Le Pyrrhonisme de l’histoire/Édition Garnier/24
Il me semble qu’on ne peut ni rechercher la vérité avec plus de candeur, ni en approcher de plus près, dans l’incertitude où l’histoire de ces temps nous laisse. Cet auteur impartial paraît certain que Charlemagne exerça tous les droits de l’empire en Occident autant qu’il le put. Cette assertion est conforme à tout ce que les historiens rapportent, aux monuments qui nous restent, et encore plus à la politique, puisque c’est le propre de tout homme d’étendre son autorité aussi loin qu’elle peut aller.
C’est par cette raison que Charlemagne s’attribua la puissance législative sur Venise et sur le Bénéventin, que l’empereur grec disputait, et qui, par le fait, n’appartenait ni à l’un ni à l’autre ; c’est par la même raison que le duc ou doge de Venise Jean, ayant tué un évêque en 802, fut accusé devant Charlemagne. Il aurait pu l’être devant la cour de Constantinople ; mais ni les forces de l’Orient ni celles de l’Occident ne pouvaient pénétrer dans ses lagunes ; et Venise, au fond, fut libre malgré deux empereurs. Les doges payèrent quelque temps un manteau d’or en tribut aux plus forts ; mais le bonnet de la liberté resta toujours dans une ville imprenable.