Le Testament de Jean Meslier/Édition 1864/Chapitre 29

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Texte établi par Rudolf Charles MeijerLibrairie étrangère (Tome 1p. 327-NP).
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XXIX.

Or est-il évident, qu’il n’a nullement accompli les susdites promesses, et que leur accomplissement ne s’est nullement fait en lui ; c’est ce qu’il est facile de montrer, en faisant comparaison de ce qui est porté par les susdites promesses, avec ce que Jésus-Christ a été et avec ce qu’il a fait. Les promesses portent expressément, comme j’ai remarqué ci-dessus, que Dieu feroit une Alliance éternelle avec le peuple d’Israël, qui est maintenant le peuple Juif ; que quand il disperseroit ce peuple parmi toutes les Nations de la terre, en punition de leurs péchés, qu’il les délivrera de leur servitude, qu’il les rassemblera de tous les endroits du monde, où il les auroit dispersés, et que pour cet effet il leur envoïeroit son puissant libérateur, qui les délivreroit, qui les rassembleroit de toutes les nations de la terre, et qui les feroit glorieusement rentrer dans la possession de leur païs, où ils serviront fidèlement à tout jamais leur Dieu, et où ils jouiront à tout jamais, en sûreté et en paix, de toutes sortes de biens et de félicité, sans craindre d’être plus jamais exposés aux insultes de leurs ennemis. Ces promesses portent expressément aussi, comme je l’ai remarqué, que la ville de Jerusalem, qui est la ville capitale de ce peuple, seroit la ville sainte, la ville choisie de Dieu, pour y établir à tout jamais le Trône de sa gloire ; que pour ce sujèt il la rendroit la plus belle, la plus riche, la plus glorieuse et la plus florissante ville de tout le monde. Ces promesses ont été plusieurs fois réitérées par les prétendus Prophètes, qui ont prédit et annoncé des merveilles sur ce sujèt, comme je l’ai aussi marque ci-devant, et, suivant toutes ces belles promesses et prédictions, le peuple Juif devroit maintenant être, non-seulement délivré de toute servitude, mais il devroit être encore le plus saint, le plus béni, le plus heureux, le plus puissant, le plus glorieux et le plus triomphant de tous les Peuples de la terre, et la ville de Jerusalem devroit être maintenant la plus sainte, la plus glorieuse, la plus heureuse, la plus riche et la plus triomphante ville de tout l’univers. Et comme il est évident qu’il n’est rien de tout cela, et que rien de tout cela ne s’est fait, et n’a paru se devoir faire depuis la naissance et la venue de Jésus-Christ, non plus que devant sa naissance et sa venue, il est évident aussi que l’accomplissement des dites promesses ne s’est nullement fait en lui, ni dans aucun autre que lui, et par conséquent il est évident que les dites promesses et prophéties soïent entièrement vaines et fausses.

Je sais fort bien, que nos Christicoles regardent comme une grossiéreté d’esprit, de vouloir prendre au pié de la lettre les susdites promesses et prophéties, comme elles sont exprimées, et croïent, eux, bien faire les subtils et les ingénieux interprêtes des desseins et des volontés de leur Dieu, de laisser le sens littéral et naturel des paroles, pour leur donner son sens, qu’ils apellent mystique et spirituel, et qu’ils nomment allégorique et tropoliogitique, disant par exemple, que par le peuple d’Israël et de Juda, auxquels ces promesses ont été faites, il faut entendre non les Israëlites selon la chair, mais les Israëlites selon l’esprit, comme ils disent, c’est-à-dire les Chrétiens, qui sont, suivant ce qu’ils disent eux-mêmes, l’Israël de Dieu, c’est-à-dire, le vrai peuple choisi, et auquel l’accomplissement de toutes les susdites promesses étoit réservé, pour s’y accomplir d’une manière toute spirituelle et divine ; que par la délivrance promise au peuple, de les délivrer de la captivité de tous ses ennemis, il faut entendre, non une délivrance corporelle d’un seul peuple captif, mais la délivrance spirituelle de tous les hommes de la servitude du Démon et du péché, qui se devoit faire par Jésus-Christ, leur divin Sauveur, qui s’est livré lui-même, comme ils disent, pour le salut de tous les hommes ; illusions vaines et ridicules interprétations.

Que par l’abondance des richesses, des biens et de toutes les félicités temporelles, promises à ce peuple, il faut entendre l’abondance des grâces et bénédictions spirituelles, que Dieu communique dans la Religion Chrétienne aux âmes saintes, par les mérites de Jésus-Christ, leur divin Sauveur. Et enfin, que par la ville de Jerusalem, dont il est si avantageusement parlé dans les susdites promesses et prophéties, il faut entendre non la Jerusalem terrestre, mais la Jerusalem spirituelle, qui est l’Eglise Chrétienne ou la Jerusalem céleste, qui est le ciel même, et qui est, suivant ce que disent nos Christicoles, la véritable demeure de Dieu, le lieu, qui est le Trône de sa gloire et de sa souveraine Majesté, le lieu, où se trouvent éminemment tous les biens, que l’on peut souhaiter et toutes les félicités, dont on peut jouir, où rien de souillé ne peut entrer, et où les véritables Elus seront éternellement bienheureux, sans plus jamais craindre aucun mal. Et ainsi, suivant cette interprétation spirituelle et mystique des promesses, faites aux susdits anciens Patriarches : Abraham, Isaac et Jacob, quand Dieu leur promettoit de bénir et de multiplier leur race et leur postérité, comme les grains de sable de la mer, ou comme les grains de poussière, qui sont sur la terre, c’étoit seulement une expression figurée, par laquelle il vouloit ou auroit voulu faire entendre, qu’il béniroit et qu’il multiplieroit les Chrétiens, qui étoient spirituellement entendus par cette postérité des anciens Patriarches ; lors qu’il leur promettoit de faire une Alliance éternelle avec eux, cela s’entendoit de l’Alliance éternelle et spirituelle, qu’il feroit avec l’Eglise Chrétienne, en lui donnant la loi Evangélique, qui subsisteroit jusqu’à la fin des siècles. Quand il leur promettoit, à eux et à toute leur postérité, de leur donner un Rédempteur, qui les délivreroit de toute servitude et de toutes misères, qui les rassembleroit de tous les païs du monde, où ils auroient été dispersés et menés captifs, et qui les raméneroit victorieux et triomphans dans la possession de leurs terres et païs de Chanaan et de la Palestine, cela s’entendoit non littéralement, d’un Rédempteur temporel, mais spirituellement, d’un Rédempteur, qui délivreroit spirituellement les hommes de la captivité du Démon, du péché, qu’il les raméneroit tous à la connaissance du vrai Dieu, et non d’un Rédempteur, qui dût délivrer seulement le peuple Juif de leur captivité temporelle. Et quand il leur promettoit de les faire jouir abondamment de toutes sortes de biens, dans leur païs, après leur délivrance, et qu’il leur promettoit abondance de froment, de vin, d’huile, de lait, de miel et de toutes autres sortes de biens, cela s’entendoit, non des biens temporels de la terre, comme sont le froment, le vin et les autres richesses temporelles, mais des biens spirituels de la grâce, qui étoient figurés par les biens temporels, et que le Sauveur spirituel des âmes devoit aporter aux hommes, après les avoir délivrés de leurs péchés. Illusions vaines et ridicules interprétations. Et enfin, quand il promettoit de rendre la ville de Jerusalem si sainte, si riche, si abondante, si florissante et si heureuse ; cela s’entendoit non de la Jerusalem terrestre, mais de la Jerusalem spirituelle, qui devoit être l’Eglise Chrétienne, ou de la Jerusalem céleste, qui est la véritable demeure de Dieu et le véritable séjour des Ames bienheureuses… Et ainsi de même de toutes les autres Promesses ou Prophéties, qui ont été faites en faveur de ce peuple d’Israël et en faveur de leur ville de Jerusalem. Lesquelles promesses ou prophéties, se trouvant manifestement fausses dans leur sens propre naturel, et nos Christicoles ne voulant pas néanmoins reconnaître ouvertement leur fausseté, parce que c’est sur ces prétendues promesses et prophéties, que leur Religion est fondée, ils ont été obligés de leur donner un sens qu’elles n’ont point, afin de tacher de couvrir leur fausseté et d’y faire trouver, s’ils peuvent, une vérité, qui n’y est pas et qui n’y sera jamais.

Mais il est facile de voir, que ce prétendu sens allégorique n’étant qu’un sens étranger, un sens imaginaire et un sens forgé à la fantaisie des interprêtes, il ne peut nullement servir à faire voir la vérité, ni la fausseté d’une proposition, ni d’une promesse ou prophétie, et il est même ridicule de forger ainsi des sens spirituels ; car il est constant que ce n’est que par raport au sens naturel et véritable d’une proposition, d’une promesse ou d’une prophétie, que l’on peut juger de sa vérité ou de sa fausseté ! Une proposition, par exemple, une promesse ou une prophétie, qui se trouve véritable dans le sens propre et naturel des termes, dans lesquels elle est conçue, ne deviendra pas fausse en elle-même, sous prétexte, que l’on voudroit lui donner un sens étranger, qu’elle n’auroit pas. De même, une proposition, une promesse ou une prophétie, qui se trouve manifestement fausse dans le sens propre et naturel des termes, dans lesquels elle est conçue, ne deviendra pas véritable en elle-même, sous prétexte, que l’on voudroit lui donner un sens étranger, qu’elle n’auroit pas. Ainsi quand il y a, et que l’on voit dans un discours, dans une promesse ou dans une prophétie un sens clair et net, un sens propre et naturel, par lequel on peut facilement juger de sa vérité ou de sa fausseté, c’est un abus et folie de vouloir lui forger des sens étrangers, pour y chercher des vérités ou des faussetés, qui n’y sont pas, et il est ridicule, comme j’ai dit, de vouloir quitter la vérité d’un sens clair, d’un sens propre et naturel, pour chercher dans un sens forgé et imaginaire des vérités, qui ne seroient qu’imaginaires.

