnant, l’Étendard, six frégates, six chaloupes canonnières, deux lougres et deux cotres[1].

L’escadre républicaine avait eu connaissance du convoi. L’amiral Villaret-Joyeuse, après avoir fait sa jonction avec son lieutenant, Vence, se trouvait à la tête de douze vaisseaux de ligne et de onze frégates : il avait un avantage marqué sur Warren, s’il l’eut attaqué au moment où il le croisa à la hauteur des Penmarks[sic], entre Brest et Lorient. Il ne sut ou ne voulut pas profiter de cet avantage. Quelques écrivains républicains l’ont accusé de connivence avec l’ennemi. Cette accusation ne paraît pas fondée[2] ; si elle l’était, ce serait un fait de plus à enregistrer à l’appui des affirmations de Puisaye. Quoi qu’il en soit, Villaret laissa au commodore anglais le temps d’expédier un bâtiment à la recherche de lord Bridport, qui tenait le large avec quatorze vaisseaux de ligne et cinq frégates. Quand lord Bridport arriva, la mer était couverte d’un brouillard très épais, qui, en tombant, permit aux deux escadres ennemies de s’apercevoir à très petite distance.

Le combat s’engagea, le 23 juin, à quelque distance de l’île de Groix ; Villaret, contrarié par le vent, mal obéi par ses lieutenants, inquiet de l’insubordination de ses équipages, se vit réduit à faire retraite vers Lorient, mais ne parvint pas à se dégager assez promptement et perdit trois de ses vaisseaux.

Après sa rentrée dans cette rade, il fallut mettre l’escadre en désarmement ; les équipages désertèrent presque au complet et vinrent en grand nombre s’enrôler dans le camp royaliste.

Cependant la frégate anglaise la Galathée avait pris les devants et avait débarqué dans la baie de Quiberon, deux généraux royalistes, chargés de reconnaître les dispositions du pays et d’y porter l’avis de l’arrivée prochaine. Ils revinrent le 23 et donnèrent, dit Vauban, les meilleures nouvelles de l’intérieur. Du pont de la Pomone, où le commodore Warren et l’état-major de l’expédition recevaient leur rapport, ils montraient deux bandes de Chouans amenées par eux dans les landes de Carnac et se tenant prêtes à seconder le débarquement.

D’un autre côté, aussitôt après le combat[3], le commodore Ellison avait été détaché et s’était présenté devant Belle-Isle sur le vaisseau l’Étendard avec deux canonnières. Il somma le commandant républicain de se rendre.

Les termes de cette sommation et ceux de la réponse faite par le commandant de Belle-Isle, sont très remarquables.

Voici le texte exact du rapport fait à la Convention, dans sa séance du 20 messidor an III (8 juillet 1795), tel qu’il est inséré au compte rendu du Moniteur, n° 293, 23 messidor :


« Fermont, au nom du Comité de Salut public, donne lecture des dépêches suivantes :

» Nouvelles des armées :

» Lorient, le 13 messidor, l’an troisième de la République une et indivisible (Ier juillet 1795).

» Lettre du commandant des armes au port de Lorient.

» Les Anglais commencèrent le 8 leurs vomissements des émigrés sur le territoire de la République. On estime les pieds à terre à environ 10.000 tant hommes, femmes et enfants, que domestiques. L’amiral anglais a fait sommer le général Boucret, commandant de Belle-Isle, de se rendre au nom de Louis XVII. Il lui a été répondu qu’il était muni de vivres et d’artillerie ; qu’il ne reconnaîtrait jamais Louis XVII ; qu’on pouvait l’attaquer ; que tout était disposé pour foudroyer l’armée anglaise[4]. »


Avant le Moniteur, le 21 messidor (9 juillet), le Journal des hommes libres de tous les pays contenait dans le sommaire en tête de la feuille, ces lignes :


« … Sommation faite au commandant de Belle-Isle de se rendre à Louis XVII. Réponse républicaine de ce commandant… »


Et plus loin, dans le corps du journal, le document suivant :


« Voici l’extrait d’une lettre de Belle-Isle, en date du 9 messidor (27 juin) :

» L’escadre anglaise est mouillée à deux lieues de Belle-Isle. Hier 8, le général qui commande cette escadre, envoya ici un parlementaire pour nous sommer de nous rendre et de reconnaître Louis XVII pour notre roi. »


Dans son numéro du 6 thermidor, le même journal donnait à ses lecteurs, une « copie authentique de la sommation du commandant de la flotte anglaise ».

On y lit cette phrase :


« … Je ne veux pas vous sommer de vous rendre aux armes victorieuses du roi d’Angleterre ; je viens vous proposer de reconnaître votre roi Louis XVII[5]. »

Beauchamp qui, comme il a été dit, connut mieux que personne tout ce qui se rattache aux affaires de l’Ouest, Beauchamp, dans son Histoire de la Vendée et des Chouans (édition de 1807), raconte le même fait de la sommation au nom de Louis XVII comme un fait avéré.


