Les Chroniques de Sire Jean Froissart/Livre IV/Chapitre XLVII

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Texte établi par J. A. C. Buchon (IIIp. 226-231).

CHAPITRE XLVII.

Comment le roi de Honguerie escripsit au roi de France l’état de l’Amorath-Baquin, et comment Jean de Bourgogne, fils ains-né au duc de Bourgogne, fut chef de toute l’armée qui y alla.


En ce temps escripsit le roi Henry de Honguerie[1] lettres moult douces et amiables au roi de France, et l’envoya en France si notablement que par un évêque de Honguerie et deux de ses chevaliers ; et étoit contenu en ces lettres une grand’partie de l’état et affaire l’Amorath-Baquin ; et comment icelui se vantoit, ainsi qu’il avoit mandé au roi de Honguerie, qu’il le viendroit combattre au milieu de son pays, et chevaucheroit si avant qu’il viendroit à Rome, et feroit son cheval manger avoine sur l’autel Saint-Pierre à Rome, et là tiendroit son siége impérial, et amèneroit l’empereur de Constantinoble en sa compagnie, et tous les plus grands barons du royaume de Grèce, et tiendroit chacun en sa loi : il n’en vouloit avoir que le titre et la seigneurie.

Si prioit le roi de Honguerie, par ses lettres, au roi de France qu’il voulsist entendre à ce, et lui incliner que ces hautes besognes des marches lointaines fussent signifiées et certifiées notablement et éparses parmi le royaume de France, à la fin que tous chevaliers et écuyers se voulsissent émouvoir sur l’été à eux pourveoir et aller en Honguerie, et aider le dit roi de Honguerie à résister contre le roi Basaach[2] dit l’Amorath-Baquin, afin que sainte chrétienté ne fût foulée ni violée par lui, et que ses vantises lui fussent ôtées et reboutées. Ainsi, plusieurs paroles et ordonnances de grand amour, ainsi que rois et cousins escripsent l’un à l’autre en cause de nécessité et d’amour, étoient escriptes et contenues en ces lettres ; et aussi cils qui les apportèrent, lesquels étoient suffisans hommes et bien enlangagés, s’en acquitèrent bien ; et tant que le roi Charles de France s’y inclina de tout son cœur. Et en valurent grandement mieux les traités du mariage de sa fille au roi d’Angleterre ; et s’en approchèrent plus tôt que si ces nouvelles ne fussent point venues ni apportées de Honguerie en sa cour ; car, comme roi de France et chef de tous les rois chrétiens de ce monde, il y vouloit adresser et pourveoir.

Si furent ces lettres tantôt et ces nouvelles de Honguerie publiées, certifiées et signifiées en plusieurs lieux et éparties en plusieurs pays, pour émouvoir les cœurs des gentils hommes, chevaliers et écuyers, qui désiroient à voyager et avancer leurs corps. Quand ces nouvelles furent venues au roi, pour ces jours le duc de Bourgogne, par espécial, à ce s’inclinoit. Et la duchesse et Jean de Bourgogne leur ains-né fils, comte de Nevers, qui point n’étoit encore chevalier, étoient à Paris ; et messire Guy de la Tremoille, messire Guillaume son frère, messire Jean de Vienne, amiral de France, et plusieurs barons et chevaliers du royaume de France. Si fut avisé, regardé et considéré en l’hôtel du duc de Bourgogne, et par espécial à ce s’inclinoit le duc de Bourgogne grandement, que Jean de Bourgogne son fils, entreprinst ce voyage et se fît chef de tous les François et des nations, nommées en lointaines marches, le Ponnent. Ce Jean de Bourgogne étoit pour lors jeune fils en l’âge de vingt-deux ans, assez sage, courtois, traitable, humble, débonnaire et aimé de tous chevaliers et écuyers de Bourgogne et d’autres nations qui avoient la connoissance de lui. Et avoit pour femme à ces jours la fille au duc Aubert de Bavière, comte de Hainaut, de Hollande et de Zélande, une bonne dame sage et dévote ; et avoient jà deux enfans, par lesquels on espéroit au temps avenir grands mariages. On donna à sentir de côté à Jean de Bourgogne l’ordonnance de ce voyage, et que le roi de France y vouloit envoyer, à la prière et contemplation de son cousin le roi de Honguerie, pour savoir quel semblant il en feroit. Il parla et dit : « S’il plaisoit à mes deux seigneurs, à monseigneur le roi et à monseigneur mon père, je me ferois volontiers chef de cette armée et assemblée ; et si me venroit bien à point, car j’ai grand désir de moi avancer. » Donc lui fut répondu : « Sire, parlez en premier à votre père, à savoir si il voudroit que allassiez en ce voyage ; et si il le vous accordoit, il en parleroit au roi ; car sans lui et son ordonnance ne pouvez-vous rien faire. »

