Les ancêtres du violon et du violoncelle/Le Violon et ses dérivés

La bibliothèque libre.
Laurent Grillet, 1851-1901
Les ancêtres du violon et du violoncelle, les luthiers et les fabricants d’archets
Paris, C. Schmid (2p. 1-166).

hortulus chelicus (frontispice)
J.-J. Walter. Mayence, 1694.

LE VIOLON

et ses dérivés
L’ALTO, LE VIOLONCELLE ET LA CONTREBASSE
I


Nous voici arrivés à la dernière et définitive transformation du crouth, au violon, qui a reçu, non sans raison, le titre de roi des instruments.

Chanteur par excellence, il possède une sonorité chaude et vibrante. Ses moyens d’expression, d’une si grande richesse, lui permettent de passer alternativement du grave au tendre, du badin au sévère ; d’être, tour à tour, noble ou spirituel, et de faire pleurer ou rire, selon son gré. En somme, grâce à ses qualités multiples, il peut traduire les sentiments les plus variés, les plus divers.

C’est en cherchant à donner du brillant et de l’éclat à la sonorité du pardessus de viole, ou « violino piccolo alla francese », que la forme définitive du violon fut trouvée.

Pour obtenir ce résultat :

On diminua presque de moitié la hauteur des éclisses, beaucoup trop élevées pour la grandeur de la caisse de résonance du pardessus de viole, et cause principale de son manque de timbre et de sa sécheresse de son.

Les tables du fond furent voûtées comme l’étaient déjà les tables supérieures.

Afin de donner plus de solidité aux tables, on leur laissa des bords dépassant légèrement les éclisses, au lieu de les couper au ras de ces dernières.

Les échancrures des côtés restèrent en forme de C, mais un peu plus fermées que dans les violes, et l’angle aigu des encoignures fut remplacé par une partie tronquée, ce qui rendit les contours plus gracieux. Les ouïes devinrent des .

Dans le but de faciliter le jeu de l’instrument, on supprima le mouvement concave de l’éclisse du haut, pour la raccorder à angle droit avec le pied du manche. Les cordes furent réduites au nombre de quatre et accordées en quintes :


ce qui diminua le tirage imposé à la table d’harmonie, et, par suite, augmenta la sonorité, tout en conservant à peu près la même étendue qu’avec un plus grand nombre de cordes accordées en tierces et en quartes.

Enfin, le manche fut rétréci en raison du nombre des cordes, et une volute remplaça les têtes sculptées à l’extrémité du cheviller.

Le premier violon fut donc un pardessus de viole transformé et simplifié.

On aurait dû le nommer violin, puisque, en italien, « violino » veut dire petit violon, tandis que « violone », qui signifie grand violon, a toujours été employé pour désigner la contrebasse.

Il est bien certain que le pardessus de viole n’a pas été transformé en violon d’un seul coup, et que l’on est redevable de celui-ci au concours de plusieurs luthiers ; mais on ignore leurs noms et rien ne fait prévoir que l’on doive les connaître un jour.

À cause de la dénomination : « violino piccolo alla francese » donnée au pardessus de viole, tout simplement parce qu’il était très usité en France, quelques auteurs ont prétendu que le violon était d’origine française ; mais jusqu’à présent rien n’est venu confirmer cette opinion. Le nom du luthier français à qui on devrait en attribuer la paternité est encore à trouver, et tout porte à croire que le violon a été créé en Italie, pendant la première partie du xvie siècle.

Andrea Amati, à Crémone, Gasparo da Salô et Giovanni-Paolo Maggini, à Brescia, ont le plus contribué à lui donner sa forme définitive. S’il a fallu bien des siècles pour amener le violon à son état de perfection, il n’a plus changé depuis 1550, et cela malgré les nombreuses tentatives qui ont été faites pour en modifier la forme et les conditions acoustiques.

L’élévation des voûtes a quelquefois varié ainsi que les dimensions du corps sonore ; mais aucun changement intérieur n’a été opéré, et les luthiers actuels construisent encore les contre-éclisses, les tasseaux, l’âme et la barre, exactement comme les vieux maîtres de Crémone et de Brescia.

En examinant un violon, on y remarque :

La table supérieure, dite table d’harmonie, et par abréviation la table, dans laquelle sont percées les , c’est-à dire les ouïes.

Les éclisses, lames de bois qui font tout le tour de la caisse de résonance et relient la table d’harmonie avec la table de dessous, appelée table de fond, ou simplement le fond.

Les , échancrures pratiquées de chaque côté de la caisse, pour faciliter le jeu de l’archet, et qui se terminent en haut et en bas par les coins.

Le manche, fixé par son talon dans le haut de la caisse, et dont l’extrémité forme la tête, ornée d’une volute et contenant les chevilles.

Le sillet, petite pièce placée en travers au bas de la tête, et servant à surélever les cordes avant qu’elles ne passent au-dessus de la touche, qui est collée sur la poignée du manche.

Le chevalet, dont les pieds reposent sur la table d’harmonie, et qui soutient les cordes à une certaine hauteur.

Le bouton, placé au milieu de l’éclisse du bas, et auquel on accroche le cordier, ou tire-cordes, que l’on nommait autrefois la queue.

Lorsque le violon est ouvert, ou plutôt détablé, on aperçoit à l’intérieur :

Les tasseaux, pièces de bois se trouvant aux extrémités des tables, et contre lesquelles sont collées les éclisses : de plus un trou est pratiqué dans le tasseau du bas, pour y mettre le bouton, et le talon du manche s’ajuste contre le tasseau du haut ; les coins, ou petits tasseaux, doublures des coins extérieurs ; les contre-éclisses, rubans en bois adhérents aux bords des éclisses, dans tous leurs contours, et assez larges pour que l’on puisse y coller les tables afin de rattacher celles-ci aux éclisses. La barre, dite barre d’harmonie, pièce très importante collée sous la table supérieure dans toute sa longueur, et passant sous le pied gauche du chevalet. L’âme, petite tige de bois arrondie, qui ne se colle pas, mais se place entre les deux tables, un peu en arrière du pied droit du chevalet.

Les tasseaux, les coins et les contre-éclisses sont là pour consolider la caisse et lui donner la force de résistance nécessaire.

Primitivement, il n’y avait pas toujours des contre-éclisses du côté de la table de dessous : nous avons vu des violons italiens anciens, dans lesquels une petite rainure était creusée sur les bords du fond pour recevoir les éclisses et les empêcher de se déplacer. Dans ce cas, les filets n’étaient que dessinés sur le fond.

Selon Hart, Brensius de Bologne, faiseur de violes du xve siècle, plaçait déjà la barre de la même façon qu’on le fait encore de nos jours. Cet auteur ajoute : « La barre du violon ne sert pas seulement à fortifier cette partie de la table où la pression du chevalet se fait énergiquement sentir ; elle forme encore une partie fort curieuse et profondément intéressante de la construction du violon. On pourrait l’appeler, avec une grande vérité, le système nerveux du violon[1]. » En effet, avec une barre trop faible, la table cède rapidement et les deux cordes graves sont cotonneuses et nasillardes ; par contre, avec une barre trop forte, le côté gauche de la table est comme paralysé et n’a pas la souplesse nécessaire pour suivre les ondulations qui se produisent dans les autres parties lorsque la caisse est mise en vibration, et par suite les cordes basses sont dures, l’émission de certaines notes y devient très difficile.

L’âme, dont nous avons parlé longuement à propos du chevalet du crouth, joue aussi un rôle de la plus haute importance dans la construction du violon. F. Savart déclare qu’elle remplit trois fonctions : « 1o Elle communique le mouvement d’une table à l’autre ; 2o elle rend normales les vibrations des tables ; 3o elle rend immobile le pied droit du chevalet. L’âme ébranle la table dans toute son étendue et, quelle que soit la direction de l’ébranlement, elle le rend toujours normal dans les tables[2]. » En Italie et en France, elle se nomme l’âme, en Allemagne, la voix du violon, et Hart, assez heureux dans ses définitions, dit que l’âme du violon : « remplit avec une infaillible régularité les fonctions du cœur[3] ».

Ce qu’il y a de bien certain, c’est qu’elle exerce une très grande influence sur la qualité du son d’après la place qu’elle occupe : ainsi, lorsqu’on la rapproche un peu des bords, la chanterelle et le la deviennent plus mordants, plus incisifs, plus timbrés ; mais, par contre, les troisième et quatrième cordes perdent en volume et en qualité. Au contraire, si on la repousse légèrement vers le milieu, le ré et le sol acquièrent de suite plus d’intensité et de rondeur. En somme, on peut régulariser la sonorité d’un violon en modifiant l’emplacement de l’âme ; seulement, une main experte est nécessaire pour cela, et bien souvent le résultat n’est obtenu qu’après de nombreux tâtonnements.

Le chevalet, qui sert à la fois à maintenir les cordes à une certaine hauteur et à transmettre leurs vibrations à la table, demande aussi à être réglé avec beaucoup de soin. Trop épais, il produit l’effet d’un étouffoir ; trop mince, le son est maigre ; trop bas, les cordes frisent sur la touche ; trop élevé, le son devient sec et le jeu de la main gauche très difficile. La sonorité change étonnamment, selon qu’il est trop large, trop étroit, ou construit avec du bois dur, léger ou passé ; il en est de même si ses pieds n’adhèrent pas complètement à la table, et si on le place un peu plus à gauche ou à droite. La partie supérieure est arrondie et la quatrième corde plus élevée que la chanterelle, afin de faciliter le jeu de l’archet.

Depuis bien longtemps déjà, la forme du chevalet généralement adoptée est à peu près celle de Stradivari.

En résumé, le violon, qui est de si petite dimension, et, à première vue, paraît si simple, se compose de quatre-vingt-trois pièces, y compris les cordes, quand les tables sont faites chacune d’une seule planchette, et de quatre-vingt-cinq, lorsque celles-ci se composent de deux. Voici le détail des pièces :

1 ou 2 pour la table,
1 ou 2 le fond,
6   les coins et les tasseaux,
6   les éclisses,
12   les contre-éclisses,
18   les filets de la table,
18   les filets du fond,
1   le manche,
1   la touche,
1   le sillet de la touche,
1   le sillet du cordier,
2   le cordier,
1   l’attache du cordier,
1   le bouton,
4   les chevilles,
1   la barre,
1   l’âme,
1   le chevalet,
4   les cordes.

Et nous ne comptons pas les petits taquets, qui consolident le joint des tables, lorsque celles-ci sont de deux pièces, ni les ornements en nacre que l’on mettait autrefois aux chevilles, au bouton et au cordier.

II

On peut considérer le violon attribué à Duiffoprugcar, que nous donnons, page 10, comme un des premiers modèles de cet instrument. Construit à une époque où le dessin des ouïes et celui des contours de la caisse étaient encore indécis, il offre non seulement certains points de ressemblance avec les deux violons dessinés par Pierre Wœriot, sur le portrait du grand luthier lyonnais ; mais, de plus, il est recouvert d’un vernis brun rouge tout à fait identique à celui de la délicieuse « viola a gambe » de ce maître, qui est actuellement au musée Donaldson, à Londres.

Il mesure :

Longueur de la caisse 
350 millimètres.
Largeur dans le haut 
152
            au milieu 
98
            dans le bas 
200
Longueur des  
82
                des  
82
                de la poignée du manche 
123
                de la tête 
110
Hauteur des éclisses en bas 
33
                               en haut 
27

Le musée du Conservatoire de Paris possède un violon, que G. Chouquet décrit ainsi :

1. — Violon de Duiffoprugcar.

« Ce violon marqueté porte le monogramme de Gaspard Duiffoprugcar ; parce qu’il a été fait avec un instrument authentique de ce luthier célèbre. On a d’abord transformé une viole de ce maître en petit violon ; puis Georges Chanot (Mirecourt, 20 mars 1801-Courcelle, 10 janvier 1883) a fort habilement agrandi ce petit violon et lui a donné sa forme actuelle.

