Le Voyage des princes fortunez de Beroalde/Entreprise III/Dessein XIIII

La bibliothèque libre.

_________________________________________________________________


DESSEIN QUATORZIESME.


Qui eſt le plus fidele en amour, les dames ou les hommes. Exemples d’amours eſtranges, & difficiles, ou ſans raiſon. Le verd & ſa ſignification. Amour determiné d’vne Damoyſelle.


DEsia le iour auoit fait reuoir tous les obiets, & ayant reueſtu de ſa propre habitude ce qui eſtoit caché ſous la difformité de la nuict, eſgayoit tout ce qui eſtoit ſous l’eſtendue des Cieux, Que l’Empereur bien accōpaigné, veint au cinquieſme Palais, où l’apreſt des viādes & de tout ce qui ſuyuoit, ne manqua non plus qu’aux autres iours. A l’heure des cauſes il entra en la magnifique Sale, où pour ce iour il fut aſſis non ſelon l’ordre exact de la magnificence imperiale obſeruee és courts des Monarques reſplédiſſans, en vanité de majeſté, plus ſouuent qu’en gloire de vraye dignité, mais en eſprit aſſuieti à la loy d’vn plus grand qui eſt l’Amour, aux ſtatuts du quel il rend toute obeiſſance ſuyuant les couſtumes du lieu, où il eſt venu chercher remede, à ſon mal : bien eſt il qu’il iouyt de la diſpence octroyee à ſa grandeur, ſelon l’ordonnance des Princes & de la Souueraine, qui veulēt que touſiours il ſoit occupé à ce que ſon cœur ne moyſiſſe en l’attente de ſon bien, n’ayant point de diſtraction. Tout eſtant en ordre, Gnoriſe & Xyuoye gouuerneur d’Amelie, ſe preſenterent pour auoir reſolution d’vn debat eſmeu entreux. Elle maintenoit que les dames eſtoyent les plus parfaites en Amour, & luy ſouſtenoit que les hommes en emportoyent le prix. Quād ce fut à Parler, Xyuoye cedoit à Gnoriſe, laquelle ne voulut pas ceſte courtoiſie, de peur de luy eſtre redeuable, Parquoy le ſort fut ietté ſur la remonſtrance reiteree de Gnoriſe, qui diſoit qu’en cet affaire il ne falloit apporter aucune diſſimulation ou gratification. Et le ſort tomba à dire à Xyuoye qui parla diſant : Sire, pour prouuer qu’il y a plus de conſtance en nostre ſexe, ie Propoſeray vne exemple ſuffiſante, deduiſant vne partie de la vie d’vne entre pluſieurs, ſelon quoy on pourra iuger qu’elles n’ont aucune memoire du paſſé, & partant point de conſtance, pource que ce qui ſe preſente deuant leurs yeuxs eſt auſſitoſt accepté que leur courage en a enuie. Pour l’amour des Dames, & que quoy que ie die, ie ne laiſſe d’eſtre leur affectionné ſeruiteur, d’autant qu’il y en a de vertueuſes, que ſi elles ne le ſont, au moins nous les faiſons telles, tandis que nous les aymons : Ie celleray le nom de celle dont ie veux parler, ſon païs & ſa condition : Ceſte belle & de bonne grace ayant beaucoup de ſciences, & eſtant autant aymable qu’autre de ſon temps, fut mariee à vn beau gentilhomme qui l’auoit longuemët recherchee, & auoit couru pluſieurs fortunes pour ſon amour, à quoy elle auoit participé : d’autant qu’ennuis ſur ennuis lui auoyent eſté donnez, à cauſe de ceſte amitié, qui ne lui firēt point quitter la partie, ains pour ſuyure plus vinemēt, & auec vne conſtance tant apparente, qu’cl e fut eſtimee† entre les Dames d’Amour loyal & chaſte : sö ſeruiteur qui trauailloitinceſſarnmét à luifaire demonſtratiö de la verité de ſon cœur, ſurmontoit toutesaffli ctions, incommoditez & faſcheries, que ſes pa rens & ceux de labelle lui dreſſoyent pour rôpre le coup à la fortune qu’ilspretédoyët acheuer : Et firenttant ces Amans, & ſi bien qu’à la fin ayans gaigné le cœur de ceux quiles empeſchoyent, ils obtindrét le fruit deſiré apres tät de peines : heu reuſe couple ſ’il fut auenu que vous fuſſiés par tis du monde enſemble ! vn peu apres leurs nop ces, ce gentilhömefut ſaiſi d’vne faſcheuſe ma ladie quicötinua en telle lögueur, qu’elle deuint li maligne, que les medecins deſeſperäs de ſa ſan té, lui conſeillerent pour dernier côfort lesbains, & eaux medecinales, à quoy ſ’eſtant reſolu, il ſe fit porter où le remede eſtoit, durant tout ce téps ſa § angoiſſee ne l’abandonnoit point, ains cöme ſuportât ſon mal, ſouffroit auecluy le ſol licität nuict &iour fort ſoigneuſemêt.Quelques fois il lui diſoit, mé cœur ie te prie de te repoſer vn peu, & dönertréue à tes peines.Elle lui reſpö doit, ma vieiete ſupplie, ne m’éparle point, car ſi ie me reculois de toy, & que mes yeux ne fuſsët collez ſur toy, i’aurois trop de tourmét : ce que tu péſe peine en mes actiös, m’eſt vn ſouuerain bië, pource que ie te fay ſeruice.Telles & de sëblable ſujet eſtoyent leurs mutuelles paroles, quädl’oc caſion ſ’y addonnoit : En ce voyage ( cöme touſ iours)elle eſtoit inceſſammët pres de ſa perſon ne ſansl’abandöner, y apportât vn ſoin merueil leux.Apresque ce pauuregentilhôme eut fait ce qu’il pouuoit, en fin ſans auoir moyē de ratraper la ſanté, prit la voye des ames qui ſ’eſchapent, & au depart de ſa vie, à laquelle celle de la Dame tenoit, il ſembla qu’elle voulut la ſuyure, & de fait la pauurette fit ce qu’elle peut en apparēce pour mourir, & voyoit-on à ſon deſplaiſir apparent