« Le général Boucret, dit-il, fut sommé de rendre cette forteresse et de reconnaître Louis XVII ; le commodore Ellison lui assurait protection et récompense au nom de ce prince, dont il avait deux commissaires à son bord[6]… »


Il paraît que Belle-Isle n’était réellement pas en état de défense. Mais ce qui est extraordinaire, — tout est extraordinaire dans cette affaire, — c’est que le commodore anglais s’en tint aux menaces. Il y eut entre lui et le général Boucret, échange de politesses ; l’aide de camp chargé du message d’Ellison fut invité à un bal dans la citadelle, puis le général Boucret fit porter des fruits et des primeurs au commodore, qui, de son côté, lui adressa une invitation à venir visiter son bord. Il semble que, de part et d’autre, on attendit simplement le résultat de ce qui allait se passer à Quiberon. On pourra juger par le rapprochement avec d’autres faits, combien cette supposition présente de vraisemblance.

On resta ainsi en présence pendant trois semaines, en tirant quelques rares coups de canon inoffensifs, comme pour la forme. Enfin, le 18 juillet, lorsque tout fut perdu pour les royalistes du côté de la terre, la sommation fut renouvelée, cette fois peut-être au nom de Louis XVIII, car, à cette date précisément, le nom de Louis XVIII a commencé à être mis en avant assez généralement, à la place de celui de Louis XVII, qui, jusque-là, était resté l’unique cri de ralliement dans l’Ouest. Cette sommation était sans doute encore pour la forme, car finalement les bâtiments anglais se retirèrent sans avoir tenté aucune attaque.

Dans la baie de Quiberon, l’escadre et le convoi s’étaient tenus trois jours au mouillage sans rien entreprendre. Les rapports des officiers envoyés en reconnaissance étaient favorables, et le débarquement ne se faisait pas. Puisaye insistait pour qu’on ne perdit pas de temps ; d’Hervilly temporisait. Il voulait inspecter les défenses et se faisait promener dans toute la baie du Morbihan, pour juger par lui-même de l’état des côtes.

Enfin, le 27 juin, à deux heures du matin, les deux premiers régiments, Loyal-Émigrant et Royal-Marine, étaient mis à terre sur la plage de Carnac, avec les secours nécessaires pour être distribués dans le premier moment. Puisaye les accompagnait.

L’opération s’effectua sans rencontrer de résistance. Un détachement républicain, rangé en bataille sur la plage, se retira et chercha un abri derrière un pli de terrain, d’où il gagna les positions de Saint-Michel et de Sainte-Barbe. Les Bretons accouraient en foule au devant des troupes royalistes, qui saluaient la rencontre en déployant leurs drapeaux blancs et aux cris de : Vive le Roi !


« Ce jour-là même, — rapporte Vauban, — M. le comte de Puisaye et M. le comte d’Hervilly eurent une altercation publique assez vive sur la distribution des armes. Le général en chef fut, dans cette discussion, très poli, très froid, très noble. Le général subordonné fut fort âcre, très véhément. Tout le monde en était témoin et jugea que ces deux hommes ne seraient jamais en harmonie. Détestable présage[7]. »


Les Chouans voulaient marcher de l’avant et réclamaient des armes. « Ils n’auraient demandé que quatre cents hommes pour la grande entreprise de s’emparer de Vannes. Refus absolu de d’Hervilly. Il ne s’expliquait pas. Il restait une énigme de plus en plus étrange. Il défendait aux siens de crier : Vive le Roi ! Cela fait trop de bruit[8]. »

Malgré toutes ces difficultés et ces manœuvres dilatoires, le débarquement des troupes fut achevé le 28[9].

De toutes les campagnes voisines, les paroisses entières, femmes, enfants, vieillards, s’étaient portées au devant des « libérateurs ». Elles venaient en procession et chantant des cantiques, comme à un pèlerinage. Les femmes et les enfants s’empressaient pour aider à décharger les ballots ; les marins de la côte se jetaient dans la mer pour hâler les barques. On acclamait Puisaye et ses officiers qui, en touchant la rive, s’agenouillaient pour baiser la terre natale. On se prosternait devant l’évêque de Dol, vicaire apostolique pour toute la Bretagne, qui s’avançait avec un cortège de cinquante aumôniers en vêtements sacerdotaux. L’enthousiasme fut indescriptible.

Une messe solennelle fut célébrée sur la plage. L’évêque de Dol bénit les drapeaux aux cris mille fois répétés de : Vive le Roi !

Ce fait a été omis ou dénaturé dans la plupart des relations, peut-être par cette raison même qu’il jette un jour singulier sur les dessous mystérieux de ces événements.

