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Les Martyrs/Remarques sur le livre X

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Garnier frères (Œuvres complètes de Chateaubriand, tome 4p. 453-460).

LIVRE DIXIÈME.


1re Remarquepage 140.

L’ordre savant des prêtres gaulois.

Consultez, pour la science, les mœurs, le gouvernement des druides, les notes 53e, 54e, 59e du livre précédent.


2e. — page 140.

L’orgueil dominoit chez cette barbare.

Ce caractère d’orgueil est attribué aux Gaulois par toute l’antiquité. Selon Diodore, ils aimoient les choses exagérées, l’enflure et l’obscurité du langage, et l’hyperbole dominoit dans leurs discours. Cette exaltation de sentiment dans Velléda prépare le lecteur à ce qui va suivre, et rend moins extraordinaire les propos, les mœurs et la conduite de cette femme infortunée.


3e. — page 141.

Les fées gauloises.

Voyez la note 60e du livre précédent ; le passage de Pomponius Mela est formel : il dit que les vierges ou fées de l’île de Sayne s’attribuoient tous les pouvoirs dont Velléda parle ici. On peut, si l’on veut, consulter encore un passage de Saint-Foix, tome I, IIe partie des Essais sur Paris.


4e. — page 141.

Le gémissement d’une fontaine.

Les Gaulois tiroient des présages du murmure des eaux et du bruit du vent dans le feuillage. (César. liv. i.)


5e. — page 142.

Je sentois, il est vrai, que Velléda ne m’inspireroit jamais un attachement, etc.

C’est ce qui fait qu’Eudore peut éprouver un véritable amour pour Cymodocée.


6e. — page 142.

Ces bois appelés chastes.

« Nemus castum. » (Tacit., de Mor. Germ.)


7e. — page 142.

On voyoit un arbre mort.

« Ils adoroient, dit Adam de Brême, un tronc d’arbre extrêmement haut, qu’ils appeloient Irminsul. » C’étoit l’idole des Saxons que Charlemagne fit abattre. (Adam Brem.e siècle, Histor. Eccles. Germ., lib. iii}.) Je transporte l’Irminsul des Saxons dans la Gaule ; mais on sait que les Gaulois rendoient un culte aux arbres, qu’ils honoroient tantôt comme Teutatès, tantôt comme Dieu de la guerre ; et c’est ce que signifie Irmin ou Hermann.


8e. — page 142.

Autour de ce simulacre.

Lucus erat, longo nunquam violatus ab avo,
Obscurum cingens connexis aera ramis,
Et gelidas alte submotis solidus umbras.
Hunc non ruricolæ Panes, nemorumque potentes
Sylvani, Nymphæque tenent, sed barbara ritu
Sacra Deum ; structæ diris altaribus aræ ;
Omnis et humanis lustrata cruoribus arbor.
Si qua fidem meruit Superos mirata vetustas,
Illis et volucres metuunt insidere ramis,
Et lustris recubare feræ ; nec ventus in illas
Incubuit silvas, excussaque nubibus atris
Fulgura ; non ullis frondem præbentibus auris,
Arboribus suus horror inest. Tam plurima nigris
Fontibus unda cadit, simulacraque mœsta Deorum
Arte carent, cæsisque exstant informia truncis.
Ipse situs, putrique facit jam robore pallor
Attonitos non vulgatis sacrata figuris
Numina sic metuunt ; tantum terroribus addit,
Quos timeant ; non nosse deos.
(Lucan., Phars., lib. iii, v. 399 et scq.)

Ut procul Hercyniæ per vasta silentia silvæ
Venari tuto liceat, lucosque vetusta
Relligione truces, et robora, numinis instar
Barbarici, nostræ feriant impune bipennes.

(Claudian., de Laud. Stilicon)

Quant aux armes suspendues aux branches des forêts, Arminius, excitant les Germains à la guerre, leur dit qu’ils ont suspendu dans leurs bois les armes des Romains vaincus. « Cerni adhuc Germanorum in lucis signa romana, quæ diis patriis suspenderit. » Tacit., Ann., lib. i, 59.) Jornandès raconte la même chose d’un usage des Goths.


9e. — page 143.

Une Gauloise l’avoit promis à Dioclétien.

