Le Mystère de Quiberon/9

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Dujarric et Cie, Éditeurs (p. 114-127).



CHAPITRE VIII

Conduite parallèle de Hoche et de Frotté en ce qui concerne les négociations. — Explication de cette conduite ; lettres de Hoche et lettres du gardien du Temple, Laurent. — Singulier résultat des conférences de La Mabilais ; revirement subit des principaux chefs royalistes et de Hoche. — Le traité signé en dehors du porteur des pleins pouvoirs. — Entrée de Cormatin à Rennes. — Message des délégués au Comité de salut public. — Reprise immédiate des préparatifs insurrectionnels.

La conduite de Hoche et celle de Frotté pendant tout le cours de ces négociations, seraient graphiquement représentées d’une façon très exacte par deux courbes parallèles, marquant une inflexion très prononcée vers le milieu de l’hiver de 1794 et un brusque redressement à la fin du mois de mars 1795. Il s’est donc produit aux époques correspondantes, deux faits successifs de nature à exercer une influence puissante et identique sur la volonté de l’une et de l’autre. Quelques lettres de Frotté fournissent une indication d’une précision frappante.

Frotté était, de longue date, pour l’œuvre de l’évasion, en rapports avec une anglaise très riche, Mme Atkins, qui avait fait des efforts et des sacrifices considérables en vue du salut de la famille royale. Il lui écrivait de Londres, à une date non précisée, mais que l’éditeur de cette correspondance croit pouvoir placer à la fin de décembre 1794.


« Mardy matin, à 8 h.

» Au milieu de la confusion de mes idées, je ne sais si je pourrai vous peindre toutes les différentes sensations qui agitent mon âme et les évènements[sic] extraordinaires qui doivent calmer l’Europe. Je ne sais que penser de tant de choses contradictoires en apparence, peut-être ne m’avés vous pas dit tout ce que vous espériés et pourés vous plus aisément pénétrer la vérité.

» Vous savés toutes les démarches que j’ai faites et quel était notre but lorsque j’avais le plus d’espoir de succès ; lorsque tous les différents intérêts qui divisent nos français royalistes et politiques se réunissaient par mes soins pour me faire parvenir à M. de P. (Puisaye) et partir avec lui, etc…, je rencontre hier en sortant de chés M. de Moutier, notre gros ami[1], qui me dit qu’il me cherchait partout pour m’apprendre que M. de Puissaie est parti pour la France, m’ajoutant de repasser le soir, qu’il a à me parler. Désolé de ce fâcheux contretems, je vais chés l’évêque[2] qui me paraît consterné, non seulement de ce départ, mais d’un échec qu’a éprouvé l’armée du duc d’York…, et du profond secret qu’observé les ministres sur leurs intentions relativement à la France et à M. de P. qu’il n’est pas naturel d’avoir caché d’une manière exclusive à tous les Français, même ceux qui par leurs principes et leur position sont dans le cas de bien seconder de leurs lumières celles que peut avoir le Gt. Ce chef de parti n’est pas resté ici six semaines[3], travaillant de cette manière avec les ministres, sans des raisons bien importantes et bien extraordinaires, d’autant mieux que nous avons quelques détails de France qui nous en rend son départ presque indéfinissable. Le cœur rempli de tristesse et les idées toutes bouleversées, je fus chés notre ami où je trouvai un homme marquant qui a fait profession de lui nuire jusqu’à ce jour et qui lui faisait les plus basses protestations d’amitié, qui enfin jouait le rôle d’un plat personnage. Notre ami me prit à part et voilà ce qu’il me dit : Ce que je vous ait dit ce matin vous a fait de la peine, ce que vous a dit le V., l’a augmentée, et ce que j’ai à vous dire ; vous fera encore davantage, si vous vouliés à quelque prix que ce fut remplir vos projets, mais vous rassurera et vous rendra heureux, si vous préférés le bien de votre Roy et de la France aux avantages et â la Gloire que vous auriés pu acquérir en partant avec M. de Puissaie, duquel vous fussiés devenu le bras droit par les grands moyens que vous aviés de le seconder, mais n’y pensés plus pour ce moment. M. de P. n’a pu ni dû enmener[sic] personne sans exception. Il repart content et nous devons l’être. Vous êtes le seul individu auquel je parlerai avec cette franchise, sans en excepter l’évêque, etc. Mais nous en sommes ensemble au point de ne nous rien cacher. Je sais que vous êtes susceptible de garder un secret, je vous parle comme à un ami dont je connais la loyauté et les sacrifices. Je sais tout parce qu’on n’a pu rien faire sans moi, mais tout est fini, tout est arrangé, en un mot je vous donne ma parole que le Roy et la France sont sauvés. Voyés si vous pouvés encore vous permettre des regrets ; toutes les mesures sont bien prises. Je ne peux vous en dire davantage, mais vos démarches maintenant sont inutiles et je vous engage, en ami, à rejoindre au plus tôt votre régiment ; c’est là que vous remplirés maintenant votre véritable but. Il est des choses si extraordinaires dans les révolutions qu’on peut s’attendre à tout, on ne pouvait s’attendre à ce qui arrive. C’est un coup du Ciel, mais le Roy et la France seront sauvés et nous devons être heureux. Ne me questionés pas, ne cherchés pas à pénétrer plus loin, cela serait inutile ; je vous en ai même dit plus que je ne devais et depuis M. Pitt jusqu’à moi, il n’y a maintenant personne qui en sache davantage que vous et je vous en demande le plus profond secret. Partés et peut-être bientôt, vous ferai-je rappeler par le Gt. pour une mission qui vous sera agréable et que vous êtes dans le cas de bien remplir. Si, comme je l’espère, cela dépend de moi, vous pouvés y compter.

