Le Thé : botanique et culture, falsifications et richesse en caféine des différentes espèces/Résumé et conclusions

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RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS


Les « thés noirs » et « thés verts » diffèrent non seulement par leur caractère physique, mais aussi par leur richesse en caféine.

Les thés verts ont des caractères extérieurs qui, dans la plupart des cas (pour nos échantillons du moins) suffisent à les distinguer entre eux. Ils sont très amers et d’une âcreté prononcée, mais se différencient par l’aspect et la forme des feuilles.

Les thés noirs, au contraire, ont des caractères physiques tellement voisins, qu’il est souvent difficile de les bien différencier ; aussi, dans la description bien incomplète que nous avons faite, il nous a fallu nous répéter à chaque instant, tant l’aspect extérieur est voisin, tant l’odeur est rapprochée, en un mot, tant les propriétés physiques se confondent.

À propos du procédé de fermentation de ces thés noirs, objet de discussion entre les auteurs, nous avons reconnu que ces derniers renfermaient plus d’ammoniaque que les thés verts. Ce fait corrobore cette idée, que les thés noirs se préparent par fermentation plutôt que par torréfaction ; la fermentation nous paraissant plus favorable à la formation des produits ammoniacaux, aux dépens des albuminoïdes.

Pour la recherche des falsifications si nombreuses du thé, les caractères différentiels qui ont spécialement fixé notre attention, nous ont été fournis par Collin, dans :

1o La disposition de l’appareil stomatique ;

2o La forme et l’aspect des cellules épidermiques et des poils secteurs ;

3o L’existence ou l’absence, la localisation des cellules sclérenchymateuses ;

4o La présence ou l’absence, la forme des cristaux.


Quant à la richesse en caféine, elle est très variable ; cependant on peut dire que plus cette teneur en caféine est considérable pour les thés verts, moins ce thé est estimé. En effet, le thé poudre à canon extra ne contient que 2 grammes 16 pour 100 de caféine, tandis que le thé Hyson Joong Mee, qui est en somme une qualité peu recherchée, en contient 4 grammes.

Les thés noirs, au contraire, suivent une marche opposée ; ils sont en général plus riches en caféine, et plus cette substance est abondante, plus le thé est estimé. Le thé Pekoë pointes blanches, et cette variété si recherchée des riches Chinois, le thé Keemum, contiennent, le premier 3gr,50, et le second près de 4 grammes pour 100 de caféine.

Mais gardons-nous bien de poser comme règle invariable ces dernières conclusions ; elles souffrent de nombreuses exceptions et ne peuvent en aucune façon être érigées en loi.

Que faut-il déduire de tout cela ?

La valeur d’un thé ne dépend point de sa plus ou moins grande richesse en caféine ; elle dépend en particulier de son parfum de sa saveur. Malheureusement ces précieuses qualités sont liées à la présence de corps volatils pour lesquels la chimie est en défaut, vu leur présence en quantité très faible, et leur altérabilité.

Si le dosage de la caféine dans un thé ne peut servir à apprécier sa valeur, du moins il permettra de reconnaître certaines espèces dont les caractères physiques prêtent à confusion. Et à ce titre, les chiffres que nous apportons sur la teneur en caféine des diverses variétés commerciales, nous paraissent présenter un réel intérêt pratique.

Ce n’est pas tout, l’infusion de thé n’a pas seulement par elle-même des propriétés efficaces, mais la théine qui en est son principe actif, joue un rôle important dans l’art de guérir. Elle prend de jour en jour une place prépondérante dans la thérapeutique. En effet, c’est d’abord après l’urée le principe organique le plus azoté ; ensuite à fortes doses elle détermine quelques phénomènes d’excitation nerveuse et vasculaire, infiniment moins prononcés cependant que ceux qui résultent de l’ingestion du café torréfié ; à petites doses elle produit un léger assoupissement suivi d’une faible stimulation circulatoire favorables à l’exercice des fonctions animales[1].

Elle convient contre les douleurs de tête et la migraine, dans la fièvre intermittente dans l’asystolie cardiaque.

Mais pour produire ces bons effets, il faut qu’elle soit d’une pureté suffisante : la méthode de dosage que nous avons indiquée est aussi une méthode excellente d’extraction, surtout si l’on emploie à chaud le noir animal pour la dernière filtration. Et à ce titre-là, l’extraction de la caféine par le procédé que nous préconisons, paraît encore présenter un réel intérêt pratique pour le pharmacien qui trouvera dans son application un moyen simple de retirer la théine des feuilles de thé ; cet intérêt n’est pas moins considérable pour le médecin qui, en possession d’un médicament d’une pureté absolue, est en droit d’en réclamer tout le bienfait qu’il peut en attendre.

Aussi, est-ce avec confiance que nous publions nos quelques recherches, et que nous les soumettons à l’approbation de nos maîtres en science, les priant, en réclamant toute leur indulgence, de regarder notre travail, non, comme une œuvre accomplie et défiant la critique, mais bien, comme un simple essai dans le début de la carrière scientifique qui s’ouvre devant nous.


FIN

  1. Littré, Dictionnaire de Médecine, de Chirurgie et de Pharmacie, 17e édition, Paris, 1893.