qu’elle eut deſia voulu eſtre du grand nōbre. Or voyant que s’en eſtoit fait, s’eſtāt determinee aux pleurs, aux regrets, & aux eternelles ombres de l’ennuy, elle fit enbauſmer le corps du defunct, & mettre en vn grād cercueil où il y auoit place pour elle & y vouloit eſtre, mais par la remōſtrāce de quelques gens ſages, elle ſ’en retint, elle fit pourtant mettre ce cercueil ſur vn chariot qu’elle faiſoit tirer auec ſon train, faisāt eſtat du mort, tout ainſi que ſ’il eut encor eſté plein de vie. Elle n’auoit autre ſouci que celui meſme qui la tenoit durant la chere vie de ſon mari tāt aymé, ſon œil eſtoit touſiours ſur ce cercueil, & ſes ſouſpirs eſtoyent terminez où eſtoit le corps tant agreable. Il n’y auoit que neuf iours, que la cauſe de ce dueil extréme eſtoit auenue, que paſſant chemin ceſte demoiſelle vint loger en vn bourg qui ioint le pied de la mōtaigne, & l’hoſtellerie eſt en vn ſpacieux & riche hoſpital, où tout le monde eſt receu, en pauures ceux qui le ſont, & en hoſtes aymables ceux qui ont le moyen de viure ſans ſ’obliger pour le giſte ou le repas ; En ce ſpacieux logis il y a vne retraite de gēs religieux, obſeruateurs du Celibat, leſquels prenĕt le ſoin de viſiter les malades, conſoler les affligez, ſoulager les eſtrangers, & ſuruenir aux autres neceſſitez de corps& d’eſprit qui peuuēt aduenir aux paſſans, entre ces bôs perſonnages on trouue des lumie res eſclairantes en pieté : ceſte demoiſelle deſolee ayant eu logis ſelon ſa qualité, receut la viſitatiö de ces bös freres qui ayâs ouy parler de ſa triſteſle & de ſes deuoirs paſſez vers le deffunct, lui laiſſe 1ëtvn de leurs côfreres pour la conſoler : ceſtui-ci apres auoir ouy les lamentatiös de ceſte femme, entendu ce qu’elle diſoit de ſes reſolutiós, & reſ—. ſentien ſoy la pointe de pitié, ſe mit de tout ſon pouuoir à lui faire gouſter les effets de la côſola tion, & ſe mit à lui faire des remöſtrances de telle veheméce d’eſprit, que biétoſtilla diſpoſa à pé ſer autrement qu’elle n’auoit deliberé : & cepen dāt qu’il lui perſuadoit, que ce mort n’auoit plus de frequentationauec nous, & que ſe ſeroit dö mage qu’elle ſe conſumaten pleurs & triſteſſes, perdant ſon temps en lamétations, pour vn ſuiet auquel cela ne rouchoit plus, illuifitentédre que lesviuans valoiét mieux que les morts, & de fait ſe rédit ſi familier auec elle par les beautez desö diſcours, qu’elle ſe trouua touteträſinuee, & ſon deſplaiſir ſe chāgea en amour, &tel qu’en meſme inſtant les aires en furent priſes & donnees : mais ce ne fut que cömencement, il eſtoit queſtiö d’a— cheuer en continuant ceſte fortune, à quoy le pauure amant ne trouuoit aucun moyen, ains au cötraire ſevoyoit perdu par la deſcouuerture qui auiendroit de ſon affaire ſi elle eſtoit ſceuë, elle quiauoitvn eſprit pröpt, inuentif, & degrãdpre uoyance, le fortifia & lui monſtrale moyen de ſe | contenter & de pourſuyure, lui enſeignant yne voye aiſee de ſe cacher & d’eſchaper pour venir auec elle, que lui ayant cómuniquee ils executerent. Ils prirent le corps du defunct & le mirêt au lieu du religieux, & luiil ſe gliſla dans labiere : & auſſitoſt partirent.Illeur fut aiſé d’eſchapper car la frächiſe n’eſtoit qu’à vne lieuë de là. Ceux de la maiſon eſtimerent que le Sage conſolateur eſtoit en ſa chābre, à regaigner de repos ce qu’il en auoit perdu la nuict à recöforter la deſolee, & cepédantilgaignoit païs auec la Belle, qui le fit leuer du lieu piteux, &l’ayât fait habiller propre ment l’emmena chez elle, où depuis elles’eſt dö né du plaiſir aueclui, &poſſible auec d’autres, car · celle qui le preſte à vn le cômuniquera bië à plu ſieurs, & sâs difficulté à tout autre qui ſe presëte ra, dequoyie cöclus que les Dames aymët moins, &quel’hôneur de bien-aymer nous appartient. GNoRIsE.Ie ne veux pas excuſer celles qui fail lent, ſ’il eſt vray qu’il y ait des dames qui ſe debä dent du deuoir, mais ie prouueray que les hom—. mes ne ſont pas meilleurs les vns que les autres, d’autãt qu’ils cheminentd’vn meſme train, ioint qu’ils n’ont autre † que † les mo yés de deſtourner les femmes pour leur plaiſir, & puis apres ils ſe laiſſent enuahir par les plus diſ gratiees.Ainſi il y a pluſieurs hommes quineſa chans que c’eſt de bien-aymer abandonnent des femmes ſages & chaſtes, pour ſuyure deſbordé ment des § viuans qui ſont ſans grace. Il eſt vray qu’il ſe trouue de certains animaux qui ont la ſimilitude de femmes, apres leſquels les hömes inſenſez courët à bride abatue, & ſans cöſiderer la difference qu’il y a entre les faueurs d’vne femme qui ayme auec hóneur, & les inſo lences d’vne effrontee quin’a d’affection que ce qu’elle fait ſemblant pour attrainer les miſera bles à perdition, ſe gliſſent où l’effrenee concu piſcence les alleche, ie pourrois en deduire tro d’exemples à la honte perpetuelle de ceux qui ſe fouruoyent du ſentier de lºvertu : mais i’ay hon te que mes leures ſoyent profanees de tels di ſcours : Toutesfois puis qu’il faut debatre pour la verité, il eſt conuenable