Les Hautes Montagnes/36

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(p. 74-75).

36. Le pin écorché.

Le garde forestier est arrivé le soir.

Sa première tâche fut de descendre à l’endroit que lui montra Costas. Les enfants l’y suivirent. Pour la première fois ils virent un pin écorché.

Une entaille partait du milieu du tronc et descendait jusqu’aux racines. C’était une plaie ouverte, la plus grande plaie que l’on aurait pu imaginer ; elle ne se fermerait jamais. Et si elle avait voulu se fermer, d’autres coups de hache l’auraient maintenue ouverte.

Ils avaient presque déshabillé plusieurs pins. Ils avaient laissé sur le tronc bien peu d’écorce. C’était comme des carcasses suspendues. De ces écorchures coulait une résine blanche. La résine suivait une entaille et gouttait dans une cuvette creusée exprès dans le sol entre les racines des pins.

Un tel massacre pour la résine, pour les quelques drachmes que les Yeusois se mettraient dans la poche, s’ils la vendaient.


Les pins écorchés mourront en peu de temps. Ils tomberont dès le premier coup de vent ou ils se dessècheront parce qu’ils n’ont plus de sève.

Ils ont compris que leur fin est venue, et pourtant ils chantent ; ils balancent et ils bruissent comme les autres, les pins en bonne santé.

Avec le morceau de tronc qu’il leur reste ils boivent dans la terre autant de sève qu’ils le peuvent encore. Ils verdissent, ont une ombre.

Ainsi saccagés ils peuvent rafraîchir les gens. Leur nature est de faire le bien, ça ne change pas.

Ô Arbres, beaux et fiers !