Sur cet avis et information ne demeura guères de jours que Jean de Bourgogne parla au duc son père, en lui humblement priant qu’il voulsist consentir et accorder qu’il pût aller en ce voyage de Honguerie, car il en avoit très bonne volonté. À celle prière faire du fils au père étoient de-lez lui messire Guy et Guillaume de la Tremoille, messire Jacques de Vergy et autres chevaliers qui se boutèrent ès paroles, et dirent au duc : « Monseigneur, celle prière que Jean de Bourgogne tous fait est raisonnable, car il est temps qu’il prenne l’ordonnance de chevalerie ; et plus honorablement il ne le peut prendre ni avoir que sur les ennemis de Dieu et de notre créance. Et au cas que le roi de France y veut envoyer, il n’y peut envoyer plus honorable chef que son cousin germain votre fils ; et vous verrez et trouverez que moult de chevaliers et écuyers, pour leur avancement, se mettront en ce voyage et en sa compagnie. » À ces paroles répondit le duc et dit : « Vous avez raison de ce dire ; et la bonne volonté de notre fils nous ne lui voulons ôter ni briser, mais nous en parlerons au roi et verrons quelle chose il en répondra. » Ils se turent atant.

Depuis ne demeura guères de terme que le duc de Bourgogne en parla au roi ; et le roi incontinent s’y inclina et dit que ce seroit bien fait s’il y alloit : « Et nous voulons qu’il y voise ; et lui accordons ; et le faisons chef de cette besogne. » Donc s’épartirent les nouvelles parmi Paris et hors : que Jean de Bourgogne, atout grand’charge de chevaliers et écuyers, iroit en Honguerie et passeroit outre, et entreroit en la Turquie[3] et iroit voir la puissance de l’Amorath-Baquin ; et ce voyage achevé, les chrétiens iroient à Constantinoble et passeroient outre au bras Saint-George[4], et entreroient en Syrie, et acquitteroient la sainte terre, et délivreroient Jérusalem et le saint sépulcre des payens et de la subjection du Soudan et des ennemis de Dieu. Donc se réveillèrent chevaliers et écuyers qui se désiroient à avancer parmi le royaume de France.

Le duc de Bourgogne, quand il sentit que son fils iroit en ce voyage et en seroit chef, honora plus encore que fait n’eût les ambaxadeurs de Honguerie ; lesquels, quand ils virent la bonne volonté et ordonnance du roi de France et des François, s’en contentèrent grandement et prirent congé au roi et aux seigneurs de France, aux ducs d’Orléans, de Berry, de Bourgogne et à messire Philippe d’Artois, comte d’Eu et connétable de France, au comte de la Marche et à tous les seigneurs ; et puis se mirent au retour devers leurs pays, et rapportèrent ces nouvelles en Honguerie et au roi qui en fut tout réjoui ; et fit sur celle entente et venue des François ordonner grandes pourvéances et grosses ; et envoya ses messages et ambaxadeurs devers son frère le roi d’Allemagne pour ouvrir ses passages ; et aussi devers son cousin le duc d’Osteriche, car parmi son pays et les détroits d’Osteriche convenoient qu’ils passassent. Et fit partout sur ces chemins ordonner et administrer vivres et pourvéances pour les seigneurs de France ; et escripsit toutes ces nouvelles et certifiances au grand maître de Prusse et aux seigneurs de Rhodes, afin qu’ils eussent avis et se pourvussent contre la venue de Jean de Bourgogne, qui sur cel état vïendroit en Honguerie, accompagné de mille chevaliers et écuyers tous vaillans hommes, pour entrer en Turquie, et pour résister aux menaces et paroles du roi Basaach dit l’Amorath-Baquin.