C’est ce que font néanmoins nos Christicoles, lorsqu’ils quittent le sens propre et naturel et le sens véritable des promesses et des prophéties, dont je viens de parler, pour leur forger des sens spirituels et mystiques, qui ne sont certainement que des sens imaginaires et des sens ridiculement imaginés, car en quittant ainsi, comme font nos Christicoles, le sens propre et naturel des susdites prophéties et promesses, ils quittent le sens réel et véritable, pour s’attacher à des sens, qui ne sont qu’imaginaires et qui ne servent qu’à établir de nouvelles erreurs, pour couvrir les anciennes. Je dis que ces sens spirituels et allégoriques ne sont qu’imaginaires, parcequ’il ne dépend effectivement que de l’imagination des interprêtes, de leur donner tel sens spirituel et mystique qu’ils voudront ; de sorte que s’il ne tenoit qu’à forger ainsi des sens spirituels, allégoriques, et mystiques, pour rendre des promesses ou de prétendues prophéties véritables, on pouroit facilement, par ce moïen, rendre véritables toutes celles qui seroient les plus fausses et les plus absurdes, ce qu’il seroit encore très ridicule de vouloir faire.

D’ailleurs, vouloir donner à des promesses ou des prophéties, prétendues divines, d’autre sens que celui qu’elles contiendroient manifestement en elles-même, c’est une témérité et une présomption, qui n’est pas suportable dans les hommes, parce que c’est absolument changer, altérer et corrompre, et même anéantir en quelque façon, les susdites promesses et prophéties, c’est, dis-je, les anéantir au moins en tant qu’elles seroient de Dieu, on ne prétend pas néanmoins que le sens spirituel, allégorique et mystique, que nos Christicoles leur donnent, soit véritablement de Dieu, ni des Prophètes mêmes. Car on ne prétend pas que ce soit Dieu lui-même, ni les Prophètes, qui aïent dit qu’il falloit les entendre et les interpréter spirituellement, allégoriquement et mystiquement, comme font nos Christicoles. Ainsi ce sont nos Christicoles eux-mêmes, qui forgent, comme ils veulent, ou qui ont forgé, comme ils ont voulu, tous ces beaux prétendus sens spirituels, allégoriques et mystiques, dont ils entretiennent et repaissent vainement l’ignorance des pauvres peuples ; et ainsi quand ils nous proposent d’une part les prétendues promesses et prophéties, comme venant de Dieu même, et qu’ils nous les expliquent ensuite, non dans leur sens propre et naturel, mais dans un sens forgé et dans un sens suposé, qu’ils apellent allégorique, spirituel et mystique, ou dans un sens analogique ou tropologique, comme il leur plaira de dire, ce n’est plus la parole de Dieu, qu’ils nous proposent et qu’ils nous débitent sous ce sens-là ; mais ce sont seulement leurs propres pensées, leurs propres fantaisies et les idées creuses de leurs fausses imaginations, et ainsi elles ne méritent pas que l’on y ait aucun égard. Et ce qui nous fait encore voir l’illusion et la vanité de ces prétendus sens spirituels et mystiques, c’est qu’il n’y auroit point de sectes et de nations, qui ne pouroient également se servir de ces mêmes prétendues promesses et prophéties en faveur de leur fausse Religion, comme font nos Christicoles en faveur de la leur, s’ils vouloient, comme eux, leur donner des sens spirituels et mystiques convenables à leur croïance, à leurs mistères et à leurs cérémonies : car on peut en inventer et en forger tant que l’on veut, et les apliquer comme on veut à tout ce qu’on veut, cela ne dépend que du génie et de l’imagination de ceux, qui veulent leur donner ces sortes de significations ou d’interprétations.

Il paroît que ç’a été ce grand Mirmadolin, vase d’élection de Jésus-Christ, nommé S. Paul, qui a trouvé le premier l’invention de ces beaux sens spirituels et mystiques ; car voïant d’un côté, que les choses qu’il croïoit devoir arriver, conformement aux susdites promesses et proféties prétendues divines, n’arrivoient pas et que le tems de leur accomplissement se passoit, sans que l’on vit aucune aparence qu’elles dussent véritablement s’accomplir, comme il le croïoit ; et d’un autre côté, ne voulant pas reconnoitre, ni avouer sincérement son erreur en cela, de crainte sans doute d’avoir la honte de passer pour dupe, il s’avisa, pour déguiser l’erreur, de quitter le sens littéral, le sens propre et naturel des susdites promesses et prophéties et de leur donner un nouveau sens, auquel on ne s’attendoit point et auquel on n’avoit pas encore pensé, qui fut d’interpréter spirituellement, allégoriquement et mystiquement les susdites promesses et prophéties, disant pour cet effet, que tout ce qui avoit été dit et que tout ce qui s’étoit fait et passé, ou pratiqué dans la loi de Moïse, n’avoit été dit ou fait, qu’en figure de ce qui devoit s’accomplir et de ce qui devoit se faire dans le Christianisme.

Voici comme il s’explique dans sa premiére lettre aux Corinthiens :[1] Mes Frères, leur dit-il, je ne veux pas que vous ignoriez que nos Pères marchèrent sous la nuée et que tous passèrent la mer ; que tous mangèrent la même viande spirituelle, et que tous burent le même breuvage spirituel. Or ils buvoient tous, dit-il, de la pierre spirituelle, qui les suivoit, et cette pierre, dit-il, étoit Jésus-Christ. Petra autem erat Christus. Mais, continue-t’-il, plusieurs d’entr’eux ne furent pas agréables à Dieu, puisqu’il les fit mourir dans le désert ; or ces choses, continue-t’-il, nous ont servi de figures et d’instructions, afin que nous ne suivions pas, comme eux, nos désirs déréglés, et que vous ne tombiez pas, comme quelques-uns d’eux, dans l’idolatrie, selon ce qui est écrit, que le peuple s’assit pour manger et pour boire, et qu’il se leva pour danser, et que nous ne commettions point des fornications, comme quelques-uns d’eux en commirent, ce qui causa la mort à 23 mille en un jour, que nous ne tentions point Jésus-Christ, comme quelques-uns d’entr’eux, qui, l’aïant tenté, périrent par les serpens, que vous ne murmuriez point, comme firent quelques-uns d’entr’eux, qui furent exterminés par l’Ange. Car toutes ces choses leur arrivèrent, pour être, dit-il, la figure de ce qui se devoit passer parmi nous, que nous trouvons à la fin des siècles, et elles ont été écrites pour notre instruction. Et dans sa lettre aux Galates,[2] voici comme il parle sur ce sujèt : Dites-moi, vous qui voulez encore vous soumettre à la loi, n’avez-vous point lu ce qui est écrit dans la loi, qu’Abraham eut deux fils, l’un d’une servante et l’autre d’une femme libre, mais le fils de la servante, dit-il, naquit selon la chair, et le fils de la femme libre naquit selon la promesse, ce qui est dit par allégorie, dit-il, car ces deux mères, dit-il, sont les deux alliances, c’est à dire les deux testamens, dont l’un a été fait sur la montagne de Sinai et ne produit que des esclaves, c’est celui qui étoit signifié par Agar, qui étoit la servante. Car Sinai, dit-il, est une montagne d’Arabie, qui a du rapport avec la Jérusalem que nous voïons maintenant, et qui est esclave avec ses enfans. Mais la Jérusalem d’en haut, dit-il, est libre et c’est celle qui est notre mère et de laquelle il est écrit : réjouissez-vous, vous qui êtes stériles et qui n’avez point d’enfans, élevez votre voix et poussez des cris de joie, vous qui n’enfantez point, parceque la femme, qui étoit délaissée, a plus d’enfans que celle qui a un mari. Or pour nous, mes frères, continue cet Apôtre, nous sommes comme Isaac, les enfans de la promesse, et comme alors, celui qui étoit né selon la chair, persécutoit celui qui étoit né selon l’esprit, ainsi, dit-il, la même chose se voit encore maintenant : mais que dit l’écriture, ajoute-t-il, chassez la servante et son fils, car le fils de la servante ne sera point héritier avec le fils de la femme qui est libre. Or, mes frères, conclut-il, nous ne sommes pas les enfans de la servante, mais de la femme libre, et c’est Jésus-Christ, dit-il, qui nous a mis en cette liberté, Dieu aïant envoïé son fils dans la plénitude des tems, afin qu’il fût, dit-il, le Redempteur de ceux, qui étoient sous la loi, et que l’adoption des enfans fut accomplie en nous.

C’est dans ce même sens, qu’il dit dans son Epitre[3] aux Romains, que tous ceux qui descendent d’Israel ne sont pas pour cela les vrais Israëlites, ni tous ceux qui sont nés d’Abraham ne sont pas pour cela ses vrais enfans, parce, disent-ils, que c’est seulement par Isaac que l’on doit regarder sa postérité, c’est à dire que ce ne sont point les enfans de la chair qui sont les vrais Israëlites et les vrais enfans de Dieu, mais que ce sont les enfans de la promesse, comme ceux d’Isaac, qui sont censés, être les vrais enfans d’Abraham, et par conséquent les héritiers des promesses, à qui apartient, comme il dit, l’adoption des enfans de Dieu, la gloire, l’alliance, la loi, le culte de Dieu et les promesses qui, selon lui, doivent s’accomplir, non littéralement, mais spirituellement en Jésus-Christ. C’est pourquoi il dit dans son Epitre[4] aux Galates, que Jésus-Christ nous a délivré de la malédiction de la loi, afin que la bénédiction, promise à Abraham, fut accomplie dans les Gentils par Jésus-Christ, et que par la foi nous reçussions l’Esprit, qui nous avoit été promis. Or Dieu, dit-il, fit ces promesses à Abraham et à son fils Isaac. Il ne lui dit pas, dit-il, à vos fils, comme s’il eut parlé de plusieurs, mais à votre fils, comme parlant d’un seul, qui est Jésus-Christ, dit-il, de sorte que la loi, qui a été donnée 400 ans après les dites promesses, nous a servi, dit-il, comme d’un Précepteur pour nous conduire à Jésus-Christ, afin que nous fussions justifiés par la foi, et depuis que la foi est venue, nous ne sommes plus, dit-il, sous le Précepteur, parce que vous êtes tous enfans de Dieu, par la foi en Jésus-Christ. Ainsi continue-t-il, il n’y a plus de Juifs, ni de Grecs, ni de libres, ni d’esclaves, ni d’hommes, ni de femmes ; mais vous êtes tous un en Jésus-Christ. Vous êtes donc, leur disoit-il, les enfans d’Abraham et par conséquent les héritiers selon la promesse : laquelle promesse ne doit cependant, selon lui, s’accomplir que spirituellement en Jésus-Christ. C’est pourquoi il dit dans son Epitre[5] aux Ephésiens, que Dieu nous a béni en Jésus-Christ de toutes les bénédictions spirituelles au-dessus des cieux et que Jésus-Christ nous a acquis la rémission de nos peines par les richesses spirituelles de sa grâce, en qui, dit-il, dans son Epitre[6] aux Colossiens, tous les trésors de la science et de la sagesse sont renfermés. Que personne donc, leur disoit-il, ne vous blâme pour le boire et le manger, ni pour les jours de fêtes, ni pour les nouvelles lunes ou pour les jours de Sabath, qui n’étoient que l’ombre des choses à venir, et dont Jésus-Christ est le corps. Si donc, ajoute-t-il, vous êtes ressuscitès avec Jésus-Christ, cherchez les choses, qui sont en haut, où Jésus-Christ est assis à la droite de Dieu. Aimez[7], leur dit-il, ce qui est au ciel, et non pas ce qui est sur la terre, voulant leur faire entendre par ces paroles et par cette interprétation de la loi et des promesses, qu’ils ne doivent point s’arrêter seulement aux biens charnels et temporels de la terre, et qu’ils ne doivent pas y attacher leur cœur et leur affection ; mais qu’ils doivent principalement désirer et rechercher ceux du ciel, comme étant les seuls biens qui leur avoient été promis par la loi et par les susdites promesses, sous la figure des biens charnels et temporels de cette vie, dont il est parlé.

