Aller au contenu

Les Martyrs/Remarques sur le livre XI

À valider
La bibliothèque libre.
Garnier frères (Œuvres complètes de Chateaubriand, tome 4p. 460-479).

LIVRE ONZIÈME.


1re Remarquepage 152.

La grande époque de ma vie.

Voilà qui lie absolument le récit à l’action, en amenant le repentir et la pénitence d’Eudore, et ce qui rentre dans les desseins de Dieu, desseins qui sont expliqués dans le livre du Ciel.


2e. — page 152.

Il me nomma préfet du prétoire des Gaules.

J’ai dit plus haut qu’Ambroise étoit le fils du préfet du prétoire des Gaules ; mais je suppose à présent que le père d’Ambroise étoit mort ou qu’il ne possédoit plus cette charge.


3e. — page 153.

Je m’embarquai au port de Nîmes.

Voyez la Préface.


4e. — page 153.

Marcellin m’admit au repentir.

Pour les erreurs du genre de celles d’Eudore, l’expiation étoit de sept ans : ainsi Marcellin fait une grâce au coupable en ne le laissant que cinq ans hors de l’Église. Les premières éditions des Martyrs donnoient sept ans à la pénitence du fils de Lasthénès ; ce qui étoit la totalité du temps canonique.


5e. — page 153.

Il étoit encore en Égypte.

On se souvient que lorsque Eudore partit pour les Gaules, Dioclétien étoit allé pacifier l’Égypte, soulevée par un tyran qui prétendoit à la pourpre. (Voy. liv. v et liv. ix.)


6e. — page 153.

Mole de Marc-Aurèle.

Peut-être Civita-Vecchia.


7e. — page 153.

Porter du blé destiné au soulagement des pauvres.

On lisoit dans les éditions précédentes : « Chercher du blé. » (Voyez la Vie de saint Jean l’Aumônier, dans la Vie des Pères du désert, trad. d’Arnault d’Andilly, page 350.)


8e. — page 154.

Utique… Carthage… Marius… Caton, etc.

Voici un ciel, un sol, une mer, des souvenirs bien différents de ceux des Gaules. J’ai parcouru cette route d’Eudore : si le récit de mon héros fatigue, ce ne sera pas faute de variété.


9e. — page 154.

À la vue de la colline où fut le palais de Didon.

En doublant la pointe méridionale de la Sicile, et rasant la côte de l’Afrique pour aller en Égypte, on pouvoit apercevoir Carthage. J’aurois beaucoup de choses à dire sur les ruines de cette ville, ruines plus considérables qu’on ne le croit généralement ; mais ce n’est pas ici le lieu.


10e. — page 154.

Une colonne de fumée.

Mœnia respiciens, quæ jam infelicis Elissæ
Collucent flammis. Quæ tantum accenderit ignem
Causa latet.


11e. — page 154.

Je n’étois pas comme Énée.

Mais Eudore étoit le descendant de Philopœmen et le dernier représentant des grands hommes de la Grèce.


12e. — page 154.

Je n’avois pas comme lui… l’ordre du ciel.

Eudore se trompe : il suit les ordres du ciel, et l’empire romain lui devra son salut, puisque c’est par sa mort que le christianisme va monter sur le trône des Césars ; mais le fils de Lasthénès ignore ses hautes destinées, et les maux qu’il a causés humilient son cœur.


13e. — page 154.

Le promontoire de Mercure et le cap où Scipion, etc.

Le promontoire de Mercure, aujourd’hui le cap Bon, selon le docteur Shaw et d’Anville. Scipion passant en Afrique avec son armée aperçut la terre, et demanda au pilote comment cette terre s’appeloit : « C’est le cap Beau, » répondit le pilote. Scipion fit tourner la proue vers ce côté (Tite-Live, liv. x).


14e. — page 154.

Poussés par les vents vers la petite sirte.

Je passai cinq jours à l’ancre dans la petite sirte, précisément pour éviter le naufrage que les anciens trouvoient dans ce golfe. Le fond de la petite sirte va toujours s’élevant jusqu’au rivage : de sorte qu’en marchant la sonde à la main on vient mouiller sur un bon fond de sable, à telle brasse que l’on veut. Le peu de profondeur de l’eau y rend la mer calme au milieu des plus grands vents ; et cette sirte, si dangereuse pour les barques des anciens, est une espèce de port en pleine mer pour les vaisseaux modernes.


15e. — page 154.

La tour qui servit de retraite au grand Annibal.

« Une péninsule, dit d’Anville, où se trouve une place que les Francs nomment Africa, paroît avoir été l’emplacement de Turris Annibalis, d’où ce fameux Carthaginois, toujours redouté des Romains, partit en quittant l’Afrique pour se retirer en Asie. »


16e. — page 154.

Je croyois voir ces victimes de Verrès.

Allusion à ce beau passage de la ve Verrine, chap. CLVIII, où Cicéron montroit un citoyen romain expirant sur la croix par les ordres de Verrès, à la vue des côtes de l’Italie.


17e. — page 154.

L’île délicieuse des Lotophages.

Probablement aujourd’hui Zerbi. On mange encore le lotus sur toute cette côte. Pline distingue deux sortes de lotus (liv. xiii, chap. xvii ; voyez aussi l’Odyssée.)


18e. — page 154.

Les autels des Philènes, et Leptis, patrie de Sévère.

Pour l’ordre, il auroit fallu Leptis et les autels des Philènes ; mais l’oreille s’y opposoit. « Philenorum aræ, monument consacré à la mémoire de deux frères carthaginois qui s’étoient exposés à la mort pour étendre jusque là les dépendances de leur patrie » (D’Anville). Leptis, une des trois villes d’où la province de Tripoli prit son nom. Sévère et saint Fulgence étoient de Leptis. Il existe encore des ruines de cette ville sous le Liba.


19e. — page 154.

Une haute colonne attira bientôt nos regards.