En ce temps que ces nouvelles étoient mises hors pour aller au dit voyage dont je vous parle, étoit le sire de Coucy nouvellement retourné à Paris d’un voyage où il avoit été près d’un an. Ce fut sur les frontières et marches de la rivière de Gennèves. Car aucuns grands maîtres gennevois avoient informé le duc d’Orléans que la terre et toute la duché de Gennèves désiroient à avoir un chef à seigneur, venu et issu des fleurs de lis ; et pourtant que le duc d’Orléans avoit à femme et épouse la fille au seigneur de Milan, celle terre et seigneurie de Milan lui seroit très bien séant. En cette instance le seigneur de Coucy, atout trois cens lances et cinq cens arbalêtriers, avoit passé outre en Savoie et en Piémont, par l’accord et consentement du comte de Savoie et des Savoyens, et venu vers Asti en Piémont par le consentement du seigneur de Milan, et là descendu plus aval dessous une cité qui s’appelle Alexandrie, et venu sur les frontières des Gennevois pour traiter à eux et savoir plus pleinement leur intention ; car de force, s’il n’avoit plus grand’puissance, accord et alliance au pays des Gennevois, il n’y pouvoit rien faire. Quand le sire de Coucy vint premièrement sur les frontières de la rivière de Gennèves, où les entrées du pays sont tant fortes à conquérir, si ceux du pays les cloent et y mettent défense, aucuns seigneurs gennevois, par laquelle faveur et ordonnance il étoit là venu, et qui avoient informé le duc d’Orléans et son conseil, lui firent bonne chère et le recueillirent doucement et aimablement, et le mirent en leur pays, et lui offrirent leurs châteaux. Le sire de Coucy, qui fut sage et subtil, et un chevalier moult imaginatif, et qui connoissoit assez la nature des Lombards et des Gennevois, ne se voult pas trop avant confier en leurs offres et promesses ; et toutefois il les tint sagement à amour tant qu’il fut et conversa avecques eux ; car trop bien les savoit mener par paroles et par traités ; et eut plusieurs parlemens sur les champs, non pas en maison ni en forteresse, à ceux de la cité de Gennèves. Et plus parlementoit à eux et moins conquéroit. Bien lui faisoient les Gennevois tout signe d’amour ; et lui promettoient moult de choses ; et vouloient qu’il s’avalât jusques en la cité de Gennèves ou à Port-Vendre ; mais le sire de Coucy ne s’y osa oncques assurer. La conclusion de son voyage fut telle, que rien il n’exploita. Et quand il vit que rien il ne faisoit, quoique moult soigneusement il rescripsoit et signifioit son état au duc d’Orléans, il fut remandé, et retourna à Paris, et y vint si à point que ces emprises et nouvelles d’aller en Honguerie étoient en cours trop grandement ; et fut le duc de Bourgogne moult réjoui de son retour ; et le mandèrent à l’hôtel d’Artois le duc et la duchesse ; et là lui dirent en signe de grand amour : « Sire de Coucy, nous confions grandement en vous et en votre sens. Nous faisons Jean notre fils et héritier entreprendre un voyage. À l’honneur de Dieu et de toute chrétienté puisse être ! Nous savons bien que sur tous les chevaliers de France vous êtes le plus usité et coutumier en toutes choses. Si vous prions chèrement et féablement que en ce voyage vous veuillez être compaing et conseiller à notre fils ; et nous vous en saurons gré, et à desservir à vous et aux vôtres. »

À celle prière et requête répondit le sire de Coucy et dit : « Monseigneur, et vous madame, votre requête et parole me doivent bien être commandement. En ce voyage, s’il plaît à Dieu, je irai doublement. Premièrement par dévotion, pour défendre la foi Jésus-Christ ; secondement puisque tant de honneur vous me voulez charger que j’entende à Jean, monseigneur votre fils, je m’en tiens pour tout chargé, et m’en acquitterai en toutes choses à mon loyal pouvoir. Mais, cher sire, et vous ma très chère dame, de ce faix vous me pourriez bien excuser et déporter, et en charger espécialement à son cousin moult prochain, messire Philippe d’Artois, comte d’Eu et connétable de France, et à son autre cousin le comte de la Marche. Tous deux en ce voyage ils y doivent aller, car cils lui sont moult prochains de sang et d’armes. » Donc répondit le duc de Bourgogne et dit : « Sire de Coucy, vous avez trop plus vu que ces deux n’ont, et savez trop mieux où on peut aller aval le pays que nos cousins d’Eu et de la Marche. Si vous chargez de ce dont vous êtes requis, et nous vous en prions. » — « Monseigneur, répondit le sire de Coucy, votre prière m’est commandement et je le ferai, puisqu’il vous plaît, avecques l’aide de messire Guy de la Tremoille, de messire Guilîaume son frère, et de l’amiral de France, messire Jean de Vienne. » De celle réponse eurent le duc et la duchesse grand’joie.

