Les Hautes Montagnes/48

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(p. 100-102).

48. Phanis complètement seul.

Ces pierres qu’il voyait jusqu’alors lui avaient tenu compagnie. Maintenant, il faisait nuit et il était tout seul. Le soleil qu’il voulait voir avait été englouti par les ténèbres.

Ses compagnons étaient loin. Tous les autres, loin aussi. Les discussions, les chansons, les cabanes, loin elles aussi. Et lui-même très loin du monde entier.

Qu’il entende au moins le pas d’un homme, le sifflement d’un berger, les gazouillis d’un oiseau, rien que ça !

Mais tout a disparu.


Les ailes noires qu’il voit voler dans l'air, il sait que ce sont des chauves-souris.

Et le hibou qui hulule à cet instant, Phanis le connaît aussi. C’est l’oiseau de la nuit, qui regarde avec des yeux jaunes de chat. Est-ce que le hibou hulule après lui ?

— Tu n’aurais pas dû laisser tes copains, lui dit une voix dans sa tête.

— Non, je n’aurais pas dû les laisser, se répond Phanis à lui-même.

Et puis il réfléchit :

« Est-ce que je les ai laissés par méchanceté ? Je voulais voir les nuages dorés ».

L’eau bruisse dans le noir. Non, il ne peut pas supporter cette angoisse. Il se lève et avec son bâton il avance au bord de la rivière.

Il a dépassé les grandes pierres et il est arrivé près de deux petits arbres. Dessous il y a un buisson tendre qui semble inviter à s’y blottir.

Et les deux arbres s’inclinent au-dessus, comme pour dire à Phanis : « Viens ici, nous allons te protéger ». C’est là que Phanis s’est réfugié.


Dès qu’il s’est recroquevillé, sa sœur Maroula lui est venue à l’esprit. Il lui semblait qu’ils jouaient… Un papillon posé sur une feuille ouvrait ses ailes et semblait s’endormir. Et quand ils s’approchaient pour l’attraper, il s’échappait.

Ensuite il a vu sa mère qui allait et venait dans la maison ; toute consacrée au rangement et aux bons soins. Il voulait leur parler à toutes deux. Il lui semblait qu’elles l’appelaient : « Phanis ».

Peut-être s’est-il endormi ? Non. Une boule de chagrin s’était accumulée dans sa gorge. Cette boule a éclaté en sanglots.


Phanis a pleuré. Combien il a pleuré, seule la nuit le sait. Mais quand ses larmes ont séché, c’est un autre Phanis qui s’est mis à penser ; celui qui était garde forestier.

« N’as-tu pas honte de pleurer ? Toi qui as gardé la forêt. Toi qui as veillé la nuit avec les autres enfants ». Ainsi lui parlait une petite voix.

Et de nouveau elle lui a dit : « Tu es faible d’esprit, Phanis. L’autre fois, quand le molosse a bondi sur toi, tu t’es découragé. »

« Quand tu as vu le vieux Costas blessé, tu t’es évanoui. Mais Dimos n’est pas comme ça ; Andréas n’est pas comme ça ; Il faut que tu sois un garçon courageux ».

Et peu après la petite voix lui a dit : « Attends que le jour se lève ».


Maintenant Phanis ne pleure plus. Ses yeux ont séché. Comme s’il avait pris du courage.

Il a pris sa sacoche et a senti quelque chose dedans. Il a aussi sa gourde ; il a du pain et de l’eau. Ensuite il a caressé le buisson des deux mains ; et figure-toi, le buisson le caressait aussi ; c’était un lentisque tendre et touffu.

Phanis s’est allongé sur ce lit parfumé. Par deux fois le sommeil lui est venu, et les deux fois il a sursauté, effrayé. Finalement il s’est endormi.