Aller au contenu

Le Tour de la France par deux enfants/055

La bibliothèque libre.


LV. — La ville de Thiers et les couteliers. — Limoges et la porcelaine. — Un grand médecin né dans le Limousin, Dupuytren.

Ce qu’il y a de plus heureux dans la richesse, c’est qu’elle permet de soulager la misère d’autrui.

Ce fut à la petite pointe du jour qu’on quitta Clermont ; aussi on arriva de bonne heure à Thiers. Cette ville toute noire, aux rues escarpées, aux maisons entassées sur le penchant d’une montagne, est très industrieuse et s’accroît tous les jours. Elle occupe, dans un rayon de 12 kilomètres, un grand nombre d’ouvriers, et c’est aujourd’hui la plus importante ville de France pour la coutellerie.

ATELIER DE COUTELLERIE A THIERS. — La coutellerie fabrique tous les couteaux, grands et petits, dont nous nous servons, ainsi que les canifs, grattoirs, etc. Les ouvriers représentés préparent les lames. D’autres, pendant ce temps, ont préparé les manches des couteaux, et il n’y aura plus qu’à les emmancher. Le grand soufflet qui sert à exciter le feu de la forge est mis en mouvement par un chien qui tourne dans une sorte de cage ronde comme font les écureuils.


Pendant que Pierrot dînait, nos amis dînèrent eux-mêmes, puis on se diligenta pour faire les affaires rapidement, car le patron ne voulait pas coucher à Thiers.

M. Gertal emmena les enfants avec lui, et ils achetèrent un paquet d’excellente coutellerie à bon marché, pour une valeur de 35 francs ; la veille, on avait déjà employé à Clermont les 35 autres francs en achats de dentelles.

Quand on fut en route, tandis que Pierrot gravissait pas à pas le chemin montant, Julien dit à M. Gertal :

— Avez-vous vu, monsieur, les jolies assiettes ornées de dessins et de fleurs dans lesquelles on nous a servi le dessert à Thiers ? Moi, j’ai regardé par derrière, et j’ai vu qu’il y avait dessus : Limoges. Je pense que cela veut dire qu’on les a faites à Limoges. Limoges n’est donc pas loin d’ici ?

— Ce n’est pas très près, répondit M. Gertal. Cependant le Limousin touche à l’Auvergne. C’est un pays du même genre, un peu moins montagneux et beaucoup plus humide.

OUVRIERS FABRIQUANT DE LA PORCELAINE. — La porcelaine se fabrique avec une terre très fine, le kaolin, qu’on réduit en pâte. Ensuite on divise cette pâte en feuilles blanches comme des feuilles de papier. L’ouvrier de droite tient une de ces feuilles entre ses mains et va l’appliquer sur le moule pour en faire un saladier. En même temps il faut tourner le moule. L’ouvrier de gauche est plus avancé en besogne. Sa feuille a déjà la forme du moule et il achève de l’appliquer avec une éponge. Il n’y a plus ensuite qu’à faire cuire au four les objets fabriqués.


— Je vois, reprit Julien, que dans ce pays-là on fabrique beaucoup d’assiettes, puisqu’il y en a jusque par ici.

— Oh ! petit Julien, il y en a par toute la France, des porcelaines et des faïences de Limoges. Non loin de cette dernière ville, à Saint-Yrieix, on a découvert une terre fine et blanche : c’est cette terre que les ouvriers pétrissent et façonnent sur des tours pour en faire de la porcelaine. Il y a à Limoges une des plus grandes manufactures de porcelaine de la France. Limoges est du reste une ville peuplée, commerçante et très industrieuse.

André était à côté de Julien.

— Eh bien, lui dit-il, puisque nous parlons de Limoges et du Limousin, où nous ne devons point passer, cherche dans ton livre : il y a sans doute des grands hommes nés dans cette province. Tu nous feras la lecture, et ce sera pour nous comme un petit voyage en imagination.

Julien s’empressa de prendre son livre et lut la vie de Dupuytren.


Vers la fin du siècle dernier naquit, de parents très pauvres, le jeune Guillaume DUPUYTREN. Son père s’imposa de dures privations pour le faire instruire. L’enfant profita si bien des leçons de ses maîtres, et ses progrès furent si rapides que, dès l’âge de dix-huit ans, il fut nommé à un poste important de l’École de médecine de Paris : car Guillaume voulait être médecin-chirurgien. Il le fut bientôt en effet, et ne tarda pas à devenir illustre. On le demandait partout à la fois, chez les riches comme chez les pauvres ; mais lui, qui se souvenait d’avoir été pauvre, prodiguait également ses soins aux uns et aux autres. Il partageait en deux sa journée : le matin soignant les pauvres, qui ne le payaient point, le soir allant visiter les riches, qui lui donnaient leur or. Il mourut comblé de richesses et d’honneur, et il légua deux cent mille francs à l’École de médecine pour faire avancer la science à laquelle il a consacré sa vie.

DUPUYTREN, un des plus grands chirurgiens du dix-neuvième siècle, est né à Pierre-Buffières (Haute-Vienne), en 1777 ; il est mort en 1835.