Or s’ordonnèrent ces seigneurs de France grandement pour aller au voyage de Honguerie ; et prioient barons, chevaliers et écuyers pour avoir leur service et compagnie. Et cils qui point priés n’en étoient, et qui désir et affection de y aller avoient, prioient aux seigneurs, tels que au comte d’Eu, connétable de France, au comte de la Marche et au seigneur de Coucy, qu’ils les voulsissent prendre de leur compagnie. Les aucuns étoient retenus, les autres n’avoient point de maîtres. Et pour ce que le voyage étoit long d’aller en Honguerie et de là en Turquie, chevaliers et écuyers, quoiqu’ils eussent bonne volonté d’avancer leurs corps, et ne sentoient pas la mise ni la chevauce pour honorablement faire ce voyage, se refroidoient de leur emprise, quand point de retenue n’avoient[5].

Vous devez savoir que pour l’état du corps Jean de Bourgogne rien n’étoit épargné de montures, d’armoiries de chambres, d’habits grands et riches, de vaisselle d’or et d’argent, et n’entendoient chambrelans à autre chose. Et fut tout délivré à tous officiers pour le corps Jean de Bourgogne ; et à chacun à part lui grand nombre de florins ; et cils les payoient et délivroient par ordonnance aux ouvriers et marchands, qui les ouvrages appartenans à eux faisoient et ouvroient. Tous barons, chevaliers et écuyers, pour l’honneur de Jean de Bourgogne et aussi l’avancement de leurs corps, s’efforçoient d’eux mettre en point. Messire Philippe d’Artois, comte d’Eu, s’ordonna si puissamment que rien n’étoit épargné ; et vouloit aller en ce voyage comme connétable de France ; et le roi de France, qui moult l’aimoit, lui aidoit tant que à la chevance grandement ; et aussi fit-il à messire Boucicaut, maréchal de France.

Le duc de Bourgogne avisa et considéra une chose, que ce voyage à tout appareiller coûteroit trop grandement et mise de finance ; et si convenoit que l’état de lui, et de la duchesse sa femme, et d’Antoine son fils, fût maintenu et point brisé ni amendri. Et pour trouver argent il trouva subtilement une arrière taille ; car de la première taille, plat pays, hommes des cités et châteaux et des villes fermées se taillèrent : et monta cette taille, en Bourgogne, pour la chevalerie première de son ains-né fils, à six vingt mille couronnes d’or. De rechef, à tous chevaliers et dames nobles qui de lui fiefs tenoient, jeunes et vieux, il leur fit dire qu’il convenoit qu’ils allassent à leurs coûtages en Honguerie en la compagnie de son fils, ou ils payassent un tant d’argent : si étoient taxés les uns à mille, les autres à deux mille, et les autres à cinq cens ; et chacun et chacune selon sa chevance, et la valeur de sa terre.

Dames et anciens chevaliers, qui ressoignoient le travail du corps, et qui n’étoient mie taillés d’avoir celle peine, se composoient et payoient à la volonté du duc ; et savoit-on bien lesquels étoient déportés de celle taille. Jeunes chevaliers et écuyers étoient ordonnés d’aller en ce voyage, et leur étoit dit : « Monseigneur ne veut point de votre argent, mais vous irez, avec Jean monseigneur, à vos cousts aucunement non en tout, en ce voyage ; et lui ferez compagnie. » De cette arrière taille le duc de Bourgogne sur ses gentils hommes trouva soixante mille couronnes ; ainsi ne fut nul déporté.