En revenant en Europe, je suis demeuré plusieurs jours en mer en vue de la colonne de Pompée, et certes je n’ai eu que trop le temps de remarquer son effet à l’horizon. Ici commence la description de l’Égypte. Je prie le lecteur de la suivre pas à pas, et d’examiner si on y trouve de l’enflure, du galimatias ou le moindre désir de produire de l’effet avec de grands mots : je puis me tromper, car je ne suis pas aussi habile que les critiques ; mais je suis bien sur de ce que j’ai vu de mes yeux, et malheureusement je vois les choses comme elles sont.


20e. — page 155.

Par Pollion, préfet d’Égypte.

C’est ce que porte l’inscription lue par les Anglois, au moyen du plâtre qu’ils appliquèrent sur la base de la colonne. Je crois avoir été le premier ou un des premiers qui aient fait connoître cette inscription en France. Je l’ai rapportée dans un numéro du Mercure, lorsque ce journal m’appartenoit.


21e. — page 155.

Le savant Didyme.

Il y a deux Didyme, tous deux savants : le second, qui vivoit dans le ive siècle, étoit chrétien et versé également dans l’antiquité profane et sacrée. On peut supposer sans inconvénient que le second Didyme est l’auteur du Commentaire sur Homère. Il occupa la chaire de l’école d’Alexandrie : c’est pourquoi je l’appelle successeur d’Aristarque, qui corrigea Homère, et qui fut gouverneur du fils de Ptolémée Lagus. J’ai voulu seulement rappeler deux noms chers aux lettres.


22e. — page 155.

Arnobe de Carthage.

Continuation du tableau des grands hommes de l’Église à l’époque de l’action : ce sont à présent ceux de l’Église d’Orient. Il y a ici de légers anachronismes : encore pourrois-je les défendre et chicaner sur les temps, mais ce n’est point de cela qu’il est question.


23e. — page 155.

Dépôt des remèdes et des poisons de l’âme.

On connoît la fameuse inscription de la bibliothèque de Thèbes en Égypte : ψυχῆς ἱατρεῖον. N’est-ce pas plus juste pour nous avec le mot que j’y ai ajouté ?


24e. — page 155.

Du haut d’une galerie de marbre, je regardois Alexandrie, etc.

J’ai souvent aussi contemplé Alexandrie du haut de la terrasse qui règne sur la maison du consul de France ; je n’apercevois qu’une mer nue qui se brisoit sur des côtes basses encore plus nues, des ports vides, et le désert libyque s’enfonçant à l’horizon du midi. Ce désert sembloit, pour ainsi dire, accroître et prolonger la surface jaune et aplanie des flots ; on auroit cru voir une seule mer, dont une moitié étoit agitée et bruyante, et dont l’autre moitié étoit immobile et silencieuse. Partout la nouvelle Alexandrie mêlant ses ruines aux ruines de l’ancienne cité ; un Arabe galopant au loin sur un âne, au milieu des débris ; quelques chiens maigres dévorant des carcasses de chameaux sur une grève désolée ; les pavillons des divers consuls européens flottant au-dessus de leurs demeures et déployant au milieu des tombeaux des couleurs ennemies : tel étoit le spectacle.

Je vais citer un long morceau de Strabon, qui renferme une description complète d’Alexandrie, et qui servira d’autorité pour tout ce que je dis dans mon texte sur les monuments de cette ville, sur le cercueil de verre d’Alexandrie, etc., etc. Comme les savants ennemis des Martyrs, qui ont tout lu sur l’Égypte, sont sans doute très-versés dans l’antiquité, ils seront bien aises de trouver ici l’original de ma description. Je ne leur ferai pas l’injure de traduire le morceau ; mais j’espère alors qu’ils tanceront le géographe grec pour son ignorance et la fausseté de ses assertions.