« Il provient de la collection Maulaz et a longtemps appartenu au célèbre violoniste J.-B. Cartier[4]. »

M. Joseph Chardon, beau-fils et successeur de Georges Chanot, déclare que ce violon est bien de Duiffoprugcar, mais qu’il était un petit violon à l’origine et non pas une viole.

Cet instrument est intéressant, non seulement par le distique latin qui se voit sur la table de fond ; par ses , d’une très grande pureté ; mais encore par son étiquette :

Le violon commença à se répandre pendant la première moitié du xvie siècle. Jean-Marie Lanfranco le mentionne dans un ouvrage qu’il fit paraitre à Brescia, en 1533[5] ; et un compte des dépenses secrètes de François Ier, de la même année, nous fait connaître les noms des joueurs de violon qui étaient alors au service du roi de France :

« À Lyon, le xxviiie jour de juing mil cinq cens trente troys. »

« F° 95 v°. — Don à Nicolas Pyronet, Jehan Henry, Jehan Fourcade, Claude Pironet, Pierre de Cainguillebert (alias Pierre du Camp Guillebert), Paule de Milan, Nicolas de Lucques et Dominique de Lucques, tous vyolons et joueurs d’instrumens du Roy, de la somme de huict vingtz escuz soleil, qui est à chacun d’eulx vingtz escuz soleil pour leur ayder à avoir chacun ung cheval[6]. »

François Ier avait donc, en 1533, huit joueurs de vyolons, qu’il faisait voyager avec lui.

Il y avait aussi des violons à l’ambassade de Venise :

« À Thimodio de Laqua et ses compaignons, joueurs de viollons de l’ambassade de Venise[7]. »

En 1550, le « mercredi et jeudy premier et second jour d’octobre »,
violon attribué à duiffoprugcar
(xvie siècle.)
on voit le violon figurer dans les fêtes offertes par la ville de Rouen au roi Henri II et à la reine Catherine de Médicis. La relation de ces fêtes dit :

« Au milieu d’iceluy roch, estoit assis sur un stuc de marbre polly, Orphée… à la dextre, les neuf muses vestues de satin blanc, lesquelles rendoient ensemble de leurs violons madréz et polly d’excellentes voix. »

À l’époque où la ville de Rouen donna ces fêtes, le violon commence non seulement à être très usité, mais son nom prend place dans le langage. Rabelais s’en sert, au figuré, pour les mouvements des « Chats-fourréz », dans le Faits et dits héroïques du bon Pantagruel, qu’il écrivait vers 1550 :

« Panurge, ces mots achevéz, jetta au milieu du parquet une grosse bourse de cuir pleine d’écus au soleil. Au son de la bourse commencèrent tous les Chats-fourréz joüer des gryphes, comme si fussent violons démanchéz[8]. »

L’expression « violons démanchéz » a-t-elle été employée par Rabelais pour traduire l’effet comique que l’on peut obtenir sur le violon,
la mort raclant du violon
Danse du Grand-Bâle (xvie s.)
en traînant les doigts sur les cordes, et par lequel on imite assez bien les miaulements des chats ? Ou a-t-il voulu faire allusion au peu d’habileté des instrumentistes de son temps qui, ne pratiquant que la première position, devaient jouer bien faux lorsqu’ils quittaient le haut du manche pour parcourir toute l’étendue de la touche ? Que l’on interprète cette phrase comme l’on voudra, il n’est pas douteux que le violon était déjà très répandu à cette époque.

On voit la Mort raclant du violon sur un dessin de la Danse du Grand-Bâle, que nous reproduisons ici. L’instrument y est parfaitement dessiné, on peut compter les quatre cordes, seules les ouïes ne sont pas figurées.

C’est aussi sur un violon que racle un ménétrier de village, en Hollande, pour faire danser un petit cochon. Ici les ouïes, en très allongés, existent ; mais il n’y a pas d’échancrures sur les côtés. L’artiste a cependant eu l’intention de reproduire un violon, car il y a quatre cordes et le cheviller se termine par une volute.

le cochon savant
D’après une estampe hollandaise (1558).

M. A. Jacquot nous fait connaître les noms de plusieurs joueurs de violon au service du duc de Lorraine :

« En 1555, Georges le Moyne, « joueur de violon en l’hôtel de Monseigneur » ; en 1557, Mathieu le Saulvage, mort en 1579. Alan Moureau, Giles Harent, mort en 1557. Thouvenin Coulevrine, Claude et Nicolas de Fleurance (1567) ; ces deux derniers étaient des Italiens que Charles III fit venir à sa Cour ; et, Claude Le Gris, dit Tabouret. »

« Remy Noël et Simon Noël (1590) ; Nicolas Vernier, joueur de violon et valet de chambre de la comtesse de Vaudémont (Christine de Salm) ; Antoine Vaujour, violoniste et valet de chambre de Charles III (1602) : Aimé Moreau, Denis Chaveneau et François Buret (1608)[9]. »

Tous ces artistes suivaient le prince dans ses voyages :

« En 1561, deux cent cinquante francs sont délivrés aux cinq violons de Monseigneur le régent pour subvenir aux frais qu’ils pourraient faire à la suite de Monseigneur en son voyage d’Allemaigne. »

« Lorsque Charles III vint en France, ces mêmes musiciens reçurent en paiement cent soixante francs. »

En 1562 : « deux cent soixante-seize francs aux cinq violons de Monseigneur, pour acheter des trompes, violes et autres instruments de musique pour le service de Monseigneur. »

En 1563 : « deux cents francs aux violons de Monseigneur pour se fournir de cornets, violons et autres instruments ; ainsi qu’aux sept hautbois »

« En 1568, aux violons de Monseigneur, quatre-vingts francs, pour eux s’entretenir et nourrir quelque temps à cause qu’il leur fut commandé de s’absenter de la suite de Monseigneur pour les dangiers de la peste qui régnoient[10] ».

Le joueur de violon, Mathieu Saulvage, faisait parfois la partie avec le duc :

En 1570, il fut donné à cet artiste : « vingt escuz d’or quarante et un francs, qu’il a gagnés contre Monseigneur, au jeu de pelote et paulme, et pour trois douzaines de battoirs qu’il a fournis. »

En 1579 : « trois cents francs pour acheter des instruments aux six violons de Monseigneur : Claude Le Gris, Claude et Nicolas de Florence, Nicolas du Hault, René Moureau et Claude de Dreux[11]. »

La lecture de ces pièces d’archives montre que le violon, dès ses débuts, occupa très vite la première place dans les petits orchestres au service des princes ; car les musiciens qui en faisaient partie, quoique cultivant plusieurs instruments, y sont toujours désignés comme joueurs de violon, ou simplement les violons, appellation qui semble personnifier et comprendre tous les instrumentistes à la fois.

Le violon ne tarda pas non plus à être connu en Angleterre. En 1571, sous le règne d’Élisabeth, il y avait sept violons dans la Bande royale[12].

III

Andréa Amati fut le chef d’une famille de luthiers illustres, et de plus, le fondateur de la grande école de Crémone. Né, selon Fétis, pendant les premières années du xvie siècle, il mourut vers 1580. Ses ascendants étaient de très bonne noblesse et sont mentionnés, dans les annales de Crémone, depuis 1097.

Il passe, d’après certains auteurs, pour avoir été l’élève de Giovanni-Marcello del Bussetto, faiseur de violes qui travailla à Crémone de 1540 à 1580. D’autres prétendent qu’il apprit son art chez Gasparo da Salô, à Brescia ; mais le fait paraît plus que douteux, car, celui-ci étant né en 1542, se trouvait donc d’au moins vingt et quelques années plus jeune qu’Amati.

Charles IX, roi de France, lui commanda des instruments pour le service de sa Chapelle et de sa Chambre, à savoir : vingt-quatre violons, dont douze de grand patron et douze plus petits, six violes et huit basses. Vidal déclare que c’est une légende, et que malgré de longues et minutieuses recherches aux Archives, il n’a pu en découvrir la preuve. Il n’y aurait cependant rien d’impossible à ce que la chose fût vraie, et comme le disait si justement M. Julien Tiersot, dans une discussion similaire : « Tout en respectant l’autorité légitime des documents d’archives, gardons-nous pourtant d’en avoir la superstition et d’y voir les uniques matériaux dont l’histoire puisse faire usage. L’on tomberait ainsi dans le travers analogue à celui qui a conduit certain historien à contester que Jeanne d’Arc ait été brûlée à Rouen, et ce, parce qu’il n’a jamais pu trouver dans les Archives le compte des fagots utilisés pour le bûcher[13] ! » Mais Vidal, lui-même, cite, d’après Cimber et Danjou[14], un document qui démontre combien les œuvres des luthiers crémonais étaient estimées, en France, à cette époque ; et par suite, que la commande de Charles IX à Amati pourrait bien n’être pas une légende :

« 27 octobre 1572. Payé à Nicolas Delinet, joueur de fluste et de violon dudict Sieur (le Roy), la somme de cinquante livres tournois pour luy donner le moyen d’achepter ung violon de Crémonne pour le service dudict Sieur[15]. »

Ajoutons que ce n’est pas seulement des violons que Charles IX fit venir d’Italie, mais aussi des violonistes. Un passage de ces mêmes Comptes, ignoré par Vidal, nous apprend que « Baptiste Delphinon, violon ordinaire de la Chambre du roi », fut envoyé au delà des Alpes pour recruter un certain nombre d’artistes parmi lesquels figuraient : « Loys Sai et Gabriel Nadrin, italiens, joueurs de violons de la Chambre dudit Seigneur » et six autres « compagnons » dont nous ignorons les noms (10 octobre 1572).

Puisque Charles IX a payé un violon de Crémone à Delinet, son joueur de flûte et de violon, comme en fait foi la pièce d’archives ci-dessus, il a bien pu en commander un certain nombre à Amati, qui était alors le plus habile et le plus célèbre luthier de cette ville.

Parmi les instruments dits de Charles IX, et attribués à Amati, il en est un dont l’authenticité ne paraît pas douteuse. Nous voulons parler du charmant violoncelle, probablement un des premiers modèles de la basse de violon, qui appartient actuellement à M. Simoutre, le luthier parisien bien connu.


, et coins d’un violoncelle d’andrea amati

Grâce à l’extrême obligeance de ce dernier, nous pouvons donner la reproduction des , des , et des coins de cette pièce si curieuse et si intéressante pour l’histoire de la lutherie en général, et pour celle du violoncelle en particulier.

Les méritent surtout d’être examinées avec beaucoup d’attention, car les ouvertures rondes du haut y sont presque de même grandeur que celles du bas ; détail que l’on retrouvera seulement dans les œuvres de Gasparo da Saló et de Maggini. Ces diffèrent sensiblement de celles du violon attribué à Duiffoprugcar, reproduit plus haut ; mais ou peut en conclure que, si la forme des ouïes du violon et de ses dérivés n’était pas encore définitivement arrêtée à l’époque où travaillait Amati, celle qui fut adoptée depuis a été inspirée par le maître crémonais.

Comme dans les anciennes violes, l’ouverture des n’est pas très fermée. Les coins sont étroits. La voûte des tables commence presque aux filets. Quant à ceux-ci, très légers et placés près des bords, leur onglet se dirige vers l’angle intérieur du coin (détail de facture qui se remarque également dans les œuvres de ses descendants.

Tout l’instrument est d’un travail remarquable, et les plus habiles luthiers modernes auraient beaucoup de peine à faire mieux. Le vernis, brun clair, d’une grande douceur de ton, n’a pas été rechargé, mais il a dû se foncer un peu avec le temps. Bien que les peintures qui décorent le fond soient un peu détériorées, on y distingue encore assez nettement : Les armes de France, entourées du collier de Saint-Michel, et surmontées de la couronne royale que soutiennent deux anges. De chaque côté des armoiries, se trouvent deux colonnes, entourées de liens en ruban, sur lesquelles on voit aussi des anges. Puis la devise : Pietate justiciæ, ainsi que trois lettres K, initiales de Karolus.