» Je n’ai pu obtenir plus de détails, mais tout cela me jette dans un grand embarras, ne pouvant lui confier nos projets particuliers, je ne sai[sic] plus ce que je fois faire. Je ne peux croire que notre ami veuille m’abuser et qu’il me parlat avec cette affirmative s’il n’était pas sure de son fait et dans ce cas je crains, voulant faire le bien, de faire quelques fausses démarches. Il serait affreux avec nos principes et notre amour pour le Roy, en croyant le servir, de sacrifier votre fortune et nos jours pour lui prouver notre dévouement, de ne rien faire que de nuisible à ses véritables intérêts. Voilà où j’en suis, voilà le résultat de tous mes soins et du grand secret qui a existé dans les délibérations du conseil. Je ne peux faire que des conjectures, mais d’après quelques données que j’ai et ce que je vous mande, il parait que P. chef de parti et d’une armée n’a point quitté la France pour une simple négociation d’armes, de munitions, etc., etc., et que ce doit être chargé d’intérêts plus marquants et chargé de propositions qui partent sans doute de Paris, et qui sont peut être le fruit que Pitt s’est proposé dans la chute de Robespierre, mais le tems seul pourra nous instruire et pourvu que le Roy et la France soient sauvés, je ferai volontiers le sacrifice de l’espoir que j’avais d’y contribuer directement. Je connais votre âme et suis persuadé que vous pensés comme moi. Je vais m’habiller et sortir revoir C. de M., un homme des bureaux et autres et arrêter les démarches et les mesures que j’avais proposées pour me faire réussir, si C. me confirme encore ce qu’il m’a dit hier, à quoi peut être sans le vouloir se laissera-t-il aller à me donner plus d’éclaircissements. J’espère à mon retour trouver de vos nouvelles…

» À cinq heures et demie du soir. — Après avoir couru, je rentre et ne trouve point de lettres de vous…

» Mes courses n’ont rien changé à nos mesures. C. en s’ouvrant plus à moi, me fait prévoir que dans le grand ensemble, je pouvais tenir ma place s’il était encore possible de rejoindre P… »


Il est impossible de ne pas voir dans tout cela des allusions frappantes au grand projet qui, à ce moment, servait de leurre pour amener Charette et les chefs de la Chouannerie à des négociations pacifiques. La chose était habilement lancée. Pendant qu’en Vendée et en Bretagne, des délégués de la Convention « choisis parmi ceux qui n’avaient pas voté la mort du Roi », colportaient des promesses de rétablissement de la monarchie et de libération du jeune Roi, c’étaient, en Angleterre, des royalistes qui se faisaient les agents de cette combinaison, pour persuader à Frotté qu’il devait renoncer à ses « projets particuliers », sous peine d’empêcher que « le Roy et la France soient sauvés ».

Quelques semaines plus tard, Frotté est à Jersey et, de là, écrit à Mme Atkins :


« 1er février 1795.

» J’ai toujours différé de vous écrire, ma très aimable et très héroïque dame, voulant vous annoncer mon départ de Jersey pour la côte, mais cet espoir toujours différé ne sera réalisé que dans deux jours. Jugez de mon impatience… Il est arrivé ici un bateau venant de F. (France) il y a quelques jours, chargé des meilleures nouvelles. Je n’en ai pas les détails, mais je sais que tout va mieux qu’on ne peut l’espérer, quand on ignore les véritables causes.

