Le pain et la panification/Partie 1/Chapitre 4

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J.-B. Baillière & Fils (p. 83-89).

CHAPITRE IV

CÉRÉALES AUTRES QUE LE BLÉ


Plusieurs graminées autres que le blé peuvent être employées à faire le pain, soit seules, soit ajoutées au blé. Ce sont le seigle, l’orge, l’avoine, le maïs, le riz.

Seigle. — La structure intérieure du grain de seigle est tout à fait analogue à celle du grain de blé. Il n’en est pas de même pour la composition chimique. Si l’on écrase des grains de seigle, qu’on pétrisse avec de l’eau la poudre obtenue et qu’on malaxe la pâte sous un filet d’eau, la pâte se délaie en une bouillie claire qui se laisse entraîner presque tout entière par l’eau et, quand l’amidon a été entièrement éliminé, il ne reste dans la main qu’un peu de matière visqueuse bien différente du gluten de blé. Ce n’est pas que le seigle soit pauvre en matière azotée, mais sa matière azotée diffère notablement par ses propriétés de celle du blé. On y peut distinguer, comme toujours, une partie soluble dans l’eau (albumine) et une partie insoluble (gluten) ; mais, tandis que le gluten de blé contient de 60 à 80 p. 100 de gluten-fibrine, M. Fleurent n’a trouvé que 8,17 p. 100 de ce principe agglutinatif dans le gluten d’une farine de seigle qui contenait 8,26 p. 100 de gluten. Ce gluten est donc presque entièrement constitué par du gluten-caséine. Il diffère encore du gluten du blé par cette particularité que, abandonné à l’air à l’état humide, il se colore bien plus rapidement et devient bientôt gris noirâtre. Cette propriété doit jouer un rôle dans la production de la couleur du pain de seigle.

Les cendres du grain de seigle ne diffèrent pas sensiblement de celles du grain de blé.

Voici une analyse du grain de seigle, d’après Pillitz :

Eau 
13,85
Matière grasse 
2,17
Matières azotées insolubles 
9,11
Matières azotées solubles 
3,33
Dextrine 
4,97
Sucre 
1,87
Amidon 
56,41
Cellulose 
3,93
Cendres solubles 
1,23
Cendres insolubles 
0,22
Extractif 
3,01
———
99,89

Quant à la farine de seigle, elle n’est jamais travaillée avec autant de soin que la farine de froment, et d’ailleurs, même en effectuant la mouture avec le plus grand soin, on ne peut jamais tirer une farine aussi fine et aussi blanche du seigle que du blé.

Voici des analyses de grains, de farine et de son de seigle, d’après Wunder :

Grain. Farine fine. Farine noire. Son.
Eau 
16,95 13,62 11,40 10,01
Ligneux 
1,38 0,94 1,56 4,30
Matières azotées 
8,96 8,06 11,88 13,85
Matières non azotées 
70,67 76,59 73,40 66,03
Cendres 
2,04 0,96 1,76 5,81

Orge. — Au point de vue de la structure anatomique, la plus grande différence à signaler entre l’orge et le blé réside dans la couche de cellules à aleurone : chez le blé, comme chez le seigle, cette couche ne comprend qu’un seul rang de cellules (fig. 11) ; chez l’orge, elle comprend trois et quelquefois quatre rangs de cellules, excepté dans le voisinage de l’embryon, où la couche s’amincit progressivement, se réduisant peu à peu à deux rangs, puis à un seul rang. Les cellules à aleurone de l’orge sont plus petites que celles du blé et du seigle.

Au point de vue de la composition chimique, nous avons à signaler : 1o la même pauvreté que chez le seigle en gluten agglomérable par malaxation avec l’eau : la farine d’orge analysée par M. Fleurent a donné 13,82 p. 100 de gluten, et ce gluten contenait 15,60 p. 100 de gluten-caséine, proportion encore très inférieure à celle que l’on rencontre dans le gluten de blé ; 2o une différence notable avec le blé pour la composition des cendres. Voici, d’après E. Wolff, la composition moyenne des cendres d’orge :

Teneur en cendre. Oxyde de fer. Chaux. Magnésie. Potasse. Soude. Acide phosphorique Acide sulfurique. Silice. Chlore.
Orge d’été. 2,60 0,97 2,60 8,62 20,15 2,53 34,68 1,69 27,54 0,93
Orge d’hiv. 1,99 1,72 0,74 12,53 16,33 4,14 32,82 2,98 28,74 "

À remarquer, surtout, une faible teneur en acide phosphorique et une teneur considérable en silice.

Composition du grain d’orge, d’après Pillitz.
Eau 
 13,88
Matières grasses 
 2,66
Matières azotées insolubles 
 12,43
Matières azotées solubles 
 1,77
Dextrine 
 1,70
Sucre 
 2,43
Amidon 
 54,07
Cellulose 
 7,76
Cendres solubles 
 1,26
Cendres insolubles 
 1,07
Extractif 
 1,50
———
100,53

Avoine. — La couche de cellules à aleurone est à un seul rang. La farine d’avoine, réduite en pâte et malaxée sous un filet d’eau, ne fournit pas de gluten. Elle est cependant très riche en gluten-caséine et en gliadine de Ritthausen.