Voici comment Puisaye le raconte :


« À l’heure indiquée pour la cérémonie, l’évêque de Dol fut aussi surpris que moi de n’y voir arriver que les corps de Chouans, la compagnie de vétérans et la musique du régiment de La Châtre.

» Nous attendîmes longtemps ; enfin on vint nous dire que M. d’Hervilly était à Carnac, occupé à entendre une messe particulière avec son régiment et les autres corps à la solde anglaise.

» J’étais indigné ; le saint évêque, profondément affligé, et de ce qu’il voyait et de ce qu’il était forcé de prévoir, dit une messe basse, au milieu de laquelle il prononça un excellent discours. Louis XVIII fut proclamé, mais non pas avec cet enthousiasme que j’avais attendu des dispositions que j’avais ordonnées.

» Il n’y eut que de la froideur et des murmures ; triste et fatal présage.

» M. d’Hervilly avait craint que l’éclat que je voulais donner à cette fête, ne relâchât la discipline de ses troupes ! Il me dit qu’il m’avait mal entendu et qu’il croyait que mon intention était que cette cérémonie se fit dans les quartiers respectifs. Cependant il n’avait pas été question de Louis XVIII à la messe de Carnac ; les autres régiments avaient bien pris la cocarde blanche ; mais le sien avait gardé la noire, qu’il conserva encore plusieurs jours[10] ; et il me donna en tout de si mauvaises excuses, que je commençai à me repentir de la manière dont j’avais écrit sur son compte à M. Windham[11]. »


Deux choses sont à retenir dans ce récit : que la proclamation de Louis XVIII, loin d’être accueillie avec enthousiasme, avait provoqué des murmures ; et que ce fut la question de la proclamation du roi qui avait donné lieu à cette singulière scission des corps chouans et des troupes soldées et de leurs officiers, allant assister, chacun de leur côté, à des services séparés, non pour prier suivant des rites différents, mais pour formuler des prières dont l’objet n’était pas le même.

C’était un schisme qui se déclarait ; non pas un schisme religieux, mais un schisme monarchique.

Seulement, — ce qui paraîtra au premier abord incroyable et ce dont pourtant on ne pourra douter lorsqu’on aura suivi attentivement les faits précédents et les faits consécutifs — Puisaye a travesti impudemment la vérité et renversé les rôles avec une audace qui bravait tout respect humain, mais qui ne redoutait la confusion d’aucun démenti public.

À l’époque où il écrivait, la royauté de Louis XVII n’était plus qu’un souvenir ; l’ombre de l’incertitude et de l’oubli s’était faite sur son sort, sur son existence même. Pour l’immense majorité des royalistes, pour les cabinets de l’Europe, pour le gouvernement républicain, quels que fussent les doutes intimes, quelles que fussent les réserves plus ou moins apparentes ou latentes, il n’y avait plus qu’un prétendant dont on eût à s’occuper, avec lequel on eût à compter : celui qui restait visible, qui se montrait vivant et agissant.

Ceux mêmes qui, résolument fidèles au principe de l’hérédité salique, s’étaient attardés pendant un temps à défendre les droits de l’orphelin maintenant disparu, ne sentaient plus leur conscience engagée à rappeler ou à rectifier les souvenirs d’une opposition évidemment dommageable à l’autorité morale du représentant actuel du droit monarchique et sentaient fortement combien il importait à leurs intérêts propres de la faire oublier.

L’évêque de Dol était mort ; d’Hervilly était mort et sa confession testamentaire supprimée ; le secret des intrigues de M. de Provence et de son agence de Paris était insoupçonné du public et personne n’aurait la maladresse de le dénoncer. Puisaye, dévoré du désir de rentrer en grâce auprès du prétendant qu’il avait combattu, pouvait donc croire avoir beau jeu à lui offrir, comme gage de repentir et de soumission sans retour possible, cet énorme, mais utile mensonge, qui tendait à effacer jusqu’à la trace d’une contestation ou d’une hésitation passagère sur son droit au titre royal.

Le prétendant accepta le bénéfice du mensonge et en profita largement, mais ne voulut en savoir aucun gré à son auteur, parce que, évidemment, pour lui, très exactement renseigné, ce n’était qu’une explication forcée, du double jeu très perfide pratiqué contre lui par Puisaye, au moment du débarquement.

On lit parfaitement entre les lignes ce qui se passa.

Le conflit entre les partisans de Louis XVIII et les défenseurs de Louis XVII grondait sourdement, comme une terrible menace d’orage. Mais l’orage n’avait pas éclaté. La politique prescrite à d’Hervilly, qui était l’homme de Louis XVIII, consistait à temporiser pour en retarder l’explosion, qu’on se flattait de conjurer ensuite par des moyens puissants. Tout naturellement, Puisaye crut urgent de la provoquer, sûr, d’après les dispositions connues de ses Bretons, qu’elle tournerait au profit de Louis XVII, auquel l’attachaient ses sympathies peut-être, en tout cas ses intérêts de chef de parti.

