Les Hautes Montagnes/40

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(p. 79-80).

40. Le bouquetin noir.

Lambros est venu à la leçon avant-hier, et hier, et aujourd’hui.

Il regarde son horloge et arrive à l’heure précise. L’horloge de Lambros est un poirier sauvage desséché. À dix heures du matin son ombre tombe sur le repère. Alors l’élève se met en route et arrive en courant chez Dimitrakis.

Heureusement l’autre fois il a récupéré les chèvres, sauf une, un petit bouc. Nulle part il ne parvenait à retrouver ce petit bouc noir.

Quand il l’a annoncé au papy, celui-ci s’est mis très en colère.

« Retournes-y, a dit le papy, et trouve-moi le petit bouc. Si je n’ai pas ce petit, c’est tout le troupeau qui me manque ! »


Le lendemain, Lambros repartit très tôt et commença à remonter toutes les falaises. Il chercha dans les buissons, il lança des pierres partout, il siffla, cria « Tsep ! Tsep ! Tsep ! » mais rien. Il était désespéré.

Au moment où il allait abandonner, le petit bouc a surgi d’une touffe de verdure. Il ne bougeait pas, ne bêlait pas ; il se contentait de le regarder.

Il été perdu parmi les buissons sauvages. Il a vécu une nuit dans les chênes verts et les arbousiers, il a en oublié troupeau et berger.

Lambros l’a pourchassé un peu, l’a agrippé par la patte arrière avec son bâton, l’a pris sur son épaule et l’a ramené.


Quand le vieil Athanase l’a vu, lui qui a six milles bêtes, il était bien content.

Après l’avoir attrapé par ses petites cornes et l’avoir amené sur ses genoux, il s’est écrié comme sur un ton fâché :

« Apporte-moi vite le couteau que je le sacrifie ». Le petit bouc bêlait : « maihai… maihaihai… » Et quand il a ouvert la gueule son haleine sentait bon les plantes sauvages.

« Que dis-tu ? » cria le vieil Athanase, en levant la main comme s’il tenait là un couteau. « Tu ne veux pas que je te sacrifie ? Si, je vais te sacrifier, et tout de suite ! Dans les parfums des arbustes tu m’as oublié, hein ; Tu voulais des arbousiers intacts ! C’est bon, je te fais grâce pour aujourd’hui. Mais c’est décidé ! Je te sacrifierai au mariage d’Aphrodo ».

Voilà ce qu’il a dit, et il l’a relâché parmi les autres.


Non, il ne le sacrifiera même pas au mariage d’Aphrodo. Qu’il soit désobéissant ! il sait en tout cas aller à la chasse aux senteurs, il sait trouver le buisson intacte.

Le vieil Athanase l’a dans le cœur. Il paraît qu’un jour il en fera son sonnailler !