Dioclétien, n’étant qu’un simple officier, rencontra dans les Gaules une femme fée : elle lui prédit qu’il parviendroit à l’empire lorsqu’il auroit tué Aper ; aper, en latin, signifie un sanglier. Dioclétien fit la chasse aux sangliers sans succès ; enfin Aper, préfet du prétoire, ayant empoisonné l’empereur Numérien, Dioclétien tua lui-même Aper d’un coup d’épée, et devint le successeur de Numérien.


10e. — page 143.

Nous avons souvent disposé de la pourpre.

Claude, Vitellius, etc., furent proclamés empereurs dans la Gaule. Vindex leva le premier l’étendard de la révolte contre Néron. Les Romains disoient que leurs guerres civiles commençoient toujours dans les Gaules.


11e. — page 143.

Nouvelle Éponine.

Il est inutile de s’étendre sur cette histoire, que tout le monde connoît : Sabinus, ayant pris le titre de César, fut défait par Vespasien ; il se cacha dans un tombeau, où il resta neuf ans enseveli avec sa femme Éponine.


12e. — page 144.

Les sons d’une guitare.

Les bardes ne connoissoient point la lyre, encore moins la harpe, comme les prétendus bardes de Macpherson. Toutes ces choses sont des mœurs fausses, qui ne servent qu’à brouiller les idées. Diodore de Sicile (liv. v) parle de l’instrument de musique des bardes, et il en fait une espèce de cythara ou de guitare.


13e. — page 145.

L’ombre de Didon.

.... Qualem primo qui surgere mense,
Aut videt aut vidisse putat per nubila lunam.


14e. — page 145.

Hercule, tu descendis dans la verte Aquitaine.

Cette fable du voyage d’Hercule dans les Gaules, et du mariage de ce héros avec la fille d’un roi d’Aquitaine, est racontée par Diodore de Sicile (liv. v). Il ne donne point les noms du roi et de la princesse, mais on les trouve dans d’autres auteurs.


15e. — page 145.

Chercher le sélago.

Le lecteur apprend dans le texte tout ce qu’il peut savoir sur cette plante mystérieuse des Gaulois. L’autorité est Pline. (Hist., lib. xxiv, cap. xi.)


16e. — page 145.

Je prendrai la forme d’un ramier, etc.

On a déjà vu que les druidesses de l’île de Sayne s’attribuaient le pouvoir de changer de forme. Voyez la note 3e de ce livre, et la note 60e du livre précédent.


17e. — page 145.

Les cygnes sont moins blancs, etc.

Un passage d’Ammien Marcellin, cité dans la note 50e du livre précédent, nous apprend que les Gauloises avoient les bras blancs comme de la neige. Diodore, comme nous l’avons encore vu dans la même note, ajoute qu’elles étoient belles, mais que, malgré leur beauté, les hommes ne leur étoient pas fidèles. Strabon (liv. iv) remarque qu’elles étoient heureuses en accouchant et en nourrissant leurs enfants : « Pariendo educandoque fœtus, felices. »


18e. — page 145.

Nos yeux ont la couleur et l’éclat du ciel.

Les yeux des Gauloises étoient certainement bleus, mais toute l’antiquité donne aux Gaulois un regard farouche, et nous avons vu qu’Ammien Marcellin l’attribue pareillement aux femmes. Velléda embellit donc le portrait ; c’est dans la nature ; elle sait qu’elle n’est pas aimée.


19e. — page 145.

Nos cheveux sont si beaux que les Romaines nous les empruntent.

C’est Martial qui le dit (liv. viii, 33 ; liv. XIV, 26). Tertullien (de Cultu Femin., cap. vi) et saint Jérôme (Hieronym., epist. vii) se sont élevés contre ce caprice des dames romaines. Selon Juvénal (sat. vi), ce furent des courtisanes qui introduisirent cette mode en Italie.


20e. — page 146.

Quelque chose de divin.

Velléda s’embellit encore ; elle attribue aux Gauloises ce que Tacite dit des femmes germaines : « Inesse quin etiam sanctum aliquid et providum putant » (Tacit., de Mor. Germ..)


21e. — page 147.

La flotte des Francs.

Cette petite circonstance de la flotte des Francs est depuis longtemps préparée. Voyez le livre précédent et la note 65e du même livre.


22e. — page 147.

Les barbares choisissent presque toujours pour débarquer le moment des orages.

Voyez la note 4e du livre vi.


23e. — page 147.

Une longue suite de pierres druidiques, etc. ; jusqu’à l’alinéa.