Et pour faire d’autant mieux recevoir cette nouvelle interprétation de la loi et des Prophètes, et voulant même faire passer sa doctrine et tout ce qu’il disoit sur ce sujèt, pour une sagesse toute surnaturelle et divine, voici comme il parloit dans sa première Epitre[8] aux Corinthiens. Nous prêchons, dit-il, la sagesse, non pas la sagesse de ce monde, ni celle des princes du monde qui périssent ; mais nous prêchons la sagesse divine, qui est cachée dans son mistère et qu’il a prédestinée avant tous les siècles, pour nous élever à la gloire. Sagesse, dit-il, qui n’a été connu d’aucun Prince du monde, mais que Dieu nous a révélée par son esprit, n’y aïant rien de si caché, que cet esprit ne sonde, jusqu’aux plus profonds secrèts de Dieu. L’homme charnel, dit-il, ne comprend point les secrèts de Dieu[9], il n’est pas capable de les comprendre, par ce que c’est par l’esprit de Dieu qu’ils se discernent. C’est pour cela encore, qu’il disoit que la lettre tuë, mais que l’esprit vivifie, comme voulant dire que l’interprétation littérale de la loi et des promesses se détruisoit d’elle-même, et qu’elle confondoit ceux qui vouloient s’y attacher ; mais que l’interprétation spirituelle, qu’il leur donnoit, étoit le véritable sens, dans lequel il falloit les entendre. Et comme si ceux, à qui il prêchoit une si belle et si subtile doctrine, eussent du pour cela lui fournir abondamment tout ce qu’il lui falloit pour sa nourriture et son entretien : Vous étonnez-vous, leur disoit-il[10], si nous recueillons de vos biens temporels, après avoir semé parmi vous les biens spirituels. Si vobis spiritualia seminavimus magnum est si carnalia vestra metamus ?

Ainsi, suivant la doctrine admirable de ce Docteur des Gentils, les deux femmes d’Abraham et ses deux fils nous figuroient spirituellement deux mistères. Celle qui n’étoit que servante figuroit l’Alliance de Dieu avec la Sinagogue, qui n’étoit elle-même que servante et qui n’engendroit, comme disoit cet Apôtre, que des esclaves, et celle qui étoit épouse figuroit l’Alliance de Dieu avec l’Eglise Chrétienne, qui est la libre et qui est l’épouse de Jésus-Christ, suivant le dire de ce même Apôtre. Pareillement le fils de la servante, qui étoit né seulement selon la chair, figuroit le vieux Testament, qui n’étoit que pour les Juifs charnels, réputés par le fils de la servante ; mais le fils de la femme libre, qui étoit né selon la promesse de Dieu, figuroit le nouveau Testament, qui est pour les Chrétiens, qui sont les vrais enfans, réputés par Isaac, qui étoit né suivant la promesse. Pour preuve de quoi, dit cet Apôtre, (remarquez bien ceci) est que Sina, où la loi ancienne a été donnée, est une montagne d’Arabie, qui est conjointe à celle, qui est maintenant la Jérusalem terrestre, qui est esclave avec tous ses enfans, au lieu que la Jérusalem d’en haut, qu’il apelle notre mère, est celle qui est libre et qui engendre des enfans, qui sont selon la promesse. De sorte, qu’en suivant la Doctrine de cet Apôtre, la Jérusalem terrestre ne seroit pas la Ville Sainte, ni la ville toute particulièrement choisie et chérie de Dieu, comme le disent les écritures, mais ce seroit seulement la Jérusalem d’en haut, comme dit cet Apôtre, ou la Jérusalem céleste.

Pareillement, suivant la doctrine de cet Apôtre, les vrais Israëlites ne seroient pas ceux, qui sont véritablement Israëlites, selon la naissance de la chair, mais seulement ceux, qui le seroient selon l’esprit de la foi des anciens Patriarches. Suivant la Doctrine de cet Apôtre, la promesse de leur donner un puissant Rédempteur, qui les délivreroit de la captivité de tous leurs ennemis, ne s’entend point d’un Rédempteur, qui doit être puissant selon le monde, ni même d’une délivrance corporelle d’ennemis visibles, comme sont les hommes, mais seulement d’un Rédempteur, qui seroit puissant selon Dieu et d’une délivrance spirituelle d’ennemis invisibles, qui sont le Démon, les vices et le péché. Et enfin, suivant la Doctrine de cet Apôtre, la promesse de les faire glorieusement et victorieusement rentrer dans la possession de leurs terres et pays, où ils seroient pour tout jamais comblés de bonheur et de félicité, dans l’abondance de tous biens, ne s’entend point d’un retour glorieux et triomphant, qu’ils dussent jamais faire dans la Judée et dans la Palestine, où ils demeuroient, ni de la jouissance des biens temporels de cette vie ; mais de la jouissance spirituelle des biens célestes et éternels, dont les justes doivent, selon cette belle doctrine, jouir éternellement dans le ciel, et où Jésus-Christ, leur Sauveur et Rédempteur, les conduira glorieux et triomphans, après qu’ils auront généreusement vaincu le Démon, les vices et les passions, qui seroient les plus grands ennemis de leur salut, toutes lesquelles choses, aussi bien que plusieurs autres semblables, qu’il seroit trop long de raporter, nous étoient, suivant la belle doctrine de cet Apôtre, divinement et mistérieusement figurées dans tout ce qui se faisoit et dans tout ce qui se passoit dans cette ancienne loi, et tout cela, fondé sur cette belle raison, que Sina, où la loi ancienne a été donnée, est une montagne d’Arabie, qui est conjointe à celle, qui est maintenant la Jérusalem terrestre, qui est esclave avec tous ses enfans, et sous prétexte qu’Abraham auroit eu deux femmes, dont l’une, qui n’étoit que servante, figuroit la sinogague et l’autre, qui étoit épouse, figuroit l’Église Chrétienne ; et sous prétexte encore, que cet Abraham auroit eu deux fils, dont l’un, qui étoit de la servante, figuroit le vieux Testament et l’autre, qui étoit de son épouse, figuroit le nouveau Testament. Qui est-ce qui ne riroit d’une si vaine, d’une si sotte et d’une si ridicule doctrine que celle-là ? Spectatum admissi risum teneatis amici ? Apol. T. 2, 350.

Si, suivant cette belle manière d’interpréter allégoriquement, figurativement et mistérieusement tout ce qui s’est dit, tout ce qui s’est fait, et tout ce qui s’est pratiqué dans cette ancienne loi des Juifs, si on vouloit de même interpréter allégoriquement et figurativement tous les discours, toutes les actions et toutes les avantures de ce fameux Don Quichote de la Manche, on y trouveroit certainement autant de mistères et autant de figures mistérieuses que l’on voudroit ; on y forgeroit autant d’allégories que l’on voudrait, et on y trouveroit même une sagesse toute surnaturelle et divine, aussi bien que dans tout ce qui s’est fait dans cette anciene loi ; mais il faut être merveilleusement simple, ou merveilleusement crédule, pour ajouter pieusement foi à de si vaines interprétations, à de si vaines promesses. C’est néanmoins sur ce vain et ridicule fondement, que toute la Religion Chrétienne subsiste, et c’est sur ces vaines et ridicules interprétations spirituelles et allégoriques, que nos Christicoles font de leurs prétenduës Écritures Saintes, qu’ils fondent tous leurs mistères, toute leur doctrine et toutes ces belles espérances, qu’ils ont d’une vie éternellement bienheureuse dans le ciel. C’est pourquoi, il n’est presque rien dans toute cette ancienne loi, que leurs docteurs ne tachent d’expliquer mistiquement et figurativement de quelque chose qui se fait dans la leur ; ils trouvent et voïent presque partout, comme feroient des visionnaires, la figure de leur Christ et la figure de ce qu’il a été et de ce qu’il a fait ; ils trouvent sa figure, et ils la voïent dans plusieurs personnes de cet ancien Testament, comme dans Abel, dans Isaac, dans Josué, dans David, dans Salomon et dans plusieurs autres, car ils prétendent que tous ces personnages-là étoient la figure de leur Christ ; ils trouvent et voïent aussi sa figure dans les animaux et dans les bêtes, car ils la trouvent dans l’agneau paschal, dans le lion de la tribu de Juda, et même dans les boucs, dont il est parlé dans le 16e Chapitre du Lévitique. Enfin, ils la trouvent et ils la voïent même dans des choses inanimées, comme dans le rocher que Moïse frapa de sa verge, dans la montagne où Dieu parla à Moïse, et dans le serpent d’airain que ce même Moïse fit dresser dans le désert : car ils prétendent que toutes ces choses et plusieurs autres semblables, que je passe sous silence, étoient la figure de leur Christ ; et ainsi, suivant cette belle manière de parler et d’interpréter allégoriquement tout ce qui se faisoit dans cette ancienne loi, ils trouvent que tout répresentoit leurs mistères.