Enfin, une étiquette, ainsi conçue, imprimée en gros caractères romains, est collée à l’intérieur :

Andrea Amati in
Cremona M.D.LXXII

Ce violoncelle mesure :

Longueur totale de la caisse 
730 millimètres.
Largeur dans le haut 
340
            au milieu des  
230
Largeur dans le bas 
430
Longueur des  
140 millimètres.
Hauteur des éclisses 
120

Deux des lils d’Andréa Amati : Antonio (Crémone, 1545-1635) et Girolamo (Crémone, 1550 environ-1640), embrassèrent la carrière de leur père, et y devinrent également habiles et célèbres.

, et coins d’un violon d’antonio et girolamo amati
et son étiquette

Ils travaillèrent ensemble, et ont produit quantité d’instruments d’un fini merveilleux. Leurs violons sont généralement de petit patron, avec des voûtes assez élevées et commençant à une certaine distance des bords.

Après la mort d’Antonio, Girolamo Amati travailla seul :

Nicolo Amati (Crémone, 3 septembre 1596-12 avril 1681), fils et successeur de Girolamo, est le plus célèbre de toute sa famille. Jusqu’en 1645, il copia les modèles de son père ; mais à partir de celle date, il agrandit son patron, abaissa un peu les voûtes et produisit les beaux instruments connus sous le nom de grands Amati. Il forma de nombreux disciples, parmi lesquels on remarque Andréa Guarneri, ainsi que l’immortel Antonio Stradivari.

, et coins d’un alto de nicolo amati
et son étiquette



Girolamo Amati (Crémone, 26 février 1649 — 21 février 1740), fils de Nicolo, fut le dernier luthier de ce nom. Ses œuvres sont peu connues.

Nous savons aujourd’hui, par des pièces d’archives découvertes récemment, que Gasparo da Salò, naquit, en 1542, à Salò, petite ville sur le lac de Garde, et qu’il mourut à Brescia, en 1609. Son nom patronimique était Bertolotti[16], mais il avait adopté, selon l’usage du temps, celui de son pays d’origine. Il travailla à Brescia, et son œuvre comprend des violons, des violes et des « violoni » ou contrebasses.

Dans le violon de ce maître, que nous reproduisons, la personnalité de l’auteur est accusée par les plus petits détails. Ce sont d’abord : la table avec sa voûte peu élevée et commençant près des bords ; les allongés et se terminant par des coins pointus, au milieu desquels se dirigent les onglets très courts des doubles filets qui décorent les tables ; puis les également pointues, mais très ouvertes et placées presque parallèlement. Le vernis rouge brun est devenu presque noir.

D’une exécution hardie, ce violon inspire la confiance par son air de franchise ; on sent en lui le compagnon solide et sans prétention. Il mesure :

Longueur totale de la caisse 
351 millimètres.
Largeur dans le bas 
200
            au milieu 
116
            dans le haut 
160
Longueur de l’ouverture des  
80
                des  
81

On voit que ce violon contient déjà le modèle de la voûte des tables, que Stradivari adopta un siècle plus tard, ainsi que la forme pointue des de Guarneri del Gesù.

Giovanni-Paolo Maggini, qui travailla à Brescia de 1590 à 1640, s’était inspiré de Gasparo da Salò, dont il fut sans doute l’élève.
violon de gaspard da salò

Ses violons les plus célèbres sont ceux qui ont appartenu à Charles de Bériot et à notre cher et regretté Léonard. Le premier est aujourd’hui la propriété de M. le prince de Chimay ; le second appartient à M. Marteau. Le patron est très grand, les voûtes commencent aux bords : les longues, très ouvertes, sont bien placées ; les éclisses sont basses ; un double filet, dont les onglets ressemblent à ceux de Gasparo da Salò, se voit autour des tables, et des dessins et ornements décorent le fond ; très beau vernis jaune brun.

Son fils, Pietro Maggini, travailla aussi à Brescia de 1630 à 1680 ; il a laissé, dit-on, des instruments qui surpassent en qualité ceux de son père.

Les trois luthiers que nous venons de citer sont les plus originaux et les plus illustres de l’école de Brescia. pour la première époque du violon. Leurs successeurs ont été bien moins personnels, et se rattachent plutôt, par leurs travaux, à l’école de Crémone.

, , coins et étiquette d’un violon de g.-p. maggini
ayant appartenu à charles de bériot
IV

Pendant qu’Andréa Amati, Gasparo da Salò et Giovanni-Paolo Maggini perfectionnaient le violon à Crémone et à Brescia, celui-ci se répandait de plus en plus. Il était même devenu l’objet d’un commerce d’une certaine importance dans les Flandres, car, en 1559, à Anvers, un nommé Pietro Lupo vendit à un musicien envoyé par le magistrat d’Utrech, cinq violons renfermés dans leur étui, pour la somme de soixante-douze livres. Pour s’assurer de la qualité des instruments, on les faisait essayer par un joueur de profession avant de terminer le marché, et il en coûtait six livres tant pour l’essai que pour le vin bu à cette occasion[17].

le joyeux violoniste
Gérard Honthorst (fin du xvie siècle). Musée royal d’Amsterdam.

Vers la même époque, Gérard Honthorst peignait un buveur tenant un verre de la main droite, et de la gauche un violon très exactement dessiné et qui possède un cordier original et élégant. Un peu plus tard, Pieter van Slingelandt nous montre un intérieur, où une ménagère semble s’intéresser au concert d’un violoniste et de deux chanteurs.

leçon de chant
Pieter van Slingelandt (xvie siècle). Musée royal d’Amsterdam.

Depuis longtemps du reste le violon était d’un usage général dans toute l’Europe occidentale. En France, il figurait déjà dans les fêtes de la Cour. — Ceci mérite une digression :

On lui voit notamment remplir un rôle très important dans le ballet magnifique que Catherine de Médicis fit représenter, en 1573, en l’honneur des ambassadeurs polonais, venus à Paris pour offrir au duc d’Anjou depuis Henri III, la couronne de Pologne :

« Elle les festina fort superbement en ses tuileries, dit Brantôme, et après dans une grande salle faicte à Poste et toute entourée d’une infinité de flambeaux, elle leur représenta le plus beau ballet qui fut jamais faict au monde je puis parler ainsy), lequel fut composé de seize dames et damoiselles des mieux apprises des siennes, qui comparurent dans un grand roch tout argenté, où elles estoient assises dans des niches en forme de nuées de tous costez. Ces seize daims représentoient les seize province de France avecques une musique la plus mélodieuse qu’on eust sceu voir ; et après avoir faict dans ce roch le tour de la salle, par parade comme dans un camp, et après s’être faict voir ainsy, elles vindrent toutes à descendre de ce roch, et s’étant mises en forme d’un petit battaillon bizarrement inventé, les violons montant jusqu’à une trentaine, sonnans quasy un air de guerre fort plaisant, elles vindrent marcher soubs l’air de ces violons, et par une belle cadence, sans en sortir jamais, s’approcher et s’arrester un peu devant Leurs Majestés ; et puis après, danser leur ballet si bizarrement inventé[18]. »

Balthazarini, dit Beaujoyeulx, avait été amené de Turin à Paris par le maréchal de Brissac, gouverneur du Piémont, de 1550 à 1559, et présenté à Catherine de Médicis qui le plaça à la tête de sa Musique. Il prenait le titre de violon de la Chambre du roi, comme le montre la pièce suivante :


« 9 mars 1582, Balthazard de Beaujoyeulx, violon de la Chambre du Roy, a confessé avoir eu et receu la somme de 30 escuz d’or soleil, 10 solz tournoys à lui ordonné tant pour ses gaiges, etc[19]. »

Cet artiste se fit une grande réputation, d’abord par son talent sur le violon, puis comme organisateur de ballets.

Ce fut lui qui composa le fameux Ballet comique de la Royne fait aux nopces de M. le dur de Joyeuse et de mademoiselle de Vaudémont, représenté le 15 octobre 1581, dans la grande salle de l’hôtel de Bourgogne. Le programme de la fête nous apprend qu’on y avait élevé « deux galleries l’une sur l’autre, avec des accoudouers et balustres doréz, et à un bout de ladite salle qui regarde au levant, vous voyez un demi-théâtre ». L’auteur « a inscrit comique », dit-il dans un avis à son lecteur, « plus pour la belle, tranquille et heureuse conclusion où il se termine, que pour la qualité des personnages, qui sont presque tous des dieux et des déesses ou autres personnes héroïques. »

Balthazarini ne composa pas la musique de ce divertissement, il chargea de ce soin deux musiciens de la Chambre du roi, le sieur Beaulieu et maître Salmon. L’aumônier de la Cour, le sieur de la Chesnoye, en fit les vers, aidé, dit-on, par Baïf et Ronsard. Jacques Patin, peintre du roi, exécuta les décors. Balthazarini conçut le plan et dirigea l’exécution ; il fut l’inventeur et l’ordonnateur de cette fête merveilleuse, qui coûta, dit l’Etoile, douze cent mille écus.

L’enchanteresse Circé était l’héroïne de ce ballet.

Désolée, et ne pouvant se consoler du départ d’un gentilhomme, elle se met à sa poursuite. Le fugitif vient chercher asile à la Cour du roi Henri III. Tous les dieux et toutes les déesses de l’Olympe, les tritons, les naïades, les sirènes, le dieu Pan et les satyres s’intéressent à son sort et veulent le soustraire à la colère de Circé. Jupiter foudroie l’enchanteresse, puis la conduit chargée de chaînes, devant le roi, qui lui pardonne. Jupiter lui présente alors ses deux enfants qui vont se jeter aux pieds de Sa Majesté.

Circé sortait de son jardin sur l’air de la Clochette, joué gaîment par vingt violons, qui excitaient le plus vif enthousiasme.

Le Ballet comique de la Royne fut dédié à Henri III. Sa représentation dura de dix heures du soir jusqu’à trois heures après minuit « sans qu’une telle longueur ennuyast ni depleust aux assistans, tel étoit et si grand le contentement de chacun[20] ».

Les ballets de la Cour n’étaient pas toujours aussi somptueux ; ceux dont les airs furent composés par Chevalier, violon de la Chambre sous Henri IV et sous Louis XIII, semblent être purement comiques, si l’on en juge par leurs titres : le Ballet des enfants fourrés de malice, le Ballet des morfondus, le Ballet des souffleurs d’alchimie et des vieilles sorcières, le Ballet des maîtres de comptes et des marguilliers, le Ballet des chambrières à louer, etc.

On en donna encore de très importants sous Louis XIII, et les violons étaient de la partie soit comme acteurs ou exécutants. Ils ne pouvaient, il est vrai, se trouver en meilleure compagnie, car les plus grands personnages de la Cour figuraient avec eux.

Le Triomphe de Minerve fut donné au Louvre, le 19 mars 1615. Mademoiselle de France représentait Minerve :


« Dans cette mer passoit une musique de tritons qui sonnoit un air sur des hautbois, et après eux venoit encore, en la dicte mer, la musique de la Chambre du Roy, vestue de rozeaux artificiels d’or et de soye, et le reste de l’habit de satin recouvert de clinquant d’or. Cete musique sortoit peu à peu de la mer[21]. »


C’est pendant le carnaval de 1626 que l’on donna la plus curieuse de ces représentations, sous le titre de : les Doubles-femmes, les violons du roi y tirent leur entrée :

« Habillez de sorte qu’ils paroissoient toucher leurs insrumens par derrière ; mais c’est qu’en effet ils avançoient à reculons. Ils avoient des masques représentant des figures de vieilles femmes en bonne humeur, placez derrière la teste[22]. »


Le reste du costume était à l’avenant, de sorte qu’en paraissant avancer, ils reculaient.

