Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie I/Chapitre CXVI

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Texte établi par J. A. C. Buchon (Ip. 102-103).
Livre I. — Partie I. [1340]

CHAPITRE CXVI.


Comment le comte de Hainaut fit son mandement à tous ses alliés pour aller secourir ceux de Thun-l’Évêque.


La trêve durant qui fut prise entre le duc de Normandie et les soudoyers de Thun, si comme vous avez ouï, revint le comte de Hainaut en son pays, dont toutes manières de gens furent réjouis, car moult l’avoient désiré. Si lui recorda le sire de Beaumont son oncle comment les choses étoient allées depuis son département, et à quelle puissance le duc de Normandie étoit entré et séjourné dans son pays, et ars et détruit tout par de-là Valenciennes, exceptées les forteresses. Si répondit le comte qu’il seroit bien amendé, et que le royaume de France étoit assez grand pour en avoir satisfaction de toutes ces forfaitures ; mais briévement il vouloit aller devant Thun-l’Évêque et conforter ses bonnes gens qui gissoient là si honorablement, et qui si loyalement étoient tenus et défendus.

Si fit le comte son mandement et ses prières en Brabant, en Guerles, en Juliers et en Allemagne, et aussi en Flandre devers son bon ami Artevelle ; et s’en vint le dit comte à Valenciennes, à grand’foison de gens d’armes, chevaliers et écuyers de son pays, et des pays dessus nommés ; et toudis lui croissoient gens. Et se partit de Valenciennes en grand arroy de gens d’armes, de charrois, de tentes, de trefs, de pavillons et de toutes autres pourvéances, et s’en vint loger à Nave sur ces beaux plains et ces beaux prés, tout contre val la rivière d’Escaut. Là étoient les seigneurs de Hainaut avec le dit comte et en bon arroy : premièrement messire Jean de Hainaut son oncle, le sire d’Enghien, le sire de Werchin sénéchal de Hainaut, le sire d’Antong, le sire de Ligne, le sire de Barbençon, le sire de Lens, messire Guillaume de Bailleul, le sire de Haverech, châtelain de Mons, le sire de Montegny, le sire de Marbais, messire Tliierry de Wallecourt, maréchal de Hainaut, le sire de la Hamède, le sire de Gomegnies, le sire de Roisin, le sire de Trasegnies, le sire de Brifeul, le sire de Lalain, le sire de Mastain, le sire de Sars, le sire de Wargni, le sire de Beaurieu et plusieurs autres chevaliers et écuyers, qui tous se logèrent de-lez leur seigneur. Assez tôt après y revint le jeune comte Guillaume de Namur moult étoffément à deux cents lances, et se logea aussi sur la rivière d’Escaut en l’ost du comte ; et après revinrent le duc de Brabant à bien six cents lances, le duc de Guerles, le comte de Mons, le sire de Fauquemont, messire Arnoul de Blakehen et grand’foison d’autres seigneurs et gens d’armes d’Allemagne et de Westphale. Si se logèrent tous, les uns après les autres, sur la rivière d’Escaut, à l’encontre de l’ost françois ; et étoient plantureusement pourvus de tous vivres qui leur venoient tous les jours de Valenciennes et du pays de Hainaut voisin à eux.