Le Zend-Avesta (trad. Darmesteter)/Volume I/Introduction/Chapitre VI-1

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Traduction de James Darmesteter

Édition : Musée Guimet. Publication : Ernest Leroux, Paris, 1892.
Annales du Musée Guimet, Tome 21.


INTRODUCTION
CHAPITRE VI
LE RITUEL
i.
Nîrangs et Kiryàs ; les deux rituels, le rituel archaïque irani et le rituel moderne indien. — Rapports et différences des deux rituels : pertes subies parle rituel indien.


La conception du Yasna que l’on vient d’exposer repose, non sur le texte même, qui à lui seul ne suffirait pas à révéler le secret qu’il cache, mais sur le cérémonial. Nous devons donc à présent faire connaître les sources d’où nous tirons ce cérémonial et en établir l’authenticité. Nos sources sont au nombre de deux, l’une contemporaine qui est la plus considérable, l’autre ancienne, mais sommaire  : l’une est d’origine indienne et rédigée en gujrati, l’autre est d’origine iranienne et rédigée en pehlvi.
La première source est l’édition du Yasna avec Nîrang, ou Kiryà[1], c’est-à-dire avec description du rituel, publiée en 1888 par Tahmuras Dinshawji Anklesaria[2]. Cette description très détaillée n’est point l’œuvre de l’éditeur : il n’a fait que reproduire, en rajeunissant le texte quand la langue était vieillie ou obscure, une édition plus ancienne parue en 1871, celle de l’Akhbâri Saudàgar[3]. C’est l’édition Tahmuras que nous avons suivie dans notre traduction et dont nous avons inséré presque toutes les indications, malgré leur âge récent, parce qu’elles nous fournissent un tableau d’ensemble du sacrifice — et un tableau daté — nous donnant l’usage présent des Parsis de l’Inde[4].
Une autre source, plus ancienne, mais sommaire, se trouve dans les manuscrits du Yasna, avec traduction pehlvie, copiés en Perse. J’ai pu utiliser, grâce à M. West, qui a bien voulu me communiquer sa recension, le manuscrit le plus précieux de cette série, le manuscrit du Dàstur Peshotan[5]. Nous avons reproduit toutes les indications rituelles de ce manuscrit, soit dans le texte, soit en note ; dans le texte, quand il y a accord absolu avec le rituel gujrati[6] ; en note, quand il y a quelque différence.
Si le lecteur suit dans notre traduction le rituel gujrati et le compare dans son ensemble avec les indications rituelles du Yasna pehlvi, il trouvera un accord général dans l’ensemble et des divergences considérables dans le détail. La grande différence consiste surtout en ce que le rituel pehlvi, quoique moins étendu, est pourtant plus riche, c’est-à-dire qu’il contient nombre d’opérations inconnues au rituel moderne de l’Inde. La tendance continue des Parsis de l’Inde a été de simplifier et de réduire le rituel. Nous avons vu cette tendance se marquer d’une façon naïve dans la substitution d’un Barsom en métal, préparé une fois pour toutes, au Barsom végétal cueilli sur l’arbre pour le sacrifice. Elle se marque également à travers tout le cérémonial, tantôt par des suppressions, tantôt par des réductions. Un exemple frappant de ces suppressions est celui du rituel du datûsh, de cette tige verticale du Barsom dont les mouvements semblent marquer dans le rite irani le début et la fin des Staota yêsnya (pp. 140 et 377), et qui est absolument inconnue au rite indien. Un certain nombre d’autres cérémonies, développées dans le rite irani, sont indiquées seulement ou réduites à leur plus simple expression dans le rite indien (voir Hâ LXIII, Appendice ; Ha LXIV, Appendice). Il serait intéressant de savoir jusqu’à quel point le rite irani est encore aujourd’hui pratiqué chez les Parsis de Perse. Là-dessus malheureusement les documents directs manquent jusqu’à présent : mais on verra (p. xcv) qu’il ne serait peut-être pas impossible d’être éclairé complètement sur ce point sans sortir de l’Inde.



  1. Nîrang est le terme pehlvi pour les actes liturgiques et par suite pour les indications liturgiques ; kiryà, sanscrit kriyâ, est le synonyme indien. Nous employons l’un ou l’autre terme selon que nous suivons la source pehlvie ou la source gujratie.
  2. Avesta, The Sacred Books of the Parsis, Part I, Yasna bà Nîrang ; Bombay, at the Fort Printing Press ; year of Yazdajard 1257, A. C. 1888 ; pp. 28 (préfaces gujratie et anglaise) ; 26 (Paragra), 349 (Yasna, Vispéred et Yasna Rapithwin). Le texte zend reproduit l’édition de Westergaard : il donne à la fin la liste comparative des lectures de Westergaard et de Geldner, là où les deux éditions diffèrent.
  3. La grande édition en quatre volumes grand in-8o, connue sous le nom de Tamâm Avastâ, qui forme toute une encyclopédie zoroastrienne. Malheureusement le zend est en caractères gujratis, ce qui rend l’édition peu maniable et donne un texte flottant. — La première édition avec nîrang date de 1850 (Ervad Aspandyarji Framji Rabadi).
  4. 3. Elle a été publiée principalement pour l’usage des candidats au Nàvar.
  5. Sur ce manuscrit, voir plus bas, ch. VII, ii, 1o.
  6. Pour distinguer les deux sources nous mettons entre guillemets les indications prises au rituel pehlvi, autrement dit les nîrangs. Exemple : p. 201, la première indication et les deux dernières sont prises du rituel pehlvi ; la seconde est prise du rituel gujrati.
    Nous donnons en note le texte de tous les nîrangs, de façon que notre commentaire contient en fait une édition du rituel pehlvi, qui permettra au lecteur de rectifier lui-même nos traductions, le cas échéant.