Mais on ne représentait pas des ballets qu’à Paris ; en 1619, à Toulouse, il y eut de grandes fêtes en l’honneur du duc et de la duchesse de Montmorency :

« Il faudrait un gros livre pour rapporter icy la description de la salle où fut donné le ballet, et où madame la duchesse de Montmorency qui tenoit le premier rang, et les autres grandes dames du pays, estoient assises. L’entrée que chacune des quatre troupes de ballet tirent avec leurs magiciens, leurs violons et instruments, la musique, les vers, etc.[23] »


À Paris, les membres de la Corporation des ménétriers, pour célébrer joyeusement la fête de leur patron, parcouraient les rues, dans la nuit de la Saint-Julien, en jouant de leurs instruments. C’était quelque chose comme nos retraites aux flambeaux modernes. En 1587, celle promenade musicale eut lieu avec « luts, épinettes, mandores, violons, flustes à neuf trous, tambour à main et fluste à trois trous, tambour de Biscoye, larigaux, le tout bien d’accord et sonnant et allant parmi la ville[24]. »

Le violon, qui avait pénétré dans toutes les classes de la société, était aussi cultivé par les grandes dames, et celles qui n’en jouaient pas étaient heureuses de l’entendre en toutes circonstances, même les plus tristes :

« Catherine de Médicis, dit Titon du Tillet, avoit un si grand goût pour la musique, que deux ou trois jours avant sa mort, étant hors d’espérance de pouvoir guérir de la poitrine,

concert intime
(xvie siècle).


dont elle étoit attaquée, demanda qu’on lui jouât quelques airs de violon, entr’autres celui de la Retraite des Suisses, qu’elle aimoit beaucoup[25]. »

Mademoiselle de Limeuil, une des filles d’honneur de la reine Catherine de Médicis, se fit aussi jouer du violon à sa mort, et c’est encore la Défaite des Suisses[26] qui en fit les frais. Voici comment Sauval raconte le fait :

« Mademoiselle de Limeuil, quand l’heure de sa mort fut venue, fit venir son valet Julien : — Julien, lui dit-elle alors, prenez votre violon et sonnez-moi toujours, jusqu’à ce que vous me voyez morte, la Défaite des Suisses. Et quand vous serez sur le mot : Tout est perdu, sonnez le pas quatre ou cinq fois le plus piteusement que vous pourrez. — Ce que fit Julien, et elle-même aidait de la voix ; et quand ce vint : Tout est perdu, elle réitéra par deux fois ; puis se retournant de l’autre côté du chevet, elle dit à ses compagnes : — Tout est perdu à ce coup ! — Et à bon escient, car elle décéda à l’instant[27].

Un joueur de violon était attaché à la personne de Louis XIII, pendant sa jeunesse :

« Le 3 février, mardi, à Saint-Germain. — Le Dauphin avoit pour violon et joueur de mandore Boileau, et pour joueur de luth, Florent Hindret d’Orléans, pour l’endormir[28]. »

Ce prince aimait beaucoup la musique et la cultivait ; il passe même pour avoir composé des pièces musicales en assez grand nombre :

« Si tôt que l’on étoit revenu, on alloit chez la Reine… L’on avoit règlement trois fois la semaine, le divertissement de la musique, que celle de la chambre du Roi venoit donner, et la plupart des airs qu’on y chantoit étoient de sa composition[29]. »

L’histoire ne dit pas toutefois s’il composa l’air de la sarabande qui fut dansée certain soir, dans la chambre d’Anne d’Autriche, par le cardinal de Richelieu, son premier ministre, lequel avait revêtu un costume de baladin, pour la circonstance.

Cette anecdote, curieuse est relatée dans les Mémoires du comte de Loménie-Brienne, qui la raconte ainsi :

« Le Cardinai, dit-il, étoit éperduement amoureux, et ne s’en cachoit point d’une grande princesse[30]. Le respect que je dois à sa mémoire m’empêchera de la nommer. Le Cardinal avoit eu la pensée de mettre un terme à sa stérilité, mais on l’en remercia civilement, dit la chronique d’où je tire ce fait. La princesse et sa confidente[31] avoient en ce temps-là l’esprit tourné à la joie, pour le moins autant qu’à l’intrigue : un jour qu’elles causoient ensemble et qu’elles ne pensoient qu’à rire aux dépens de l’amoureux Cardinal : « Il est passionnément épris, Madame, dit la confidente ; je ne sache rien qu’il ne fit pour plaire à Votre Majesté. Voulez-vous que je vous l’envoie un soir dans votre chambre, vêtu en baladin, que je l’oblige ainsi à danser une sarabande ; le voulez-vous ? il y viendra. — Quelle folie ! » dit la princesse. Elle étoit jeune, elle étoit femme, elle étoit vive et gaie ; l’idée d’un pareil spectacle lui parut divertissante. Elle prit au mot sa confidente, qui fut du même pas trouver le Cardinal.

Ce grand ministre, quoiqu’il eût dans la tête toutes les affaires de l’Europe, ne laissoit pas en même temps de livrer son cœur à l’amour : il accepta ce singulier rendez-vous. Il se croyoit déjà maître de sa conquête ; mais il en arriva autrement. Boccau, (sic), qui étoit le Baptiste d’alors[32], et jouoit admirablement du violon fut appellé. On lui recommanda le secret. De tels secrets se gardent-ils ? C’est donc de lui qu’on a tout su.

« Richelieu étoit vêtu d’un pantalon de velours vert, il avoit à ses jarretières des sonnettes d’argent ; il tenoit en main des castagnettes, et dansa la sarabande que joua Boccau. Les spectatrices et le violon étoient cachés avec Vautier et Beringhen, derrière un paravent d’où l’on voyoit les gestes du danseur. On rioit à gorge déployée ; et qui pourroit s’en empêcher, puisqu’après cinquante ans, j’en ris encore moi-même.

« On fit retirer Boccau, (sic), et la déclaration amoureuse fut faite dans toutes les formes. La princesse la traita toujours de pantalonade, et ses dédains assaisonnés du sel de la plaisanterie aigrirent tellement ce prélat orgueilleux, que, depuis, son amour se changea en haine. La princesse ne paya que trop cher le plaisir qu’elle avoit eu de voir danser une Éminence[33]. »

Jacques Cordier, dit Bocan, dont il vient d’être question, était né dans les dernières années du xvie siècle. Maître à danser de la Cour, il suivit Henriette de France, à Londres, quand elle épousa Charles Ier, et revint à Paris lors de la révolution d’Angleterre. Bocan faisait encore partie de la Maison du roi, en 1648, car il figure, à cette date, sur la liste des officiers retraités et pensionnés par la cassette royale : « Jacques Bocan, balladin, 340 livres[34]. » Mersenne le cite comme un des meilleurs violonistes de son temps :

« Le son du violon, dit-il, est le plus ravissant, car ceux qui en jouent parfaitement comme le sieur Bocan, radoucissent tant qu’ils veulent et le rendent inimitable par de certains tremblemens qui ravissent l’esprit[35]. »


le borgne vigoureux, estampe
(xviie siècle).

On voit, par ce qui précède, que Bocan employait déjà le « vibrato » des doigts de la main gauche, comme moyen d’expression[36].

L’ancienne estampe, que nous reproduisons p. 33, montre que tous les joueurs de violon n’étaient pas appelés, comme Bocan, à faire danser une Éminence,

C’est sans doute à ceux de cet acabit, que Tabarin fait allusion, dans la scène qui suit :


« Tab. — Voilà mal enfourné, mon maistre, pour le premier coup. Peut-estre que votre père estoit de Marseille, puisque vous déplorez tant les galériens ; pour mon regard, ceux que je trouve faire la pire fortune, ce sont les joueurs de violon, de luth et d’espinette.

« Le M. — Comment, Tabarin ! Y a-t-il quelques-uns au monde qui vivent avec plus de contentement qu’eux ? Ils sont continuellement en danses et en banquets.

« Tab. — Ils sont d’une condition si misérable, que toutes leurs commoditez, leurs biens, leurs richesses et leur vie mesme, ne despend que du bois et de la corde. N’est-ce point estre infortuné ? Ceux qu’on meine à la Grève n’en ont point davantage[37]. »


Les mendiants s’étaient aussi emparés du violon, et sans nul doute Tabarin avait dû rencontrer des couples semblables à celui que nous reproduisons ici d’après une ancienne estampe.

le ménage des gueux, estampe
(xviie siècle).

Déjà, en 1592, on voit des joueurs de violon à l’armée du duc de Lorraine :

« 1592. Mest en despense, iceluy comptable, la somme de vingt-deux francs, qu’il a plu à Monseigneur de Vaudémont donner et octroyer aux tambours et violons de l’armée de Son Altesse estant devant Chasteauvillain[38]. »

Ajoutons que, dès cette époque, le nom de violons servait à désigner, d’une façon générique, tous les instruments, même militaires. La preuve nous en est fournie par les Mémoires de Du Guesclin, vraisemblablement rédigés à la fin du xvie siècle :

« Cependant, Charles de Blois, qui n’avoit point de temps à perdre, parce que la place qu’il vouloit secourir étoit aux abois, partit en diligence avec son armée de Louvaux l’Abbaye. La revue qu’il en fit, montoit à plus de trois mille hommes d’armes ; cette petite armée fit une marche si longue, qu’elle vit dans peu le château d’Auray. Quand les assiégés aperçurent du Donjon les enseignes de Charles, et ce corps de troupes qui faisoient un mouvement vers eux, ils arborèrent aussi leurs étendards sur le haut de la tour, et pour témoigner la joie qui les transportoit, ils firent jouer leurs violons sur le même endroit, avec tant de bruit et de fracas, que les assiégeans l’entendirent, et tournans les yeux de ce côté-là, virent les drapeaux et les enseignes de la garnison qui flottoient en l’air au gré des vents[39]. »

Selon le P. Ménétrier, le violon convenait très bien pour dresser les chevaux et les préparer à danser des quadrilles dans les carrousels :

« On ne laisse pas, dit-il, de les dresser les chevaux et de les accoutumer à l’harmonie des violons ; mais il en faut un grand nombre, que l’air soit de trompette, et que les basses marquent fortement les cadences[40]. »

Parlant des carrousels « qui représentent les spectacles les plus magnifiques », Titon du Tillet dit aussi :

« La musique, sur-tout celle des instrumens les plus éclatans, tels que les tymbales, les haut-bois et les violons, animoit toutes ces fêtes et ces divertissemens[41]. »

À l’arrivée de Louis XIV à Bordeaux, en 1660, après son mariage avec Marie-Thérèse :

« Les violons suivoient le bateau du Roi ; le son des trompettes et le bruit des canons se mêlèrent à la musique. Le Roi et les Reines y prirent plaisir[42]. »

Le passage suivant du Menteur de Corneille fait allusion à un concert sur l’eau où l’on voit des violons. C’est Dorante qui parle :

Comme à mes chers amis je veux tout vous conter
J’avais pris cinq bateaux, pour mieux tout ajuster ;
Les quatre contenoient quatre chœurs de musique
Capables de charmer le plus mélancolique :
Au premier, violons ; en l’autre, luths et voix :
Des flûtes au troisième, au dernier des hautbois,
Qui leur à tour en l’air poussoient des harmonies
Dont on pouvoit nommer les douceurs infinies.

On sait déjà, qu’avant François Ier, les chanteurs et les instrumentistes de la Chapelle des rois de France exécutaient alternativement la musique sacrée et celles des fêtes et divertissements de la Cour ; et que ce prince créa un corps de musiciens indépendant du service divin et l’attacha spécialement à sa Chambre.