que ie mette en auât vne hiſtoire, qui me ſeruira de pointe contre ce qui a eſté dit, au deſauantage des Dames, ſi cela les touchoit.Vn bourgeois honorable en apparëce auoit eſpouſé vne belle ieune Dame doüee de vertustant apparentes qu’interieures, & telles que ſi ſon mari euſt ſceu le threſor qu’il poſſe doit ſe fut eftimé tres-heureux, & en eut fait tel cas, que ſans ceſſe il ſe fut tenu pres d’elle, & ce plus pour eſtreinſtruit à lavertu au contentemët de l’ame, que pour le raſſaſiment du corps au gré des ſens.Le premier feu de ſa cöcupiſcence § appaiſé en ce ieune homme, il commença à ne faire plus d’eſtat de ce qui eſtoit à luy, & dont le merite eſtoit parfait, & ſe mit à la recherche de la femme d’vn homme d’eſtat, laquelle ſans ſ’eſti mer du ſexe egal à lavertu, ains gliſſant au natu rel de ſa naiſſance, qui n’eſtoit que d’eſtrevnani mal ſenſuel, oublia toute honte, & s’adonna aux miſerables plaiſirs d’incótinence & lubricité, & receut ce perſonnage, vrayemët ſi ceſte folle eut eu quelque apparente grace qui eut peu effacer l’eſclat de l’autre, encores on eut peu † quelque meſchäte ombre d’excuſe pour le bour geois, mais elle en eſtoit du tout differête ſi qu’il eſtoit condénable.Auec ce que ceſte belle beſte eſtoit d’aſſez mauuaiſe rencontre, elle eſtoit ru de & faſcheuſe, dépite & inſuportable : mais ſon inſolent amy eſtimoit ſa maligne façon vne lante humeur, ceſte rudeſſe döt elle ſe redreſſoit, il la diſoit grace alties ſon dépit il le publioit eſtre grandeur de courage, & ſon importune lai deur il la contoit pour vn aer de majeſté qui ne flattepoint, ſon arrogance lui ſembloit vn port magnifique, par lequel elle ſurpaſſoit en bien ſeance les plus accomplies.vrayement c’eſtoit là qu’Amour eſtoit aueugle, & que ſa viue rage do minoit ſur vn cœur. En ceſte folle humeur, ce ieune homme ſe rendoit captif de ceſte perdue, auectant de vehemëce qu’il n’auoitfelicité qu’à la careſler : Elle qui cognoiſloit la ſtupidité de ce ſeruiteur, le gratifioit quelquesfois de ſes pl°ex quiſes faueurs, puis quelquefois les lui faiſoit ſi cheres qu’il en eſtoitau mourir, tantl’impuden ce de ceſte folle le tranſportoit : auſſi le § elle rendre ioyeux & triſte quãdil lui plaiſoit, & luiiouât mille traits de deſplaiſir tiroit ſon plai ſir de lui, arrachant le plus beau de ſes commo ditez qu’il tiroit d’aupres ſon agreable femme, · en l’incommodant pour accommoder ceſte de piteuſe vilaine. Vne fois entre autres qu’il eſtoit auec ceſte laide, dérobât ce qui ne lui deuoit pas appartenir, voici heurter à la porte vn ſien autre fauori, auquel elle auoit dönébut : O miſerable, moy, luidit-elle, ie ſuis perdue, c’eſt mon mary, & vous infortuné, ſauuez vous, le pauuret ſauta Par la feneſtre en la court, & de malheur où ex · Pºesla trape de la caue eſtoit ouuerte, &ily cheut *ſefroiſſa tout, & encor ceſte douleur, tant il eſtoit hebeſté, ne lui ſembloit que fleurs. Quäd il fut retourné en ſa maiſon il ſe mit au lit pour ſe · faire penſer, & il fut ſecouru de ſa benigne fem me, qui ne ſe doutant point de ſes deſbauches, creut la fortune telle qu’il luy voulut conter, & cependant elle le ſollicita de tout ſon cœur, auec tout amour & courtoiſie de courage.. Il void ceſte douceur tant pudiquement ay · mable qui le flatte ſi amiablement, & auec des attraits ſi chaſtes, que l’honneſte amour en naiſſoit, &toutesfois il ſouſpire en ſon ame & ge mit pour la beſte cruelle qui préd plaiſir à le per dre.Eſt il guariº il retourne au labirinthe de ſon malheur, feſtimantencor trop heureux, ſ’il peut | voler à grand peine vn baiſer de ceſte laſciue, qui feint le lui laiſier rauir en crainte.A la fin le mary de ceſte louue, qui a les yeux aſſez clairs, ſ’apper ceuant des fautes de ſa femme, que ſage il vou droit ne croire point, mais cacher, ne peut ſe con tenir d’auâtage. Et pource ſe deliberant d’y met tre ordre paroiſt de viſage changé, dequoy la deſ loyale ſ’apperceut, & ne voulant pas eſtre pre uenue, practique ſon bourgeois, & lui faitenten—. dre non ce qu’elle ſcauoit de la pretention deſon. mari, mais la feinte d’amour dont elle l’atti roit, lui diſant qu’il n’y auoit plus moyen d’eſtre en peur continuelle, & qu’il failloit ſe liberer : A ceci il ſe reſout, & ſoudain amaſſant ce qu’il peut l’enleua, & faiſant paquet auec ceſte ſiennetant aymee, changea de pais, pour courir fortune auec ceſte meſchante ; laiſſant vne ſage femme & bel—. le en la compaignee de laquelleilauoit du repos, pour courir miſerableauecvne meſchante qui le tourmente inceſſamment, lui reprochant qu’il l’a volee à ſon mary, adiouſtant auec tels conui ces, infinité detourmens qu’il a ſupportez lon guement, & tant que ceſte infame eſt decedee, dötila pristant d’ennuys qu’il ſ’en eſt allé vers les deſerts, ſans que depuis on en eut ouy nouuel les. Ceci me fait conclure, que les hommes ont moins de vertu que les Dames, & neſcauët point aymer ce qui eſt aymable, ains ſuyuent ſans plus pour la plus partleur honteuſe cupidité,

