Les Hautes Montagnes/43

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(p. 84-87).

43. La malédiction du pin.

1

Tu as coupé le pin, Yannis
Pourquoi ? pourquoi ? »

« C’est le vent qui murmure… » dit Yannis
et il marche.


La pierre étincelle, le feu prend
dans la prairie,

Puisse Yannis trouver une fontaine,
 une ravine.


Sous le feu du soleil, au milieu des champs,
là un buisson…

Yannis dessous s’allonge pour trouver
de la fraîcheur.


Mais le buisson prend ses branches,
et puis s’en va !

« Pas de repos pour moi ? dit Yannis.
Pourquoi ? pourquoi ? »


2

— Yannis, où veux-tu aller ainsi ?
— Aux Deux Villages

— Et tu t’attardes encore ici-bas ?
C’est bien loin !


— Mais moi j’avance et j’avance.
Est-ce ma faute ?

Le fourré se brouille et m’échappe,
et me laisse ici.


— Depuis quand suis-je parti ? Depuis des jours…
Disons deux… trois…

Mon âme est oppressée aujourd’hui,
j’sais pas pourquoi…


— Tiens, une fontaine, bois un peu d’eau,
rafraîchis-toi.

À la fontaine il se penche pour boire,
aussi sec elle s’assèche.


3

Les jours ont passé, comme les mois,
le temps file ;

Au même endroit se trouve Yannis,
bien qu’il se presse…


L’automne vient et ses pluies !
Nulle part un arbre ?

Il est frappé debout par la grèle,
et par la pluie.


4

« Yannis pourquoi massacrer cet arbre,
si généreux,

Qui offrait son ombre au troupeau
et au berger ?


Le pin murmurait à la brise
— l’entends-tu ? l’entends-tu ?

Et chantait comme la flûte à l’ami
juste et sincère.


Tu as pris sa ramure et son tronc,
et ses rosées,

Sa résine en rivières jaillissant
de ses blessures.


Il était mutilé mais bien droit,
jusqu’à l’année

où tu l’as abattu pour du bois.
Yannis assassin ! »


5

— À ta grâce petite chapelle,
je me prosterne.

Fasse que j’arrive, n’importe quand,
que je repose…


Ma Maman doit m’attendre, s’inquiéter
et ma bergère…

Et j’avais des vendanges… Quand sommes-nous,
quelle saison ?


Je suis parti c’était l’été
— figure-toi —

Puis l’hiver est venu, m’a surpris,
à mi-chemin.


À nouveau juillet, et canicule !
De quelle manière ?

Mon Dieu, arrête le fourré
qui prend la fuite.


Mon Dieu cette course, je n’en peux plus
— de tout mon cœur !

Je veux tomber, et puis mourir,
ici, tout près.


6

Il s’écroule comme un arbre sous la cognée…
gémit à grand-peine.

Au loin la forêt s’est dressée,
très loin de lui.


Auprès de lui, pas un brin d’herbe,
ni voix humaine.

Dans la plaine, les épines, il est mort
dans le désert.