Un siècle plus tard, sous Louis XIII, le violon, qui avait remplacé avantageusement le dessus et le pardessus de viole, étant devenu, par ses brillantes qualités, l’instrument principal de ce groupe, imposa son nom à toute la Bande qui reçut le titre des vingt-quatre Violons du Roy, et cela, bien que les parties intermédiaires et graves y fussent encore exécutées sur des tailles et sur des basses de viole.

Les vingt-quatre violons étaient non seulement chargés de faire de la musique en diverses circonstances, mais aussi de figurer comme acteurs dans les ballets en jouant de leur instrument.

Nous croyons que Vidal fait erreur, lorsqu’il dit que ces artistes étaient vêtus aux frais du trésor royal, car la pièce comptable qui lui sert à appuyer son dire, et que voici, ne concerne exclusivement que des costumes pour un ballet :

168 aunes de taffetas incarnadin pour 24 grandes robes pour habiller les 24 violons du roi 
672 livres.
48 aunes de bougran incarnadin pour les dictes robes 
28 livres.
360 aunes de passementerie or et argent pour les dictes robes 
73 livres.
24 aunes de gance d’or 
3 livres 12 sols.
16 onces de soye incarnadin pour coudre les dictes robes 
19 livres 8 sols[43].

Peut-être les vingt-quatre violons recevaient-ils des vêtements, comme les anciens ménestrels, mais il faudrait un autre document pour établir ce fait. En tous cas, ils faisaient partie de la Maison du roi, en qualité d’officiers domestiques et commensaux, et bénéficiaient, à ce titre, de privilèges très nombreux. Ainsi, ils étaient exonérés :

« Des emprunts généraux faits dans les villes, de quelque nature qu’ils fussent ; du paiement des deniers qui se levoient pour fournitures de vivres et munitions de guerre, frais de conduite ; de toutes tailles et aydes ; des impositions de douze deniers pour livre ; des quatriesmes, huictiesmes et dixiesmes ; appetissement de vin ; de guets, garde de portes et murailles, de ports, ponts, passage ; travers et séparations, destroits, fournitures et contributions ; estapes de logis et garnisons de gens de guerre tant de pied que de cheval ; de charois, chevaux d’artillerie, de ban, arrière-ban, etc., etc.[44]. »

Les vingt-quatre violons du Roy étaient les plus habiles de leur temps. Le P. Mersenne en fait un éloge pompeux lorsqu’il décrit la sonorité du violon :

« Ses sons (ceux du violon) ont plus d’effet sur l’esprit des auditeurs que ceux du luth ou des autres instrumens à chordes, parce qu’ils sont plus vigoureux et percent davantage à raison de la grande tension de leurs chordes et de leurs sons aigus. Et ceux qui ont entendu les vingt-quatre violons du Roy advouent qu’ils n’ont jamais rien ouy de plus ravissant ou de plus puissant : de là vient que cet instrument est le plus propre de tous pour faire danser, comme l’on expérimente dans les ballets et partout ailleurs[45]. »

Louis XIV n’était pas compositeur comme son père, mais il avait appris un peu de musique. En 1651, il avait un maître de guitare et un maître de luth :

« Maistre pour enseigner le Roy à jouer de la guiterre : Bernard Jourdan sieur de la Salle ; maistre pour enseigner le Roy à jouer du luth : Fleurant Indré[46]. »

C’est sans doute le fils de « Florent Hindret », dont il a déjà été question, et qui était joueur de luth du Dauphin (Louis XIII) pour l’endormir.

Plus tard, en 1657, Louis XIV prit un maître de clavecin :

« Aujourd’huy, 14 du mois de février 1657, le Roy estant à Paris, S. M. prenant un singulier plaisir à entendre toucher le clavessin et à le toucher elle-mesme, elle a choisy le sieur Estienne Richard, pour lui montrer la méthode et l’a cejourd’huy retenu pour servir en qualité de maistre d’espinette ; veut et entend qu’il jouisse de celle charge[47]. »

Et un nouveau maître de luth :

« Pour les gages et entretenement du sieur Pinel, joueur de luth pour enseigner à S. M., 2 000 l.[48] »

Au début de son règne, il y avait trois organisations musicales bien distinctes à la Cour :

1o La Musique de la Chapelle, dont le directeur, qui était toujours un des grands dignitaires de l’Église, portait le titre de « Maistre de la Chapelle de Musique ». Il prêtait serment au roi, et recevait le serment de fidélité de huit chapelains et de cinq clercs[49].

L’exécution musicale était confiée à des « Maistres de Musique », qui ne furent d’abord que deux, servant par semestre[50], et ensuite quatre, servant par quartier[51]. Quoique remplissant les fonctions effectives de maîtres de musique, ils ne portaient que le titre de sous-maîtres[52]. En plus des émoluments afférents à leur charge, ils bénéficiaient encore de certains avantages pécuniaires lorsqu’ils étaient de service[53].

Au début, il n’y avait qu’un seul organiste ordinaire[54] ; plus tard, il y en eut quatre[55].

On comptait six Pages de Musique, à la Chapelle ; l’un des sous-maîtres recevait une subvention pour les élever, conduire, nourrir et entretenir[56].

Les musiciens (c’est ainsi que l’on désignait les chanteurs) formaient un choral imposant[57], que soutenaient les symphonistes. Parmi ceux-ci, tous payés « à la fin de chaque quartier sur la Cassette du Roy, par les mains des premiers Valets de Chambre », il y avait des dessus de violon, des parties d’accompagnement : « Haute Contre, Taille et Quinte », ainsi que des basses de violon et même une grosse basse ou contrebasse de violon[58].

La Musique de la Chapelle avait un service bien défini : elle interprétait toute la musique sacrée et venait chanter chaque dimanche pendant le dîner du roi, quand il mangeait en public.

La Musique de la Chambre :

« Qui s’y trouve lorsque le Roy le commande, comme les soirs à son coucher, et au dîner du Roy les jours de bonnes Fêtes, pour chanter les Grâces. Elle chante seule aux reposoirs à la Fête de Dieu. »

« Elle se joint dans les Grandes Cérémonies à la Musique de la Chapelle, comme au Sacre et au Mariage du Roy, à la Cérémonie des Chevaliers, aux Pompes funèbres, aux Ténèbres, et elle tient toujours le côté de l’Epître[59]. »

L’emplacement que devait occuper la Musique de la Chambre, n’était pas aussi bien déterminé, lorsqu’elle se faisait entendre pendant le dîner du roi :

« Laquelle Musique se placera en tel endroit qui se trouvera le plus à propos pour estre le mieux entendue de S. M.[60]. »

« On remarque une chose soit pour montrer la Grandeur de nos Rois et des Fils de France pardessus les autres Princes souverains ou autrement, que quand la Musique de la Chambre va chanter par ordre du Roy devant les Princes du Sang
chevalet de violon de nicolo amati
(excepté les Fils de France) et devant les Princes Étrangers, quoique souverains si ces Princes se couvrent la Musique de la Chambre se couvre aussi. Cela se fit de la sorte devant M. le Duc de Lorraine à Nantes en l’année 1620 et en l’année 1642 à Perpignan. Le Prince de Mourgues étant averty de ce Privilège ayma mieux entendre la Musique découvert. La même chose s’est observée depuis devant les Princes de Modène et de Mantoûe au Palais Mazarin en présence de deffunt M. le Cardinal[61]. »

À la tête de la Musique de la Chambre étaient placés : « Deux Sur-Intendans de la Musique servans par semestre[62]. »

Ils étaient secondés par deux maîtres qui dirigeaient en leur absence et servaient également par semestre[63].

Un compositeur de musique travaillait spécialement pour la Chambre et pouvait y diriger ses œuvres[64].

Les pages chantaient les dessus :

« De plus, il y a plusieurs chantres, 600 livres, et quelques joueurs d’instrumens[65]. »

« Il y a aussi la grande Bande des vingt-quatre violons, toujours ainsi appeléz quoi qu’ils soient à présent ving-cinq, 360 livres de gages chacun. »

« Ils servent quand le roy leur commande comme quand on danse un ballet, etc.[66]. »

« Un huissier ordinaire des ballets et un garde des instruments de la Musique de la Chambre et des ballets, au lieu des deux nains qu’on avoit accoûtumé d’employer sur l’État, chacun 300 livres[67]. »

Nous ne savons si, au début du règne de Louis XIV, la Musique de la Chambre comprenait des trompettes, des tambours et des fifres, ou hautbois ? En tous cas il y en avait en 1702[68].

Les attributions de la Musique de la Chambre étaient de faire danser à tous les bals parés et masqués qui se donnaient à la Cour ; de jouer et de paraître dans les ballets ou autres spectacles ; et surtout, de faire entendre des airs, des menuets, des gavottes, des rigodons, etc., dans la grande antichambre pendant le dîner du roi ; principalement quand il revenait de l’armée ou de voyage, soit de Fontainebleau ou de Compiègne. Elle jouait aussi le premier de l’an, le premier mai et le jour de la fête de Sa Majesté.

3" La Bande de la Grande Écurie, ainsi nommée parce que ses membres faisaient partie des officiers de l’Écurie, était une sorte de musique militaire. Elle se composait de vingt-quatre exécutants (sans compter les trompettes dont il a été question au renvoi 3 de la page 45), qui parfois jouaient alternativement de deux instruments chacun, savoir : violons (dessus et basses), hautbois, cornets, saquebutes, musettes du Poitou, cromornes, trompettes marines, fifres et tambours. Cette Bande d’instrumentistes était généralement requise pour les fêtes et cérémonies militaires, pour les entrées triomphales des princes, ou bien pour les divertissements et les spectacles de la Cour qui avaient lieu en plein air, dans les bois ou dans les jardins[69].

C’est en 1655 que Louis XIV créa la Bande dite « des Petits violons ». Placée sous la direction de Lully qui formait lui-même la plupart des instrumentistes et ne leur faisait exécuter que ses compositions, cette bande, qui, à ses débuts, ne comptait que seize exécutants, en eut bientôt vingt et un ; nombre qui ne fut plus modifié dans la suite.

Elle jouait aussi aux bals de la Cour, au lever, au grand couvert et dans maintes occasions, avec la Bande des violons de la Grande Écurie[70].

Les « Petits violons » furent appelés plus tard « Violons du Cabinet ». Ils suivaient le roi dans tous ses voyages[71].

concert
Le Dominiquin (1581-1641). Musée du Louvre.

Rattachés à la Musique de la Chambre et figurant sur les états de celle-ci, les « Petits violons », simples gagistes, n’avaient pas le grade d’officiers commensaux et par suite ne bénéficiaient pas des mêmes avantages que les membres des trois autres organisations musicales. Aussi, était-ce une faveur pour l’un d’eux que d’entrer dans la grande Bande des vingt-quatre violons :

« Aujourd’huy 4 novembre 1672, le roy estant à Saint-Germain-en-Laye, voulant traiter favorablement le nommé Prosper Charlot, l’un de ses Petits violons, luy a accordé et fait don de la place qu’occupoit dans la Musique de sa Chambre Pierre Housseuille, que Sa Majesté a destitué[72]. »

La reine-mère, la reine et Monsieur, frère du roi, avaient aussi leurs Musiques particulières.

Celle de la reine-mère se composait, en 1665, d’un « maître de la Musique », de dix « chantres ordinaires » et de deux « pages de la Musique[73]. »

Pour la même année 1665, la Musique de la reine comprenait autant d’exécutants que celle de la reine-mère, avec cette différence toutefois, qu’au lieu d’un seul maître de musique, il y en avait deux servant par semestre[74]. Mais en 1683, un certain nombre d’instrumentistes : dessus de violon, taille, haute-contre, quinte de violon, basses de viole et clavecin, avaient été adjoints aux chanteurs. Les deux maîtres de musique[75], les chanteurs « ordinaires », l’un des joueurs de basse de viole[76] et le claveciniste[77] étaient officiers de musique, c’est-à-dire propriétaires de leurs charges : tandis que les autres : trois chanteurs et six symphonistes, considérés comme supplémentaires, n’avaient pas les mêmes avantages[78].