La délivrance des Juifs de la captivité d’Égypte et leur passage de la Mer rouge étoient, suivant les Pères de l’église et les Docteurs christicoles une excellente figure de la délivrance du genre humain de la captivité du Diable et du péché, par les eaux du Baptême. Les Égyptiens, qui furent submergés et noïés dans les eaux de la Mer, en poursuivant les Israélites, sont une figure que les passions déréglées, les cupidités et tous les mauvais désirs dans les Chrétiens doivent être submergés et noïés sous les eaux de la pénitence.

Le passage des Juifs à travers la Mer rouge et la nuée qui les couvroit, étoit la figure du baptême et de la loi nouvelle. La manne qu’ils ont mangé dans le désert, étoit une figure de l’Eucharistie. L’eau que Moïse fit sortir de la pierre, qu’il frapa, étoit une figure de Jésus-Christ même, et ceux qui furent punis dans le désert, étoient une figure de la punition que Dieu fera des mauvais Chrétiens.

La naissance, ou la venue de Jésus-Christ a été figurée, disent les mêmes Pères de l’Église, par la semence de la femme Ève, qui devoit écraser la tête du Serpent. Les bénédictions, que Dieu promit à Abraham et à toute sa postérité, qui devoit être aussi nombreuse que les Etoiles du ciel et que les grains de sable de la Mer, étoient une figure des bénédictions spirituelles, que Jésus-Christ devoit aporter aux hommes, et une figure du grand nombre de fidèles, qui se réuniroient sous la loi. Voyez l’épitre aux Galates, ci-dessus raportée.

Abel, disent ces mêmes St. Pères, étoit une figure de Jésus-Christ, et sa mort la figure de la mort de Jésus-Christ, et Caïn qui tua son Frère Abel, étoit la figure des Juifs, qui firent mourir Jésus-Christ. Isaac, offert en sacrifice, étoit, disent-ils, une figure de Jésus-Christ, immolé sur la croix. Le bois, que portoit cet Isaac pour son sacrifice, lorsqu’il alloit avec son Père, pour être sacrifié, étoit une figure de Jésus-Christ, portant sa croix. L’alliance, que Dieu fit avec Abraham et son fils Isaac, étoit une figure de l’alliance de Dieu avec les hommes, par son fils Jésus-Christ, et les deux enfans d’Abraham, savoir Ismaël, qui étoit né d’Agar, sa servante, et Isaac, qui étoit né de Sara, sa femme, étoient une figure, comme j’ai déjà dit, de deux Testamens, dont l’ancien étoit figuré par Ismaël, fils de la servante, et le nouveau figuré par Isaac, fils de l’épouse. Les enfans, qu’Abraham eut de ses concubines, figuroient, dit S. Augustin, les hommes charnels du nouveau Testament, et les présens, qu’Abraham leur fit avant que de mourir, figuroient, dit le même S. Augustin, les dons naturels et les avantages temporels, que Dieu fait en ce monde-ci aux hommes charnels, aux hérétiques et aux infidèles. Mais, faisant son fils Isaac héritier de tout, cela figuroit, dit-il, que les vrais Chrétiens, qui sont les enfans bien aimés de Dieu, seroient les héritiers de sa grâce, de son amitié et de la vie éternelle.

Le serment, qu’Abraham fit faire à son serviteur, en lui touchant la cuisse, lorsqu’il l’envoïa chercher une femme à son fils Isaac, figuroit, dit S. Augustin, que Jésus-Christ devoit naître de sa chair et, pour ainsi dire, descendre de cette cuisse, qu’il lui faisoit toucher. C’est pourquoi, emploïant figurativement toutes les circonstances de cette mission, il dit qu’Abraham figuroit le Père éternel, qu’Isaac, son fils, figuroit le fils de Dieu, que Rebecca, qui devoit être l’épouse d’Isaac, figuroit l’Eglise de Jésus-Christ, que le serviteur, qui joignit Rebecca auprès de la fontaine, figuroit les Apôtres de Jésus-Christ, qui font l’alliance de l’Église avec son Chèf, qui est le même Jésus-Christ, que la fontaine, où se faisoit la rencontre du serviteur et de Rebecca, figuroit les eaux du Baptême, où se faisoit le commencement de l’alliance spirituelle, que l’on contracte avec Jésus-Christ, dans le baptême. Les joïaux, que le serviteur donna à Rebecca, figuroient l’obéissance et les bonnes œuvres des fidèles, que Laban, frère de Rebecca, qui reçut le serviteur, et qui eut soin de lui fournir la nourriture, aussi bien qu’à ses bestiaux de la paille et du foin,[11] figuroit ceux, qui donnent une partie de leurs biens temporels, pour faire subsister les prédicateurs de l’Evangile, et enfin, que Isaac, sortant de la maison, pour aller au devant de sa Maitresse, figuroit le fils de Dieu, qui quitte pour ainsi dire le ciel, pour venir au monde. Voilà certainement de belles imaginations. Est-il possible qu’un docteur, et qu’un si fameux docteur que celui-là, ait pu s’amuser à dire de telles sotises ! Ce n’est pas tout.

La collision, qui se fit des deux enfans dans le ventre de Rebecca, auparavant que d’accoucher, figuroit, dit le même Docteur Augustin, la collision, c’est à dire la mauvaise intelligence, les débats et les contestations, qui sont entre les bons et les méchans, dans le ventre de Rebecca, c’est-à-dire dans le sein de l’Eglise, qui est leur mère commune. Sermon. 78 de temp. Les deux enfans mâles, qui sortoient de son ventre,[12] figuroient, dit Dieu lui-même, deux peuples, qui en devoient naître et qui seroient divisés, et sur ce qui est dit, que le plus grand serviroit le plus petit, cela figure que les méchans, qui sont en plus grand nombre et les plus forts, serviroïent les bons et les élus, qui sont en plus foibles et les plus petits en nombre ; mais comment les méchans, qui sont en plus grand nombre et les plus forts, servent ils les bons, qui sont les plus foibles et les plus petits ? Il semble au contraire, qu’ils s’élèvent au-dessus d’eux et qu’ils les opriment. C’est, dit S. Augustin, en ce que les méchans exercent la vertu et la patience des justes, et qu’ils leur donnent souvent occasion de mériter beaucoup et de faire un grand progrès dans la vertu. Augustin. Epist. 157 et Serm. 78 de temp.

L’action, que fit Jacob,[13] en se revêtant de peau de bouc, pour paroitre velu, comme son frère Esaü, et pour tromper, par ce moïen, son père Isaac, qui avoit perdu la vue, figuroit Jésus-Christ, qui s’est volontairement revêtu d’une chair humaine, pour portes les péchés des autres. Et en ce qu’il dit ensuite à son père, qu’il étoit son premier né et son fils Esaü, il figuroit le peuple des Gentils, qui devoient entrer en l’héritage du Seigneur, en la place des Juifs. Orig. hom. 5. Hilarius in Psalm 134. Ambrois. liv. 2 tit 3 contra Marcianum, et August. en plusieurs endroits.

Les bénédictions, qu’Isaac donna à Jacob, en lui disant :[14] det tibi Deus de rore coeli et de pinguedine abundantiam frumenti et vini… et celle qu’il donna ensuite à Esaü, disant : in pinguedine terrae et in rore coeli desuper erit benedictio tua, ne furent pas sans mistères, disent les St. Pères. Car Jacob figuroit l’Eglise Chrétienne, à laquelle est promis, prémièrement le Roïaume du ciel et ensuite les biens temporels, et Esaü figuroit les Juifs, auxquels sont promis, prémièrement les biens temporels et ensuite les éternels. Voilà qui est bien subtil !

L’échelle,[15] que vit Jacob, en dormant, par laquelle les Anges montoient et descendoient, figuroit la descente du fils de Dieu en ce monde-ci, par son incarnation. Les divers dégrés de cette échelle sont les diverses générations de Jésus-Christ, qui nous sont marquées par S. Mathieu et par S. Luc, l’un faisant sa généalogie en descendant, et l’autre en montant, depuis Jésus-Christ jusqu’à Dieu, qui créa Adam. Theod. Thers. et Aug. Serm. de temp.

La pierre, que ce même Jacob dressa en cet endroit-là, en mémoire de ce qu’il y avoit vu et entendu, et l’huile, qu’il versa sur cette pierre, figuroit Jésus-Christ, qui a été oint d’une onction préférablement à tous les autres. Prae consortibus suis. Aug. in Ps. 44 et Serm. de temp. 79.

Le nom, que Jacob donna à ce lieu, en l’apellant Bethel, c’est-à-dire Maison de Dieu, figuroit la véritable Eglise des Fidèles, qui a toujours été la demeure et la porte, par laquelle on entre dans le ciel.

Lia et Rachel, qui étoient les deux femmes de Jacob, figuroient la sinagogue et l’Eglise Chrétienne. Lia, qui étoit laide et chassieuse, figuroit la sinagogue, qui étoit pleine d’imperfection, et Rachel, qui étoit belle, figuroit l’Eglise Chrétienne, qui est sans rides et sans taches, et Jacob, qui servit longtems pour avoir ces deux femmes, figuroit Jesus-Christ, qui a servi sur la terre, pour gagner à lui la Sinagogue, aussi bien que son Eglise. Justin. Dial. contra Triph. Hieron. Epist. 11.

