Les Hautes Montagnes/57

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(p. 120-123).

57. Costakis avec une chaussure.

Costakis n’a plus qu’une chaussure. L’autre s’est abîmée en route hier lorsqu’ils ont cherché Phanis.

Elle s’est dégrafée complètement par en dessous et elle baille. Costakis traîne sa chaussure comme s’il était bossu ou vieux. Il ne peut pas marcher beaucoup : la chaussure s’ouvre et fait « klap, klap ! »

Chose importante que la chaussure… Comme c’est utile un savetier ! S’il pouvait en passer un là maintenant… Il faudrait que vienne le savetier du Petit Village, le vieux avec trois dents ! Il donnerait encore des coups de poing en l’air et il la réparerait.


Ils appellent Spyros, peut-être qu’il a quelques agrafes. Spyros a toujours quelque chose. Il ramasse toujours aiguilles, clous, trucs dans ce genre.

— Spyros ! Spyros ! Tu aurais quelques agrafes ?

— Grandes ? Petites ? dit Spyros. Pour des chaussures, du bois, pour quoi faire ?

— Ma chaussure s’est dégrafée.

— Je vais regarder.

— Je viens aussi ?

— Non, ne viens pas.

Spyros ne voulait laisser voir sa boite à quelqu’un d’autre. Ils savent tous que Spyros est grippe-sou. Ce qu’il a, il le cache et ne le montre à personne.

On dit qu’il a une boite avec des choses variées dedans. Cette boite il la range à un endroit secret dans la cabane. Et seulement quand les autres ne sont pas là, il l’ouvre. Qu’est-ce qu’il peut bien y avoir dedans ?


Alors qu’il n’a qu’une chaussure, Costakis s’approche de la porte, lentement, sans bruit. Il voit Spyros soulever le matelas et prendre une vieille boite de loukoums. Il l’ouvre et cherche dedans.

Il ne manquait rien de vieux et rouillé là-dedans. On y trouvait le vieux clou, la vieille aiguille, la vieille broche, la pointe tordue, le crayon foutu, l’encrier sec et la cuiller pliée.

Il y avait aussi une clé à boites de sardines, un couvercle de boite de conserve, une demi-paire de ciseaux, un bout de fer méconnaissable, et d’autres rouillures de ce type.


« Spyros ! » lui a crié Costakis.

Spyros s’est retourné subitement. Quand il l’a vu, il s’est renfrogné.

— Allez, je l’ai vue ta boîte, dit Costakis.

— Et qu’est-ce que tu as vu ?

— J’ai vu les vieilleries que tu y mets ! Je peux les voir de près ?

Spyros en est resté la boite et la bouche ouvertes.

— C’est donc pour ça Spyros, que tu marches toujours tête baissée, pour ramasser ça ? Où sont les broches ?

Spyros a montré cinq broches rouillées.

— En échange, dit-il, tu dois me donner une plume d’oie.


M. Stéphane a dit ensuite aux enfants :

— Connaissez-vous la pie ?

— Non.

— C’est un oiseau qui ressemble à Spyros. Il ramasse des choses qui ne lui sont pas utiles, tout ce qu’il trouve : aiguilles, boites, petits bidons, et même de la monnaie. Il emmène tout ça et le cache dans des lieux très secrets, comme les toits de maison ; dans un trou où ne peut tomber le regard d’un homme.

— Et qu’est-ce qu’elle en fait ? demande Georges.

— Rien, que veux-tu qu’elle en fasse ? Elle a seulement cette manie de les amasser. Quelques fois elle essaie même de soutirer des vêtements lourds. Et Spyros est affairé comme la pie !

De tout ce qu’il a dans sa boite, rien ne lui est utile.


Costakis, courbé avec un marteau, essayait de clouer sa chaussure avec les cinq broches de Spyros. À peine l’avait-il clouée, il la chaussait, et klap ! Elle s’ouvrait et baillait comme avant. Les broches de Spyros étaient inutiles.

Costakis était toujours sur une jambe. Cinq enfants − quatre plus Gkékas qui font cinq − ont pris la chaussure de Costakis et sont montés au Petit Village. Le soir ils l’ont rapportée réparée.

Avec la chaussure ils ont aussi rapporté une nouvelle : des trois dents du savetier, il n’en reste que deux.