Le Conſeil fut fort long temps à ſe reſoudre ſur ceſte difficulté, à la parfin apres pluſieurs gra cieux debats, il fut conclud. L’Empereur refuſa de pronöcer, & auſſi fitlaSouueraine : Il alleguoit qu’il eſtoit en cauſe, elle diſoit que ſon age luy oſtoit le ſimple rang de fille : dont l’honneur n’e— ſtoit point touché icy, ſurquoy ils auiſerent vn expedient : c’eſt que Lofnis dicteroit à Olocliree l’arreſt qu’elle prononceroit, Adoncfurent ap pellees les deux Dames, & apres que Lofnis eut eu le commandemët de l’Empereur, elle ſapro cha & entendit les paroles de la reſolution qu’el · le veint raporter à Olocliree, laquelle aſſiſe au ſiege de la Souueraine, prononça cét arreſt.

Le Conſeil ne prend point cognoiſſance de ce qui outrepaſſe les loix de raiſon, ayant ſeulement égard à ce qui eſt conduit par la vertu : Et pourtant il abandonne à leur ſens reprouué les eſprits quine ſe veulent pas addreſſer ſelon le deuoir, donnant & attribuant le tort à ceux qui ſont cauſes du mal, & declarant indignes les cœurs quitranſgreſſent.

La ſage Olocliree n’eut pas entrepris ceſte charge, ſansl’expres commandement de la Souueraine, à laquelle elle deuoit en ce lieu toute obeiſſance, & d’auantage ne l’eut pas voulu en la preſence de Lofnis, à laquelle elle le cedoit, n’eut eſté qu’ilauoit eſté ainſi auiſé pour la bien ſeance. Ainſi ces deux furent contentes de cét honneur également diſtribué, & firent paroiſtre leur obeiſſance, ſans vouloir autrement cognoi ſtre de la raiſon pourquoyil ſe faiſoit en la ſorte, n’ayant ſoin que d’obeïr à leurs ſuperieurs.. † fluſtes que les § auoiét apreſtees, firent deuoir de s’accorder, & ayans reſonné vn verſet les Nymfes le rediſoyent, en accords entiers, faiſant entendre ceſte louange du verd, qu’vn amant auoit fait en la faueur de l’excellente Mataliree.