Joseph, fils de Jacob, a été, disent les St. Pères, presque dans toutes ses actions, une figure de Jésus-Christ. Il est né, disent-ils, dans la vieillesse de ses Parens, pour marquer que[16] Jésus-Christ naitroit vers la fin des siècles, dans la vieillesse du monde. Il étoit plus aimé que ses frères, pour marquer l’amour infini du Père éternel envers son divin Fils unique. Il étoit revêtu d’une robe de diverses couleurs, pour marquer, que le fils de Dieu seroit revêtu d’une nature humaine, ornée de toutes sortes de perfections et vertus. Il va à ses frères, pour figurer que le fils de Dieu viendroit visiter les hommes, qui sont ses frères selon la chair. Les récits de ses songes lui attirent la haine de ses frères, de même Jésus-Christ s’est attiré la haine des Juifs, par les reproches qu’il leur faisoit de leur vie et de leur aveuglement, les songes qu’il eut et qui lui représentèrent qu’il seroit élevé en gloire et adoré, figuroient la Résurrection et l’Ascension glorieuse de Jésus-Christ dans le ciel et qu’il seroit adoré par les nations. Ses frères pensèrent à le faire mourir, de même les Juifs pensèrent à faire mourir Jésus-Christ. Ils le depouillérent de sa robe et la teignirent de sang, pour faire accroire à leur père qu’une bête sauvage l’avoit dévoré, figure du même Jésus-Christ dans sa mort, qui fut dépouillé de son humanité, qui fut teint de son propre sang. Ils le jettent dans une citerne, figure de Jésus-Christ, mis dans le sépulchre et qui descend dans les enfers. Ils le vendent pour 20 pièces d’argent à des étrangers, figure de Jésus-Christ, vendu par Judas 30 pièces aux Juifs. Il est conduit en Égypte par ces étrangers, figure de Jésus-Christ, conduit par les Nations étrangères, par la prédication de sa parole. Après beaucoup de traverses et de souffrances il est élevé aux prémiers honneurs dans l’Égypte, figure de Jésus-Christ, élévé au plus haut des cieux, après beaucoup de traverses et de souffrances dans ce monde-ci. Hieron. lib. 1 adversus Jovin. Tertul, lib. contra Jud. cap. 10 et lib. contra Marc, cap. 18. Ambros. lib. de Joseph, et Aug. Serm. 81 de temp. Voilà bien des sotises, que disent tous ces grands hommes.

L’accouchement de deux enfans de Thamar[17] est aussi mystérieux ; l’un qui fut nommé Zara, qui montra sa main auparavant que de naître et à qui la sage-femme y attacha un ruban d’écarlatte, qui ensuite retira sa main, et l’autre enfant vint le premier au monde et fut apellé Phares. Ce Zara, disent les St. Pères, étoit une figure du peuple fidèle, qui tient un ruban d’écarlatte, c’est-à-dire la foi aux mérites de la passion de Jésus-Christ. Il a pour ainsi dire montré sa main avant que de naître, parce qu’il a paru peu avant la publication de la foi. Ensuite Phares est né, qui signifie le peuple juif, qui a été entre ceux qui précédoient la loi de Moïse et ceux qui sont sous la loi de Jésus-Christ. Et enfin Zara est né, qui est la figure de tous ceux qui sont dans la véritable Église et qui croïent en Jésus-Christ. Ambros. lib. III in Lucam. Theodoret. Quest. 95 in Gen.

La conduite de Joseph à l’égard de la dame,[18] qui le sollicitoit au péché, est encore une figure de l’innocence de Jésus-Christ. La femme Égyptienne, qui le sollicitait au péché, est une figure de la synagogue des juifs, qui, regardant le Messie comme un Seigneur temporel, n’attendoient de lui que des biens charnels et temporels. Joseph, qui laisse son manteau à cette femme impudique et qui s’enfuit, figuroit Jésus-Christ, qui laisse aux juifs la lettre et les cérémonies de la loi, qui le couvroient comme d’un manteau et s’en va vers les Gentils pour les éclairer de sa lumière. Ruper et Prosper.

Le même Joseph,[19] en prison avec deux autres, dont l’un est sauvé, et l’autre pendu, est une figure de Jésus-Christ en la croix, entre deux larrons, dont Jésus-Christ sauve l’un, et l’autre périt abandonné. Joseph est mis hors de prison, figure de Jésus-Christ, qui sortit glorieux des enfers. Il est enlevé en honneur, figure que le même Jésus-Christ seroit honoré des Gentils. Il fait des amas de vivres pour le tems de la famine, figure de Jésus-Christ, qui fait un amas de grâces et de bénédictions spirituelles. La bénédiction, que Jacob[20] donna à son fils Juda, est apliquée aussi figurativement à Jésus-Christ, car il est apellé le lion de la tribu de Juda, au contraire celle qu’il donna à son fils Dan convient figurativement à l’Antéchrist, aussi croïent ils qu’il doit naître de sa race. Greg. Amb. Theod.

Moïse étoit aussi une figure de Jésus-Christ : il est exposé à sa naissance aux vagues des eaux de la mer, pour éviter la cruauté de l’édit de Pharaon, qui commandoit de tuer tous les enfans mâles des juifs, il figuroit Jésus-Christ,[21] qui a été exposé en sa naissance à la cruauté d’Hérodes, qui fit mourir tous les enfans nouveaux nés à Bethléem et aux environs. La fille de Pharaon retire Moïse des eaux, figure de Jésus-Christ, qui revient d’Egypte ou il s’étoit sauvé. Moïse est rendu à celle qui l’a enfanté, figure de Jésus-Christ, qui après son retour d’Egypte, est rendu à la synagogue qui l’avoit enfanté. Moïse vécut longtems dans le désert, en paissant les brebis, figure de Jésus-Christ qui vécut longtems dans la solitude. Moïse fit de grands prodiges devant Pharaon, pour obtenir la liberté du peuple de Dieu, figure de ceux que Jésus-Christ feroit devant les juifs, pour les retirer de leur aveuglement. Enfin Moïse délivra le peuple de Dieu de la captivité d’Egypte, figure que Jésus-Christ délivreroit les hommes de la captivité du péché et des Démons. Aug. Serm. 88 de temp. Isid. cap. 5 in Exod.

Dieu aparut à Moïse[22] dans un buisson ardent, sans le consumer, figure, dit S. Bernard, que Dieu aparoitroit et s’incarneroit dans une vierge, sans blesser sa virginité. Serm. 2 super missus est et Greg. lib. 23 mor. capt. 2 l’expose autrement et dit que cela figuroit que la Divinité se revêtiroit de notre chair et qu’elle en ressentiroit les douleurs, comme des pointes d’épines, sans consumer néanmoins la nature humaine. Les 10 plaïes de l’Egypte[23] sont apliquées figurativement et mystiquement aux 10 préceptes du Décalogue par Aug. in frag. Serm. 10 et selon le même Aug. les grenouilles figuroient les grands parleurs et notamment les hérétiques, qui font du bruit de leurs paroles contentieuses et de leurs disputes captieuses, qui criaillent comme des grénouilles, qui croassent dans les marais.

L’agneau paschal, que les juifs immoloient tous les ans, en mémoire de ce qui se fit au tems de leur délivrance de la captivité d’Egypte, comme aussi toutes les circonstances, qui accompagnoient cette action, étoient une excellente figure de Jésus-Christ, qui a été immolé pour le salut des hommes. Cet agneau, ou ce chevreau devoit être mâle et sans tâches, figure de la candeur et de l’innocence de Jésus-Christ. Il devoit être roti à la broche, figure du suplice de la croix. Les poteaux et le haut des portes des maisons devoient être arrosés de son sang, figure que nous serons arrosés, lavés et purifiés par sang de Jésus-Christ. Il devoit être immolé et mangé au soir, figure que Jésus-Christ seroit immolé à la fin des siècles. Il n’y avoit que les juifs qui mangeassent cet Agneau immole, figure que le véritable agneau, qui est Jesus-Christ ne devoit être mangé que par les Chrétiens. Il devoit être mangé avec des pains sans levain,[24] figure de la sincérité et de la pureté de conscience, avec laquelle il faut recevoir le vrai agneau de Dieu. Il falloit le manger avec des laitues amères, figure qu’il faut avoir une douleur amère dans le coeur, de tous ses péchés. Il falloit manger la tête avec les piés, figure de l’humanité et de la divinité de Jésus-Christ, que l’on reçoit dans le divin sacrement de l’Eucharistie. On ne devoit pas lui rompre aucun os, figure que les os de Jésus-Christ demeureroient entiers en la croix, sans en casser un seul. Enfin le peuple juif devoit célébrer tous les ans la Pâque et immoler cet agneau, en mémoire du passage de l’Ange et du passage qu’ils firent de la Mer rouge, figure que les peuples chrétiens célébreroient tous les ans leur Pâques spirituellement, avec l’Agnean divin Jésus-Christ, en mémoire de ce passage qu’ils ont fait des ténèbres la grâce et de l’état de la lumière, du péché à la grâce et de l’état de damnation à l’état du salut, lorsque le divin fils de Dieu les réconcilia à son Père, par sa mort. C’est ce que dit St. Paul,[25] puisque Jésus-Christ, dit-il, a été immolé pour être notre Agneau paschal, vous devez rejetter tout levain. Célébrons donc, dit-il, notre Pâque, non avec le vieux levain, ni avec le levain de la malice et de la méchanceté, mais avec les pains sans levain de la sincérité et de la vérité.

La colonne de feu,[26] qui conduisoit de nuit les Israélites dans le désert, figuroit le fils de Dieu, et la nuée, qui les conduisoit de jour, figuroit le St. Esprit, dit Orig. hom. 27, et de même que le feu éclaire de sa lumière, de même le fils de Dieu éclaire l’Esprit de ses vérités éternelles ; et comme la nuée couvre, de même le St. Esprit couvre les âmes de sa grâce. De là vient, qu’il est dit de la vierge Marie, que le St. Esprit la couvrit son ombre. Marie, soeur d’Aaron et de Moïse, étoit aussi une figure de la vierge Marie.

Le bois[27] que Moïse jetta dans les eaux du désert, pour les rendre douces, d’amères qu’elles étoient auparavant, étoit une figure du glorieux bois de la croix, qui rend douces les plus grandes amertumes des souffrances et des afflictions. Et les eaux, rendues douces, étoient une figure des eaux du Baptême, qui répandent dans les âmes la douceur de la grâce du sauveur. Aug. Tert. Orig. Hier.

