Les Hautes Montagnes/46

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(p. 93-96).

46. Au sapin.

Après avoir mangé, Phanis a dit :

— On va jusqu’au sapin là-haut ?

À un endroit il y avait un sapin, tout seul.

— Allons-y, ont dit les enfants.

— Et quand-est-ce qu’on retourne au cabanes ? a demandé Mathieu.

— On rentrera tard dans l’après-midi, a dit Costakis. On prendra la farine, et on rentrera le soir.

— On prend aussi notre sacoche, a dit Kaloyannis, peut-être qu’on aura faim.

Ils ont pris leur sacoche, leur gourde et leur bâton et se sont mis en route. C’était une montée difficile ; Cependant avec les forces qu’ils avaient prises lors du bain, ils étaient parés pour les grands voyages.

Ils se sont arrêtés à plein d’endroits. Ils ont chassé des insectes et des lézards, ils ont jeté des pierres en contre-bas et ils ont repéré des plantes qu’ils n’avaient jamais vues. À un moment ils ont fait une pause et se sont extasiés devant cinq-six beaux arbres qui étaient énormes, avec un tronc robuste.

« Ce sont des châtaigniers ! » s’écria Panos qui les a reconnus.

Ils se sont alors rapprochés dessous pour chercher du regard dans leurs branches vertes. Mais les châtaigniers n’étaient pas greffés et portaient des fruits sauvages immangeables.

Au moment de partir ils ont pensé au panier du cueilleur de châtaignes, qui passait devant l’école en criant…

Finalement ils sont arrivés au sapin.


Qui leur aurait dit que le sapin ressemble au lustre de l’église ? En le regardant ils voient sur ses fières branches quelque chose comme des cierges blancs. C’est son fruit ; On en tire le goudron végétal.

Tous les arbres sur terre ont des formes irrégulières. Mais en montagne le cyprès et le sapin se tiennent tout droit. On en fait des mâts de bateau.

Ici en montagne le sapin se moque bien de l’hiver. Il supporte beaucoup de neige. Il ploie, à croire qu’il va casser, mais reste toujours droit et se fâche contre le vent qui lui cherche querelle.

Il ne daigne pas pousser à basse altitude. Il faut monter en altitude pour le rencontrer.

En regardant plus haut vers la montagne, les enfants ont vu une forêt entière de sapins tout droits.

Nul ne sait pourquoi ce solide sapin-là est venu pousser ici tout seul.


De là-haut ils voyaient le Verdoyant en contrebas et ont reconnu l’endroit où ils ont leurs cabanes.

Ils voyaient des plateaux et des gorges, ils voyaient le sommet de la montagne, pointu et dénudé, et ses deux autres sommets plus petits, les Trois-Pics.
Leurs pensées sont allées au panier du cueilleur de châtaignes…

Ils voyaient le monastère qui blanchissait au loin, et quelque chose de noir qui marchait sur le plateau, les chèvres de Lambros. Ils auront des choses à raconter…


Phanis n’a pas encore coupé son bâton ? Ça fait maintenant un moment qu’il est parti en chercher un, et il n’est pas encore revenu.

— Vas-y Panos, et rappelle-le.

— Phaaaanis ! Phaaaanis !

— Il est parti par en bas, dit Mathieu, là où on voit les arbres. Il a dû s’assoir à l’ombre.

Deux d’entr’eux se sont levés pour partir vers le bas.

Ils ont cherché dans les arbres et les buissons, ont appelé ensemble, mais n’entendant pas de réponse ils ont supposé qu’il leur faisait une farce.

— Allez Phanis, disaient-ils, tu es caché quelque part !

À leurs appels répondait un petit oiseau qui lâchait quelques gazouillis et s’enfuyait. Ensuite le silence reprenait place.

— Peut-être qu’il s’est endormi quelque part ? dit Costakis. Ils sont alors descendus très bas. Ils ont vu quelques gros rochers et deux petits arbres qui sortaient des crevasses. Ils ont cherché aussi là derrière ; rien.

— Impossible qu’il soit près d’ici, ont-ils pensé. Peut-être qu’il est retourné au moulin.

Mais enfin pourquoi les a-t-il laissés ? Ils ne savent pas quoi dire.

Ils rebroussent chemin vers le sapin pour prévenir qu’ils ne l’ont pas trouvé. Et pendant qu’ils montent, ils n’ont l’esprit tranquille du tout.