Les nouvelles de ce voyage de Honguerie s’espartirent partout ; et quand elles furent venues en la comté de Hainaut, chevaliers et écuyers qui se désiroient à avancer et à voyager commencèrent à parler ensemble et à dire par avis : « Celle chose se taille que monseigneur d’Ostrevant, qui est jeune et à venir, voise en ce voyage avecques son beau frère le comte de Nevers ; et se fera une belle compagnie d’eux deux. Nous n’y faudrons pas. Mais leur ferons compagnie, car aussi désirons nous les armes. » Le comte d’Ostrevant, qui pour ces jours se tenoit au Quesnoy, entendoit et savoit bien ce que chevaliers et écuyers de son pays disoient ; si n’en pensoit pas moins. Et avoit très bon désir et grand’affection d’aller en ce voyage et faire compagnie à son beau-frère de Bourgogne. Et quand il avenoit que on parloit ou devisoit aucune chose en la présence de lui, petit en répondoit mais dissimuloit. Bien avoit intention qu’il en parleroit à son seigneur le duc Aubert de Bavière, comte de Hainaut, et ce qu’il l’en conseilleroit il en feroit. Et avint que le dit comte d’Ostrevant en brefs jours vint à la Haye en Hollande où son père étoit ; et pour ce temps se tenoit là le plus avecques la comtesse sa femme. Si lui dit une fois : « Monseigneur, telles nouvelles queurent. Mon beau-frère de Nevers a empris sur cel été d’aller en Honguerie et de là en Turquie sur l’Amorath-Baquin ; et là doivent être et avenir grands faits d’armes ; et pour le présent je ne me sais où mettre et employer pour les armes avoir ; si saurois volontiers l’intention de vous, s’il vous plairoit que je allasse en ce honorable voyage atout une route de cent chevaliers, et fisse compagnie à mon beau-frère. Monseigneur et madame de Bourgogne m’en sauroient bon gré ; et moult de chevaliers et écuyers a en Hainaut qui volontiers m’accompagneroient en ce voyage. » À celle parole répondit le duc Aubert, comme homme tout pourvu de répondre, et dit : « Guillaume, puisque tu as la volonté de voyager et d’aller en Honguerie et en Turquie quérir les armes, sur gens et pays qui oncques rien ne nous en forfirent, ni nul titre de raison tu n’as d’y aller, fors que pour la vaine gloire de ce monde, laisse Jean de Bourgogne et nos cousins de France faire leur emprise, et fais la tienne à part toi ; et t’en vas en Frise ; et conquiers notre héritage que les Frisons, par leur orgueil et rudesse, nous ôtent et tollent, et ne veulent venir ni enchoir à nulle obéissance ; et à ce faire je t’aiderai. » La parole du père au fils éleva grandement le cœur du comte d’Ostrevant, et répondit et dit : « Monseigneur, vous dites bien ; et au cas qu’il vous plaît que je fasse ce voyage, je le ferai de bonne volonté. »

  1. Sigismond, marquis de Brandebourg et roi de Hongrie par son mariage avec Marie, fille de Louis, roi de Hongrie. Il fut couronné en 1386. Jean de Thwrocz, historien hongrois, raconte son arrivée dans le vrai style de l’idylle. « Nobiles regni, dit-il, pacis grata amœnitate gaudere præligentes, anno Domini 1386, ea videlicet anni ipsius ætate, cum ver, suavi avicularum modulamine gratissimum, posteros sui cursus propinquans ad limites, venienti fervidæ æstati, rubentibus hospitium decoraverat rosis, geminique currum vehentes Phœbi, altiores ætheris conscendebant ad gradus, ad magnum scilicet diem Pentecosten, in Albam Regalem convenerunt. »
  2. Bajazet. Thwrocz et les auteurs byzantins l’appellent Pasaithes.
  3. Les Turcs occupaient déjà quelques-unes des provinces grecques d’Europe.
  4. Le Bosphore.
  5. J’ai recherché dans les précieuses archives de Dijon, mises laborieusement en ordre par le savant archiviste M. Baudot, tout ce qui pouvait être relatif à ce voyage, et j’y ai fait copier, collationner avec soin les pièces suivantes, qui sont publiées ici pour la première fois.

    Cy après sensuient les noms de ceulx que monseigneur a ordonnez aler ou voiage de Honguerie en la compaignie de monseigneur de Nevers.