» Vous savez combien il me sera essentiel d’avoir de vos nouvelles par votre moyen et surtout d’être instruit exactement de tout, vous en connaissez les moyens et je m’en rapporte à votre zélé et pur Royalisme pour me les procurer. Je ne peux trop réitérer cette instance, parce qu’il est essentiel pour vous et pour la cause chérie à laquelle je me dévoue que je voye clair dans la manière dont vos agents vous ont secondée et quel a été le fruit de leurs soins.

» Adieu, ma digne et royale amie. N’oubliés pas tout à fait votre tout dévoué et comptés à jamais sur les sentiments que j’ai voué à mon Roy et à ma dame.


» Jersey, 1er février.

» Plus je vois, plus j’ouvre les yeux et connaît[sic] des détails, moins je vois d’obstacles à vaincre. »


À cette époque, Frotté paraît être encore dans la persuasion qu’on a su lui inspirer ; mais quelques mots de cette lettre font comprendre que sa correspondante, Mme Atkins, ne partageait pas entièrement ses illusions et continuait à agir dans le sens des « projets particuliers » concertés entre eux antérieurement. Cela ressort encore plus clairement d’une lettre postérieure qui laisse même deviner que Frotté avait été sur le point d’y revenir lui-même et qu’il avait fallu une nouvelle intervention pour le maintenir quelque temps encore dans les dispositions indiquées par ses premières lettres.

Il écrit, le 14 mars, à la même Mme Atkins :


« Rennes, 14 mars 1795.

» Ne pouvant positivement prévoir comment tout cela finira et ne pouvant pas plus faire la guerre tout seul, si tout le monde fait la paix, que je ne veux signer de traité avec les régicides, ni retourner en Angleterre sans avoir du moins tenté ce qui m’a fait venir ici, j’avais un projet dont l’impossibilité et l’inutilité de l’exécution, dont j’ai eu l’assurance formelle, me prouve encore bien clairement que vous avez été abusée dans les rapports qu’on vous a faits sur le sort des bien chères et malheureuses victimes du Temple. Un des plus prépondérants des quatorze députés insistait pour que je lui donnasse un moyen de faire quelque chose pour moi, qui me put rapprocher d’eux. J’en profitai pour m’ouvrir à lui sur la seule chose que la Convention put m’accorder et à laquelle je mettrais un grand prix si la paix se concluait. Il me fit les plus belles promesses et ouvrit des yeux d’étonnement que je ne peux pas vous rendre, lorsque je lui dis que, dans cette circonstance, la seule place qui convint à mes principes, à mon cœur et à mon caractère, était dans le Temple, pour y servir le reste infortuné du sang qui régna sur la France (notez que celui à qui je parlais n’avait pas voté la mort du Roi). Il me fixa quelque temps, sans me répondre, et j’en profitai pour appuyer ma proposition de toutes les raisons qui pouvaient être les plus compatibles avec les sentiments d’honneur, d’humanité et de modération philanthropico-républicaine qu’affectent les députés depuis la mort de Robespierre. Enfin il rompit le silence en me disant : votre proposition mérite réflexion ; nous ne sommes pas seuls ; demain nous nous reverrons chez moi, si vous voulez, et je vous répondrai franchement.

» Je le revis le lendemain, et après m’avoir fait plusieurs objections d’un air assez ému, il me dit : « Écoutez, ce que vous me demandez n’est peut-être pas impossible à obtenir, parce que nous voyons fort bien que vous avez de l’ascendant parmi les députés royalistes et que vous pourriez accélérer la fin des conférences, en faisant le contraire de ce que vous faites, et d’autant plus que la Convention désire fort qu’elles ne se prolongent pas davantage et que tous les chefs signent le traité le plus tôt possible, mais je trouve votre dévouement du moins respectable et comme les choses, quoi que vous puissiez faire, n’en iront pas moins comme nous voulons, plus ou moins promptement, je dois vous dire la vérité, parce que je crois pouvoir compter sur votre discrétion. Votre sacrifice serait inutile. Vous en seriez sûrement victime et ne pourriez, dans aucun cas, servir à rien au fils de Louis XVI. Sous Robespierre, on a tellement dénaturé le physique et le moral de ce malheureux enfant que l’un est entièrement abruti et que l’autre ne peut lui permettre de vivre. Ainsi, renoncez à cette idée dans laquelle j’aurais vraiment bien du regret, par intérêt pour vous, de vous voir persister, les choses étant au point où elles en sont, car vous n’avez pas idée de l’appauvrissement et de l’affaiblissement de cette petite créature. Vous n’auriez, en le voyant, que du chagrin et du dégoût, et ce serait vous sacrifier inutilement, car vous le verriez infailliblement mourir bientôt ; et, une fois au Temple, vous n’en sortiriez peut-être jamais, etc., etc.