C’est dans cet esprit qu’il avait commandé une cérémonie solennelle et avait pris ses dispositions pour que Louis XVIII fut proclamé (il n’ose pas dire par lui-même). Si la froideur et les murmures avaient accueilli cette proclamation, au lieu de l’enthousiasme attendu, il pouvait en tirer les conséquences utiles pour ses projets actuels, tout en se réservant la possibilité de dire, le cas échéant, qu’il avait fait tout ce qu’il avait pu pour la cause contre laquelle il agissait. Et en effet, il paraît avoir pris, peu après, des mesures assez artificieusement combinées pour essayer de faire valoir comme un service rendu à Louis XVIII, le coup de Jarnac qu’il lui avait porté[12].

D’Hervilly, prévoyant aussi justement, mais avec des préoccupations inverses, à quoi devait aboutir l’éclat que son rival voulait donner à cette fête et en redoutant l’effet pour la discipline de ses troupes, avait jugé prudent de les conduire à une autre messe, et pour sauvegarder les intérêts de Louis XVIII, avait eu soin de ne pas proclamer Louis XVIII.

Le vrai caractère de cet incident s’éclaircira et prendra le relief et la splendeur de l’évidence, à mesure que toutes les faces en seront touchées par les reflets des événements qui l’entourent.

Dès à présent, il faut constater que cette histoire de la proclamation de Louis XVIII à Quiberon ne se trouve dans aucun document du temps, à l’encontre de ce qu’on lit dans les journaux et les mémoires contemporains sur la proclamation au camp de Condé. Dans les premières relations qui ont paru, dans les premières éditions des récits de la guerre de l’Ouest, il n’en est pas question[13]. Vauban, Beauchamp, qui pourtant écrivaient l’un et l’autre après la publication des Mémoires de Puisaye, gardent le plus complet silence sur ce fait, qui avait au moins un intérêt de narration.

Ce ne fut que longtemps après, quand le récit de Puisaye eut acquis, par l’effet du temps, la force d’un témoignage non contredit, que les courtisans de la Restauration, Villeneuve-Laroche, chef de bataillon et chevalier de Saint-Louis, Beauchamp, devenu historiographe de Louis XVIII et non moins chevalier de Saint-Louis, osèrent introduire cette version dans leurs relations.

Cela seul constitue un indice qui mérite attention.

Michelet ne s’est pas laissé prendre au récit de Puisaye. Pour des motifs quelconques, dont quelquesuns peuvent être assez probablement soupçonnés[14], il ne lui a pas convenu de s’expliquer complètement, mais à la façon dont il traite cet épisode, on aperçoit clairement qu’il en avait saisi la portée ; on devine même qu’il savait.

Voici la page très remarquable qu’il consacre au récit de ce fait :


« Lorsqu’on fit à Carnac, dans ce grand lieu si solennel, la cérémonie populaire de bénir les drapeaux, quand l’évêque de Dol proclama le roi au milieu de ce peuple en larmes, d’Hervilly s’en alla dans un coin, lui et ses officiers, croquer une messe basse.

» Était-il fou ? Vauban le ferait croire. Mais Puisaye dit parfaitement ce qui lui brouillait la cervelle.

» C’est en réalité que, quand il eut débarqué le grand matériel, il lui revînt de tous côtés, que cette expédition royaliste se faisait malgré le roi, contre le roi peut-être.

» Il lui revenait de Vannes que l’agence de Paris avait envoyé Talhouët de Bonamour, pour dire au nom du roi « qu’on ne fît rien ». Et elle avait semé de faux billets, signés Puisaye, qui conseillaient partout de ne rien faire…

» Enfin directement, le nouveau roi et ses gens, d’Avaray, Antraigues, etc., donnait ordre à d’Hervilly « de ne rien faire », de détourner l’expédition de cette côte armée et frémissante, vers la côte déserte du Marais vendéen, vers Charette. Ordre insensé, stupide[15]… »


Telle était en effet la véritable raison du dissentiment entre les deux chefs, dissentiment profond, inconciliable ; ils ne servaient pas la même cause.

Et c’était bien d’Hervilly qui servait la cause de Louis XVIII ; c’était lui qui avait le mot de l’agence de Paris. Et c’était bien contre Louis XVIII que travaillait Puisaye. Mais ce n’était ni pour le duc d’York, comme l’agence de Paris en avisait le comte d’Artois, ni pour le comte d’Artois, comme la même agence le mandait aux Comités de Bretagne ; c’était pour Louis XVII.

La preuve s’en trouve dans la proclamation qu’il fit à ce moment, après ce moment, distribuer et afficher partout[16].