Ἔστι δὲ χλαμυδοειδὲς τὸ σχῆμα τοῦ ἐδάφους τῆς πόλεως, οὗ τὰ μὲν ἐπὶ μῆκος πλευρά ἐστι τὰ ἀμφίκλυστα ὅσον τριάκοντα σταδίων ἔχοντα διάμετρον, τὰ δὲ ἐπὶ πλάτος οἱ ἰσθμοί, ἑπτὰ ἢ ὀκτὼ σταδίων ἑκάτερος, σφιγγόμενος τῇ μὲν ὑπὸ θαλάττης τῇ δ᾽ ὑπὸ τῆς λίμνης. ἅπασα μὲν οὖν ὁδοῖς κατατέτμηται ἱππηλάτοις καὶ ἁρματηλάτοις, δυσὶ δὲ πλατυτάταις ἐπὶ πλέον ἢ πλέθρον ἀναπεπταμέναις, αἳ δὴ δίχα καὶ πρὸς ὀρθὰς τέμνουσιν ἀλλήλας. ἔχει δ᾽ ἡ πόλις τεμένη τε κοινὰ κάλλιστα καὶ τὰ βασίλεια, τέταρτον ἢ καὶ τρίτον τοῦ παντὸς περιβόλου μέρος : τῶν γὰρ βασιλέων ἕκαστος ὥσπερ τοῖς κοινοῖς ἀναθήμασι προσεφιλοκάλει τινὰ κόσμον, οὕτω καὶ οἴκησιν ἰδίᾳ περιεβάλλετο πρὸς ταῖς ὑπαρχούσαις, ὥστε νῦν τὸ τοῦ ποιητοῦ ἐξ ἑτέρων ἕτερ᾽ ἐστίν : ἅπαντα μέντοι συναφῆ καὶ ἀλλήλοις καὶ τῷ λιμένι καὶ ὅσα ἔξω αὐτοῦ. τῶν δὲ βασιλείων μέρος ἐστὶ καὶ τὸ Μουσεῖον, ἔχον περίπατον καὶ ἐξέδραν καὶ οἶκον μέγαν ἐν ᾧ τὸ συσσίτιον τῶν μετεχόντων τοῦ Μουσείου φιλολόγων ἀνδρῶν. ἔστι δὲ τῇ συνόδῳ ταύτῃ καὶ χρήματα κοινὰ καὶ ἱερεὺς ὁ ἐπὶ τῷ Μουσείῳ τεταγμένος τότε μὲν ὑπὸ τῶν βασιλέων νῦν δ᾽ ὑπὸ Καίσαρος. μέρος δὲ τῶν βασιλείων ἐστὶ καὶ τὸ καλούμενον Σῆμα, ὃ περίβολος ἦν ἐν ᾧ αἱ τῶν βασιλέων ταφαὶ καὶ ἡ Ἀλεξάνδρου : ἔφθη γὰρ τὸ σῶμα ἀφελόμενος Περδίκκαν ὁ τοῦ Λάγου Πτολεμαῖος κατακομίζοντα ἐκ τῆς Βαβυλῶνος καὶ ἐκτρεπόμενον ταύτῃ κατὰ πλεονεξίαν καὶ ἐξιδιασμὸν τῆς Αἰγύπτου : καὶ δὴ καὶ ἀπώλετο διαφθαρεὶς ὑπὸ τῶν στρατιωτῶν, ἐπελθόντος τοῦ Πτολεμαίου καὶ κατακλείσαντος αὐτὸν ἐν νήσῳ ἐρήμῃ : ἐκεῖνος μὲν οὖν ἀπέθανεν ἐμπεριπαρεὶς ταῖς σαρίσσαις ἐπελθόντων ἐπ᾽ αὐτὸν τῶν στρατιωτῶν : σὺν αὐτῷ δὲ… καὶ οἱ βασιλεῖς Ἀριδαῖός τε καὶ τὰ παιδία τὰ Ἀλεξάνδρου καὶ ἡ γυνὴ Ῥωξάνη ἀπῆραν εἰς Μακεδονίαν : τὸ δὲ σῶμα τοῦ Ἀλεξάνδρου κομίσας ὁ Πτολεμαῖος ἐκήδευσεν ἐν τῇ Ἀλεξανδρείᾳ ὅπου νῦν ἔτι κεῖται, οὐ μὴν ἐν τῇ αὐτῇ πυέλῳ : ὑαλίνη γὰρ αὕτη, ἐκεῖνος δ᾽ ἐν χρυσῇ κατέθηκεν : ἐσύλησε δ᾽ αὐτὴν ὁ Κόκκης καὶ Παρείσακτος ἐπικληθεὶς Πτολεμαῖος, ἐκ τῆς Συρίας ἐπελθὼν καὶ ἐκπεσὼν εὐθύς, ὥστ᾽ ἀνόνητα αὐτῷ τὰ σῦλα γενέσθαι. Ἔστι δ᾽ ἐν τῷ μεγάλῳ λιμένι κατὰ μὲν τὸν εἴσπλουν ἐν δεξιᾷ ἡ νῆσος καὶ ὁ πύργος ὁ Φάρος, κατὰ δὲ τὴν ἑτέραν χεῖρα αἵ τε χοιράδες καὶ ἡ Λοχιὰς ἄκρα ἔχουσα βασίλειον. εἰσπλεύσαντι δ᾽ ἐν ἀριστερᾷ ἐστι συνεχῆ τοῖς ἐν τῇ Λοχιάδι τὰ ἐνδοτέρω βασίλεια, πολλὰς καὶ ποικίλας ἔχοντα διαίτας καὶ ἄλση: τούτοις δ᾽ ὑπόκειται ὅ τε ὀρυκτὸς λιμὴν καὶ κλειστός, ἴδιος τῶν βασιλέων, καὶ ἡ Ἀντίρροδος νησίον προκείμενον τοῦ ὀρυκτοῦ λιμένος, βασίλειον ἅμα καὶ λιμένιον ἔχον: ἐκάλεσαν δ᾽ οὕτως ὡς ἂν τῇ Ῥόδῳ ἐνάμιλλον. Ὑπέρκειται δὲ τούτου τὸ θέατρον: εἶτα τὸ Ποσείδιον, ἀγκών τις ἀπὸ τοῦ ἐμπορίου καλουμένου προπεπτωκώς, ἔχων ἱερὸν Ποσειδῶνος: ᾧ προσθεὶς χῶμα Ἀντώνιος ἔτι μᾶλλον προνεῦον εἰς μέσον τὸν λιμένα ἐπὶ τῷ ἄκρῳ κατεσκεύασε δίαιταν βασιλικὴν ἣν Τιμώνιον προσηγόρευσε. τοῦτο δ᾽ ἔπραξε τὸ τελευταῖον, ἡνίκα προλειφθεὶς ὑπὸ τῶν φίλων ἀπῆρεν εἰς Ἀλεξάνδρειαν μετὰ τὴν ἐν Ἀκτίῳ κακοπραγίαν, Τιμώνειον αὑτῷ κρίνας τὸν λοιπὸν βίον, ὃν διάξειν ἔμελλεν ἔρημος τῶν τοσούτων φίλων. εἶτα τὸ Καισάρειον καὶ τὸ ἐμπόριον καὶ ἀποστάσεις, καὶ μετὰ ταῦτα τὰ νεώρια μέχρι τοῦ ἑπτασταδίου. ταῦτα μὲν τὰ περὶ τὸν μέγαν λιμένα. Ἑξῆς δ᾽ Εὐνόστου λιμὴν μετὰ τὸ ἑπταστάδιον, καὶ ὑπὲρ τούτου ὁ ὀρυκτὸς ὃν καὶ Κιβωτὸν καλοῦσιν, ἔχων καὶ αὐτὸς νεώρια. ἐνδοτέρω δὲ τούτου διῶρυξ πλωτὴ μέχρι τῆς λίμνης τεταμένη τῆς Μαρεώτιδος: ἔξω μὲν οὖν τῆς διώρυγος μικρὸν ἔτι λείπεται τῆς πόλεως: εἶθ᾽ ἡ Νεκρόπολις τὸ προάστειον, ἐν ᾧ κῆποί τε πολλοὶ καὶ ταφαὶ καὶ καταγωγαὶ πρὸς τὰς ταριχείας τῶν νεκρῶν ἐπιτήδειαι. ἐντὸς δὲ τῆς διώρυγος τό τε Σαράπειον καὶ ἄλλα τεμένη ἀρχαῖα ἐκλελειμμένα πως διὰ τὴν τῶν νέων κατασκευὴν τῶν ἐν Νικοπόλει.