Au printemps que tout renouuelle, Que de ſa couleur la plus belle | Tout ſe repare ſous les cieux,’' Sous la verdeur de toute plante On voidbeſpoir qui ſe preſente, Augré des hommes & des Dieux. Les fleurs diuerſement ornees, Sont eſteintes ou toſt fanees, T’ar le froidle vent, au l’ardeurs Ellesſe changent en peu d’heure Mais leſeul verdtouſiours demeure, En tout ſuiet qui a vigueur. Le verd ſymbole d’eſperance Doucement monte auecl’eſſence De toute plante en tout endroit, Si par vn deffaut de Nature On voyait faillir la verdura, Al’inſtant tout eſpoir faudroit

La vie & l’eſpoir s’entretienent,
Et l’vn par l’autre ſe maintienent
L’vn periſſant l’autre n’eſt riens :
Auſſi tout ce qui eſt en vie
Au verd a ſon eſſence vnie,
Comme au bon ſigne de ſon bien.
Ainſi ceſte couleur plaiſante
Qui l’eſperance nous preſente,
Et qui nous l’a fait conceuoir
Sera ſans ceſſe en ma memoire,
Sera touſiours viure en eſpoir.

Ce chant acheué les deux Amans ſe preſenterent, & la ſage Mataliree dit à ſon pourſuiuant, Que vous ſert-il d’eſperer, ſi vous n’auez vn ſujet pour arreſter voſtre efperance ? Gelase. Pourquoy faignez vous ignorer ce que vous ſcauez bien, & faites ſemblant de ne cognoiſtre pas que i’ay arreſté mon eſperance en vous ? & que ie croy que ie ne ſeray point confus ? Matalirbe. Comment mettriez vous voſtre eſperance en moy, veu que ie ne ſuis point voſtre, & que poſſible i’ay vn autre ſeruiteur accepté. Ie ſcaybié & ie dis ſans preſomption, car il eſt vray, que ie ſuis recherchee d’infinis de toutes qualitez, qui tous croyent qu’ils receuront de moy vn abiſme de cōmoditez, & vous ſcauez bien auſſi, que le nombre de ceux qui me deſirent, eſt treſ-grand, & s’il ya bien plus, c’eſt que beaucoup ſe vantent de mes bonnes graces, & que ie leur ſuis propice, & ils ne me cognoiſſent pas, qui font eſtat de me voir & ne ſauent où ie ſuis, qui me tienent pour leur Dame recognue, & ſuiet vnique de leurs amours, & ils ne me veirent iamais, ils m’attribuent que ie ſuis à eux, & n’ont oncques traité auec moy.GELAsE. Ie ne ſuis pas ſi miſerable que ceux-là, car i’ay l’heur de vous voir, ie percois la felicitéde parler à vous, & i’ay la commodité de vous offrir mon ſeruice, non en idee mais en verité, ſi par defaut de ce bien les autres ſont fruſtrez de ceſte gloire, & d’eſtre à vous, il y araiſon par ce qui paroiſt qu’il vous ſoit agreable que vous ſoyez mienne, & que ie ſois receu de vous. MATALIREE.Ie vous ay propoſé ce queie ſuis, & que difficilement vous puis-ie receuoir, parce que poſſible nos eſprits ne pourröt conſentir l’vn à l’autre, & partant il n’ya pas moyen que ie vous accepte. GELASE. Si ſuis ie aſſez beau, galant, & vertueux pour vous obtenir, auſſi rien ne me deſtournera de mon deſſein, d’autant que ſi vous n’eſtes à moy ce ſera pource que ie ſeray trop malheureux. ie · l, : ne lairray toutesfois la pourſuite qui me rend · lº * i ! voſtre affectionné, & vous feray tant de bons of— #, | t fices en vous rendant du ſeruice, que vous au— •, | | | # rez regret de m’eſconduire. Ievous ſuis hum— # | # · t ble, ne me ſoyez point difficile, ie vous recher — che, ne me reiettez pas : Ie vous iure que tant que i’auray quelque eſprit de vie, il ſera em loyé à vous honorer : conſiderez-le, & ne de— — § point vn cœur dont vous pouuez tirer de la cómodité & de l’honneur par ſon ſeruice legitime.MATALIREE.Croyray-ie ces beaux diſ— — cours. Ne ſont-ce, point feintes ? ces belles reparties que ie penſe eſtre deſguiſemens, pourront-elles ſur moy afin de me fleſchir à croire ce que vous proferez auce telle vehemence, qu’il ſemble que la verité & vos paroles ſe planchent ſur vn meſme ær. A dire vray vous me preſentez des offres bien recherchees, mais