Proclamation du général en chef de l’armée,
au Peuple français,

« Joseph, comte de Puisaye, lieutenant-général des armées du Roi, commandant en chef de l’armée catholique et royale de Bretagne, en vertu des pouvoirs à lui conférés par Monsieur, Régent de France[17], au quartier général de Carnac, le trente juin mil sept cent quatre-vingt-quinze.

» Français ! Au nom de Dieu, de votre Roi et de vos princes légitimes, nous venons vers vous avec des paroles de paix ; que la voix de la haine, de la vengeance et de la défiance ne se fasse plus entendre ; que toute dénomination odieuse de partis, que le cri de ralliement des fléaux de notre malheureuse patrie soit anéanti pour jamais. Comme nous vous parlerons sans déguisement, écoutez-nous sans préjugés et que l’Europe nous entende et nous juge.

» S’il est vrai que d’un bout du royaume à l’autre, un cri général se soit fait entendre contre cette faction parricide qui, depuis cinq ans, a causé tous vos malheurs ; s’il est vrai qu’enfin l’esprit de modération et de justice guide ceux qui prétendent vous représenter ; et si cette modération n’est pas uniquement un voile spécieux dont ils se servent pour couvrir leurs secrets desseins d’abattre des rivaux pour régner à leur place et de vous replonger dans les convulsions de l’anarchie ; pourquoi ceux de vos concitoyens qui ont été forcés de fuir cette tyrannie que vos prétendus représentants affectent de désapprouver, n’ont-ils pas été rappelés dans le sein de leurs familles et rétablis dans la possession de leurs droits et de leurs biens ?

» Pourquoi cet intéressant et auguste rejeton de tant de rois, le fils de ce malheureux monarque qui, croyant se confier à l’amour de son peuple, s’est précipité lui-même dans les bras de ses assassins, n’est-il pas proclamé roi, rendu au trône de ses pères et environné de ses gardes et conseils que la nature et la loi désignent ?

» Pourquoi cette religion sainte, qui, depuis quatorze siècles, a fait le bonheur et la consolation du peuple, n’est-elle pas rétablie dans la pleine liberté de son culte et l’exercice public de ses ministres ?

» Enfin, après avoir banni les scélérats qui désolaient la France, pourquoi paraissent-ils s’efforcer de conserver leur ouvrage et de recueillir les fruits de leurs crimes ?

» Nous aussi, nous désirons la paix ; mais peut-on donner le nom de paix à celle que ne peut garantir celui qui la signe et dont la durée et la stabilité dépend du triomphe et du pouvoir momentané d’une faction ? N’avez-vous pas remarqué la succession rapide de ces tyrans éphémères qui, parvenus au pinacle du pouvoir, s’envoyaient mutuellement à l’échafaud, avec une foule de citoyens paisibles, qui à peine instruits du nom de ceux auxquels ils devaient obéir, étaient, le jour suivant, envoyés à la guillotine, pour avoir observé les décrets du jour précédent.

» Nous aussi, nous aimons la modération et la justice ; mais le peuple ne sera plus la dupe de vains sons ; instruit par la triste expérience de ses malheurs passés, il saura maintenant distinguer les causes et les auteurs de ses désastres. L’enchantement d’un charlatanisme politique est rompu. Les mots de justice et de modération étaient aussi sur les lèvres de Robespierre et de Marat, lorsqu’ils égorgeaient leurs concitoyens ; et n’est-ce pas en profanant ces mots sacrés de vertu et de justice que tous les imposteurs ont pu tromper les hommes et inonder de sang l’Univers ?

» Que ceux qui persistent obstinément dans l’exercice d’un pouvoir usurpé, prouvent, en le rendant au légitime propriétaire, que leur profession de modération et de justice est sincère et qu’ils ne sont pas complices des crimes qu’ils poursuivent. La justice divine les a déjà employés comme des instruments pour punir les coupables, quelques-uns d’entre eux sont encore impunis, mais des services éminents peuvent effacer de grands crimes et ceux qui soutiennent la cause pour laquelle nous combattons, doivent laisser au ciel le soin de la punition et de la vengeance.

» Et vous, généraux, officiers et soldats, qui, fatigués d’être les instruments de l’oppression et du crime, avez refusé de devenir les bourreaux de vos frères, vous qui, au moyen de la correspondance récemment établie entre nous, avez appris à apprécier nos sentiments, comptez sur notre parole et venez prendre dans nos rangs les places qui vous y sont offertes. Joignez-vous à nous pour rendre à la France son antique prospérité. Soyez les sauveurs de notre patrie, les libérateurs d’un jeune prince prêt à récompenser vos services.

» Il est glorieux de recevoir le prix de la valeur des mains d’un Roi qu’on a rétabli dans ses droits. Quelle récompense vos prédécesseurs ont-ils reçue de vos tyrans ? l’humiliation, le bannissement et la mort, quel sera votre choix ?