(Strab., Rer. Geogr., lib. xvii.)


25e. — page 155.

Comme une cuirasse macédonienne.

Comment ai-je pu traduire le mot chlamydes de l’original par cuirasse ? Voilà bien ce qui prouve que mes descriptions ne sont bonnes que pour ceux qui n’ont rien lu sur l’Égypte. Aurois-je par hasard quelque autorité que je me plaise à cacher, ou n’ai-je eu l’intention que d’arriver à l’image tirée des armes d’Alexandre ? C’est ce que la critique nous dira.


26e. — page 156.

Ces vaillants qui sont tombés morts.

« Et non dormient cum fortibus cadentibus… qui posuerunt gladios suos sub capitibus suis. » (Ezechiel, cap. xxxii, v. 27.)


27e. — page 156.

Qui vient de se baigner dans les flots du Nil.

Les eaux du Nil, pendant le débordement, ne sont point jaunes, ainsi qu’on l’a dit ; elles ont une teinte rougeâtre comme le limon qu’elles déposent : c’est ce que tout le monde a pu observer aussi bien que moi.


28e. — page 157.

Un sol rajeuni tous les ans.

Voilà toute la description de l’Égypte : il me semble que je ne dis rien ici d’extraordinaire ni d’étranger à la pure et simple vérité. L’expression sans doute est à moi ; mais si j’en crois d’assez bons juges, je ne dois avoir nuile inquiétude sur ce point.


29e. — page 157.

Pharaon est là avec tout son peuple, et ses sépulcres sont autour de lui.

Je ne sais si l’on avoit remarqué avant moi ce passage des Prophètes qui peint si bien les Pyramides. J’avois ici un vaste sujet d’amplification, et pourtant je me suis contenté de peindre rapidement cet imposant spectacle ; il faut se taire, après Bossuet, sur ces grands tombeaux. En remontant le Nil pour aller au Caire, lorsque j’aperçus les Pyramides, elles me présentèrent l’image exprimée dans le texte. La beauté du ciel ; le Nil, qui ressembloit alors à une petite mer ; le mélange des sables du désert et des tapis de la plus fraiche verdure ; les palmiers, les dômes des mosquées, les minarets du Caire ; les Pyramides lointaines de Saccara, d’où le fleuve sembloit sortir comme de ses immenses réservoirs : tout cela formoit un tableau qui n’a point son égal dans le reste du monde. Si j’osois comparer quelque chose à ces sépulcres des rois d’Égypte, ce seroient les sépulcres des sauvages sur les rives de l’Ohio. Ces monuments, ainsi que je l’ai dit dans Atala, peuvent être appelés les Pyramides des déserts, et les bois qui les environnent sont les palais que la main de Dieu éleva à l’homme-roi enseveli sous le mont du Tombeau.


30e. — page 157.

Baignée par le lac Achéruse, où Caron passoit les morts.

« Ces plaines heureuses, qu’on dit être le séjour des justes morts, ne sont à la lettre que les belles campagnes qui sont aux environs du lac d’Achéruse, auprès de Memphis, et qui sont partagées par des champs et par des étangs couverts de blé ou de lotos. Ce n’est pas sans fondement qu’on a dit que les morts habitent là ; car c’est là qu’on termine les funérailles de la plupart des Égyptiens, lorsque après avoir fait traverser le Nil et le lac d’Achéruse à leurs corps, on les dépose enfin dans des tombes qui sont arrangées sous terre en cette campagne. Les cérémonies qui se pratiquent encore aujourd’hui dans l’Égypte conviennent à tout ce que les Grecs disent de l’enfer, comme à la barque qui transporte les corps, à la pièce de monnoie qu’il faut donner au nocher nommé Caron en langue égyptienne, au temple de la ténébreuse Hécate, placé à l’entrée de l’enfer ; aux portes du Cocyte et du Léthé, posées sur des gonds d’airain ; à d’autres portes, qui sont celles de la Vérité et de la Justice, qui est sans tête. » (Diodore, liv. i, traduct. de Terrasson.)


31e. — page 157.

Je visitai Thèbes aux cent portes.

« Busiris rendit la ville de Thèbes la plus opulente non-seulement de l’Égypte, mais du monde entier. Le bruit de sa puissance et de ses richesses s’étant répandu partout a donné lieu à Homère d’en parler en ces termes :

Non, quand il m’offriroit pour calmer mes transports
Ce que Thèbes d’Égypte enferme de trésors,
Thèbes qui, dans la plaine envoyant ses cohortes,
Ouvre à vingt mille chars ses cent fameuses portes.


Néanmoins, selon quelques auteurs, Thèbes n’avoit point cent portes ; mais, prenant le nombre de cent pour plusieurs, elle étoit surnommée Hécatompyle, non peut-être de ses portes, mais des grands vestibules qui étoient à l’entrée de ses temples. » (Diodore, liv. i, sect.ii, trad. de Terrasson.)


32e. — page 157.

Tentyra aux ruines magnifiques.

Aujourd’hui Dendéra. Je la suppose ruinée au temps d’Eudore, et telle qu’elle l’est aujourd’hui. Une foule de villes égyptiennes n’existoient déjà plus du temps des Grecs et des Romains, et ils alloient comme nous en admirer les ruines. Je donne ici mille cités à l’Égypte : Diodore en compte trois mille ; et, selon le calcul des prêtres, elles s’étoient élevées au nombre de dix-huit mille. Si l’on en croyoit Théocrite, ce nombre eût été encore beaucoup plus considérable. Dioclétien lui-même détruisit plusieurs villes de la Thébaïde, en étouffant la révolte d’Achillée.


33e. — page 157.

Qui donna Cécrops et Inachus à la Grèce, qui fut visitée, etc.

Cécrops fonda Athènes, et Inachus, Argos.

Parmi les sages qui ont visité l’Égypte, Diodore compte, d’après les prêtres égyptiens, Orphée, Musée, Mélampe, Dédale, Homère, Lycurgue, Solon, Platon, Pythagore, Eudoxe, Démocrite, Œnopidès (liv. i). J’ai ajouté les grands personnages de l’Écriture.


34e. — page 157.