» Je n’ai pu qu’être parfaitement content de cet homme et je ne lui soupçonne pas le cœur coupable sans ressource. Pauvre malheureux enfant ! Vous voyez, mon amie, comme on vous a trompée depuis longtemps et combien le grand homme a trompé M. Pitt, s’il est vrai qu’il l’ait assuré qu’il pouvait l’avoir en son pouvoir, etc., etc. D’après ces détails, si je n’ai pas été trompé, l’histoire de cette conversation sur les dispositions du général Canclaux, sur le troc qu’on a fait de l’enfant, etc., etc., tout cela sont des contes, ou la Convention veut faire périr l’enfant qu’elle a mis à la place du jeune roi, pour se réserver la ressource de faire croire que ce dernier n’est pas le véritable et n’est que supposé. L’avenir nous développera tout cela. Je n’ai pas fait part de mes observations à mon député, mais j’en ai profité, ainsi que de ce qu’il m’a dit pour renoncer à ce projet et chercher d’autres moyens efficaces de venger et de servir mon pays et mes maîtres[4]. »


Cette lettre est d’une importance capitale. Elle éclaire d’une vive lumière les points les plus mystérieux de cette histoire.

Pour « accélérer la fin des conférences », un des délégués, — non sans en avoir conféré avec quelques-uns de ses collègues, sans aucun doute, — avait eu l’habileté de persuader à Frotté (et par lui à Hoche évidemment) que la santé du jeune roi Louis XVII était irrémédiablement perdue. Et alors Frotté et Hoche avaient fléchi dans le sens des négociations. Il en faut conclure que c’était bien et uniquement la restauration de Louis XVII qui était l’objectif et la raison de l’entente entre Puisaye et les royalistes du nord de la Loire, car le grand homme désigné dans la lettre n’est autre que Puisaye.

Quelques jours plus tard, Frotté et Hoche se rejettent simultanément dans le parti de l’abstention, par ce que, très évidemment, par des renseignements plus sûrs, ils apprirent que Frotté « avait été trompé » en effet par le récit de l’obligeant délégué et que c’était sa conjecture subsidiaire qui était vraie.

Ces renseignements provenaient de deux sources différentes probablement.

D’une part, il a été produit trois lettres du gardien du Temple, Laurent, annonçant à un général — que les uns ont cru être Hoche et d’autres Frotté — les diverses phases des mesures prises au Temple pour faire disparaître le jeune Roi, au moyen de deux substitutions successives, afin d’assurer son évasion. Il n’existe de ces lettres que des copies ; mais l’authenticité en a été démontrée par la concordance parfaite des indications qu’elles contiennent avec des documents trouvés aux Archives, qui ont détruit le système basé sur les témoignages antérieurement recueillis ; elle le serait, s’il était nécessaire, une fois de plus, par la concordance qui se rencontre aussi entre les communications de Laurent et les fluctuations de Frotté[5].

D’autre part, une communication récente, qui emprunte une importance considérable des circonstances dans lesquelles elle a été faite, établit que Frotté reçut de Mme Atkins directement l’avis que le jeune Roi avait cessé d’être prisonnier[6].

Tout ceci fait apercevoir l’enchevêtrement d’intrigues au milieu desquelles se poursuivaient les négociations et fait comprendre la raison des singulières fluctuations auxquelles elles donnèrent lieu.

Frotté n’eût pas beaucoup de peine à ramener les royalistes à la ligne de conduite antérieurement suivie, car, de cent vingt-cinq chefs venus au rendez-vous pour traiter, vingt-deux seulement, l’intrigant Cormatin en tête, consentirent à signer le traité.

Les conférences de La Mabilais se terminèrent ainsi, le 20 avril (Ier floréal), d’une façon plus étrange encore que celles de La Jaunaye.

Du côté des républicains, on s’est passé de la signature de celui qui a reçu des pouvoirs spéciaux, de Hoche ; et cela, pour obtenir, du côté des royalistes, la signature d’un petit nombre d’officiers subalternes, sans prestige et sans autorité.

Frotté, qui commande en Normandie, ne signe pas ; Puisaye, qui commande en Bretagne, ne signe pas, ni personne pour lui, puisqu’il était avéré que les pouvoirs précédemment exhibés par Cormatin étaient faux ; ses chefs de division, Cadoudal, Lantivy, Jean-Jean, Tinténiac, ne signent pas.