» Pour vous, braves habitants de la Vendée, l’admiration de l’Europe et l’envie de la France, le moment est venu de recueillir le fruit de vos travaux héroïques. Les ombres illustres des Bonchamp, des l’Escure[sic], des La Roche-Jacquelin[sic] et de tant de héros qui étaient vos guides et vos amis, voltigent autour de vos armées. Les associés et les héritiers de leur gloire, Charette, Stofflet, Sapinaud et tous nos chefs intrépides accompliront le grand ouvrage qu’ils ont commencé et conduit avec tant de constance et de courage. Nous vous apportons des munitions, des armes et l’appui efficace qu’une puissance protectrice consent à vous accorder.

» Et vous, loyaux Bretons, qui m’avez honoré de votre confiance, vous voyez maintenant qu’elle n’a pas été trahie. Le gouvernement anglais, excité par votre persévérance et vos malheurs, a acquiescé à vos prières. Une armée, entièrement composée de troupes françaises, vient seconder vos efforts, et je vous apporte tous les secours que vous avez demandés. Sa Majesté Britannique, forcée de repousser l’agression injuste de vos tyrans et d’assurer le respect dû à sa couronne, a néanmoins accueilli favorablement vos concitoyens et les ministres persécutés de votre religion ; aujourd’hui elle les rend à vos vœux. C’est la seule réponse digne de Sa Majesté aux projets ambitieux et destructifs que vos tyrans ont imputés à ses généreux ministres. Des officiers et des soldats français, qui, comme vous, depuis plus de quatre ans, ont combattu pour leur Roi, se hâtent maintenant de vous joindre, et vos princes se placeront bientôt eux-mêmes à la tête de vos invincibles colonnes[18].

» Nous ne venons pas répandre le sang, mais faire respecter vos droits et repousser la force par la force. Si nos ennemis veulent sincèrement la paix, qu’ils cessent de dévaster vos champs et de saccager vos villes ; mais s’ils préfèrent de continuer la guerre, ils répondront à la France et à toute l’Europe des maux qu’elle occasionnera, et ils apprendront ce que peuvent la valeur et le courage d’hommes accoutumés à braver les fatigues, les dangers et la mort pour la défense de la cause la plus juste et la plus sacrée.


» Signé : Puisaye
» Général en chef. »