Cette Égypte, où le peuple jugeoit ses rois, etc.

Je citerai Rollin, tout à fait digne de figurer auprès des historiens antiques : « Aussitôt qu’un homme étoit mort, on l’amenoit en jugement. L’accusateur public étoit écouté. S’il prouvoit que la conduite du mort eût été mauvaise, on en condamnoit la mémoire, et il étoit privé de sépulture. Le peuple admiroit le pouvoir des lois, qui s’étendoit jusque après la mort ; et chacun, touché de l’exemple, craignoit de déshonorer sa mémoire et sa famille. Que si le mort n’estoit convaincu d’autre faute, on l’ensevelissoit honorablement.

« Ce qu’il y a de plus étonnant dans cette enquête publique établie contre les morts, c’est que le trône même n’en mettoit pas à couvert. Les rois étoient épargnés pendant leur vie : le repos public le vouloit ainsi ; mais ils n’étoient pas exempts du jugement qu’il falloit subir après la mort, et quelques-uns ont été privés de sépulture. » (Rollin, Hist. des Égypt.)


35e. — page 157.

Où l’on empruntoit en livrant pour gage le corps d’un père.

« Sous le règne d’Asychis, comme le commerce souffroit de la disette d’argent, il publia, me dirent-ils, une loi qui défendoit d’emprunter, à moins qu’on ne donnât pour gage le corps de son père. On ajouta à cette loi que le créancier auroit aussi en sa puissance la sépulture du débiteur, et que si celui-ci refusoit de payer la dette pour laquelle il auroit hypothéqué un gage si précieux, il ne pourroit être admis, après sa mort, dans la sépulture de ses pères, ni dans quelque autre, et qu’il ne pourroit, après le trépas d’aucun des siens, leur rendre cet honneur. » (Hérodote, liv. ii, traduct. de M. Larcher.)


36e. — page 157.

Où le père qui avoit tué son fils, etc.

« On ne faisoit pas mourir les parents qui avoient tué leurs enfants, mais on leur faisoit tenir leurs corps embrassés trois jours et trois nuits de suite, au milieu de la garde publique qui les environnoit. » (Diodore, liv. ii, traduction de Terrasson.)


37e. — page 157.

Où l’on promenoit un cercueil autour de la table du festin.

« Aux festins qui se font chez les riches, on porte, après le repas, autour de la salle un cercueil avec une figure en bois, si bien travaillée et si bien peinte, qu’elle représente parfaitement un mort. Elle n’a qu’une coudée ou deux au plus. On la montre à tous les convives tour à tour, en leur disant : Jetez les yeux sur cet homme, vous lui ressemblerez après votre mort : buvez donc maintenant et vous divertissez. » (Hérodote, liv. ii, traduct. de M. Larcher.)


38e. — page 157.

Où les maisons s’appeloient des hôtelleries, et les tombeaux des maisons.

« Tous ces peuples, regardant la durée de la vie comme un temps très-court et de peu d’importance, font au contraire beaucoup d’attention à la longue mémoire que la vertu laisse après elle. C’est pourquoi ils appellent les maisons des vivants des hôtelleries, par lesquelles on ne fait que passer ; mais ils donnent le nom de demeures éternelles aux tombeaux des morts, d’où l’on ne sort plus. Ainsi, les rois ont été comme indifférents sur la construction de leurs palais, et ils se sont épuisés dans la construction de leurs tombeaux. » (Diodore, liv. i, traduct. de Terrasson.)


39e. — page 158.

Leurs symboles bizarres ou effrontés.

Non-seulement j’ai lu quelque chose sur l’Égypte, comme on vient de le voir, mais j’en connois assez bien les monuments ; et quand je dis qu’il y avoit des symboles effrontés à Thèbes, à Memphis et à Hiéropolis, je ne fais que rappeler ce que la gravure a rappelé depuis Pococke, et rappellera sans doute encore. Cette note 39 termine la description de l’Égypte idolâtre : il n’y a, comme on le voit, pas une phrase, par un mot qui ne soit appuyé sur une puissante autorité, et l’on peut remarquer que j’ai renfermé en quelques lignes toute l’histoire de l’Égypte ancienne, sans omettre un seul fait essentiel. Dans la description de l’Égypte chrétienne, qui va suivre, dans la peinture du désert, j’aurois pu m’en rapporter à mes propres yeux, et mon témoignage suffisoit, comme celui de tout autre voyageur. On verra pourtant que mes récits sont confirmés par les relations les plus authentiques. Franchement, je suis plus fort que mes ennemis en tout ceci ; et puisqu’ils m’y ont forcé par l’attaque la plus bizarre, je suis obligé de leur prouver qu’ils ont parlé de choses qu’ils n’entendent pas.


40e. — page 158.

Il venoit de conclure un traité avec les peuples de Nubie.

Par ce traité, Dioclétien avoit cédé aux Éthiopiens le pays qu’occupoient les Romains au delà des cataractes.


41e. — page 158.

Figurez-vous, seigneurs, des plages sablonneuses, etc.

« Nous partîmes de Benisolet, dit le père Siccard, le 25, pour aller au village de Baiad, qui est à l’orient du fleuve. Nous prîmes dans ce village des guides pour nous conduire au désert de Saint-Antoine. Nous sortîmes de Baiad le 26 mai, montés sur des chameaux et escortés de deux chameliers. Nous marchâmes au nord le long du Nil, l’espace d’une ou deux lieues, et ensuite nous tirâmes à l’est pour entrer dans le célèbre désert de Saint-Antoine, ou de la Basse-Thébaïde… Une plaine sablonneuse s’étend d’abord jusqu’à la gorge de Gebéi… Nous montâmes jusqu’au sommet du mont Gebéi. Nous découvrîmes alors une plaine d’une étendue prodigieuse… Son terrain est pierreux et stérile. Les pluies, qui y sont fréquentes en hiver, forment plusieurs torrents ; mais leur lit demeure sec pendant tout l’été… Dans toute la plaine, on ne voit que quelques acacias sauvages, qui portent autant d’épines que de feuilles. Leurs feuilles sont si maigres, qu’elles n’offrent qu’un médiocre secours à un voyageur qui cherche à se mettre à l’abri du soleil brûlant. » (Lettr. édif., tom. V, p. 191 et suiv.) Jusqu’ici, comme on le voit, je n’ai rien imaginé ; et le père Siccard, qui passa tant d’années en Égypte, ce missionnaire qui savoit le grec, le cophte, l’hébreu, le syriaque, l’arabe, le latin, le turc, etc., n’avoit peut-être rien lu sur l’Égypte, ni rien vu dans ce pays. J’ai substitué seulement le nopal à l’acacia, comme plus caractéristique des lieux. Me permettra-t-on de dire que j’ai rencontré le nopal aux environs du Caire, d’Alexandrie, et en général dans tous les déserts de ces contrées ? Cependant, si on ne veut pas qu’il y ait des nopals en Orient, malgré moi et malgré presque tous les voyageurs, je capitulerai sur ce point.

