Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie I/Chapitre CCV

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Texte établi par J. A. C. Buchon (Ip. 173-174).
Livre I. — Partie I. [1342]

CHAPITRE CCV.


Comment le roi anglois laissa le comte de Kenford et plusieurs autres seigneurs devant Nantes et alla assiéger Dynant.


Ainsi se tint le roi d’Angleterre devant Nantes. Et messire Charles de Blois étoit dedans, qui souvent escripsoit et envoyoit lettres et messages, et l’état des Anglois, devant le roi de France son oncle et le duc de Normandie son cousin qui le devoit conforter, car il en étoit chargé. Et étoit jà trait et venu le duc de Normandie en la cité d’Angiers, et là faisoit son amas de toutes manières de gens d’armes qui là venoient de tous côtés. Entrementes que ces assemblées se faisoient, se tenoit le roi d’Angleterre devant Nantes, et l’avoit assiégée de l’un des côtés, et y faisoit souvent assaillir et escarmoucher et éprouver ses gens : mais en tous ces assauts petit y conquit ; ainçois y perdit par plusieurs fois de ses hommes, dont moult lui ennuya. Quand il vit et considéra que par assaut il n’y pouvoit rien faire et que messire Charles de Blois n’istroit point aux champs pour le combattre, il s’avisa qu’il laisseroit là la plus grand’partie de ses gens à siége, et se trairoit autre part, en gâtant et exillant le pays. Si ordonna le comte de Kenford, messire Henry vicomte de Beaumont, le seigneur de Persy, le seigneur de Ros, le seigneur de Moutbray, le seigneur de la Ware, messire Regnault de Cobehem, messire Jean de Lille à demeurer là et tenir le siége à six cents hommes d’armes et deux mille archers ; et puis chevaucha o le demeurant de ses gens, qui pouvoient être environ quatre cents lances et deux mille archers, tout ardant et exilliant le bon pays de Bretagne pardevant lui, d’un côté et d’autre, tant qu’il vint devant la ville de Dynant, dont messire Pierre Portebeuf étoit capitaine.

Quant il fut venu à Dynant, il mit le siége tout environ, et fit fortement assaillir ; et ceux qui dedans étoient entendirent aussi à eux défendre. Ainsi assiégea le roi d’Angleterre en une saison et en un jour, que lui et ses gens, trois cités en Bretagne et une bonne ville.