La manne, que les Israëlites mangèrent dans le désert, étoit une figure de cette manne céleste, que Jésus-Christ nous a laissé dans le sacrement de l’Eucharistie, en nous y donnant son corps, pour servir de nourriture et son sang, pour servir de breuvage à nos ames. Cette manne tomboit du ciel et étoit comme un pain du ciel, mais le corps de Jésus-Christ est véritablement un pain du ciel. Cette manne étoit ainsi apellée, d’un nom qui tient d’admiration, figure que le sacrement d’Eucharistie seroit tout plein de miracles, dignes d’admiration. Cette manne ne tomboit que pendant les ténèbres de la nuit, figure que cette manne Eucharistique ne se verroit et ne se connoitroit qu’à travers les ténèbres de la foi. Cette manne étoit la nourriture de ceux, qui étoient sortis de la captivité d’Egypte, figure que celle de l’Eucharistie seroit la nourriture de ceux, qui sont sortis de la captivité du Démon et du péché. Cette manne[28] étoit la nourriture de ceux, qui s’en alloient à la terre promise, figure que l’Eucharistie seroit la nourriture de ceux, qui aspirent à la céleste Patrie. Cette manne avoit toutes sortes de suavité, figure que celle de l’Eucharistie feroit sentir aux âmes pures toutes sortes de douceurs spirituelles. Cette manne étoit blanche, figure que celle de l’Eucharistie ne demanderoit que de la pureté. Cette manne devoit être pilée et broïée pour être mangée, figure qu’il faut piler et broïer la dureté du coeur, pour manger dignement celle de l’Eucharistie. Ceux qui ramassoient beaucoup de cette manne, n’en avoient pas plus, que ceux qui en ramassoient moins, figure que ceux qui reçoivent la St. Eucharistie n’en reçoivent pas plus les uns que les autres, Jésus-Christ étant aussi entier sous un petit volume, que sous un plus grand.

Moïse étendant les mains, pendant que les Israëlites combattoient contre les Amalecites, figuroit Jésus-Christ attaché à la croix, les mains étendues. Moïse eut les mains étendues jusqu’au soleil couché, figure que Jésus-Christ demeureroit attaché à la croix jusqu’à vêpres. Lorsqu’il tenoit les mains élevées, les Israëlites étoient victorieux, lorsqu’il les baissoit tant soit peu[29], les Amalecites étoient vainqueurs et cela étoit-ainsi, dit Justin, non pas tant cause de la prière qu’il faisoit, qu’à cause de cette posture qu’il tenoit, qui représentoit la croix du Sauveur ; car si ce n’eut été cela, ajoute-t’-il, il n’eut pas été nécessaire, qu’on lui eut soutenu les bras, lorsqu’il étoit las, il eut suffit qu’il eut continué sa prière. Justin contra Triphon. Les Israëlites combattans figuroient les bons Chrétiens, qui sont les vrais Israëlites, qui combattent les péchés, les mauvaises inclinations de la chair et les Ennemis du salut, qui sont figurés par les Amalécites. Ils vainquent ces Ennemis, lorsqu’ils s’apliquent à la prière, et qu’ils s’apuïent sur les secours de la grâce, mais ils sont vaincus, lorsqu’ils abandonnent la prière.

Vous ne ferez cuire le chevreau dans le lait de sa mère.[30] Ce précepte, dit S. Augustin, a été donné en figure de ce que Jésus-Christ ne devoit pas être tué par Hérodes, ni par les juifs, dans son enfance ou dans son bas âge. Augt.

Moïse, aïant offert des veaux en sacrifice, il arrosa de leur sang le peuple d’Israël, en leur disant : c’est ici le sang de l’Alliance, que le Seigneur a faite avec vous, ce qui étoit, disent les Pères de l’Eglise, une figure du nouveau Testament, qui se devoit faire par l’effusion du sang de Jésus-Christ ; car l’ancien Testament, suivant leur dire, n’est qu’une figure du nouveau.

Les septantes anciens, qui virent Dieu avec Moïse et Aaron, Nadab et Abiu,[31] figuroient les prédestinés, qui verront Dieu à tout jamais dans le ciel. Le saphir qui parut sous les piés de Dieu, figure la vie sainte et les âmes innocentes des prédestinés, dans lesquels Dieu se repose, comme sur un Trône. Aug.

Le Tabernacle,[32] que Dieu ordonna à Moïse de faire, est une figure de la demeure, que nous devons préparer à Dieu dans nous-mêmes et dans nos âmes. Lorsqu’il lui commanda d’emploïer à ce Tabernacle ce qu’ils avoient de plus précieux, or, argent etc, l’or figure la sagesse et l’intelligence des mistères par la foi, l’argent la parole de Dieu, qui est marquée dans les Stes Ecritures, l’airain figure la prédication de la foi, l’hyacinthe figuroit l’espérance des choses célestes, la pourpre figure l’amour de la croix et des souffrances, l’écarlatte, teinte deux fois, figuroit le double précepte de charité qu’il faut avoir dans le coeur, à l’égard de Dieu et à l’égard du Prochain. Le lin figuroit la pureté de la chair et des affections du coeur. Les poils de chèvre figuroient les rigueurs de la pénitence. Les peaux de mouton, teintes en rouge, figuroient le bon exemple des Pasteurs qu’il faut suivre, les peaux hyantines figuroient l’immortalité des corps célestes, l’huile des lampes figuroit les doux fruits des oeuvres de charité et de miséricorde, les bois de setim, qui sont incorruptibles, figuroient la pureté incorruptible, qu’il faut conserver dans le corps et dans le coeur. Les baumes aromatiques figuroient l’odeur agréable de la bonne vie et du bon exemple, les pièrres précieuses figuroient toutes sortes d’actions des vertus chrétiennes. Aug. Bern. et autres.

L’arche d’Alliance figuroit l’humanité de Jésus-Christ. Greg. L’arche dans le Sanctuaire figuroit les Saints, qui sont dans le ciel et qui ont Jésus-Christ au-dessus d’eux, qui leur sert de propitiatoire, comme il est écrit : ipse est propitiatio pro peccatis[33] et ils sont entourés d’Anges, comme l’Arche, qui étoit entre deux Chérubins. Aug.

Le chandelier du Tabernacle figuroit Jésus-Christ. Il est fait d’or pur, parce que Jésus-Christ étoit sans aucun péché ; il étoit de fonte, pour marquer que Jésus-Christ seroit comme fondu sous les coups, qu’il reçut en sa passion. La tige de ce chandelier figuroit l’Eglise chrétienne et ses branches figuroient les prédicateurs. Greg. hom., ou autrement, le chandelier figuroit l’Eglise, le tronc figuroit Jésus-Christ, les branches figuroient les prédicateurs, les sept lampes figuroient les sept dons du St. Esprit ou les sept Sacrements de l’Eglise. v. Béde.

Le Tabernacle construit et portatif figuroit l’Eglise militante, comme le temple de Salomon, qui étoit stable, figuroit l’Eglise triomphante, qui se repose et qui est stable en Dieu. Les dix courtines de diverses couleurs figuroient tous les Elus, ornés de différentes sortes de vertus. La couverture de ce Tabernacle figuroit les Pasteurs, sous la conduite desquels les peuples sont à couvert[34]. Les peaux de mouton rouges figuroient les martyrs, qui ont teint leur chair de leur propre sang, pour la défense de la foi. Les peaux hyantines figuroient les autres Saints, ornés de diverses vertus et surtout ceux qui ont excellé en chasteté. Les vases d’argent figuroient les livres de la Loi et des Prophètes. Les Tables figuroient les travaux des Apotres et des hommes apostoliques. Les léviers et les anneaux, qui étoient d’or, figuroient les promesses du ciel, qui tiennent les fidèles attachés au service de Dieu. Je ne me lasserois point d’écrire de si belles choses. Continuons donc, le Saint des Saints figuroit le ciel même, où sont les bienheureux, l’arche signifioit les Saints, qui sont dans le ciel. Le Propitiatoire, qui étoit sur l’arche, figuroit Jésus-Christ, qui est au-dessus des Saints. Les Tables figuroient les Résurrections spirituelles des fidèles dans les Sacremens et surtout dans l’Eucharistie. Le chandelier avec ses lampes figuroient la lumière de la foi et celle qui vient de la doctrine chrétienne, comme aussi les sept dons du S. Esprit. L’autel des parfums figuroit les oraisons et les prières des fidèles, dont la bonne odeur monte jusqu’au ciel. Red. Grég. Cir. Aug.

Les habits sacerdotaux n’étoient pas non plus sans nous figurer quelque chose. La tunique de lin figuroit la terre, celle d’hyacinthe figuroit l’air, les pommes de grénades et grelots, qui y pendoient, figuroient les foudres et tonnère, ou bien la combinaison des quatre élémens. La ceinture figuroit l’Océan, qui environne la terre. L’Ephod figuroit le ciel des étoiles. Les deux pierres d’onix figuroient le soleil et la lune ; les 12 pierres du rational les 12 mois de l’année où les 12 signes du zodiaque. La lame d’or où étoit le nom du Dieu Tetragrammaton,[35] figuroit Dieu même, qui précide à toutes ses créatures. La thiare figuroit le ciel. Le Pontife figuroit donc ainsi toutes choses, pour montrer par ses habits, comme par ses paroles, que toutes choses auroient besoin du Sauveur et de la miséricorde de Dieu. Hieron. Epist 128. Joseph. Antiq. L. 3 C. 8. Béde, Greg.

Dieu dit à Moïse[36], qu’il ne verroit pas sa face, mais bien son derrière, la figure est que la face de Dieu signifie la divinité, que l’on ne peut voir par les yeux du corps et son derrière figure la nature humaine en Jésus-Christ, laquelle on peut voir. Il dit donc qu’il verroit son derrière, parce que les Juifs, qui étoient ici figurés par Moïse, ont vu le fils de Dieu dans son humanité. Aug.

Le sacerdoce de l’ancien Testament n’étoit non plus qu’une figure du sacerdoce de la loi Evangélique, comme aussi tout les sacrifices de cet ancien Testament, suivant cette doctrine de nos Christicoles, n’étoient que des figures du sacrifice de la loi nouvelle de Jésus-Christ.

Le veau qu’on offroit en holocauste, figuroit Jésus-Christ, qui s’est offert à son Père, en sacrifice d’holocauste sur la croix. Ce veau étoit tiré des troupeaux, figure que Jésus-Christ descendroit des anciens patriarches, c’est pourquoi il étoit figuré par le veau tiré du troupeau ; il étoit aussi figuré par l’agneau, à cause de son innocence et de sa douceur ; il étoit pareillement figuré par le bélier, à cause de sa souveraine puissance, il étoit aussi figuré par le bouc,[37] à cause qu’il portoit la ressemblance du péché dans sa chair, il étoit encore figuré par la tourterelle et par la colombe, à cause de sa divinité et de son humanité.