Il faut pourtant que j’apprenne à la critique une chose qu’elle ne sait peut-être pas, et le moyen de m’attaquer. À l’époque où je place des nopals en Orient, il y a anachronisme en histoire naturelle. Les cactus sont américains d’origine. Transportés ensuite en Afrique et en Asie, ils s’y sont tellement multipliés, que la chaîne de l’Atlas en est aujourd’hui remplie. Quelques botanistes doutent même si ces plantes ne sont point naturelles aux deux continents. Un seul végétal introduit dans une contrée suffit pour changer l’aspect d’un paysage. Le peuplier d’Italie, par exemple, a donné un autre caractère à nos vallées. J’ai peint et j’ai dû peindre ce que je voyois en Orient, sans égard à la chronologie de l’histoire naturelle.


42e. — page 158.

Des débris de vaisseaux pétrifiés.

« Sur le dos de la plaine, dit le père Siccard, on voit de distance en distance des mâts couchés par terre, avec des pièces de bois flotté qui paroissent venir du débris de quelque bâtiment ; mais, quand on y veut porter la main, tout ce qui paroissoit de bois se trouve être pierre. » (Lettr. édif., tom. V, p. 48.) Me voilà encore à l’abri. Il est vrai que le père Siccard raconte cette particularité du désert de Scété et de la mer sans eau, et moi je la place dans le désert de la Basse-Thébaïde, mais un autre voyageur dit avoir rencontré les mêmes pétrifications en allant du Caire à Suez : il diffère seulement d’opinion avec le missionnaire sur la nature de ces pétrification.


43e. — page 158.

Des monceaux de pierres élevés de loin à loin.

« Nous traversâmes, dit encore le père Siccard, le chemin des Anges ; c’est ainsi que les chrétiens appellent une longue traînée de petits monceaux de pierres dans l’espace de plusieurs journées de chemin : cet ouvrage… servoit autrefois pour diriger les pas des anachorètes… car le sable de ces vastes plaines, agité par les vents, ne laisse ni sentier ni trace marquée. » (Lettr. édif., tom. V, pag. 29.)


44e. — page 159.

L’ombre errante de quelques troupeaux de gazelles, etc. ; jusqu’à l’alinéa.

« Les vestiges de sangliers, d’ours, d’hyènes, de bœufs sauvages, de gazelles, de loups, de corneilles, paroissent tous les matins fraichement imprimés sur le sable. » (Le père Siccard, Lettr. édif., tom. V, p. 41.) J’ai souvent entendu la nuit le bruit des sangliers qui rongeoient des racines dans le sable : ce bruit est assez étrange pour m’avoir fait plus d’une fois interroger mes guides. Quant au chant du grillon, c’est une petite circonstance si distinctive de ces affreuses solitudes, que j’ai cru devoir la conserver. C’est souvent le seul bruit qui interrompe le silence du désert libyque et des environs de la mer Morte ; c’est aussi le dernier son que j’aie entendu sur le rivage de la Grèce, en m’embarquant au cap Sunium pour passer à l’île de Zéa. Peindre à la mémoire le foyer du laboureur, dans ces plaines où jamais une fumée champêtre ne vous appelle à la tente de l’Arabe ; présenter au souvenir le contraste du fertile sillon et du sable le plus aride, ne m’ont point paru des choses que le goût dût proscrire, et les critiques que j’ai consultés ont tous été d’avis que je conservasse ce trait.


45e. — page 159.

Il enfonçoit ses naseaux dans le sable.

Tous les voyageurs ont fait cette remarque, Pococke, Shaw, Siccard, Niebuhr, M. de Volney, etc. J’ai vu souvent moi-même les chameaux souffler dans le sable sur le rivage de la mer, à Smyrne, à Jaffa et à Alexandrie.


46e. — page 159.

Par intervalle, l’autruche poussoit des sons lugubres.

Sorte de cri attribué à l’autruche par toute l’Écriture. (Voyez Job et Michée.)


47e. — page 159.

Le vent de feu.

C’est le kamsin. Il n’y a point d’ouvrage sur l’Égypte et sur l’Arabie qui ne parle de ce vent terrible. Il tue quelquefois subitement les chameaux, les chevaux et les hommes. Les anciens l’ont connu, comme on peut le remarquer dans Plutarque.


48e. — page 159.

Un acacia.

(Voyez la note 41.)


49e. — page 160.

Le rugissement d’un lion.

On prétend qu’on ne trouve pas de lions dans les déserts de la Basse-Thébaïde : cela peut être. On sait, par l’autorité d’Aristote, qu’il y avoit autrefois des lions en Europe, et même en Grèce. J’ai suivi dans mon texte l’Histoire des Pères du désert ; et je le devois, puisque c’étoit mon sujet. On lit donc dans mon Histoire que ces grands solitaires apprivoisoient des lions, et que ces lions servoient quelquefois de guides aux voyageurs. Ce furent deux lions qui, selon saint Jérôme, creusèrent le tombeau de saint Paul. Le père Siccard assure qu’on voit rarement des lions dans la Basse-Thébaïde, mais qu’on y voit beaucoup de tigres, de chamois, etc. (Lettr. edif., t. V, p. 219.)


50e. — page 160.

Un puits d’eau fraîche.