  1. Warren avait les vaisseaux : The Robust (Le Robuste), The Thunderer (Le Tonnant), The Standart (L’Étendard), les frégates La Pomone, L’Anson, L’Aréthuse, La Concorde, La Galathée. Villaret avait les vaisseaux : Le Peuple, Le Redoutable, L’Alexandre, Les Droits de l’homme, Le Formidable, Le Mucius, Le Wattignies et Le Tigre, auxquels se joignirent les trois vaisseaux de Vence : Le Nestor, Le Fougueux et Le Zélé (voir Le Chevalier, Histoire de la Marine française, p. 207).
  2. Villaret paraît n’avoir fait que se conformer aux ordres, ou, si l’on veut, aux conseils du représentant Topsent. Celui-ci était peut-être dans l’affaire.
  3. Crétineau-Joly donne la date du 21 juin. — D’après tous les documents, sa sommation fut faite le 26.
  4. Le Moniteur, n° 291, 21 messidor, contenait un N.-B., mentionnant que les Anglais avaient « sommé Belle-Isle au nom de Louis XVII ». — Impossible par conséquent de se réfugier derrière la supposition d’une coquille typographique.
  5. En présence de tels documents, conçoit-on que L.-G. de Villeneuve-Laroche-Barnaud, qui avait fait partie de l’expédition de Quiberon, ait poussé le respect de la notification « officielle » de la mort de Louis XVII, faite par Sombreuil à Spithend, jusqu’au point d’oser raconter dans ses Mémoires, la sommation de Belle-Isle, dans les termes suivants :
    « Le capitaine Ellison n’ayant pas de troupes suffisantes pour une attaque, se borna à bloquer Belle-Isle. Il écrivit au commandant pour le prévenir du débarquement opéré sur la côte du Morbihan, de l’insurrection générale qu’il avait produit et il ajoutait : « Je vous somme de vous rendre aux armes victorieuses de Louis XVIII. Je vous offre l’alliance et la protection de la Grande-Bretagne, afin de mettre fin aux horribles calamités qui désolent votre patrie… J’ai à mon bord deux commissaires français investis par le commandant en chef des royalistes, de pouvoirs pour traiter, de concert avec moi, de tout ce qui peut avoir rapport aux intérêts de l’île en général et à ceux des particuliers, etc. Le commandant de Belle-Isle se borna à répondre qu’il se défendrait en républicain. »
    Il est à noter, pour la morale du récit, que les mots soulignés ici — ceux qui sont en contradiction formelle avec le texte du Moniteur, ceux qui dénaturent la vérité — sont en italiques dans les Mémoires du témoin L.-G. de Villeneuve. Voilà comme il fallait écrire l’histoire sous la Restauration, quand on était chef de bataillon, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis.
    Il y a plus fort. Le mensonge sur ce point était tellement commandé que Puisaye lui-même, dans le but sans doute de se conformer à la version désormais admise et peut-être aussi d’acheter sa rentrée en grâce (qu’il n’obtint pas du reste) eut le courage de raconter, en 1803, dans ses Mémoires, que la sommation d’Ellison fut faite au nom de Louis XVIII.
    Cette fausse version s’est ainsi glissée dans l’histoire. On peut s’étonner cependant que des historiens sérieux y aient été pris. Crétineau-Joly, ou du moins son continuateur, le R. P. Drochon a voulu l’appuyer en produisant un texte prétendu original des deux lettres de sommation adressées successivement par Ellison à Boucret (texte traduit, dit-il, du Naval Cronicle de 1896). Avant même de connaître le texte (qui est donné ici pour la première fois) de la copie authentique publiée par le Journal des hommes libres, il devait sauter aux yeux d’un historien attentif que, dans la première au moins des deux lettres, le nom de Louis XVIII a été substitué à celui de Louis XVII. Cela ressort, non seulement de ce que l’exactitude du Moniteur sur ce point ne saurait être mise en doute, mais aussi — ce qui n’aurait pas dû échapper au sens critique du R. P. Drochon — de ce que les termes de la seconde lettre (qu’il revendique l’honneur d’avoir fait connaître le premier) sont inconciliables avec l’hypothèse de la sommation au nom de Louis XVIII, contenue dans la première. (Voir Append. n° 11, tous les documents qui se rapportent à cette affaire.)
    Quant à M. Chassin, il donne de cette sommation, une version de fantaisie où il n’est question ni de Louis XVII, ni de Louis XVIII ; il ne veut pas s’embarrasser de savoir au profit de qui marchaient les auxiliaires de l’expédition. Qu’il s’agisse d’un roi ou d’un autre, qu’importe à un bon républicain ! — Très bien ; seulement écrire l’histoire de Quiberon, en négligeant ce détail, c’est à peu près comme si un chimiste se chargeait d’analyser une substance, à la condition de ne pas tenir compte d’un des éléments qui la composent.
  6. Puisaye nomme ces deux commissaires ; c’étaient le comte de Pioger et le chevalier de Suasse.
  7. Mémoires de Vauban, p. 64.
  8. Michelet, Histoire de la Révolution, p. 1976.
  9. « Puisaye eut son quartier général au village du[sic] Genèse, sur le bord de la mer ; d’Hervilly, avec son régiment, occupa Carnac, où furent déposées les munitions ; de chaque côté de ce bourg prirent position les corps de la Marine et de du Dresnay ; Loyal-Émigrant était plus en avant ; entre Carnac et la Genèse, fut placé le régiment d’artillerie, dont un détachement occupa le village de Saint-Colomban ou Saint-Clément ; enfin Georges Cadoudal et son inséparable Mercier, avec leurs quatre mille chouans furent chargés de défendre les hauteurs de Saint-Michel et de Kergonan. »
  10. C’est-à-dire sans doute que la cocarde noire était la cocarde neutre, qui devait être remplacée par la blanche, le jour où les troupes à la solde anglaise entreraient effectivement comme auxiliaires dans l’armée royale. D’Hervilly manifestait donc son intention de réserver son concours.