En 1665, la « Musique de la Chambre » de Monsieur frère du roi, se composait : d’un maître de musique, « 1 000 livres, le sieur de Sablières, Jean Grenoüillet » ; de douze musiciens ordinaires à 600 livres chacun, parmi lesquels trois instrumentistes : Étienne Richard, dessus de viole. Pierre Martin, basse de viole, et Jean Henry d’Anglebert « pour le clavessin[79]. »

Le roi autorisait assez souvent les vingt-quatre violons à aller se faire entendre chez les grands seigneurs :

« L’abbé de Bouillon donna à souper au prince de Conti, au prince de Marcillac, etc. ; ils eurent les vingt-quatre violons du Roy[80]. »

En 1649, on les voit aussi figurer dans une partie de plaisir, organisée par plusieurs courtisans près de Conflans :

Ils avoient durant leur débauche,
Dans des bateaux larges et longs,
Les vingt et quatre violons
Qui mille beaux airs fredonnèrent,
Pour vingt justes qu’ils leur donnèrent[81]. »

En 1660, ils se firent entendre pendant le magnifique dîner que le cardinal de Mazarin offrit à toute la Cour :

Enfin cette feste fut belle,
La joye en fut universelle ;
Les tons et fredons plus qu’humains
De quinze ou vingt chantres romains
Y firent une mélodie
Généralement applaudie ;
Et les vingt-quatre violons,
Durant qu’on mangeoit des melons,
Des patéz, des tourtes, des bisques,
Des plats de fruits en obélisques,
Tous les assistants délectèrent
Par mille beaux airs qu’ils jouèrent[82]. »

Les Petits violons furent supprimés au début du règne de Louis XV, et la grande Bande des vingt-quatre, en 1761.

VI

Au milieu du xviie siècle, divers grands personnages avaient aussi des Bandes de violon[83]. Il est question dans les Mémoires de Mme  de Motteville[84], de la petite Bande de M. le prince de Condé. La grande Mademoiselle (Mlle  de Montpensier) avait également une Bande de violons dans laquelle Jean-Baptiste Lully fit ses débuts.

Né à Florence, en 1633, Lully[85] fut amené en France, à l’âge de douze ans environ, par le chevalier de Guise, qui le plaça chez Mlle  de Montpensier, où il fut relégué aux cuisines, comme aide-marmiton.

Un vieux cordelier lui avait appris à lire, à écrire et à jouer de la guitare. Très passionné de musique, aussitôt installé dans son nouvel emploi, il se procura un violon, et négligea souvent d’éplucher les carottes et de laver la vaisselle pour l’étudier.


chevalet de violon
d’a. stradivari
Ses progrès furent très rapides, et un jour, le comte de Nogent, qui passait devant les cuisines, l’ayant entendu, le signala à Mademoiselle. Celle-ci, émerveillée de son talent, le fit, comme on disait alors, monter à la Chambre, c’est-à-dire l’admit auprès de sa personne, en qualité de musicien, et pourvut aux frais de son éducation. Il travailla assidûment et devint bientôt supérieur sur le violon.

Un de ses premiers essais, comme compositeur, fut l’air d’une chanson assez méchante sur Mademoiselle, où l’on disait, paraît-il, que cette princesse avait l’habitude, lorsqu’elle se croyait seule dans ses appartements, de faire, ce que P. Larousse appelle dans son Dictionnaire. « un bruit subit et éclatant », mais si éclatant, qu’on l’entendait très distinctement de l’antichambre, et cela pour la plus grande joie des gens de service, et aussi pour celle de Lully, qui en faisait, dit-on, des imitations fort réussies sur son violon.

Cette chanson obtint un grand succès, on la fredonnait dans tout le palais. Or, la Grande Mademoiselle n’entendait pas qu’on la plaisantât de la sorte, et sitôt qu’elle en eut connaissance, son premier soin fut de chasser impitoyablement Lully[86].

Celui-ci, alors âgé de dix-neuf ans, passa au service du roi ; d’abord dans la Bande des vingt-quatre violons, puis comme directeur de la petite Bande que Louis XIV créa spécialement pour lui, et qui devint bientôt supérieure à la grande Bande des vingt-quatre. Ces derniers, jusque-là réputés fort habiles et obligés par leur brevet d’être les meilleurs violons de France, furent rapidement surpassés par la nouvelle troupe, pour laquelle Lully composa une foule d’airs de danse, de sarabandes, de gigues, qui plurent beaucoup au roi, et par conséquent à toute la Cour.

Nommé surintendant de la Musique du roi, en 1661, il composa celle des ballets représentés à Versailles et de tous les divertissements des comédies de Molière. Il joua même avec beaucoup de succès plusieurs rôles comiques de celles-ci, notamment : celui d’un médecin grotesque dans Pourceaugnac, comédie-ballet, représentée pour la première fois le 6 octobre 1669, à Chambord ; et le Muphti du Bourgeois gentilhomme, dont la première représentation fut également donnée à Chambord le 13 octobre 1670. Il excellait dans ce dernier rôle, et c’est après l’avoir rejoué à Saint-Germain en 1683, que Louis XIV, pour lui témoigner sa satisfaction, le nomma l’un de ses secrétaires, fonctions remplies jusqu’alors par les plus hauts personnages du royaume. L’affaire n’alla pas toute seule, mais le monarque imposa sa volonté, et Louvois dut céder ainsi que les secrétaires qui ne voulaient pas l’avoir comme collègue. Pour sa réception, Lully offrit un repas somptueux à toute la compagnie, et le soir une grande représentation à l’Opéra :

« On y voyoit la Chancellerie en corps, deux ou trois rangs de gens graves, en manteau noir et en grand chapeau de castor, qui escoutoient d’un sérieux admirable les menuets et les gavottes de leur confrère le musicien[87]. »

j.-b. lully (1633-1689)

C’est en 1669 que l’abbé Perrin obtint du roi des lettres patentes pour l’établissement « d’une Académie royale de musique » où l’on chanterait en public des pièces de théâtre. Il s’adjoignit Cambert pour la musique, le marquis de Sourdéac pour les machines et le sieur de Champeron, financier, comme commanditaire.

Il fallut deux années pour recruter, exercer et discipliner les chanteurs, les symphonistes et les danseurs. Les répétitions se firent dans la grande salle de l’hôtel de Nevers, situé sur l’emplacement actuel de l’hôtel des Monnaies, et au mois de mars 1671, on inaugura solennellement le théâtre de l’Académie royale de musique, élevé dans un jeu de paume de la rue Mazarine, en face de la rue Guénégaud, par la première représentation de « Pomone, opéra ou représentation en musique », paroles de l’abbé Perrin, musique de Cambert, ballets de Bauchamp.

Le succès fut très grand, mais les recettes ne purent couvrir les frais préliminaires et journaliers : l’affaire périclita, les associés se séparèrent et le marquis de Sourdéac resta seul propriétaire du théâtre. Il commanda alors une pastorale au poète Gilbert et chargea Lully de la mettre en musique. Celui-ci, une fois entré dans la place, usa de son influence auprès du roi et obtint pour lui seul la direction de l’Opéra.

En raison des charges très lourdes de l’entreprise, le privilège accordé à Lully, en 1671, interdisait à tout autre théâtre de lui faire concurrence. Aussi, le 14 avril 1672, une ordonnance royale défendit aux différentes troupes de comédiens d’avoir plus de six voix et de douze violons. Louis XIV leur laissait cette latitude, parce qu’il ne voulait pas interdire à Molière de jouer ses pièces telles qu’il les avait écrites ; mais il n’en résulta pas moins une brouille entre celui-ci et Lully, et l’auteur de Georges Dandin, voyant les ressources musicales de son théâtre limitées, se rattrapa sur les danses, qu’on ne lui avait pas encore interdites. Il écrivit alors le Malade imaginaire, pièce à intermèdes et accompagnée, comme le Bourgeois, d’une Cérémonie burlesque, qui fut jouée pour la première fois le 10 février 1673.

Notre grand poète mourut quelques jours après, et Lully en profita pour obtenir, le 30 avril suivant, une nouvelle ordonnance qui ne permettait plus aux comédiens que d’avoir seulement deux voix et six violons[88], ce qui causa de nombreuses difficultés entre la Comédie et l’Opéra.

Lully alimenta son théâtre presque à lui seul. Les nombreux ouvrages qu’il y fit représenter sont restés au répertoire pendant près d’un siècle et n’ont commencé à quitter l’affiche qu’après l’arrivée de Rameau.

Parlant de lui et de ses opéras, Titon du Tillel dit :

« Les personnes de distinction et le peuple chantoient la plupart des airs de ses opéras… On dit que Lully étoit charmé de les entendre chanter sur le Pont-Neuf et aux coins des rues avec des couplets de paroles différentes de celles de l’opéra ; et comme il étoit d’une humeur très plaisante, il faisoit arrêter quelquefois son carosse et appeloit le chanteur et le joueur de violon pour lui donner le mouvement juste de l’air qu’ils exéculoient[89]. »

Pendant une grave maladie que Lully fit en 1686, le prince de Conti le visitait souvent, il venait de terminer son opéra Armide, dont la première représentation était attendue avec une vive curiosité : « Tu es donc bien malade mon pauvre Baptiste, lui dit le prince, puisque ton confesseur t’a fait brûler ton opéra d’Armide ? — Hélas ! oui Monseigneur !

— Et tu as pu te décider à jeter au feu un si grand ouvrage ?

— Paix, paix. Monseigneur, parlez plus bas, j’en ai gardé une copie ».

Courtisan habile autant que compositeur de grand mérite, Lully était aussi violent que bon :

« Pour l’orchestre, dit Dom Caffiaux, il avoit l’oreille si fine, que du fond du théâtre il déméloit un faux ton, accouroit, et disoit au violon : C’est toy, il n’y a pas cela dans la partie ! Plus d’une fois, il a rompu le violon sur le dos de celuy qui n’exécutoit pas à son gré ; mais la répétition finie, Lully l’appeloit, lui payoit son violon au triple, et le menoit dîner avec lui[90]. »

En battant la mesure avec sa canne, pendant l’exécution d’un Te Deum qu’il avait composé pour célébrer la convalescence de Louis XIV, Lully se frappa au pied, et mourut, âgé de cinquante-quatre ans, des suites de la blessure qu’il s’était faite. Sa fortune était considérable, il laissa de nombreux immeubles, plus, six cent cinquante mille livres d’or dans ses coffres. Il fut inhumé dans l’église des Petits-Pères, près la place des Victoires, où sa famille lui fit élever un superbe tombeau.

VII

Du temps de Lully, les joueurs de violon n’étaient que des ménétriers plus ou moins habiles, bons seulement pour faire danser : et le plus faible de nos violonistes déchiffrerait sans hésiter la partie des Songes funestes d’Athys, que Lully donnait à exécuter, comme épreuve, à ceux qui se présentaient à lui, pour faire partie de son orchestre. Ainsi s’explique le peu de considération accordé au violon à ses débuts.