« L’aurore, dit le père Siccard, nous fit découvrir une touffe de palmiers éloignée de nous d’environ quatre ou cinq milles. Nos conducteurs nous dirent que ces palmiers ombrageoient un petit marais, dont l’eau, quoiqu’un peu salée, étoit bonne à boire. » (Lettr. edif., t. V, p. 496.)


51e. — page 160.

Je commençai à gravir des rocs noircis et calcinés.

« Le monastère de Saint-Paul, où nous arrivâmes, est situé à l’orient, dans le cœur du mont Colzim. Il est environné de profondes ravines et de coteaux stériles dont la surface est noire. » (Le père Siccard, Lettr. edif., t. V, page 250.)


52e. — page 161.

Au fond de la grotte.

« Il (Paul) trouva une montagne pierreuse, auprès du pied de laquelle étoit une grande caverne, dont l’entrée étoit fermée avec une pierre, laquelle ayant levée pour y entrer, et regardant attentivement de tous côtés, par cet instinct naturel qui porte l’homme à désirer de connoître les choses cachées, il aperçut au dedans comme un grand vestibule qu’un vieux palmier avoit formé de ses branches en les étendant et les enlaçant les unes dans les autres, et qui n’avoit rien que le ciel au-dessus de soi. Il y avoit là une fontaine d’eau très-claire, d’où sortoit un ruisseau qui à peine commençoit à couler, qu’on le voyoit se perdre dans un petit trou, et être englouti par la même terre qui le produisoit. » (Vie des Pères du désert, traduction d’Arnauld d’Andilly, t. I, p. 3.)


53e. — page 161.

Comment vont les choses du monde ?

« Ainsi Paul, en souriant, lui ouvrit la porte ; et alors, s’étant embrassés diverses fois, ils se saluèrent et se nommèrent tous deux par leurs propres noms. Ils rendirent ensemble grâces à Dieu ; et après s’être donné le saint baiser, Paul s’étant assis auprès d’Antoine, lui parla de cette sorte :

« Voici celui que vous avez cherché avec tant de peine, et dont le corps, flétri de vieillesse, est couvert par des cheveux blancs tout pleins de crasse. Voici cet homme qui est sur le point d’être réduit en poussière. Mais, puisque la charité ne trouve rien de difficile, dites-moi, je vous supplie, comme va le monde. Fait-on de nouveaux bâtiments dans les anciennes villes ? Qui est celui qui règne aujourd’hui ? » (Vie des Pères du désert, traduction d’Arnauld d’Andilly, tome I, page 10.)


54e. — page 161.

Il y a cent treize ans que j’habite cette grotte.

« Y ayant déjà cent treize ans que le bienheureux Paul menoit sur la terre une vie toute céleste ; et Antoine, âgé de quatre-vingt-dix ans (comme il l’assuroit souvent), demeurant dans une autre solitude, il lui vint en pensée que nul autre que lui n’avoit passé dans le désert la vie d’un parfait et véritable solitaire. » (Vie des Pères du désert, traduction d’Arnauld d’Andilly, tome I, page 6.)


55e. — page 161.

Paul alla chercher dans le trou d’un rocher un pain.

Allusion à l’histoire du corbeau de saint Paul. J’ai écarté tout ce qui pouvoit blesser le goût dédaigneux du siècle, sans pourtant rien omettre de principal. Il ne faut pas, d’ailleurs, que les partisans de la mythologie crient si haut contre l’histoire de nos saints : il y a des corbeaux et des corneilles qui jouent des rôles fort singuliers dans les fables d’Ovide. Ne sait-on pas comment Lucien s’est moqué des dieux du paganisme, et combien en effet on peut les rendre ridicules ? Tout cela est de la mauvaise foi. On admire dans un poëte grec ou latin ce que l’on trouve bizarre et de mauvais goût dans la vie d’un solitaire de la Thébaïde. Il est très-aisé, en élaguant quelques circonstances, de faire de la vie de nos saints des morceaux pleins de naïveté, de poésie et d’intérêt.


56e. — page 161.

Eudore, me dit-il, vos fautes ont été grandes.

Cette scène a été préparée dans le livre du Ciel. Elle achève de confirmer mon héros dans la pénitence ; elle lui apprend ses destinées ; elle lui donne le courage du martyre. Ainsi le récit se termine précisément au moment où Eudore est devenu capable des grandes actions que Dieu attend de lui.


57e. — page 163.

Un horizon immense.

Étant parvenus à l’endroit le plus haut du mont Colzim, nous nous y arrêtâmes pendant quelque temps pour contempler avec plaisir la mer Rouge, qui étoit à nos pieds, et le célèbre mont Sinaï, qui bornoit notre horizon. » (Lettr. édif., t. V, p. 214.)


58e. — page 163.

Une caravane.

L’établissement des caravanes est de la plus haute antiquité : la première que l’on remarque dans l’histoire romaine remonte au temps d’Auguste, lors de l’expédition des légions pour découvrir les aromates de l’Arabie.


59e. — page 163.

Des vaisseaux chargés de parfums et de soie.

Les parfums de l’Orient et les soies des Indes venoient aux Romains par la mer Rouge. Les philosophes grecs alloient quelquefois étudier aux Indes la sagesse des brahmanes.


60e. — page 163.

Confesseur de la foi.

Ce morceau achève la peinture du christianisme. Il fait voir la suite et les conséquences de l’action ; il montre Eudore récompensé, les persécuteurs punis, et les nations modernes se faisant chrétiennes sur les débris du monde ancien et les ruines de l’idolâtrie.


61e. — page 163.

Grande rébellion tentée par leurs pères.

C’est la révolte d’Adam et la chute de l’homme. Le reste du passage touchant la morale écrite, les révolutions de l’Orient, etc., n’a pas besoin de commentaires. Je suppose, avec quelques auteurs, que l’Égypte a porté ses dieux dans les Indes, comme elle les a certainement portés dans la Grèce. Toutefois, l’opinion contraire pourroit être la véritable, et ce sont peut-être les Indiens qui ont peuplé l’Égypte. « Mundum tradidit disputationibus eorum. »


62e. — page 163.