C’est le monument de Carnac en Bretagne, auprès de Quiberon. Il est exactement décrit dans le texte. Je n’ai plus rien à ajouter ici.


24e. — page 148.

Sur cette côte demeurent des pêcheurs qui te sont inconnus, etc. ; jusqu’à la fin de l’alinéa.

Cette histoire du passage des âmes dans l’île des Bretons est tirée de Procope (Hist. Goth., lib. vi, cap. xx). Comme elle est très-exacte dans le texte, je n’ai rien à ajouter dans la note. Plutarque (de Oracul. defect.) avoit raconté à peu près la même histoire avant Procope.


25e. — page 148.

Le tourbillon de feu.

Cette circonstance des tourbillons se trouve dans les deux auteurs cités à la note précédente.


26e. — page 149.

Tu m’écriras des lettres que tu jetteras dans le bûcher funèbre.

Lorsque les Gaulois brûlent leurs morts, dit Diodore (trad. de Terrass.), ils adressent à leurs amis et à leurs parents défunts des lettres qu’ils jettent dans le bûcher, comme s’ils devoient les recevoir et les lire. »


27e. — page 149.

Je tombe aux pieds de Velléda.

Ceci remplace deux lignes trop hardies des premières éditions. L’expression est adoucie, le morceau n’y perd rien ; il devient seulement plus chaste et d’un meilleur goût.


28e. — page 149.

L’enfer donne le signal de cet hymen funeste, etc.

J’ai transporté ici dans une autre religion les fameux vers du ive livre de l’Éneide :

.... Prima et Tellus et pronuba Juno
Dant signum : fulsere ignes, et conscius æether
Connubiis, summoque ulularunt vertice nymphæ.


29e. — page 150.

Le langage de l’enfer s’échappa naturellement de ma bouche.

Il y a ici tout un paragraphe de supprimé. Rien dans cet épisode ne peut plus choquer le lecteur, à moins qu’il ne soit plus permis de traiter les passions dans une épopée. Si les longs combats d’Eudore, si l’exécration avec laquelle il parle de sa faute, si le repentir le plus sincère ne l’excusent pas, je n’ai nulle connoissance de l’art et du cœur humain.


30e. — page 150.

Le cri que poussent les Gaulois quand ils veulent se communiquer une nouvelle.

« Ubi major atque illustrior incidit res, clamore per agros regionesque significant : hunc alii deinceps excipiunt et proximis tradunt. » (Cæs., in Comment., lib. VII.)


31e. — page 151.

Et que du faîte de quelque bergerie.

Ardua tecta petit stabuli, et de culmine summo
Pastorale canit signum, cornuque recurvo
Tartaream intendit vocem, etc.

(Æneid., VII.)


32e. — page 151.

Comme une moissonneuse.

Jusqu’ici on avoit comparé le jeune homme mourant à l’herbe, à la fleur coupée, « succisus aratro ; » j’ai transporté les termes de la comparaison, et j’ai comparé Velléda à la moissonneuse elle-même. La circonstance de la faucille d’or m’a conduit naturellement à l’image : un poëte habile pourra peut-être profiter de cette idée et arranger tout cela un jour avec plus de grâce que moi.

Ici se terminent les chants pour la patrie. J’ai peint notre double origine ; j’ai cherché nos costumes et nos mœurs dans leur berceau, et j’ai montré la religion naissante chez les fils aînés de l’Église. En réunissant ces six livres et les notes de ces livres, on a sous les yeux un corps complet de documents authentiques touchant l’histoire des Francs et des Gaulois. C’est chez les Francs qu’Eudore est témoin d’un des plus grands miracles de la charité évangélique ; c’est dans la Gaule qu’il tombe, et c’est un prêtre chrétien de cette même Gaule qui le rappelle à la vraie religion. Eudore porte nécessairement dans les cachots les souvenirs de ces contrées demi-sauvages auxquelles il doit, pour ainsi dire, et ses vertus et son triomphe. Ainsi, nous autres François, nous participons à sa gloire, et, du moins sous un rapport, le héros des Martyrs, quoique étranger, se trouve rattaché à notre sol. Ces considérations, peut-être touchantes, n’auroient point échappé à la critique, si on n’avoit voulu aveuglément condamner mon ouvrage, en affectant de méconnoître un grand travail et un sujet intéressant, même pour la patrie.