Composition des cendres, d’après E. Wolff.
Teneur en cendre. Oxyde de fer. Chaux. Magnésie. Potasse. Soude. Acide phosphorique Acide sulfurique. Silice. Chlore.
Avoine 3,14 0,67 3,73 7,06 16,38 2,24 23,02 1,36 44,33 0,58
A. mondée 2,07 1,54 7,46 10,12 27,96 " 47,73 " 1,16 0,26


Composition du grain d’orge, d’après Pillitz.
Eau 
 13,61
Matière grasse 
 4,20
Matières azotées insolubles 
 10,36
Matières azotées solubles 
 2,30
Dextrine 
 1,25
Sucre 
 0,32
Amidon 
 45,78
Cellulose 
 16,21
Cendres solubles 
 1,23
Cendres insolubles 
 2,33
Extractif 
 1,42
———
99,01
Avoine mondée, d’après Paggiale.
Eau 
 14,24
Matière grasse 
 6,11
Matières protéiques 
 11,25
Amidon 
 61,85
Ligneux 
 3,46
Cendres. 
 3,09

Maïs. — Le grain de maïs présente d’assez notables différences avec celui des graminées que nous avons étudiées jusqu’ici. L’enveloppe est beaucoup plus ligneuse, le germe beaucoup plus volumineux ; l’albumen est corné dans ses portions périphériques ; il n’est proprement farineux que dans le voisinage de l’embryon. La couche de cellules à aleurone est à un seul rang comme dans le blé. La structure particulière du grain de maïs entraine des difficultés spéciales pour la mouture.

La farine de maïs est toujours plus ou moins jaunâtre ; elle n’abandonne pas de gluten agglomérable quand on la malaxe sous l’eau. Elle contient pourtant une proportion de gluten-fibrine bien plus forte que les farines précédentes. M. Fleurent a trouvé dans la farine de maïs 10,63 p. 100 d’un gluten qui contenait 47,50 p. 100 de gluten-fibrine. Cette proportion est encore bien inférieure à celle que donne le blé. Elle se distingue des autres farines par une plus grande richesse en amidon et en matière grasse, et par une moindre richesse en matières protéiques. Sa grande richesse en matière grasse facilement altérable fait que cette farine exhale au bout de peu de temps une odeur rance très prononcée.

Composition des cendres, d’après E. Wolff.
Teneur en cendre. Oxyde ferrique. Chaux. Magnésie. Potasse. Soude. Acide phosphorique Acide sulfurique. Silice. Chlore.
1,51 1,26 2,28 14,98 27,93 1,83 45,00 1,30 1,88 1,42


Composition du grain de maïs, d’après Pillitz.
Eau 
 13,89
Matière grasse 
 4,36
Matières azotées insolubles 
 8,63
Matières azotées solubles 
 1,87
Dextrine 
 0,76
Sucre 
 1,33
Amidon 
 62,69
Cellulose 
 4,19
Cendres solubles 
 1,15
Cendres insolubles 
 0,33
Extractif 
 1,43

De très grandes variations de composition peuvent se rencontrer suivant la variété de grain et les conditions de culture ou de maturation. Ainsi l’analyse de Pillitz ne donne que 4,36 p. 100 de matière grasse : d’autres analyses ont parfois fourni une teneur en matière grasse beaucoup plus forte. M. L. von Wagner en a trouvé 8,70 p. 100 dans du maïs hongrois. La proportion de sucre dans les diverses analyses varie entre 1,38 et 11,64 (maïs d’Amérique, analyse faite par Alwater ; celle d’amidon entre 53 (maïs hongrois) et 70 (maïs américain).

Riz.— Le grain de riz diffère peu des grains des diverses céréales par sa structure anatomique, mais il en diffère notablement par sa composition chimique. Plus pauvre en matière azotée, il est beaucoup plus riche en amidon. Il ne donne pas de gluten agglomérable. La farine de riz analysée par M. Fleurent a donne 7, 80 p. 100 d’un gluten qui contenait 14, 31 p. 100 de gluten-fibrine.

Composition du riz mondé, d’après E. Wolff.
Eau 
 14, 00
Matière grasse 
 0, 40
Matière azotée 
 7, 40
Sucre, gomme, cellulose 
 4, 91
Amidon 
 86, 21
Cendres 
 0, 36

La farine de riz est blanche, fine et d’une saveur agréable, mais elle ne se prête pas à la panification. On ne l’emploie que mélangée à la farine de blé, et, dans les circonstances ordinaires, cet emploi se rattache plutôt à la falsification qu’à la fabrication du pain.