    Premierement.
    Messire Philippe de Bar, lui quatrième de chevaliers et six escuiers.
    Messire l’admiral de France, lui troisième de chevaliers et cinq escuiers.
    Messire de la Tremoille, lui huitième.
    Messire le mareschal de Bourgogne, lui quatrième.
    Messire Oudart de Chaseron, lui troisième.
    Messire Jehan de Sainte-Croix, lui troisième.
    Messire Guillaume de Merlo, lui troisième.
    Messire Gieffroy de Charny, lui troisième.
    Messire Elyon de Meilhat, lui troisième.
    Messire Jehan de Blaisy, lui et un escuier.
    Messire Henry de Monbeliart, lui deuxième de chevaliers et deux escuiers.
    Messire de Chastelbelin, lui deuxième de chevaliers et deux escuiers.
    Messire Guillaume de Vienne, lui deuxième de chevaliers et deux escuiers.
    Messire Jacques de Vienne, lui deuxième de chevaliers et deux escuiers.
    Messire Jacques de Vergy, lui troisième.
    Messire Thibault de Nuefchastel, lui troisième.
    Messire Guillaume de Vergy et son frère, chacun lui deuxième.
    Messire Henry de Salins.
    Messire Henry de Chalon, lui deuxième de chevaliers et deux escuiers.
    Messire le Haze de Flandre, lui troisième.
    Le sire de Ray.
    Le frère de la femme messire Henry de Monbeliart.
    Cy après sensuient autres de l’ostel de mondit sieur.
    Messire Berthaut de Chartres.
    Messire Loys du Geay, un escuier.
    Messire Jehan des Boves.
    Messire Cort des Essars.
    Messire Girard de Ragny.
    Messire Raoul de Flandre.
    Messire Jacques de Pontallier.
    Messire Jehan de Pontaillier.
    Messire Jehan de Savoisy.
    Messire Philippe de la Tremoille.
    Messire Louis le Maréchal.
    Messire Louis Zebenenghem.
    Messire Philibert de Villers.
    Le sire de Graville, lui troisième.
    Le sire de Plancy, lui deuxième.
    Messire Jacques de Cortjamble.
    Messire Jehan de Coux.
    Messire Hugues de Monneton.
    Messire Philippe de Mussy.
    Messire Jehan de Rigny.
    Messire de Maumes.
    Messire Fouque Paynnel.
    Messire le Galois de Renti.
    Messire Antoine de Bolone, lui troisième.
    Messire Anceau de Pommart.
    Messire Henry de Rye.
    Messire Jehan de Saint-Aubin.
    Messire Jehan de Montaubert.
    Messire Jehan de Ponnele.
    Messire Jehan de Tauque.
    Messire Charles Destouteville.
    Messire Jehan de Granson.
    Messire de Ver, lui deuxième.
    Messire Jean le Sarrasin.
    Messire Jean de Saint-Germain.
    Le Petit Braqueton.
    Boelin Villiers.
    Le fils du seigneur de Chastillon, lui deuxième.
    Messire Raoul de Rayneval, lui deuxième.
    Le sire de l’Espinace.
    Le sire de Montigny.
    Messire Loys de Giac, un escuier.
    Messire Gauvanet de Bailleur, lui deuxième.
    Le Normandea, maistre d’ostel, ceulx qu’il plaira à mondit
    sieur.
    Damas de Buxeul.
    Briffaut.
    Robert de Ardentin.
    Guillaume Breteau.
    Le jeune Monnoier.
    Montaubert.
    Jehan de Sercus.
    Rochechoart.
    Anceau de Villiers.
    Guillaume de Vautraux.
    Jehan de Cepeaux.
    Simon Breteau.
    Gauvignon.
    Guillaume de la Tremoille.
    Conestable.
    Loys Done.
    Estienne de Monsajon.
    Victor Bastard de Flandre.
    Estienne de Germigny, escuier d’escurie.
    Jehan de Granson.
    Le Porcelot de Besançon.
    Thomas de Carruvel.
    Mathe Lalemant.
    Enguerramet.
    Cloux le Bahaignon.
    Guillaume de Lugny.
    Jehan de Ternant.
    Bertran de Saint-Chalier.
    George de Rigny.
    Pierre de la Haye.
    Jehan de Pontaillier.
    Tierry de Saint-Soigne.
    Jehan de Germigny.
    Guillaume de Craon, lui deuxième.
    Regnaut de Flandre.
    Guillaume de Nanton.
    Batetau.
    Maubuisson.
    Le fils au sire de Garanciers.
    Rasse de Rancy.
    Le fils de madame de Malurouc.
    Huguelin de Lugny.
    Mathery.
    Pierre de la Tremen.
    Gruthuse.
    Jacques de Buxeul.
    Toulongon.
    Muart.
    Jehan Bugnot.
    Tajaut.
    Robin de la Cressonnier.
    Copin Paillart.
    Jehan Huron.
    Philippot de Nauton.
    Bonneu.
    Guillaume d’Aunoy.
    Chiffreval.
    Jehan de Blaisy.
    Rase de Tauques.
    Nule de Coudebourch.
    Robert Gaudin.
    Octeville.
    Jaquot de Saux.
    Le Begue de Basse.
    Item dix archers.
    Premierement.
    Laurens Cogniguchant.
    Donat du Cops.
    Ogier Bloel.
    Jehan Carnes.
    Jehan Robichon.
    André le petit archer.
    Gadifer.
    Brocart.
    Berthelot de Revel.
    Adam Pasquot.
    Item vingt arbalestiers c’est assavoir :
    (Les noms de ces 20 arbalestriers sont omis dans la pièce.)

