Le Tour de la France par deux enfants/061

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LXI. — Les chèvres du mont d’Or. — Ce que peut rapporter une chèvre bien soignée.

Le bétail bien logé et bien nourri rapporte le double.

On quitta l’Auvergne et on entra dans le Lyonnais. M. Gertal fit remarquer aux enfants qu’on était dans l’un des départements les plus industrieux de la France, celui du Rhône. Aux environs de Lyon, nos trois amis firent un détour et passèrent au milieu de villages animés ; Julien demanda le nom de cet endroit. — C’est le mont d’Or, dit M. Gertal ; un joli nom, comme tu vois. Ne le confonds pas avec la montagne que nous avons vue en Auvergne, non loin de Clermont, et qui s’appelle le mont Dore. Sais-tu qu’est-ce qui fait la richesse de ces villages où nous sommes ? Ce sont des chèvres que les cultivateurs élèvent en grande quantité. Dans aucun lieu de la France il n’y a autant de chèvres sur une si petite étendue de terrain. On en compte des milliers.

CHÈVRES EN STABULATION. — La chèvre est un des animaux qui s’accommodent le mieux du séjour de l’étable, quand l’étable est bien propre, bien tenue et point humide. On a calculé que vingt-quatre chèvres et un bouc peuvent rapporter par année, en lait ou en jeunes chevreaux, jusqu’à 1.200 francs de bénéfice net.


— Des milliers ! dit Julien, mais je n’en vois pas une. Nous en avons vu tant au contraire, en Auvergne, galoper sur les montagnes ! Elles étaient bien jolies.

— Elles étaient fort jolies en effet, mais le cultivateur n’élève point les chèvres seulement pour leur gentillesse : c’est surtout pour le lait et les jeunes chevreaux qu’elles donnent. Eh bien, pour donner du lait, les chèvres n’ont pas un besoin absolu de galoper sur les montagnes. Quand on les place dans des étables bien propres et bien soignées et qu’on les nourrit convenablement, elles s’accommodent à ce genre de vie qui consiste à garder l’étable et qu’on appelle la stabulation. C’est ce qui arrive ici où nous sommes. Les 18,000 chèvres dont je te parle sont toutes enfermées dans des étables. De cette manière elles ne nuisent point à la culture des champs et ne vont point dévorer à tort et à travers les jeunes pousses des arbres. D’autre part, chacune donne jusqu’à six cents litres de lait par an. On fait avec ce lait un fromage estimé, si bien que chaque chèvre rapporte chaque année aux habitants 125 fr. par tête : il y a, sur ces 125 francs à déduire la nourriture ; mais elle est peu coûteuse.

— 125 fr. par tête, dit Julien, et des milliers de chèvres ! cela fait bien de l’argent. Je n’aurais jamais cru que les chèvres fussent des animaux si utiles. Est-ce singulier à penser, que toutes ces chèvres sont renfermées et que nous n’en voyons pas une !

Au même moment, comme ils passaient près d’une ferme, on entendit un petit bêlement auquel bien vite répondirent de droite et de gauche d’autres bêlements semblables.

— Oh ! les entendez-vous ? dit Julien. Les voilà toutes qui se répondent les unes aux autres.

Julien riait de plaisir ; mais ce joli bruit champêtre s’éteignit, étouffé par le bruit du trot de Pierrot qui courait vers Lyon à toutes jambes.