Celà eſt ordinaire à ces accortes ames,
De ſe ſçauoir ayder de leurs inuentions,
Et feindre à leurplaiſir des paſſageres flames,
Pour ſonder ce qui eſt de nos conceptions.
Ainſi vou vou iouez de vos belles idees.
Ainſi vous voletez ſur l’eſle des plaiſirs,
Mais les Dames qui ſont par la vertu guidees,
Cognoiſſent par la fin, la fin de vos deſirs.
On conte toutesfois que les ames touchees
De veritables traicts, ne peuuent s’exprimer,
Et que celles qui ſont moins d’amour empeſchees,
Diſent mille fois mieux la paſſion d’aimer.
C’eſt comme il faut paſſer les momens inutiles,
C’eſt comme il faut leurrer les eſprits ignorans,
Aux diſcours on cognoit les langues plus habiles,
Et aux effets on voit les courages galands.

Gelase. Ie me fay tant fort de la bonté de mon cœur, & de voſtre bel eſprit, que ce que, vous auez maintenant profetiſé, n’eſt pas à bon eſcient pour mon regard, auſſi celà eſtant comme on le prendroit, à l’aparence, vous me feriez tort, & à vous qui auez tant de iugement que vous liſez és ames : Et tant de courage que ie ne daignerois m’occuper que pour vn ſuiet de merite & de vertu : car i’ay l’ame trop digne pour la vouloir prophaner à des obiets inutiles. Et puis vn cœur qui s’eſt addonné à la recherche de ce qui le vaut, ſçait bien s’expliquer, & ie vous veux repartir par ce peu, attendant le plus que mon ame medite excellemment pour vous vaincre :

Si vou faictes eſtat des profits de la gloire,
Faites eſtat auſſi de mes affections,
Car tant que de l’honneur il ſera fait memoire
Je feray faire cas de vos perfections.

Si vous brauez tant ſur la vertu, n’auez-vous pas aſſez de prudence pour faire eſſay de moy ? engagez-moy ſans vous obliger, que vous ne ſoyez ſeure de ma loyauté qui eſt ſincere, ainſi que mon affection eſt naifue, & ſans artifice, Auſſi

Ma Maiſtreſſe vous ſcauez bien,
Que ie ne vous demande rien,
Que ce que l’honneur nous propoſe,
Ie ſuiuray touſiours le deuoir,
Auſſi ſelon Yoſtre vouloir,
Mon cœur tout humble ſe diſpoſe.

D’auantage, s’il eſt queſtion d’auoir de la valeur, & que la mienne ne vous ſemble ſuffiſante, donnez-m’en, excitez-la en moy, ou bien me laiſſez aduancer en la mienne, & vous verrez en toutes ſortes que ie paroiſtray en effets, qui me feront non ſeulemët eſtimer digne de vous, mais meriter que vous ſoyez à moy. Mataliree. Et bien, ie veux entrer & demeurer en telle opinion que ie ferois tort à la grādeur de mon courage, ſi vous ayant poinçōné, ie ne demeurois au terme où vous me recognoiſſez, & i’ayme mieux deſchoir de ma reſolution qui eſtoit de n’admettre aucun en mon amitié, que de vous laiſſer ſans vous obliger à moy : Mais y penſant que feray-ie à ces pauures ames innocentes qui ſont affligees de mon amour ? à tant de Dames qui bruflent inconſiderément pour moy, ſans rien deſirer de contraire à la vertu ? Que leur feray-ie ? Elles me veulentauſſi bien que vous ! C’eſt fait, ie me veux reſoudre, ie pretens qu’vn courage maſle me poſſede, s’il peut, & qu’ily eſſaye, & pour tant aduiſez à vous, parce que s’il aduient que, vous veniez à manquer, vous feriez vne grande tache à voſtre ſexe, & à vous : Et comme au _linge neufvne petite ſalleté paroiſt extrememët, la tache que vous acquerriez vous ſeroit plus ignominieuſement deſaduantageuſe qu’à vn au tre : d’autant que par vos diſcours & compor temens, les premices de vos amours me ſont en gagees, eſquelles s’il y a del’erreur, elle ſera fort manifeſte, & le tout touſiours retournera à ma gloire, car on ne m’accuſera pas, mais vous qui n’aurez ſçeu vſer de voſtre bonne fortune. Ainſi ie vous coneede que ſoyez à moy à ce que vertueuſement vous faciez queie ſoye à vous, & que voſtre reputation redonde à mon’hon neur. Aduiſez à ne faire faute à la vertu, ie vous accepte doncques & à la charge, pour de ·ſtourner toute opinion ſiniſtre, que vous n’au rez autre but quel honneur ny conduite que la raiſon. GELAsE. C’eſt fait, il n’y a plus moyé de s’en dédire, ie ſuis reſolu à ce bon-heur que ie conſerueray toute ma vie, & encores au delà, ſi on y a quelque reſſentiment des delices d’a— mour. Or Madame le bien de ma fortune eſtant arreſté à l’obligation que i’ay de vousſer—. uir, il eonuient queie m’y diſpoſe ſelon la perfection des plus iuſtes deſſeins, qui excitent les cœurs fideles. Et pource que mes propres imaginatiōs ſont le plus ſouuent friuoles, & quoy que nous ayons reſolu en noſtre courage, il n’en peut rien reuſſir d’auantageux, ſi la fin n’en eſt acceptable, il eſt neceſſaire pour auenir à vn terme raiſonnable, que noſtre ame recherche en la ſource de ſa fidelité, ce qu’elle doit ſuiure, à fin de ne ſe tranſporter apres des vaines penſees, par tant ie iuge que ſi ie me propoſe des effets pour le ſeruice que ie vous doy, parauanture la rencontre n’en ſera ſelon voſtre deſir, & i’auray trauaillé en vain. Parquoy afin de ne perdre le temps, car le perdre eſt la plus malencontreuſe deſconuenuë qui puiſſe aduenir, ie m’addreſſe à vous, mon vnique ſurion de mon bon-heur, pour receuoir vos commandemens, pour autant que c’eſt de vous qu’il faut que i’entende l’ordonnance des diſpoſitions de mon cœur, ayant reſigné entre vos mains toutes mes volōtez. Ie vous ſupplie de les incliner par la puiſſance que vous yauez, & me deſignant les particularitez de mon deuoir, prenez du contentement à me voir deuotieuſement addonné aux ſinceres demonſtrations de mon obeiſſance, ſuyuant les reigles de voſtre plaifir. Mataliree. Quand ie vous auray obtemperé, me pourray-ie aſſeurer que vous ne commettrez aucun default : Vous ſcauez qu’il n’y a rien tant libre que promettre : auſſi n’y a-il obligation ſi forte que la liaiſon que fait la promeſſe. Gelase. Les effets comme vous l’auez propoſé, ſeront le teſmoignage de mon deuoir, & cependant il faut que ie dilate mon cœur en voſtre preſence, & ie vous prie d’en receuoirl’humble ſouſpir qui repreſente ma paſſion naifue,