    Les gens qui sont advisés pour aler devant en Honguerie pour faire les provisions de monseigneur de Nevers.


    Simon Breteau, maistre d’ostel.
    Guillaume Breteau, pennetier.
    Jehan de Ternant, eschançon.
    Robert de la Cressonnere.
    Copin Paillart, escuier de cuisine.
    Un boucher et ung poulaillier.

    Cy après s’ensuient les choses nécessaires et appartenant au fait que monseigneur de Nevers doit faire présentement en Honguerie.

    Premierement il est ordonné que tous ceulx qui yront en sa compagnie soient au vingtieme jour d’avril à Diet illec on fera prest pourjon, quatre mois, c’est assavoir : chacun chevalier quarante florins, et chacun escuier vingt florins, et chacun archer douze florins par chacun mois.

    Ordenné par mon sieur presens mon sieur, le comte de Nevers, mon sieur l’Admiral, mon sieur de la Tremoille, messire Guillaume de la Tremoille, messire Odart de Chaseron, messire Elion de Meilhat et Pierre de la Tremoille, le vingt-hutiesme jour de mars avant Pasque, l’an mil trois cent quatre vingt quinze.


    Mon sieur le comte de Nevers sera le vingtiesme jour d’avril à Dijon, et là seront paie toutes ses gens, et sera à la fin d’avril à Montbeliart pour tenir son chemin.

    Ceux par qui monsieur le comte se conseillera.

    Premierement.
    Messire Philippe de Bar.
    Mon sieur l’Admiral.
    Mon sieur de la Tremoille.
    Messire Guillaume de la Tremoille.
    Messire Oudart de Chaseron.
    Et quand bon semblera.
    Mon sieur de Bourbon.
    Messire Henry de Bar.
    Messire de Couxi.
    Mon sieur le connétable.
    Mon sieur le maréchal Boussicaut.
    Et aussi quant bon semblera.
    Messire Henry de Montbeliart.
    Messire Guillaume de Vienne.
    Messire Henry de Chalon.
    Messire de Chalelbelin.
    Messire de Longvy.
    Messire Guillaume de Merlo.
    Messire Gieuffroy de Charny.
    Messire Jehan de Blaisy.
    Messire Elion de Neillat.
    Messire Jehan de Trye.
    Pour le train de mon sieur le comte de Nevers.
    Messire Guillaume de Merlo.
    Messire Jeban de Blaisy.
    Messire Jeban de Sainte-Croix.
    Messire Elion de Neillat.
    Messire Guillaume de Vienne.
    Messire Gieufroid de Charny.

    La bannière de mon sieur, le comte de Nevers messire Philippe de Mussy la portera pour l’acompagnier :

    Courtjambles.
    Jehan de Blaisy.
    De Buxeul.

    Le panon de mon sieur, le comte Gruthuse le portera Nanton et Huguenin de Lugny pour l’accompagner.

    Ordonnance faite par mon sieur le comte.

    Que gentil homme faisant rumour pert cheval et harnois.

    Et varlet qui fiert du coutel pert le point.

    Et s’il robe il pert l’oreille.

    Item que mon sieur le conte et sa compagnie a à requérir l’avant-garde.