Vous avez vu le christianisme pénétrer, etc.

Ceci remet sous les yeux le récit et le but du récit.


63e. — page 164.

Le grand dragon d’Égypte.

« Ecce ego ad te, Pharao rex Ægypti, draco magne, qui cubas in medio fluminum tuorum, et dicis : Meus est fluvius. » (Ezechiel, XXIX.)


64e. — page 164.

Les démons de la volupté, etc.

Allusion aux tentations des saints dans la solitude et aux miracles que Dieu fit en faveur des pieux habitants du désert.


65e. — page 165.

La pyramide de Chéops jusqu’au tombeau d’Osymandué.

La pyramide de Chéops est la grande pyramide près de Memphis ; le tombeau d’Osymandué étoit à Thèbes. On peut voir dans Diodore (liv. i, sect. ii) la description de ce superbe tombeau ; elle est trop longue pour que je la rapporte ici.


66e. — page 165.

La terre de Gessen.

« Dixit itaque rex ad Joseph… In optimo loco fac eos habitare, et trade eis terram Gessen. »


67e. — page 165.

Ils se sont remplis du sang des martyrs, comme les coupes et les cornes de l’autel.

« Fecit et altare holocausti… Cujus cornua de angulis procedebant… Et in usus ejus paravit ex ære vasa diversa. » (Exod., cap. xxvii.)


68e. — page 165.

D’où viennent ces familles fugitives, etc.

Saint Jérôme étant retiré dans sa grotte à Bethléem, survécut à la prise de Rome par Alaric, et vit plusieurs familles romaines chercher un asile dans la Judée.


69e. — page 165.

Enfants impurs des démons et des sorcières de la Scythie.

Jornandès raconte que des sorcières chassées loin des habitations des hommes, dans les déserts de la Scythie, furent visitées par des démons, et que de ce commerce sortit la nation des Huns.


70e. — page 165.

Leurs chevaux sont plus légers que les léopards ; ils assemblent des troupes de captifs comme des monceaux de sable !

« Leviores pardis equi ejus… Et congre abit quasi arenam captivitatem. (Habac., chap. i, v. 8 et 9.)


71e. — page 165.

La tête couverte d’un chapeau barbare.

C’est encore Jornandès qui forme ici l’autorité. Il donne ce chapeau à certains prêtres et chefs des Goths.


72e. — page 165.

Les joues peintes d’une couleur verte.

« Le Lombard se présente : ses joues sont peintes d’une couleur verte, on diroit qu’il a frotté son visage avec le suc des herbes marines qui croissent au fond de l’Océan, dont il habite les bords. » (Sidoin. Apoll., lib. viii, Epist. ix, ad Lampr.)


73e. — page 165.

Pourquoi ces hommes nus égorgent-ils les prisonniers ?

(Voyez la note 69e du liv. vi.)


74e. — page 165.

Ce monstre a bu le sang du Romain qu’il avoit abattu.

Gibbon cite ce trait dans son Histoire de la Chute de l’Empire Romain.


75e. — page 165.

Tous viennent du désert d’une terre affreuse.

« Onus deserti maris. Sicut turbines ab Africo veniunt, de deserto venit, de terra horribili. » (Is., cap. XXI, v. 4.)


76e. — page 166.

Il vient couvrir ce pauvre corps.

« Mais parce que l’heure de mon sommeil est arrivée… Notre-Seigneur vous (Antoine) a envoyé pour couvrir de terre ce pauvre corps, ou, pour mieux dire, pour rendre la terre à la terre. » (Vie des Pères du désert, traduction d’Arnauld d’Andilly, t. I, p. 12.)


77e. — page 166.

Il tenoit à la main la tunique d’Athanase.

« Je vous (Antoine) supplie d’aller quérir le manteau que l’évêque Athanase vous donna, et de me l’apporter pour m’ensevelir. » (Vie des Pères du désert, traduction d’Arnauld d’Andilly, t. I, p. 12.)


78e. — page 166.

J’ai vu Élie, etc.

« J’ai vu Élie, j’ai vu Jean dans le désert ; et, pour parler selon la vérité, j’ai vu Paul dans un paradis. » (Vie des Pères du désert, traduction d’Arnauld d’Andilly, t. I, p. 13.)


79e. — page 166.

Je vis, au milieu d’un chœur d’Anges.

« Il (Antoine) vit au milieu des troupes des anges, entre les chœurs des prophètes et des apôtres, Paul, tout éclatant d’une blancheur pure et lumineuse, monter dans le ciel… Il y vit le corps mort du saint qui avoit les genoux en terre, la tête levée et les mains étendues vers le ciel. Il crut d’abord qu’il étoit vivant et qu’il prioit. » (Vie des Pères du désert, traduction d’Arnauld d’Andilly, t. I, p. 14.)


80e. — page 166.

Deux lions.

(Voyez ci-dessus note 49e.)


81e. — page 166.

Ptolémaïs.

(Saint-Jean-d’Acre.)


82e. — page 166.

Je m’arrêtai aux Saints Lieux, où je connus la pieuse Hélène.

Préparation au voyage de Cymodocée à Jérusalem.


83e. — page 166.

Je vis ensuite les sept Églises.

Complément de la peinture de l’Église sur la terre. « Angelo Ephesi Ecclesiæ scribe… Scio opera tua, et laborem, et patientiam tuam. » Smyrne : « Scio tribulationem tuam. » Pergame : « Tenes nomen meum, et non negasti fidem meam. » Thyatire : « Novi… charitatem tuam. » Sardes : « Scio opera tua quia nomen habes quod vivas, et mortuus es. » Laodicée : « Suadeo tibi emere a me aurum… ut vestimentis albis induaris. » Philadelphie : « Hæc dicit sanctus et verus qui habet clavem David… Ego dilexi te. » (Apocal., cap. ii et iii.)


84e. — page 167.

J’eus le bonheur de rencontrer à Byzance le jeune prince Constantin, qui… daigna me confier ses vastes projets.

Regard jeté sur la fondation de Constantinople, que saint Augustin appelle magnifiquement la compagne et l’héritière de Rome. (De Civ. Dei.)