On pourrait croire qu’il fut maltraité alors parce qu’il continua dans les fêtes le rôle du rebec, avec lequel on l’identifiait ; mais il n’en est rien ! Il est bon joueur de rebec, voulait dire un homme habile ; tandis que : C’est un plaisant violon, ou simplement un violon, était un terme de mépris : « Traiter un homme de violon, c’est comme si on le mettoit au rang des ménétriers qui vont de cabaret en cabaret jouer du violon et augmenter la joie des ivrognes », se lit aussi dans le Dictionnaire de Trévoux. Castil Blaze doit donc avoir raison, lorsqu’il dit :

« Le luth, la viole, le téorbe, le clavecin étaient les instruments favoris des amateurs peu nombreux qui cultivaient la musique. Un fashionable aurait rougi si on l’avait surpris un violon à la main ; c’était l’instrument du ménétrier, du maître à danser ; et si quelques amateurs jouaient du violon, c’était pour leur usage particulier ; ils n’osaient pas toujours avouer ce travers[91]. »

M. Arthur Pougin, a publié dans Le Ménestrel une étude intéressante où il fait connaître les noms de quelques joueurs de violon que l’on doit considérer comme étant les élèves de Lully[92]. Ce sont : Lalouette et Colasse, qui furent chefs d’orchestre, ou plutôt batteurs de mesure, sous ses ordres ; Joubert, puis, Jean-Baptiste Marchand, à la fois joueur de luth (luthérien, comme on disait alors), de la Chambre du roi, et dessus de violon à la Chapelle ; Rebel père, lequel habitait, en 1667, rue Froidmanteau, et qui est probablement le chef de la dynastie des Rebel ; et La Lande, ancien laquais, puis valet de chambre du maréchal de Grammont, qu’il ne faut pas confondre avec le compositeur Michel Richard de La Lande

VIII

Voici les noms de deux cent-dix violons, « dessus, haute-contre, taille, quinte, basse et grosse basse », qui, de Louis XIII à Louis XIV, firent partie des Musiques de la Chapelle, de la Chambre (grands et petits violons), de la Grande Écurie (grands hautbois et violons), de la reine et de Monsieur, frère du roi[93] :

Chevalier, Boileau, Jacques Cordier dit Bocan (dont il a déjà été question), Lazarin et Foucard étaient au service de Louis XIII, ainsi que François Riehomme, nommé roi des violons en 1620, et Louis Constantin, qui porta également la couronne ménétrière de 1624 à 1655.

C’est en 1652 que J.-B. Lully devint un des vingt-quatre violons. Michel Mazuel, nommé compositeur de la musique de cette Bande au mois de mai 1654, devait certainement être au nombre des exécutants, car il fut un des signataires de l’acte passé entre les Doctrinaires et la Corporation des Ménétriers en 1664[94].

Élevé à la dignité de roi des violons en 1655, Guillaume Dumanoir Ier, qui faisait alors partie des vingt-quatre, démissionna en faveur de Pierre Corneille ; mais Louis XIV, craignant que son départ ne portât préjudice à ce corps de musique, créa pour Dumanoir une charge de vingt-cinquième violon de la Chambre, et, de plus, lui confia la direction de la Bande, que l’on continua à appeler les vingt-quatre violons, quoique leur nombre eût été porté à vingt-cinq[95].

Ce doit être par erreur que l’État de la France de l’année 1702 mentionne « Jâque de la Quièze l’aîné » comme dessus de violon de la petite Bande depuis 1651, puisque celle-ci ne fut constituée que plus tard ;
chevalet d’alto
d’a. stradivari
mais il est très probable qu’il en fil partie dès le début, c’est-à-dire en 1655. Nommé au même emploi à la Chapelle, en 1660, il était pensionnaire de la Musique de la Chambre en 1702 et touchait à ce titre 1 200 livres « païéz sur les Menus ». Il figurait encore à cette époque dans les violons du Cabinet, et, six ans plus tard, en 1708, parmi ceux de la Chapelle[96].

Il y a aussi une erreur similaire dans le même ouvrage au sujet de Nicolas Roullé, porté comme joueur de « taille » dans les violons du Cabinet depuis 1652[97]. Il ne put, ainsi que Jacques de la Quièze, y entrer qu’à la création. Le 2 septembre 1682, Nicolas Roullé fut admis dans les vingt-quatre violons, à la place « d’Estienne Bonnard[98] ». On ne sait à quelle époque celui-ci avait été nommé. Dessus de violon de la petite Bande, en 1659, Pierre Huguenet l’aîné devint joueur de « taille » à la Chapelle en 1661. Il tenait le même emploi dans la Musique de la reine, en 1683. On le trouve encore dans les violons du Cabinet en 1702, et à la Chapelle en 1708[99].

Quatre petits violons furent nommés en 1660 : Claude Alais, basse de violon, toujours titulaire en 1702[100] ; Augustin le Peintre, dessus de violon, que l’on voit entrer à la Chapelle en 1679, figurer dans la Musique de la reine en 1683, encore violon du Cabinet en 1702, et de la Chapelle en 1708[101] ; Nicolas de la Quièze le cadet, dessus de violon, qui n’avait pas quitté son emploi en 1702[102], et Prosper Charlot, basse de violon, lequel devint symphoniste de la Chapelle l’année suivante (1661)[103] et obtint une place dans la grande Bande, le 4 novembre 1672, par suite de la destitution de Pierre Housseuille[104] (fait que nous avons déjà relaté). Augustin Charlot, son frère, reçut la survivance de cette charge ; mais sept jours plus tard, le 11 novembre 1672, ils démissionnèrent et Philippe Bazancourt leur succéda[105]. Prosper Charlot faisait toujours partie de la petite Bande en 1702, et de la Chapelle en 1708. De même que Jacques de la Quièze l’aîné, il figure, en 1702, comme pensionnaire de la Musique de la Chambre, à 1 200 livres[106]. Augustin Charlot ne nous est connu que par le brevet nommant Bazancourt.

Claude Desmatins, basse de violon, fut admis dans la grande Bande, le 15 juillet 1663[107]. La même année, Pierre Chabanceau de la Barre « joue du théorbe, ou de la grosse basse de violon » à la Chapelle, où on le voit encore en 1708[108].

En plus de Guillaume Dumanoir et de Michel Mazuel, déjà cités, la transaction passée. « le XVe jour d’avril 1664 » entre les Pères de la Doctrine chrétienne et la Corporation, nous fait connaître les noms de seize violons du roi dont les dates de nominations sont ignorées. Ce document débute ainsi :

« Par-devant les notaires gardenotes du Roy nostre sire, en son chastelet de Paris subsignez, furent présents :

« Guillaume Dumanoir, roy et maistre de tous les joueurs d’instrumens tant hauts que bas du Royaume, Jacques Brulard et Michel Rousselet, maistres en charge de la communauté, Michel Mazuel, Pierre Dupin, Antoine des Noyers, Jean Brouart, Jean-Mathurin Monthau, Pierre Delabel, Louis Levasseur, Jacques Chicanneau, Henry Letourneur, Nicolas de la Voizière, Nicolas Leroi, Nicolas le Mercier, Guillaume Granville, Michel Verdier et Jean Dubois, tous maistres et joueurs de violon ordinaires de la Chambre du Roy[109]… »

Pendant l’année 1665 : François Fossard, dessus de violon, et Robert Martineau, basse, entrèrent dans la petite Bande, où ils se trouvaient encore en 1702[110].

Sébastien Huguenet le cadet devint joueur de « haute-contre » dans les violons du Cabinet, en 1667, à la Chapelle, en 1673, et occupait le même emploi dans la Musique de la reine, en 1683. Il était toujours titulaire à la Chapelle, en 1708[111].

Jean-Baptiste Bassus fut nommé dessus de violon à la grande Bande, le 26 mars 1668 ; il n’avait pas quitté sa charge en 1702. C’est aussi en 1668, que Michel-Guillaume Dumanoir II succéda à son père dans la royauté ménétrière et comme vingt-cinquième violon. Cette dernière charge fut supprimée, en 1695, lors de sa démission de roi des violons.

Pendant l’année 1669 il y eut deux nouveaux titulaires dans la grande Bande : Urbain Reffier, basse de violon, et son fils à survivance, le 11 janvier ; et Pierre Joubert, dessus de violon, le 15 décembre[112].

Le 24 octobre 1672, « Jâque Qualité de la Chapelle » devint joueur de « quinte » dans la grande Bande"[113]. Son fils, qui se nommait aussi Jacques, avait la survivance de cette charge. En 1673, « Jâque le Roy » fut admis, comme « quinte », dans les violons du Cabinet[114]. François Chevalier y entra l’année suivante (1674), en qualité de « taille[115] ». Toujours en 1674, Guillaume Chaudron succéda à son père, qui s’appelait également Guillaume Chaudron, et le 15 janvier 1675, il eut lui-même pour successeur François Chaudron, son fils, troisième du nom[116].

Nommé à une date inconnue dans la grande Bande, Nicolas Varin démissionna, le 7 février 1676, en faveur de Charles Varin, son fils[117]. Jean-François Fanier remplaça aussi son père dans les vingt-quatre, le 14 février 1676[118]. Le 3 septembre suivant, Augustin-Jean Le Peintre obtint la survivance de la charge occupée par Nicolas Le Mercier[119], l’un des signataires de la transaction passée en 1663. C’est aussi en 1676, le 13 novembre, que François-Florant Chevalier devint dessus de violon à la Chambre[120].

La nomination de François Chovelle (ou Choël) dessus de violon se fit le 19 février 1677. Thomas du Chesne en avait la survivance[121].

Le 21 novembre 1678, « Vincenl Pézan ou Pesant) succéda, comme « taille » des vingt-quatre, à « Laurent Pesant », son fils, décédé[122].

l’un des vingt-quatre violons du roy


Nous ne savons à quelle date celui-ci avait été nommé, ni quand François Pesant, troisième du nom, prit la place de Vincent Pesant. François acheta une des quatre charges de juré-syndic, en 1691.

Jean-Noël Marchand l’aîné fut nommé dessus de violon à la petite Bande en 1679[123]. Il tenait le même emploi dans la Musique de la reine en 1683[124].

Deux violons de la Chambre dont on ignore les nominations : Dominique Clérambault et Nicolas de la Place, décédés, furent remplacés, en 1682, par Jacques Vielle, le 12 janvier[125], et Jean Le Roux, le 8 décembre[126].

Pierre Gilbert devint « basse » des vingt-quatre, le 8 février 1683. Jean-Baptiste la Fontaine obtint le même emploi dans les violons du Cabinet en 1684[127]. Ce dernier était basse de violon à la Chapelle depuis un an[128]. Fossart, qui figure aussi en 1683, comme « joueur de quinte de violon » dans la Musique de la reine, n’est mentionné dans aucune autre Bande[129].

Nicolas Varin, « taille » des vingt-quatre, eut Jean Aubert pour successeur le 30 mars 1686[130]. Celui-ci fut juré-syndic en 1691. « Jean-Baptiste Maulnoury » fut nommé basse de violon de la grande Bande le 19 août 1686[131]. La nomination de Jean-Noël Marchand, dessus de violon à la Chapelle, se fit aussi dans le courant de l’année 1686[132].

Il y eut quatre nouveaux titulaires dans la grande Bande en 1687 : Jacques-Nicolas Moyen comme « taille », le « 20 may[133] » ; « Jean Rotie de la Fosse », quinte de violon, avec son fils à survivance, le 23 juin ; Thomas du Chesne, dessus de violon[134] (il avait déjà la survivance de François Chovelle depuis 1677, et fut juré-syndic en 1691) : et Jean Senaillé, le 1er  septembre[135]. Les trois premiers remplaçaient : Nicolas Roullé, Jean-Augustin Le Peintre et Pierre Huguenet. On a vu que celui-ci était à la petite Bande, à la Chapelle, à la Musique de la reine ; nous ne savons quand il était entré dans les vingt-quatre.

