Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie I/Chapitre CCIV

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Livre I. — Partie I. [1342]

CHAPITRE CCIV.


Comment le roi anglois laissa une partie de ses gens devant Vennes et s’en alla devant Rennes ; et puis vint mettre le siége devant Nantes où messire Charles de Blois étoit.


Quand le roi anglois qui séoit devant Vennes, vit la cité si forte et si bien fournie de gens d’armes, et entendit par ses gens que le pays de là environ étoit si povre et gâté qu’ils ne savoient où fourrer, ni avoir vivres pour eux, ni pour leurs chevaux, tant étoient-ils grand nombre, si s’avisa qu’il en laisseroit là une partie pour tenir le siége, et atout le remenant de son ost il se trairoit pardevant Rennes, et verroit ses gens qui là séoient, qu’il n’avoit vus de grand temps. Si ordonna le comte de Warvich, le comte d’Arondel, le baron de Stanfort, messire Gautier de Mauny, messire Yvon de Treseguidy, et messire Girard de Rochefort, à cinq cents hommes d’armes et mille archers, à tenir le siége devant Vennes. Puis s’en partit le dit roi atout le remenant de son ost, où bien avoit quinze cents hommes d’armes et six mille archers ; et chevaucha tout ardant et exillant le pays d’un lez et d’autre ; et fit tant qu’il vint devant Rennes, où il fut moult liement vu et reçu de ses gens qui là séoient, et avoient sis un grand temps. Et quand il eut là été environ cinq jours, il entendit que messire Charles de Blois étoit dedans la cité de Nantes, et là faisoit son amas de gens d’armes : si dit qu’il se trairoit celle part ; et se partit du siége de Rennes, et y laissa ceux que trouvés y avoit ; et chevaucha tant qu’il vint atout son ost devant Nantes, et l’assiégea si avant qu’il put, tant est grande et étendue. Si coururent ses maréchaux et ses gens environ, et gâtèrent et exillièrent durement le pays plat, et prenoient vivres et pourvéances partout où ils les pouvoient trouver. Et furent le dit roi d’Angleterre et ses gens ordonnés sur une montagne, au dehors de la cité de Nantes, un jour de matin jusques à nonne, par manière de bataille ; et cuidoient bien les Anglois que messire Charles de Blois et ses gens dussent issir, mais non firent. Quand les Anglois virent ce, ils se retrairent à leurs logis : mais les coureurs du roi d’Angleterre coururent adonc jusques devant les barrières de la cité, et à leur retour ils ardirent les faubourgs.