Le Testament de Jean Meslier/Édition 1864/Chapitre 12

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Texte établi par Rudolf Charles MeijerLibrairie étrangère (Tome 1p. 76-79).
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XII.

Mais il est facile de réfuter tous ces vains raisonnemens, et de faire clairement voir la vanité de tous ces prétendus motifs de crédibilité et de tous ces prétendus si grands et si prodigieux miracles que nos Christicoles apellent des témoignages clairs et assurés de la vérité de leur Religion. Car 1o. il est évident que c’est une erreur de prétendre que des argumens et des preuves, qui peuvent également et aussi facilement servir à établir ou à confirmer le mensonge et l’imposture, comme à établir ou à confirmer la vérité, puissent être des témoignages assurés de la vérité ; or les argumens et les preuves que nos Christicoles tirent de leurs prétendus motifs de crédibilité, peuvent également et aussi facilement servir à établir et à confirmer le mensonge et l’imposture comme à établir et à confirmer la vérité. Pour preuve de quoi c’est que l’on voit effectivement qu’il n’y a point de Religion si fausse qu’elle puisse être, qui ne prétende s’apuïer sur de semblables motifs de crédibilité ; il n’y en a point qui ne prétende d’avoir une Doctrine sainte et véritable, il n’y en a point qui ne prétende, au moins en sa manière, condamner tous les vices et recommander la pratique de toutes les vertus, il n’y en a point qui n’ait eu des doctes et zèlés défenseurs, qui ont souffert de rudes persécutions, et la mort même pour le maintien et pour la défense de leur Religion ; et enfin il n’y en a point qui ne prétende avoir des miracles et des prodiges qui ont été faits en leur faveur. Les Mahometans, par exemple, en alleguent en faveur de leur fausse Religion, aussi bien que les Chrétiens. Les Indiens en alleguent en faveur de la leur et tous les Païens aussi en alleguoient quantité en faveur de leur fausse Religion ; temoins toutes ces merveilleuses et miraculeuses metamorphoses sont comme autant de prodigieux miracles qui se seroient faits en faveur des Religions païennes. Si nos Christicoles font état des Oracles et propheties, qu’ils prétendent avoir été faites en leur faveur et en faveur de leur Religion, il ne s’en trouve pas moins dans les Religions Païennes que dans la leur, et ainsi l’avantage que l’on pouroit tirer de tous ces prétendus motifs de crédibilité se trouve à peu près également dans toutes les Religions. C’est ce qui a donné lieu au judicieux Montagne[1] de dire » que toutes aparences sont communes à toutes Religions : espérance, confiance, évênemens, ceremonies, pénitences, martyrs etc.[2]. Dieu, dit-il, recevant et prenant en bonne part l’honneur et la réverence que les humains lui rendent, sous quelque visage, sous quelque nom et en quelque manière que ce fut. Ce zèle, dit-il, universellement a été vû du ciel de bon oeil. Toutes Polices, ajoute t-il, ont tiré fruit de leur dévotion.”

Les Histoires païennes reconnoissent, dit-il, de la dignité, ordre, justice et des prodiges et des oracles emploïes à leur profit et instruction en leurs Religions fabuleuses[3]. Auguste, dit-il, encor, comme j’ai déjà marqué, eut plus de temples que Jupiter et fut servi avec autant de religion et croïance de miracles. À Delphes, ville de Beoce, il y avoit autrefois un Temple très-célèbre dédié à Apollon, où il rendoit ses oracles, et pour ce étoit-il fréquenté de toutes les parties du monde, enrichi et orné d’infinité de voeux et offrandes de très-grande valeur. Pareillement en Epidaure, ville de Peloponése ou Dalmatie[4] il y avoit autrefois un Temple très-célèbre dédié à Esculape, Dieu de la Médecine, où il rendoit des oracles, et où les Romains eurent recours à lui, lorsqu’ils furent affligés de la peste, faisant transporter ce Dieu en forme de Dragons dans leur ville de Rome ; et l’on voïoit dans son temple d’Epidaure quantité de tableaux, où étoient représentées les cures et les guérisons miraculeuses qu’il avoit faites et plusieurs autres semblables exemples, qu’il seroit trop longs de raporter ici. Cela étant, comme toutes les histoires et les pratiques de toutes les Religions le démontrent, il s’en suit évidemment que tous ces prétendus motifs de crédibilité, dont nos Christicoles veulent tant se prévaloir, se trouvent également dans toutes les Religions et par conséquent ne peuvent servir de preuves ni de témoignages assurés de la vérité de leur Religion, non plus que de la vérité d’aucune autre. La conséquence est claire et évidente.


  1. Essai de Montagne, pag. 406.
  2. Ibid. 48.
  3. Ibid. pag. 498.
  4. Dict. Hist,