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Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie I/Chapitre CXXXVI

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Livre I. — Partie I. [1340]

CHAPITRE CXXXVI.


Comment ceux de Mortaigne rompirent l’engin de ceux de Valenciennes, qui moult les grevoit, par un autre engin qu’ils firent.


Le tiers jour fut la nef toute ordonnée et avalée, et l’engin dedans assis et appareillé pour traire hors les pilotis ; lors commencèrent à aller ceux qui s’en mêloient au dessus dit pilotis, et commencèrent à ouvrer, si comme commandé leur fut. Si s’affichèrent à ôter les pilots, dont il en y ayoit en l’Escaut semé grand’foison. Mais tant de peine et de labeur eurent, ainçois qu’ils en pussent avoir un, que merveilles fut à penser. Si regardèrent et considérèrent les seigneurs que jamais ils n’auroient fait : si commencèrent à cesser cet ouvrage. D’autre part il y avoit dedans Mortaigne un maître engigneur qui avisa et considéra l’engin de ceux de Valenciennes, et comment il grevoit leur forteresse ; si en leva un au châtel, qui n’étoit mie trop grand, et l’attrempa bien et à point, et ne le fit jeter que trois fois, dont la première pierre chey tomba à douze pas de l’engin de Valenciennes, la seconde au pied de la huche, et la tierce pierre fut si bien appointée qu’elle férit l’engin parmi la flèche et la rompit en deux moitiés. Adonc fut grand’ la huée des soudoyers de Mortaigne contre ceux de Valenciennes pour leur engin qui étoit rompu au milieu et l’allèrent regarder à grand’merveille.