Le Testament de Jean Meslier/Édition 1864/Chapitre 17

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Texte établi par Rudolf Charles MeijerLibrairie étrangère (Tome 1p. 112-116).
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XVII.

Mais voïons un peu si ces prétendus saints et divins livres portent en eux-mêmes quelques caractères particuliers de Divinité, comme par exemple d’érudition, de science, de sagesse ou de sainteté ou quelqu’autre perfection qui ne puissent convenir qu’à un Dieu, et si les prétendus miracles qui y sont raportés s’accordent parfaitement avec ce que l’on devroit penser de la grandeur, de la bonté, de la justice et de la sagesse infinie de Dieu Tout-puissant ; car il n’est pas à croire que des livres qui auroient véritablement été faits par la direction ou inspiration de Dieu, ne dussent contenir une science, une sagesse, et une érudition toute parfaite, ou au moins il n’est pas à croire que l’on y trouveroit les mêmes défauts, les mêmes erreurs et les mêmes impostures qui se trouvent ordinairement dans les autres livres, soit par la négligence, soit par l’ignorance ou par l’insuffisance des Hommes qui en sont les auteurs.

Pareillement il n’est pas à croire que les miracles qui seroient raportés dans ces livres ne dussent pas s’accorder et être entiérement convenables avec ce que l’on devoit penser de la grandeur, de la bonté, de la justice et de la sagesse infinie d’un Dieu qui les avoit faits ; car il est assez clair et évident qu’il ne faut pas attribuer à un Être infiniment parfait des choses qui ne seroient pas convenables à la souveraine perfection de sa nature, ni à la souveraine perfection de sa volonté. Or il est clair et évident que les prétendus saints et divins livres ne portent en eux-mêmes aucun caractère d’érudition, ni de science, ni de sagesse, ni de sainteté, ni d’aucune autre perfection que l’on puisse dire ne pouvoir venir que d’un Dieu. Bien loin de cela on y trouve manifestement les mêmes défauts, les mêmes erreurs et les mêmes imperfections qui se trouvent manifestement dans les autres livres par la négligence, par l’ignorance et par l’insuffisance des hommes qui en sont les auteurs. Par conséquent il n’y a point d’aparence que ces sortes de livres viennent véritablement de Dieu, ni qu’ils aient véritablement été faits par une inspiration particulière de son Esprit. Pareillement les prétendus miracles qui y sont raportés ne s’accordent nullement avec ce que l’on doit penser de la grandeur, de la bonté, de la justice et de la sagesse infinie d’un Dieu qui les auroit faits : donc il ne faut pas les attribuer à la Toute-puissance d’un Dieu ni croire qu’il les ait aucunement faits.

Premiérement pour ce qui est des susdits prétendus saints et divins livres dont j’ai dit qu’ils ne portent en eux-mêmes aucune marque ni aucun caractère d’autorité, ni d’inspiration divine, il est facile à toute personne tant soit peu éclairée de s’en convaincre soi-même ; il n’y a qu’à les lire, et on verra, comme j’ai dit, qu’il n’y a aucune érudition, aucun fond de science, aucune pensée sublime, ni aucune autre production de l’Esprit qui passe les forces humaines. Au contraire on n’y verra d’un côté que des histoires et narrations fabuleuses, comme sont celle de la création du monde, celle de la formation et de la multiplication des hommes, celle d’un prétendu Paradis terrestre, celle d’un serpent qui parloit, qui raisonnoit, et qui étoit même plus fin et plus rusé que l’homme, celle d’une anesse qui parloit et qui reprenoit son maître de ce qu’il la maltraitoit mal à propos, celle d’un déluge universel et d’une Arche ou des animaux de toutes espéces étoient renfermés, celle de la confusion des langues et de la division des nations, sans parler de la quantité d’autres vains, bas et frivoles contes que des auteurs graves méprisoient de raporter, lesquelles histoires ou narrations n’ont certainement pas moins l’air de fables que celle que l’on a inventées sur l’industrie de Promethée, sur la boîte de Pandore ou sur la guerre des Geans contre les Dieux et plusieurs autres semblables que les anciens Poëtes ont inventées pour amuser les hommes de leur tems. D’un autre côté on n’y verra qu’un mélange de quantité de loix et d’ordonnances ou de pratiques vaines et superstitieuses touchant les sacrifices et les purifications de l’ancienne Loi, et touchant le vrai discernement des animaux dont elle supose les uns purs et les autres impurs, lesquelles loix et ordonnances ne sont pas plus respectables ni moins vaines et superstitieuses que celle des Nations les plus idolatres. On n’y verra encore que de simples histoires vraïes ou fausses de plusieurs Rois, de plusieurs Princes ou de plusieurs autres particuliers qui auront bien ou mal vécus, ou qui auront fait quelques belles ou mauvaises actions, parmi quantité d’autres actions basses indifférentes ou frivoles qui y sont raportées aussi ; pour lesquelles Histoires faire, comme elles sont raportées dans les susdits prétendus saints et sacrés livres tant du vieil que du nouveau Testament, il est visible qu’il ne falloit pas pour cela avoir un grand génie, et par conséquent qu’il n’étoit pas besoin d’avoir pour cela des révelations divines. Ce n’est pas faire honneur à un Dieu que de vouloir le faire auteur de tant de si sottes et si vaines narrations ; il s’amusoit à bien peu de choses, s’il s’amusoit à révéler des choses si frivoles. Enfin on ne voit dans les susdits livres que les discours, la conduite et les actions de ces tant renommés et fameux Prophètes, qui se disoient tout particuliérement envoïés et inspirés de Dieu. On y verra leur maniére d’agir et de parler, leurs songes, leurs illusions et leurs rèves, et il sera facile de juger par leurs discours et par leur maniére d’agir qu’ils ressembloient beaucoup plus à des visionnaires et à des fanatiques qu’à des personnes sages et éclairées. Quoiqu’il y ait cependant dans quelques uns de ces dits livres plusieurs bons enseignemens et plusieurs bonnes et belles maximes de morale comme dans les Proverbes de Salomon, dans le Livre de la Sagesse et de l’Ecclésiaste ; mais rien nulle part qui surpasse la portée ni la capacité de l’esprit humain ni de la sagesse humaine. Bien loin de cela on voit ordinairement qu’il y a beaucoup plus d’esprit, plus de science, plus d’éloquence, plus d’ordre, plus de clarté, plus de politesse, plus de suite, plus d’exactitude et même plus de sages et plus de solides instructions dans les Livres des Philosophes, des Historiens et des Orateurs prophanes, que dans aucuns de ces prétendus saints et sacrés livres, tant de l’ancien que du nouveau Testament, dont la principale sagesse ne consiste qu’à faire croire pieusement des erreurs et à faire religieusement observer de vaines superstitions. De sorte que sans parler en particulier de plusieurs graves auteurs qui ont composé quantité de livres tant sur les sciences humaines que sur le bon réglement des mœurs et pleins de beaux exemples et pleins de bons avis, je crois pouvoir dire que quand il n’y auroit par exemple, que les Fables d’Esope, elles sont certainement beaucoup plus ingénieuses et plus instructives que ne le sont toutes ces basses et grossiéres paraboles qui sont raportées dans les prétendus saints Evangiles.