Les Hautes Montagnes/42

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Traduction par des contributeurs de Wikisource.
(p. 82-83).

42. L’histoire de Yannis d’Yeuse.

Voyez-vous là-bas, au loin, comme des prairies qui jaunissent ? dit Aphrodo,

Là il y avait un pin ; et quel pin ! Il touchait le ciel, pour ainsi dire. Il jetait une ombre noire comme le chrami qui est fait en laine de bouc. Il pouvait abriter tout un troupeau.

Aucun oiseau ne passait par là sans se poser sur sa cime.

Les gouttes de sa résine étaient comme de l’ambre, son bruissement celui d’un fleuve, sa fraîcheur soignait les blessés.

Il paraît que dans son tronc dormait une fée ; c’est ce qu’on dit. Nulle part il n’y avait de pin plus grand ; les plus anciens s’en souviennent. Même papy s’asseyait à son ombre.


Jusqu’à l’année où est arrivé Yannis d’Yeuse, qui l’a taillé à la hache, pour la résine. Et puis l’année suivante, où il l’a taillé encore. Et comme il y prenait la résine depuis deux ans, Yannis a commencé à mesurer tout le bois qu’il aurait s’il le coupait complètement.

La troisième année il l’a abattu. Puis il est allé chez sa maman et lui a dit : « Maman, on va passer un bon hiver. Nous allons brûler la moitié du pin dans la cheminée, l’autre moitié je vais la vendre aux Deux-Villages. »


Il se mit en route pour les Deux villages, pour trouver les artisans et leur dire qu’il avait du bois à vendre. Après un jour et une nuit, il n’était pas arrivé. Trois jours ont passé qu’il n’était pas arrivé. Un mois a passé, il était encore en route.

On dit que, au moment de sa chute, le pin l’a maudit. Et comme il avait la malédiction du pin, Yannis ne pouvait pas sortir de la plaine. Car en le voyant les arbres se mettaient en marche et s’éloignaient. Et le bois entier s’éloignait. Et Yannis restait toujours dans les prairies arides.

Il avait soif, il ne trouvait pas une goutte pour se rafraîchir. Et les étés passaient qui le brûlaient, et les hivers venaient qui le glaçaient. Et Yannis marchait, mais il était toujours au même endroit. Jusqu’à ce qu’il s’écroule.

On a fait une chanson qui raconte toute cette histoire, avec une mélodie. Seulement les paroles, je ne les connais pas, vous les trouverez dans les livres. Car cette histoire est maintenant dans les livres.


La chanson de Yannis d’Yeuse, voici comment les livres nous la disent…