Les sacrifices anciens se faisoient hors du Tabernacle, pour figurer que Jésus-Christ devoit souffrir la mort, hors la ville de Jérusalem extra portam passus est, dit S. Paul. Les victimes étoient écorchées, figure que Jésus-Christ seroit dépouillé de sa robe, le sang des victimes étoit répandu autour de l’autel, figure que le sang de Jésus-Christ seroit répandu autour de sa croix, qui étoit son autel. Les victimes étoient mises en pièces, en figure de ce que la chair de Jésus-Christ seroit déchirée et comme mise en pièces par les coups de fouët. La chair des victimes étoit brûlée, en figure de ce que Jésus-Christ brûleroit en lui-même du feu de la charité. Aug. Cir. Alex. et autres.

Par les deux boucs, dont il est parlé au 16 Ch. du Levitique, sont figurées les deux natures de Jésus-Christ. Celui qui a été immolé, figurait la nature humaine de Jésus-Christ, qui a été immolé en la croix et celui qu’on laissoit aller au désert, figuroit la nature divine, qui est impassible. Theod. Ciril. et d’autres disent que ce bouc[38] émissaire, que l’on chargeoit des péchés du peuple, et que l’on chasseoit au désert avec imprécations et malédictions, figuroit Jésus-Christ, qui s’est volontairement chargé de tous les péchés des hommes, qui en a été le rebut des Juifs et qui en a reçu mille malédictions. Aug. D’autres disent encore que l’un de ces deux boucs figuroit Jésus-Christ et que l’autre figuroit Barrabas. Ciril. Tertul.

La défense de semer dans une même terre, différentes espèces de grains ou de vêtir des habits faits de différentes tissures,[39] figuroit qu’il ne faut avoir dans le coeur des moeurs contraires, mais qu’elles doivent être uniformes, pour éviter la duplicité.

Le Sabath des Juifs figuroit le repos de l’âme, que Jésus-Christ devoit procurer à ses fidèles, en les délivrant des soins superflus de la vie et des inquiétudes du siècle. Leur jubilé[40] figuroit le temps de la rémission générale, qui se fera à la fin des siècles, lorsque tous les fidèles entreront en la possession du Paradis, qui est véritablement leur héritage. Le son des trompettes, dans le tems du jubilé, figuroit le son des trompettes des Anges, qui apelleront tous les morts à la résurrection et au jugement général. Cyril, et autres.

L’ordre,[41] que les Israëlites gardoient dans leur camp, lorsqu’ils marchaient dans le désert, figuroit l’Église militante et les différens ordres, qui sont dans l’Église, laquelle, pour ce sujèt, est terrible, disent-ils, comme une armée rangée en bataille, terribilis ut castrorum acies ordinata. L’arche, qui étoit au milieu des escadrons du camp des Israëlites, figuroit Jésus-Christ, qui est la véritable Arche d’alliance et qui réunit les hommes à Dieu, qui est au milieu de son Eglise. Le camp des Israëlites étoit composé des douze tribus des Israelites, figure que l’Eglise Chrétienne seroit d’abord composée des douze Apôtres de Jésus-Christ. Les principaux enseignes des escadrons des Israëlites avoient pour figure, l’un, savoir Juda, un lion ; un autre, savoir Ruben, avoit une face d’homme ; l’autre, savoir Ephraïm, avoit une figure de boeuf ; le quatrième enfin, savoir Dan, avoit une figure d’aigle, tenant un serpent dans ses griffes, figure que les quatre Evangelistes seroient marqués par ces figures-là ; Mathieu par une face d’homme, Marc par un lion, Luc par un boeuf, et Jean par un aigle. Aug. Orig.

Les Nazaréens[42], mot qui veut dire être séparé, consacré et saint, figuroient Jésus-Christ, qui a été séparé du siècle, consacré à Dieu et rempli de sainteté. Cyril. Jerom. Amb. Les bénédictions que les prêtres donnoient au peuple, en répétant trois fois de suite le nom du Seigneur, figuroient le mistère de la trinité des personnes divines. Aug. Rup.

Le murmure de Marie et d’Aaron contre Moïse, pour avoir épousé une femme Ethiopienne, étoit tout figuratif. Moïse, qui épousa une femme Ethiopienne, figuroit Jésus-Christ, qui épouse l’Eglise des Gentils, figurée par l’Ethiopienne. Marie et Aaron, qui figuroient la Sinagogue et le Sacerdoce de la loi, en murmurèrent, pour figurer, que la Sinagogue[43] murmureroit de ce que leur Sacerdoce et leur loi sont comme transférés à des Gentils, qui font du fruit. Dieu aprouve ce mariage de Moïse, figure que Dieu recevroit l’Eglise des Gentils. Marie, en punition de son murmure, devient lépreuse, de même la Sinagogue, figurée par cette Marie, devient comme lépreuse et difforme, à cause de son aveuglement et de ses péchés. Marie, devenue lépreuse est séparée pour un tems, en figure de ce que la Sinagogue seroit rejettée de Dieu pour un tems, enfin, après sept jours d’exil elle revient, figure que la Sinagogue, après les sept âges du monde, c’est à dire, à la fin des tems, se réunira à l’église. Orig. Ambros.

La verge d’Aaron,[44] qui poussa des boutons et des fleurs, figuroit la Vierge Marie, qui, seule par la vertu du St. Esprit, a poussé et mis au monde la fleur divine, c’est-à-dire Jésus-Christ. Ciryl et selon d’autres la verge d’Aaron figuroit la croix de Jésus-Christ. Les boutons et les fleurs, qu’elle produisit, figuroient les Gentils, qui se convertissoient à la prédication de la croix du Sauveur. Orig. Selon d’autres encore la verge d’Aaron figuroit la puissance de Jésus-Christ, les boutons sa beauté spirituelle, procédant de la grâce et les fleurs la douceur de son esprit.

La vache rousse, dont il est parlé au 19 chap. des Nombres, étoit figurative, la vache figuroit l’humanité de Jésus-Christ, sa couleur rousse figuroit sa passion, son âge entier et parfait figuroit l’âge viril de Jésus-Christ, elle étoit sans tâche, pour marquer son innocence de tous péchés, elle n’avoit point portée le joug, pour marquer la liberté des enfans de Dieu et surtout de Jésus-Christ. Elle étoit tuée ou immolée par Eléasar Prêtre, pour figurer que Jésus-Christ soufriroit des prêtres de la loi, elle étoit tuée hors du camp, pour figurer que J. C. souffriroit la mort hors de Jerusalem. La flamme, qui brûloit cette vache et qui alloit en montant, figuroit, suivant ces mêmes Docteurs, la résurrection et l’ascension de Jésus-Christ. Le bois de cèdre, qui servoit à la brûler, figuroit la croix de Jésus-Christ. L’hyssope figuroit la vertu du baptême et l’écarlatte figuroit le sang de Jésus-Christ. Aug. Isid. Greg. Theod. etc. Pouvoit-on dire de plus belles choses que celles-là ?

La vache,[45] qui devoit être immolée, lorsque l’on trouvoit le cadavre d’un homme mort, dont on ne connoissoit point le meurtrier, figuroit encore la chair ou l’humanité de Jésus-Christ, qui a été immolée pour le salut des hommes, qui étoient morts dans le péché. Cette vache ne devoit point avoir porté le joug, pour marquer que Jésus-Christ étoit sans péchés, elle étoit tuée à cause d’un homicide trouvé, figure que Jésus-Christ seroit mis à mort pour les tués par le péché. Cette vache étoit tuée dans une vallée âpre, pour figurer le calvaire, ou la Nation juive, qui étoit revêche, infidèle et désagréable. Par le taureau, dont il est parlé au 55 chap. du Deuteronome, est figuré Jésus-Christ et par ses cornes sont figurés les bras de la croix. Aug. Tert. Ambros.

Vous ne lierez point la bouche du boeuf,[46] qui foule le grain, ce qui a été dit par figure, pour marquer les Prédicateurs de l’Evangile, qui, en prêchant l’Evangile et convertissant les infidèles, relèvent et multiplient la race de Jésus-Christ, en tant que les convertis s’apellent chrétiens du nom de Christ, que s’ils refusent de prêcher et d’aller convertir comme le frère, il est comme lui rejetté et méprisé de l’Eglise. Aug. contre Faust. Orig. Ce qui est figuré par le frère,[47] qui épousoit la femme de son frère, pour relever sa race.

Les Enfans d’Israël résistoient pendant 40 jours à Goliath et aux Philistins, qui étoient leurs ennemis.

Pourquoi pendant 40 jours ? Cela figuroit, dit S. Augustin, les quatre tems et les quatre parties de la terre, qui signifient la vie présente, dans laquelle les Chrétiens, figurés par les Israëlites, sont obligés de combattre contre le Diable et ses Anges, qui étoient figurés par Goliath et son Armée. David, qui vient avec son bâton pour combattre contre ce Goliath, étoit la figure de Jésus-Christ, qui devoit combattre contre le Goliath spirituel, c’est-à-dire contre le Diable, avec le bois de sa croix. Goliath fut frappé au front d’un coup de pierre, que David lui jetta. Pourquoi fut-il ainsi frappé au front ? C’étoit, dit le même S. Aug. parce qu’il n’avait pas fait le signe de la croix sur son front. Car de même, dit-il, que le bâton de David figuroit la croix, de même aussi, dit-il, la pierre dont ce Goliath fut frappé, figuroit le Seigneur Jésus-Christ. Aug. Serm. 197 de Temp. Voyez le 4me Dimanche après la Pentecôte.

Le Temple si magnifique, que Salomon fit bâtir à Dieu, n’étoit, dit le même S. Aug. qu’une figure de celui que Jésus-Christ lui bâtiroit, et qui seroit fait, dit-il, non de bois, ni de pierres, comme celui de Salomon, mais qui seroit fait d’hommes vivans, tel, disoit-il, que nous avons maintenant la joïe de le voir. Aug. de civit. lib. 17 cap. 8. Qui ne riroit de toutes ces inépties-là ?