Quād vosyeux n’eſtoient point les aſtres de ma vie, fenereſſentois papour eux d’affiittions, Mais or auec douleur mon ame ſe ſoucie, "Par eux ſentant l’effort de toutes paſſions. Éſ’oigné deſoucyi’auois la patience Logee en mon eſprit auec tranquillité. Mais quandiefureduit à voſtre cognoiſſance, Des trauerſes d’amour iefus inquieté. Que l’heur que ie reçoy d’eſtrevoſtrema Belle, • 2Meſera cher vendu au prix de la douleur, Et vou n’enpouueX mais, lafortune cruelle, Pour troublermo amour meſle ainſ mö bö-heur. Sans cauſe ieme plains.maispardóma Maiſtreſſe, · On peut en ſon trauailſes douleurs eſuenter. T)oncques permette Gmoy lors que l’amour me bleſſe, Tepouuoir doucement en mon mallamenter, Ce n’eſt point mon amour qui ma douleur excite, La cauſe en eſt trop belle, & l’obiet trop parfait, e_2Mais ma fortune eſtant pareſſeuſe & petite, Ieſuis au cœur frapé, mais bien d’vn autre trait. Mon bien vient de l’amour, & mõ mal de fortune,
Qui meſle mõ bõ-heur d’angoiſſe & de tourment,
L’amour m’eſt gracieux, mais ce qui m’importu-
Eſt que ie n’oſe auoir d’eſpoir envous aymant. (ne,
Ie ne ſçay que des deux mon cœur voudroit eſlire,
Ou n’eſtre point à vous, ou bien ne viure pa4, Et ie neſpayiuger lequelſeroit le pire, Ou ne vous aymerpoint, ouſouffrir le treſpas. Mais ieſens tant de bien de loger en mon ame · Le bien-heureux ſougy quimefait vous aymer,

Que i’aime biémieux viure, erſouffrirenlaflame Qu’öt Douluvosbeaux yeux en möcœur allumer. 1WAa belle excuſe ( moy, conſiderez ma peine, · Que nul ne peut penſer s’il n’aime commemoy, Voſtre amoureſt monaiſe, & le mal qui megeſne, Eſt qu’en ma paſſion des ennuisie preuoy. Ie me conſommerai, ie cherrai tout en cendre, feſerai lepatron de toute loyauté,. Mais pour mespaſſions ie n’oſe rien pretendre, Car vous ne penſez pau à ma fidelité. 8t bien quand ie deur ois en ma perſeuerance, Priué de tout eſpoir ſans ceſſe ſouſpirer, Si ai-ie tant d’amourauec toute conſtance, Que ieſuis bien content ſans plurien deſirer. Toutesfois ie reſſens tant & tant de trauerſes, Dont ieſuisſans repos parl’amouragité, Que ieme perds quaſi dans les peines diuerſes Du malquim’accompagne auec ma fermeté. A ſon accompli bon-heur est voſtre belle grace, Tous mes plus chers deſirs n’ont point d’autres, 4 obiets, — e2Mais vnſort dédaigneux to° ces# efface,’Entremeſlant la crainte auec mes bons ſouhaits. La crainte qui d’ennuymonameſollicite, ( mienx, N’eſt pas que i’ayepenr que quelque autre ayme Mais Madame ie crain que mö peu de merite cauſe que ie vouſois à lafin ennuyeux. Mon cœur en eſt troublé, & mon ame eſtonnee, ſOous le pouuez iugerpar ce diſcours faſcheux, c’eſt pource qu’en naiſſant ma triſte deſtinee AMe rédit braue amant, mais amat malheureux. Voyez comme vn erreur vn autre erreur attire, Dans vn eſprit ſurpris d’vne maligne humeur,
Non ie ne penſe pas qu’heureux on s’oſe dire,

