Les Petites Religions de Paris/Les Bouddhistes

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Léon Chailley (p. 41-43).

LES BOUDDHISTES

Le Bouddha compte à Paris plus de cent mille amis et au moins dix mille adeptes. D’autant qu’on peut se dire bouddhiste tout en restant chrétien et que notre tendresse pour les bêtes et l’immense compassion des modernes pour tout l’univers nous semblent venir de l’Orient comme un superflu de douceur.

Regardons autour de nous : des artistes, des littérateurs, des boulevardiers sont bouddhistes. M. de Esguquiza, peintre éclatant, rend un culte à Gautama ; M. Clemenceau, libre penseur, collectionne avec amour les merveilles religieuses qui nous arrivent du Japon ; le baron Harden-Hickey, l’ancien Saint-Patrice du Triboulet, clame en maints livres sa propagande impétueuse ; M. Kerkof, représentant du volapück à Paris, refusa, m’a-t-on dit, d’être parrain sous le prétexte péremptoire qu’il était bouddhiste ; l’Allemagne s’est coalisée en faveur du plus apitoyé des hommes, et sa philosophie la plus cruellement pessimiste, celle de Schopenhauer et de Hartmann, se sent toute mouillée de larmes pour la souffrance des créatures ; et la voilà qui s’embellit d’humanité au souvenir du messie oriental.

Mais les bouddhistes sont loin de s’accorder. Je ne veux pas multiplier les sectes, je me contenterai de diviser ce parti philosophique et religieux, dans sa masse compacte, en deux camps, celui des érudits et celui des âmes inquiètes, les savants officiels comme ceux du musée Guimet, d’une part, et M. de Rosny de l’autre.