Ainsi que l’écrivait Hoche, peu de temps après, « La République n’avait traité qu’avec des individus du parti et non des chefs[7] ».

Cet échec, — car c’en était un caractérisé, — n’en fut pas moins célébré comme un succès, par un de ces coups de bluff dans lesquels excellait la Convention.

On fit faire à Cormatin, enivré de jouer un rôle, une entrée à Rennes, qui ne fut qu’une parodie assez piteuse de celle de Charette à Nantes.

Et, le jour même, les représentants délégués écrivaient au Comité de salut public :

« Nous vous annonçons, citoyens collègues, l’heureuse issue de nos conférences : la pacification a été signée ce soir à six heures, par les chefs des Chouans, qui ont souscrit leur déclaration solennelle de se soumettre aux lois de la République une et indivisible et de ne jamais porter les armes contre elle. Nous sommes rentrés de La Mabilais à Rennes avec tous ces chefs, qui ont arboré la cocarde et le panache tricolores. La garnison était sous les armes, la musique nous précédait ; les décharges d’artillerie annonçaient au loin la réunion de tous les Français de ces départements et partout sur notre passage, on criait : Vive la République, vive la paix, vive l’union. »


Ce même jour se tenait, à Saint-Jacut, une assemblée de canton, où l’on nommait les membres d’un comité royaliste et l’on promulguait un règlement général. Et dans toute la province, les chefs de division, revenant de La Mabilais, plus décidés que jamais à reprendre la lutte, se hâtaient de compléter l’organisation militaire et administrative de la Chouannerie, dans leurs districts respectifs.

La Convention n’en persistait pas moins dans son système d’optimisme officiel.

Elle convertit en lois les décrets rendus par les représentants délégués, puis elle proclama solennellement la Vendée finie, l’Ouest pacifié et décréta que les trois armées placées sur le territoire de la guerre civile avaient bien mérité de la patrie.


  1. M. de Cormier (note de Mme A.).
  2. M. de Léon (note de Mme A.).
  3. Cette indication ne permet guère de croire que la lettre soit de la fin de décembre, comme le dit l’éditeur. Puisaye s’est embarqué pour Londres, le 23 septembre. Les six semaines comptées ici, obligent à placer la date de la lettre vers la mi-novembre.
  4. C’est M. de La Sicotière qui a fait connaître cette lettre, tirée des papiers de Frotté, qu’il eut à sa disposition.
    Il est incompréhensible qu’il n’ait pas aperçu la signification de ce qu’il a publié, inconciliable avec la thèse qu’il soutient. Mais cela constitue une sérieuse garantie d’authenticité.
  5. Voir Louis XVII et le secret de la Révolution.
  6. La correspondance de Frotté et de Mme Atkins, n’a jamais été livrée entièrement à la publicité. Il semble qu’on en ait voulu retrancher tout ce qui paraissait de nature à faire la lumière sur la question de l’évasion.
    M. de La Sicotière, qui en a eu la première communication, n’en a donné que ce qui pouvait s’ajuster à la thèse par lui soutenue dans la Revue des questions historiques (t. XXIX), de la mort du Dauphin au Temple. Le R. P. V. Delaporte a publié (Études religieuses, oct. 93) quelques lettres encore inédites ; — les deux premières citées plus haut sont du nombre, — qui, déjà, ne laissent aucun doute sur ce fait, que Frotté et Mme Atkins s’étaient au moins occupés de projets d’évasion ; mais, en accompagnant cette communication de quelques lignes, pour affirmer que l’opinion de M. de La Sicotière était la seule « raisonnable » et pour qualifier de « ridicule » la « légende de la délivrance de Louis XVII ». — Or, au mois de janvier 1903, ce même R. P. Delaporte, sans doute par un sentiment qui ressemble bien à un louable remords de conscience, a écrit au directeur d’une Revue spéciale, La Légitimité ( du Ier janvier 1903), pour lui dire que dans les papiers de cette correspondance, — par lui rendue à la personne qui la lui avait confiée, — se trouvaient quelques lignes faisant mention de la délivrance procurée par les soins de Mme Atkins. Voir Appendice 8.
  7. Lettre aux représentants, du 17 floréal : « … À la conduite que tiennent les Chouans, nous ne devons pas compter sur leurs promesses de paix. Partout ils organisent la guerre, partout ils manquent de parole, ou plutôt ils prouvent que vous n’avez traité qu’avec des individus du parti et non des chefs. »