Si l’on n’a quelque traict devosyeux das le cœur. Ieſuis donc7 trop heureux d’auoir en mon courage Lefidele deſſein qui me fait vous ſeruir, — cyapres ieprendrayrout à mon aduantage, , Rien ne mepourra plu ceſtegrace rauir, Il n’ya plu qu’vn mal quimon eſprit offence, c’eſt que ieſuis ſouuët trop distrait de vos yeux, Il n’eſt malheur égal au mal de ceſte abſence, , Cartout autre malheur me ſeroit gracieux. Orſoit ce que pourra, ie vous ſarayfidele, — Rienne deſtournera ma belle affection, , Par l’effet vouſ aurex les ardeurs de mon Xele, Car l’effet iugera demon intention.

Bien que l’Empereur fut attentif au diſcours de ces amours, ſi ne laiſſoit-il de conſiderer vne Demoiſelle qui eſtoit comme il penſoit en im patience, & toutesfois auec contentement. C’e— ſtoit Orfuſe, laquelle auoiteſté appellée à l’an niuerſaire eſtant accuſee d’amours qui ſem bloientillegitimes, à cauſe qu’elle s’eſtoit à ce qu’on diſoit, mariee clandeſtinement, & le Pro cureur generall’auoit fait aſſigner pourvenir de clarer ſon courage : attendu qu’il ne fauticypre tendre qu’à l’honneur. Ainſi qu’ellevid que ces amansauoient ceſſé leur propos, elle ſe vint pre fenter deuant la Souueraine, C’eſt à vous, dit elle, Madame, que ie declareray ce que i’ay au cœur, Vous, Sire, vous m’excuſerez, d’autant que i’ay vne penſee qui m’empeſche de m’ad dreſſer à vous, c’eſt que tous les hommes du mö de ne me ſont point en eſtime, ie ne fay eſtat que d’vn ſeul, ie prie voſtre Maieſté de m’en ex cuſer, ie ſçay qu’elle le fera, d’autant que ceans nous ne reuerons autre Maieſté ſeconde que celle de l’Amour. L’EMPEREv R. Pourquoy nous interrompez-vous ? ORFvsE.Pource que ie ſuisinterröpué, & que i’vſe des priuileges des Amans, qui ſont de prendre toutes occaſions. L’EMPEREvR. Mais en ce lieu de Maieſté oſez vous empeſcher le conſeil, n’auez-vous point peur d’encourir amande ? ORFvsF. Sire, ie ne puis empeſcher les deliberations des ſages, & puis tandis qu’ils conſultent, ie leur fay vne ou uerture qui parauanture aduiſera leur ſens : Si re, ſçachez qu’vne petite goutte meſpriſee ſou ſtient ſur le bord du chandelier vn reſte de flamr beau qui l’excede en tout preſques infiniment, & toutesfois l’ayde manifeſtement.ainfiie ſeray. poſſible cauſe de faire ſouſtenir auiourd’huy vne colomne de ce Palais : oyez doncques tous ceſte appellee pour ſa iuſtification : Et vous Mada me, oyez ma declaration : Ie ne veux point met tre de diſſention entre les autres amans, & nul † n’a ſceu & autre ne ſcaura la deliberation emon cœur : Ce queiefayicypar commande— — · ment, eſt que ie proteſte de mon zgle, pour le manifeſter à tous, comme iel’ay fait ſentir à mö parfait.Etieiure (pëſez en ce qu’il vous plaira) que ie ſuis tant & ſi loyalement affectionnee de celuy auquel ie ſuis, que quand il y auroit du ſcandale en mes amours, ſi eſt-ce que pour l’honneur de l’Amour, & à cauſe de la fideli té de mon cœur vnie à ſes perfections, i’eſlirois pluſtoſt qu’on eſtimaſt de moy que ie fuſſe ſans plus ſa mignonne d’amourettes eſtant à luy commeie § tiltre • oſté, s'il y eſcheoit, que d’eſtre la femme d’vn Roy, & ce que ie dy, ie le profere de l’abondance d’amour, qui eſt mon vnique honneur.

D’autant que c’eſtoit vne Demoiſelle qui parloit, on la ſouffrit, pour la reuerence deuë aux Dames, & puis elle eſtoit appellee : & il falloit auoir eſgard que ſon ieune cœur eſtoit d’amour, parquoy le conſeil l’ouyt, ſi que meſlant tout enſemble, veu la conſequence & le iour, les auis furent portez à l’Empereur, qui prononça,

Uous eſtes tous enuoyez à l’Iris de cognoiſsance.