  11. Mémoires de Puisaye, Londres, 1803, t. 6, p. 202. — On voit que la discussion dont parle Vauban porta sur autre chose que sur la distribution des armes.
  12. Il a même publié dans ses Mémoires, une lettre qu’il prétend avoir adressée, par le canal du duc d’Harcourt, à Louis XVIII, pour mettre à ses pieds son hommage et celui de ses troupes, et se féliciter d’avoir été le premier à proclamer sur le territoire français, son avènement. Il faut avouer que l’envoi d’une pareille lettre à l’occasion d’une manifestation au moins manquée, serait bien invraisemblable. Il faut remarquer en outre les autres singularités et invraisemblances des explications relatives à cette prétendue lettre. Puisaye omet — évite — d’en donner la date (omission contraire à toutes ses habitudes) ; il la publie seulement après la mort du duc d’Harcourt ; il est obligé d’avouer qu’elle ne parvint jamais à Louis XVIII, non plus qu’aucune autre venant de lui (ce qui s’explique tout naturellement si elles n’ont pas été adressées, en effet, mais supposées plus tard, ou, par un calcul habile, mises dès ce temps-là en réserve, pour être produites en cas de besoin). Tout cela rend l’affirmation de Puisaye plus que suspecte. Mais elle est détruite entièrement par un autre document que fournit Puisaye lui-même : c’est une lettre à lui adressée par le duc d’Harcourt, à la date du 10 juillet, en réponse à la sienne du 28 juin, et qui implique nécessairement : 1° que la lettre du 28 juin (jour même de la fameuse messe) n’annonçait pas la proclamation de Louis XVIII ; 2° qu’au 10 juillet, le duc d’Harcourt en était encore à souhaiter, à attendre « avec une extrême impatience » et à réclamer instamment « cette mesure ». — Voir Append. n° 12.
  13. Voici dans quels termes le correspondant de Londres de La Gazette française, rend compte du fait : « …, du 18 (juillet) — … Le bon évêque de Dol s’est rendu à terre, malgré le mauvais temps, pour dire la messe et rendre grâce à Dieu de nos premiers succès. » Pas un mot de la proclamation de Louis XVIII.
  14. On sait que, sous la Restauration, Michelet avait été admis dans l’intimité des Tuileries, comme professeur d’histoire de Mademoiselle, sœur aînée du comte de Chambord. Là, il a dû apprendre plus d’un secret ; mais sans doute il garda toujours des scrupules pareils à ceux qu’exprima plus tard Mme de Gontaut, gouvernante de la même Mademoiselle : « J’ai trop vécue, — écrit-elle, — dans l’intimité de la famille royale, pour me croire un droit de dire certaines choses. »
  15. Michelet, Histoire de la Révolution française, p. 1976.
  16. Vauban seul, au dire de Puisaye, en « distribua et fit afficher plus de mille exemplaires ». (Mémoires de Puisaye, t. 6, p. 41.)
  17. Monsieur, Régent de France, de qui Puisaye tenait ses pouvoirs antérieurement au 8 juin, était le comte de Provence, qui venait de se déclarer roi sous le nom de Louis XVIII. Il est évident que Puisaye n’aurait pas commis l’incorrection énorme de le qualifier encore Régent, dans un acte public, s’il n’eût été convaincu de l’existence du vrai roi Louis XVII. — Cette observation — croyons-nous — n’a encore été faite par personne. Le fait est pourtant d’une importance capitale.
  18. Pour cette proclamation, qui fut affichée partout, et qu’on trouve reproduite textuellement dans plusieurs ouvrages, il n’y avait pas moyen, comme pour la sommation d’Ellison, de remplacer la désignation de Louis XVII par celle de Louis XVIII ; mais on s’en est tiré par l’explication extravagante que voici : la proclamation était au nom de Louis XVII, parce qu’elle avait été faite avant le départ de Londres et « ce ne fut que pendant la traversée qu’on apprit la mort de l’auguste enfant »  : mais, à la cérémonie de la bénédiction des drapeaux, l’avènement de Louis XVIII fut proclamé… — Ce qui est à peine croyable, c’est que Puisaye lui-même a osé avancer cette explication. — Ainsi, Puisaye aurait proclamé, le 26, Louis XVIII sur la plage de Carnac, et aurait lancé, le 30, et publié en tous lieux, une proclamation au nom de Louis XVII !!!
    Beauchamp donne le renseignement suivant : « Les districts de Châteauneuf, Baugé, Craon et Segré furent les premiers à prendre une attitude hostile. On y fut instruit du débarquement des émigrés à Quiberon, par le bruit du canon et par une proclamation au nom de Louis XVII, qui, dans l’intervalle, mourut dans la prison du Temple ; mais comme le roi ne meurt pas, on se mit bientôt en campagne au nom de Louis XVIII avec la même ardeur… » (Mémoires relatifs aux différentes missions royalistes de Mme la vicomtesse Turpin de Crissé, publ. dans les Mémoires secrets, par A. de Beauchamp, t. 2, p. 254.) — Ceci n’a aucun sens, ou veut dire qu’au reçu de la proclamation, la prise d’armes se fit dans les districts au nom de Louis XVII ; mais alors M. de Beauchamp aurait bien expliquer dans quel intervalle mourut le jeune roi. — Voilà pourtant à quelles bourdes en est réduit un écrivain de talent et d’esprit, quand il ne veut pas paraître ignorer les faits, et que sa complaisance l’oblige à les présenter de façon à ne pas choquer le pouvoir dont ces faits contrarient le système.
    M. Chassin, lui, fait aussi mention de cette proclamation ; mais, de même que le nom de Louis XVII n’a pas attiré son attention dans la sommation de Belle-Isle, de même il paraît que la désignation de « cet intéressant et auguste rejeton » comme roi et celle de « M. le Régent de France » appliquée au comte de Provence, trois semaines après le 8 juin, n’ont pas été jugées par lui dignes d’une remarque. — Singulière façon d’écrire l’histoire !