Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre I, Partie I/Chapitre LXXII

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Livre I. — Partie I. [1338]

CHAPITRE LXXII.


Comment les seigneurs de l’Empire mandèrent au roi d’Angleterre qu’ils étoient prêts, ainsi que convent étoit, mais que le duc de Brabant le fut.


Le jour approcha et vint que le roi anglois attendoit la réponse de ces seigneurs, mais ils se firent suffisamment excuser ; et mandèrent au roi qu’ils étoient tous prêts et appareillés eux et leurs gens, ainsi que convent étoit, mais que il fit tant au duc qu’il s’appareillât, qui étoit le plus prochain, et qui le plus froidement, ce leur sembloit, s’appareilloit, et que, aussitôt qu’ils sauroient de certain que le duc seroit appareillé, ils se mouveroient et seroient au commencement de la besogne où le duc de Brabant seroit. Sur ces réponses le roi d’Angleterre fit tant qu’il parla au duc de Brabant son cousin, et lui montra le mandement que ces seigneurs lui avoient envoyé. Si le pria en amitié et requit par lignage[1] qu’il se voulût sur ce aviser, par quoi aucune deffaute ne fût trouvée en lui ; car endroit soi s’appercevoit bien qu’il s’appareilloit froidement ; et s’il n’en faisoit autre chose, il doutoit qu’il ne perdît l’aide et confort de ces seigneurs d’Allemagne, par faute de lui.

Quand le duc ouït ce, il en fut tout confus, et dît qu’il s’en conseilleroit. Quand il fut longuement conseillé, il répondit au roi : qu’il seroit assez tôt prêt et appareillé quand besoin en seroit, mais il auroit ainçois parlé à tous ces seigneurs. Adonc le roi apperçut bien qu’il n’en auroit autre chose, et que le courroucer ne lui pouvoit rien valoir : si accorda au duc son propos, et dit qu’il enverroit encore à ces seigneurs certains messages de par lui, qu’ils fussent à une certaine journée encontre lui, là où il leur plairoit le mieux. Ainsi se départirent le roi et le duc d’ensemble ; et furent devers les seigneurs de l’Empire messages envoyés, et certain jour assigné qu’ils venroient. Ce fut à la Notre Dame mi-août ; et fut mis et assis ce parlement par tous communs accords à Halle[2], pour cause du jeune comte de Hainaut, qui y devoit être avec messire Jean de Hainaut son oncle.

  1. En considération de leur parenté.
  2. Petite ville du Hainaut sur les confins du Brabant.