Enfin toute la loi ancienne n’étoit, suivant cette doctrine de nos Christicoles, qu’une figure de leur loi nouvelle ; car, suivant leur dire, les actions mêmes, aussi bien que les paroles, y étoient figuratives et prophétiques. La terre promise, dont il est dit qu’elle étoit toute coulante de lait et de miel, pour marquer l’abondance de ses biens, n’étoit, suivant leur dire, qu’une figure de la vie bienheureuse, qu’ils espèrent dans le ciel, et qui est, comme ils disent, leur seule véritable Patrie. Tous les biens temporels, que Dieu promettoit aux juifs, n’étoient qu’une figure des biens spirituels de la grâce ou des récompenses éternelles du ciel, et comme aussi les menaces, qu’il leur faisoit, des châtimens temporels de cette vie, n’étoient qu’une figure des châtimens éternels de l’enfer. Les captivités, où les juifs furent réduits, n’étoient qu’une figure de la captivité du Démon et du péché, où étoient tous les hommes. La délivrance promise de leur captivité, n’étoit qu’une figure de la délivrance spirituelle de la captivité du Démon et du péché. Le puissant Redempteur, qui leur étoit promis, comme un très-puissant prince et Seigneur, qui domineroit sur la terre, n’étoit, suivant leur dire, qu’une figure de Jésus-Christ, dont la puissance spirituelle a délivré tous les hommes de cette captivité du Démon et du péché, où ils étoient réduits. La Jerusalem terrestre, qui devoit être à tout jamais glorieuse et si triomphante, n’étoit aussi, suivant leur dire, qu’une figure de la Jerusalem céleste, où ils prétendent que toutes sortes de biens se trouvent en abondance, de sorte que tout ce qui est dit dans les prophètes, ou dans la loi de cette Jerusalem terrestre, ou de ce puissant redempteur qui étoit promis, ou même des sacrifices et des cérémonies, qui se faisoient en ce tems-là, ne devoient s’entendre figurativement et allégoriquement, que de ce qui se fait maintenant dans la Religion Chrétienne et ne doivent s’entendre que de la Jcrusalem céleste, que de la puissance spirituelle de Jésus-Christ et de la redemption spirituelle des hommes, faites par les mérites prétendus infinis de sa mort et passion ; et même tout le peuple juif, selon la chair, n’étoit, suivant leur dire, qu’une figure des Chrétiens, qui sont, disent-ils, les vrais Israëlites, ou l’Israël de Dieu, comme dit leur grand S. Paul, de sorte que tout ce qui est dit littéralement de ce peuple et de toutes les grandes et magnifiques promesses de la part de Dieu, ne devroit s’entendre que spirituellement et allégoriquement que des Chrétiens et de ce qui se fait dans leur Réligion, si bien que, suivant cette doctrine de nos Christicoles, tout ce qui auroit jamais été dit et promis de plus beau, de plus grand, de plus magnifique et de plus avantageux, touchant la venue d’un prétendu si puissant Redempteur et touchant sa prétendue future possession et jouissance de tant de si grands et si inestimables biens, que Dieu auroit promis à son peuple d’Israël, qui étoit son peuple choisi et son peuple bien-aimé, se termineroit seulement à des biens imaginaires, à une Redemption imaginaire et à un vil et ridicule fanatisme, qui se seroit trouvé et qui se trouveroit encore maintenant dans le Christianisme, à l’occasion de quoi on auroit certainement bien raison d’apliquer ici ce qui est dit de ce tant renommé et si prodigieux enfantement prétendu d’une montagne, qui se termina seulement à la production d’une chétive souris. Parturiunt montes nascitur ridiculus mus.

Ce qui est manifestement abuser des termes de la susdite loi et des susdites promesses et prophéties, c’est en pervertir le sens et la véritable signification, de sorte que quand on voudroit même suposer qu’elles seroient véritablement de Dieu, elles se trouveraient entièrement détruites et anéanties par ces sortes d’interprétations allégoriques et mistiques, qu’ils en font, lesquelles sont entièrement vaines et frivoles, d’autant qu’elles ne sont dans le fond, que des imaginations creuses et des vaines et ridicules fictions de l’esprit humain, qui se plait dans la vanité et dans le mensonge.

Ainsi elles ne méritent pas que l’on y fasse la moindre attention et si j’en ai raporté ici un si grand nombre d’exemples, ce n’est que parce qu’elles sont tout à fait dignes de risée et qu’elles sont très-propres à faire manifestement voir la vanité des susdites promesses et prophéties, qui ne sont pas moins vaines et frivoles, que les interprétations spirituelles et allégoriques ou mistiques, que nos dits Christicoles affectent de leur donner.

Je trouverois fort étonnant, que tant de si grands et de si illustres personnages se seroient amusés à nous dire et à nous débiter tant de sotises sur de si vains sujéts, si je ne savois d’ailleurs qu’ils peuvent y avoir été portés par quelques fausses vûës, et par quelques vaines considérations particulières. Les plus grands hommes sont quelques fois capables de mille foiblesses, aussi bien que les autres. Il y a mille plis et replis dans le coeur et dans l’intention des hommes, qu’il seroit difficile de déveloper. On ne voit pas toujours par quels motifs ils parlent, ni dans quelles vûës ils agissent. Pour moi, j’aurois peine à croire, comme dit le Sr de Montagne, que ces grands hommes, dont je viens de parler, aient parlé sérieusement, lorsqu’ils nous ont débité tant de sotises sur ce sujèt : Si ce n’est peut-être, qu’ils se soient ensuite persuadés à eux-mêmes, ce qu’ils vouloient d’abord faire seulement accroire aux autres ; semblables en cela, comme dit encore le Sr de Montagne, à ces enfans, qui s’effraient de ce même visage, qu’ils ont barbouillé et noirci à leurs compagnons, ou semblables à ces sots idolâtres, qui révèrent religieusement des troncs de bois ou de pierres, auxquels ils auront donné quelque figure. Et nos Christicoles eux-mêmes, qui adorent maintenant de foibles petites images de pâte, après que leurs Prêtres ont mistérieusement et secrétement prononcé seulement quatre paroles sur les susdites petites images de pâte. Y a t-il rien de plus sot, de plus vain et de plus ridicule ?

Je croirois donc bien plûtôt, que ces grands hommes ont voulu en cela se jouer de notre commune ignorance et bêtise, sachant bien qu’il n’y a rien qu’on ne puisse facilement faire accroire aux ignorants ; et si on veut néanmoins, qu’ils aïent véritablement dît leurs pensées en cela, comme ils le croïoient, je ne saurois dans ce cas-là m’empêcher de penser qu’ils n’aïent eux-mêmes été en cela des ignorans et des sots. On me pardonnera, si on veut, cette expression, car j’écris ici naïvement ce que j’en pense, après y avoir néanmoins réfléchi plusieurs fois, et en suivant toujours, autant qu’il m’étoit possible, les plus claires lumières de la raison, pour voir si je ne me trompois pas moi-même : Car la raison naturelle est le seul chemin, que je me suis toujours proposé de suivre dans mes pensées, étant celui qu’il me paroit évidemment que chacun devroit toujours suivre, pour ne pas marcher aveuglément, comme on fait dans des chemins et dans des Païs, que l’on ne connoit pas ; et plus j’y ai passé, plus ai-je trouvé de quoi me confirmer dans mes pensées.

Comme donc les susdites promesses et prophéties, prises dans le sens propre et naturel des paroles, n’ont point eu leur accomplissement ; et que de l’aveu même nos Christicoles, elles ne peuvent l’avoir eu que dans un sens spirituel, allégorique et mistique, qui n’est dans le fond, qu’un sens étranger et un sens ridicule et imaginaire ; il s’en suit manifestement, que ces promesses et prophéties sont fausses, puisqu’elles ne sauroient être vraïes ou véritables que dans un sens, qu’elles n’ont point en elles-mêmes et qui dans le fond n’est qu’imaginaire. Et si ces promesses ou prophéties se trouvent fausses dans un sens littéral, qui leur est propre et naturel et qui est le seul propre et véritable sens, il est clair et évident, qu’elles ne viennent point de Dieu, et qu’elles ne peuvent, en aucune manière, servir de preuves, ni de témoignages assurés de la vérité d’aucune Réligion, non plus que les prétendus miracles, dont j’ai ci-devant parlé ; et tous ces prétendus motifs de crédibilité, sur lesquels nos Christicoles prétendent fonder la certitude de la vérité de leur Religion, n’étant d’aucun poids, ni d’aucune autorité, pour prouver ce qu’ils prétendent, il s’en suit manifestement, que leur Religion est fausse, et que tout ce qu’ils en disent, comme venant de la part et de l’autorité de Dieu, n’est, comme j’ai dit, qu’erreur, illusion, mensonge et imposture, et c’est la quatrième preuve démonstrative qui j’avois à en donner.



  1. 1 Cor. 10. 1.
  2. Gal. 4 : 21.
  3. Rom. 9 : 6.
  4. Gal. 3 : 13.
  5. Ephes. 1 : 13.
  6. Colos. 2 : 3      Ibid. 16.
  7. Colloss. 3 : 1.
  8. 1 Cor. 2 : 6.
  9. 2 Cor. 3 : 6.
  10. 1 Cor. 9 : 11.
  11. Gen. 24.
  12. Gen. 25.
  13. Ibid. 27.
  14. Gen. 27. 28, 39.
  15. Gen. 28.
  16. Gen. 37.
  17. Gen. 38 : 27.
  18. Gen. 39 : 7.
  19. Gen. 40.
  20. Gen. 49.
  21. Exod. 2.
  22. Exod. 3 : 2.
  23. Ibid. 7.
  24. Exod. 12.
  25. Cor. 5. è.
  26. Exod. 13. 21.
  27. Exod. 15. 25.
  28. Exod. 16.
  29. Ibid. 17. 11.
  30. Exod. 23. 19.
  31. Exod. 24. 9. Idem. 24 : 1
  32. Exod. 26.
  33. Exod. 26.
  34. Exod. 26.
  35. Exod. 28.
  36. Ibid. 33. 23.
  37. Levit. 1.
  38. Ibid. 16. 10, 21.
  39. Ibid. 19. 19.
  40. Levit. 25. 10.
  41. Num. 2.
  42. Num. 6.
  43. Ibid. 12.
  44. Ibid. 17.
  45. Deut. 21. 3
  46. Deut. 25. 4.
  47. Ibid. 25. 7.