Le Pyrrhonisme de l’histoire/Édition Garnier/33
Le jésuite Daniel a beau me dire, dans sa très-sèche et très-fautive Histoire de France, que Henri IV, avant d’abjurer, était depuis longtemps catholique, j’en croirai plus Henri IV lui-même que le jésuite Daniel : sa lettre à la belle Gabrielle : C’est demain que je fais le saut périlleux, prouve au moins qu’il avait encore dans le cœur autre chose que du catholicisme. Si son grand cœur avait été depuis longtemps si pénétré de la grâce efficace, il aurait peut-être dit à sa maîtresse : Ces évêques m’édifient ; mais il lui dit : Ces gens-là m’ennuient. Ces paroles sont-elles d’un bon catéchumène ?
Ce n’est pas un sujet de pyrrhonisme que les lettres de ce grand homme à Corisande d’Andouin, comtesse de Grammont ; elles existent encore en original. L’auteur de l’Essai sur les Mœurs et l’Esprit des nations rapporte plusieurs de ces lettres intéressantes[2] ; en voici des morceaux curieux : « Tous ces empoisonneurs sont tous papistes. J’ai découvert un tueur pour moi…. Les prêcheurs romains prêchent tout haut qu’il n’y a plus qu’une mort à voir ; ils admonestent tout bon catholique de prendre exemple sur l’empoisonnement du prince de Condé…. Et vous êtes de cette religion !… Si je n’étais huguenot, je me ferais turc. »
Il est difficile, après tous ces témoignages de la main de Henri IV, d’être fermement persuadé qu’il fut catholique dans le cœur.