Le Tour de la France par deux enfants/028

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XXVIII. — Les bons certificats d’André. — La mairie. — L’honnêteté et l’économie.

Si tu es honnête, laborieux et économe, aie confiance dans l’avenir.

Cependant le temps s’écoulait : il y avait un mois qu’André et Julien étaient à Épinal ; on songeait déjà au départ.

Le patron d’André, qui n’avait que des louanges à faire du jeune garçon, lui avait procuré des papiers en règle, un livret bien en ordre, un certificat signé de lui-même avec le sceau de la mairie, puis l’attestation du maire de la ville déclarant qu’André et Julien étaient de braves et honnêtes enfants, et qu’ils avaient passé laborieusement leur temps à Épinal, l’un à l’école, l’autre chez son patron. La mère Gertrude avait voulu, elle aussi, se porter garante des jeunes orphelins, et de sa plus belle écriture elle avait joint son témoignage à celui de M. l’instituteur, à ceux du patron d’André et du maire.

UNE PAGE D’UN LIVRET D’OUVRIER SIGNÉE PAR LE MAIRE. — Le maire, aidé du conseil municipal, administre la commune, comme le préfet aidé du conseil général administre le département. — Le maire inscrit les naissances, les mariages et les morts sur les registres de l’état civil. — Il est chef de la police dans la commune. — Il reçoit les votes des habitants.

Nos jeunes garçons étaient bien contents. — Comme c’est bon, disait André, d’avoir l’estime de tous ceux avec lesquels on vit ! — Et Julien frappait de joie dans ses deux mains en regardant les précieux papiers.

Quand il fut question de régler le prix de la pension chez la mère Gertrude, elle leur dit :

— Mes enfants, voilà un mois que nous sommes ensemble, je suis économe, comme vous savez ; aussi j’ai déployé toutes mes finesses pour que nous ne dépensions pas trop d’argent. André m’a remis chaque semaine ce qu’il gagnait ; je me suis arrangée pour ne pas tout dépenser. Voilà deux belles pièces de cinq francs qui restent sur les journées d’André, et nous allons les joindre à la petite réserve que vous m’avez confiée en arrivant.

— Oh ! Madame Gertrude, dit André, il n’est pas possible que vous ayez si peu dépensé pour nous ; à ce compte-là vous devez être en perte et nous serions trop riches.

— Non, non, dit obstinément l’excellente petite vieille ; soyez tranquille, André, je ne suis point en perte, et j’ai eu tant de plaisir à vous avoir avec moi que ma vieille maison va me paraître vide à présent et mes années plus lourdes à porter. Hélas ! la belle jeunesse ressemble au soleil, elle réchauffe tout ce qui l’entoure.

— Oh ! Madame Gertrude, dit Julien ému en l’embrassant de tout son cœur, nous penserons souvent à vous et nous vous écrirons quand nous aurons rejoint notre oncle.

— Oui, mes enfants, il faudra m’écrire ; et si vous vous trouviez dans l’embarras, adressez-vous à moi. Je ne suis pas riche, mais je suis si économe que je trouve toujours moyen de mettre quelques petites choses de côté. L’économie a cela de bon, voyez-vous, que non seulement elle vous empêche de devenir à charge aux autres, mais encore elle vous permet de secourir à l’occasion ceux qui souffrent.

— Madame Gertrude, nous allons tâcher de faire comme vous, dirent les deux enfants : nous allons être bien économes. Nous sommes tout fiers d’avoir tant d’argent !… cela nous donne bon courage et bon espoir.