Les Hautes Montagnes/22

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(p. 47-50).

22. Les sept petits à la chasse à la poule.

Deux jours plus tard la renarde dit à ses petits :

« Aujourd’hui je vais vous emmener en ville. Prenez garde de ne pas vous perdre, parce qu’il y a huit maisons. C’est la première fois que vous verrez une métropole.

« Quand nous y serons, ne vous attardez pas sur les places, à la lumière ou dans les théâtres ; Nous irons directement au poulailler. Il est laissé ouvert, comme ça se fait dans les grandes villes. Il y a quelques poules princières et il semble qu’ils les réservent au meilleur des renards. Elle doivent être pour moi, bien-sûr.

« Jusqu’alors vous avez chassé la souris, la grenouille, le crabe, le moineau et le scarabée. L’heure est venue de vous exercer aussi sur les poules ».


Ce disant, elle s’est assise sur ses pattes arrières et a ramené par devant sa grande queue touffue.

Tout chasseur qui l’aurait vue à cet instant aurait dit :

« Ah ! Si je pouvais avoir ta fourrure pour l'hiver ! Elle vaut bien six cents drachmes. »

Mais était-elle si facile à voir pour le chasseur ? Non. La belle peau de notre renarde, que les chasseurs convoitent et qui la met continuellement en danger, se protège d’elle-même.

Elle a une teinte qui se confond avec la couleur du milieu. Elle ressemble à la fois aux feuillages et à la terre, et même aux pierres ; elle est jaune-rouge, cendrée sur la poitrine, le ventre et la taille, un peu blanche sur le front et les épaules, rouge sur les pattes avant et noire sur les oreilles.

Ainsi la renarde échappe souvent à l’homme. Bien des fois le chasseur la prend pour autre chose, comme de la terre ou une bûche ou une pierre, et passe son chemin.

Et ses sept petits aussi, leur couleur les a sauvés.

Une fois, alors qu’ils étaient assis au bord du terrier, attendant que leur mère revienne de la chasse, le faucon est passé dans le ciel mais ne les a pas vus. Le regard du faucon a été trompé, tant la couleur de la renarde et de ses petits est rusée !

Jusqu’à quand en sera-t-il ainsi ? Jusqu’à quand la renarde va-t-elle en réchapper ? Qui sait ? Un jour son heure viendra aussi.

Les chasseurs sont abusés par sa couleur, mais le nez du chien ne plaisante pas ! Celui-ci personne ne le trompe. Notre chère renarde sait tout cela. Mais la poule est un repas si savoureux !

Et qu’est-ce qu’elles étaient bonnes ces deux poules, avant-hier !


« En avant les enfants, c’est l’heure » dit-elle vers minuit. « Et soyez attentifs en route. Là où je passe, passez aussi. Vous marcherez tous ensemble dans ma queue. Et pas un mot. Et regardez bien le chemin pour vous en souvenir. »

C’est avec beaucoup d’attention et de précaution qu’ils marchaient, assez longtemps. Ils allaient au milieu des buissons et faisaient de grands tours. Les hommes ont leurs chemins à eux, les renards ont les leurs aussi.


Ce faisant ils sont arrivés aux cabanes des enfants. Ils n’ont rien cherché d’autre dans cette ville, ni lumière, ni route, ni magasin, ils sont allés tout droit au poulailler.

De nouveau ils l’ont trouvé ouvert. Les enfants n’avaient pas compté les poules avant-hier et n’avaient pas vu qu’il en manquait deux.

Et de nouveau ce soir il en manquera deux autres.

« Ouvrez les yeux, voyez comme je fais » dit la renarde aux petits.

Elle a fondu sur une poule et lui a mis les dents autour du cou. Après quoi elle en a rapidement attrapée une autre. Elle a emporté l’une ; puis elle est revenue prendre l’autre. Le poulailler s’est mis sens dessus dessous, mais c’était bien tard. Les pauvres poules dormaient profondément. Quels rêves faisaient-elles ?

Poule infortunée avec ton collier jaune comme un foulard de villageoise ! Pauvre coq huppé du Petit Village.


Sur le tronc d’un arbre tombé, la renarde se repose après la chasse et dit à ses petits :

« La meilleure des communautés est celle qui n’a pas de chien. »

Et de nouveau ce soir il en manquera deux autres.