Gilbert Bossard, joueur « de taille », succéda à Pierre Vielle, dans les vingt-quatre, le 10 juin 1688. « Il est aussi valet de chambre de Madame la Duchesse[136] ». Pierre-François Le Mercier, dessus de violon, entra aussi à la Chambre, le 22 novembre 1688[137]. Charles Huguenet fut nommé « haute-contre », dans les violons du Cabinet en 1689. Il entra à la Chapelle en 1702[138]. Une charge des vingt-quatre fut donnée à François Marillet de Bonnefons, en 1690. Nicolas Baudry obtint une place de dessus de violon, à la grande Bande, le 16 juillet 1691[139]. Il remplaçait Jean Fanier. (On ne sait à quelle date celui-ci avait été nommé.) Jacques Qualité démissionna la même année en faveur de son fils, qui s’appelait aussi Jacques Qualité. C’est encore en 1691 que Jean-Baptiste Marchand, le cadet, entra comme dessus de violon à la Chapelle et dans la petite Bande[140].

Le 18 novembre 1692, « Jâque Buret », basse de violon[141]. succède dans les vingt-quatre à Simon de Lespine. (On ne sait quand celui-ci avait été nommé.) Jean-Baptiste Reffier remplace Urbain Reffier, son père, le 12 février 1794.

On connaît les violons de Monsieur, frère du roi, pour l’année 1694, par ce document :

« Les neuf violons de Monsieur frère du Roy : quittance de 1 800 livres pour gages et nourriture pendant le second semestre de l’année 1694, signée des noms suivants : Jacques Duvivier, J.-B. Prieur, Jacques Nivelon, Edme Dumont, Pierre Marchand, J.-B. Anet, Guillaume Dufresne[142] ».

En janvier 1695 : Pierre le Peintre, dessus de violon, succède à Antoine Desnoyers (l’un des signataires de 1664) et Joseph Marchand, basse de violon, à François Chaudron, décédé. Joseph Marchand démissionna, le 31 octobre de la même année, en faveur de Pierre Marchand, son père. Celui-ci, que nous venons de voir parmi les violons de Monsieur, obtint aussi une place à la Chapelle en 1695[143]. « Le Route de la Fosse » remplaça « Le Routy », son père, quinte des vingt-quatre, démissionnaire, le 12 juin 1697[144]. La liste se termine, pour le xviie siècle, par la nomination dans la grande Bande, le 8 février 1699, de Baptiste Anet, dessus de violon, à la place de François Marillet de Bonnefons, décédé[145].

Charles du Chesne, nommé dans les vingt-quatre le 10 août 1700, à la place de son père Thomas du Chesne, ouvre le xviiie siècle[146]. Vient après, Louis Pénard, qui le 1er  mars 1702, entra dans la grande Bande en remplacement de Jean-Baptiste Reffier, démissionnaire[147].

Un nommé Charpentier (Pierre[148]), et Antoine Hardelay, figurent en 1702 parmi les violons du Cabinet, le premier en qualité de « taille », le deuxième comme « quinte de violon » ; mais la date de leurs entrées n’est pas connue[149].

On n’est pas renseigné non plus sur les nominations des « Douze Grands Hautbois et Violons de la Grande Écurie anciennement appelez Grands Hautbois, Cornets et Saqueboutes », qui faisaient partie de ce corps de musique en 1702, et que voici :
chevalet italien de violon
(xviiie siècle).
« Jean Rousselet, Loüis Haüteterre, Nicolas Haüteterre, Jâque Marillet de Bonnefons, François Buchot, André Danican Pbilidor (hautbois, flûte et basse de cromorne à la Chapelle en 1682 et dessus de hautbois dans les violons du Cabinet en 1690). et Anne Philidor son fils en survivance, Jâque Danican Philidor (gros basson, à la quarte à l’octave à la Chapelle depuis 1683 et basson des violons du Cabinet en 1690), et Pierre son fils en survivance, Jean Haüteterre, Gille-Alain-François Jérôme Cochinat, Jâque-Jean Haüteterre, Jean Hames, Desjardins[150]. »

Le 1er  janvier 1703, Charles Goupy remplaça Pierre-François Le Mercier, dans la grande Bande[151]. Guy Le Cler obtint la succession de Louis Pénard, le 22 avril 1704[152]. La même année, Pierre Le Peintre (déjà dessus de violon à la Chambre depuis 1695), et « Jâque Huguenet », devinrent dessus de violon à la Chapelle[153].

Dans la grande Bande, en 1706 : Joseph Francœur succède à Simon de Saint-Père, le 8 mars (on ne sait quand celui-ci avait été nommé) ; Jacques Roque à Nicolas Bernard, le 16 mai ; et Joseph Marchand à François Choël, décédé, le 20 août[154].

Une seule nomination à la Chambre, en 1707, celle de Jacques Jolly, du 13 juin, au lieu et place de Gilles Poissard[155]. Claude Desmatins, basse de violon des vingt-quatre, démissionna le 16 septembre 1709, en faveur de Noël Converset[156].

Il se fit deux nominations dans la Bande des vingt-quatre, en 1710. Charles-Henri Le Roux, qui, le 21 mai, succéda à Jean Aubert, décédé[157] et Louis Francœur en remplacement de Baptiste Anet, démissionnaire le 8 juin[158].

Augustin Le Peintre occupa la charge de Pierre Le Peintre, son fils, dans la grande Bande, le 7 décembre 1711[159]. Nicolas-Gabriel Moyen remplaça Jacques-Nicolas Moyen, quinte de violon des vingt-quatre, le 30 mars 1712[160].

En 1713, la charge de Charles du Chesne passa le 30 juillet, à Thomas du Chesne, son fils[161] ; et celle de Jean Senaillé à Jean-Baptiste Senaillé son fils[162], élève de Querversin et de Baptiste.

Pierre Joubert, décédé, eut François Duval pour successeur, le 22 janvier 1714[163] (Duval était déjà à la Chapelle) ; et Pierre Brunet fut nommé, le 20 mars de la même année, en remplacement de Jacques Qualité[164]. Pierre Gouin De Lalande obtint, le 9 avril 1715, la charge de François Pesant[165]. Augustin Le Peintre démissionna, le 16 janvier 1716, en faveur de Augustin-Jean Le Peintre son fils[166].

À Jean-Féry Rebel (dont on ignore la nomination) succéda François Rebel, son fils, le 22 août 1717[167]. Jean-Charles Baudy occupa la charge de Nicolas Baudy, son père, le 1er  avril 1719[168]. On ne sait rien de la nomination de Jean-Baptiste Balus, lequel fut remplacé, après décès, par Charles-Frédéric-Grégoire La Ferté, le 1er  juillet 1719[169]. Celui-ci démissionna bientôt et eut Claude Deshayes pour successeur, le 14 janvier 1720[170]. Le 17 juillet suivant fut signé le brevet nommant Jean Le Clerc[171].

Le 16 mai 1721, Jacques Roque démissionna en faveur de son fils, qui se nommait aussi Jacques Roque. En 1723, Gabriel Besson remplaça François Duval, le 26 janvier[172] ; et Pierre-Maurice Gilbert obtint la survivance de Pierre Gilbert, son père, le 6 mai[173]. Jacques Aubert succéda à Noël Converset, démissionnaire, le 14 décembre 1727[174].

Il y eut trois violons de nommés en 1729 : Giovanni Madonis, Pierre Piffet, le 7 août, à la place de François  Rebel, démissionnaire ; et Pierre Labbé, à celle de Pierre Brunet, également démissionnaire[175]. Le successeur de J.-B. Senaillé fut François Francœur, 22 octobre 1730[176]. Charles-Philippe Marchand remplaça Joseph Marchand son père, le 1er  mars 1731[177]. J.-M. Leclair, nommé aussi en 1731, resta fort peu de temps ; il figure à la Chapelle en 1736. Louis Aubert succéda à Joseph Francœur, le 24 avril 1732[178].

En 1733, nous voyons : Charles-Nicolas Le Clerc succéder, le 6 janvier, à Jacques Jolly démissionnaire[179] ; Jean-Baptiste-Joseph Massé à Charles Goupy, le 28 septembre ; et Jean-Fiacre-Laurent Belleville à Guy Le Clerc, le 19 janvier[180]. Antoine-Joseph Piffet devint titulaire, le 20 mars 1734, en remplacement de Thomas du Chesne ; et Jacques Maulnory, le 14 avril 1735. Ce dernier à la place de Jean-Baptiste Maulnory, probablement son père, qui était basse de violon depuis le 19 août 1686.

Un certain nombre des violons ordinaires de la Chambre figurent parmi les symphonistes de la Chapelle, en 1736. Ce sont : J.-M. Leclair, Gabriel Besson, Pierre Gouin de Lalande, Augustin Le Peintre, Joseph Marchand, Charles-François-Grégoire la Ferté et Jean-Fiacre-Laurent Belleville. Nous ignorons si Michel Mathieu, dessus de violon à la Chapelle, la même année, fit partie de la grande Bande. Mais Pierre Guignon, qui était à la Chapelle, à cette époque, entra un peu plus tard à la Chambre.

Mondonville devint violon ordinaire, vers 1737. Il était toujours à la Chapelle en 1749. Furent nommés, en 1738 : Louis-Gabriel Guillemain et René-Placide Caraffe ; celui-ci, le 4 mars, en remplacement de Placide Caraffe, son père, décédé, qui avait été admis à une date inconnue. En 1739, nous voyons : André Castagnerie succéder à Jean-Charles Baudy, le 15 avril[181] ; et Victor Bourdon à Augustin Le Peintre, le 4 novembre[182].

C’est en faveur de Louis Forcade que démissionna Jacques Maulnory, le 13 août 1740[183]. François-Florent Chevalier fif de même pour Charles Gillet, en 1745. Furent nommés, en 1746 : Charles-Alexandre Vallé, le 24 février, comme successeur de Nicolas Moyen ; Guillaume Bauduc, le 26 août ; Louis-Joseph Francœur, le 17 septembre, à la place de Louis Francœur, son père, décédé ;
chevalet français de violon
(xviiie siècle).
et Gabriel Caperan, le 29 décembre. Celui-ci devint directeur du Concert spirituel en 1750.

Clharles Gillet fut remplacé, après décès, en 1747, par François Gillet, son fils. François Rebel et Jean Le Clerc démissionnèrent les 7 février et 24 mai 1748. Ils eurent pour successeurs : Laurent Périer[184] et Julien-Amable Mathieu[185]. Pierre-Guillaume Dupont fut nommé, le 19 janvier 1749, en remplacement de Bertin Quentin[186]. La date de la nomination de celui-ci n’est pas connue.

On trouve de nouveaux titulaires à la Chambre, en 1746 : Louis-Gabriel Besson, en survivance pour la charge de Gabriel Besson, son père ; Nicolas Le Houx, qui était déjà symphoniste de la Chapelle en 1736 ; François Rebel, en survivance de Jean Rebel, son père : André Casteigner, en survivance de Jean-Charles Baudry ; Charles-Nicolas Le Clerc, en survivance de Jacques Jollv : et Étienne-Louis Aubert, en survivance de Jacques Aubert, son père. Bertin Quentin y figure encore, il est vrai qu’il ne fut remplacé, que le 19 janvier, par Pierre-Guillaume Dupont[187].

Comme symphonistes à la Chapelle, en 1749, nous remarquons aussi : Dauvergne, Luc et Cannavas le jeune[188].

La démission de Louis Forcade valut à Nicolas Vibert d’être nommé, le 28 décembre 1752. Celle de Charles-Joseph Marchand, survenue le 29 avril 1753, motiva l’entrée d’Antonio Toresani[189]. Pendant la même année 1755, le 29 octobre, Pierre-Louis Piffet devint aussi titulaire.

Deux brevets furent signés le 5 septembre 1754, ceux de Louis-François-Barthélemy Piffet, et d’Antoine Piffet, probablement les frères ou les parents du précédent. Un autre violoniste du même nom, Étienne Piffet, se fit entendre avec succès au Concert spirituel, le 23 avril 1753.

Le 14 janvier 1758, Jean-Baptiste Chrétien remplaça Charles Goupy démissionnaire[190]. On ignore la nomination de celui-ci. En 1750, nous voyons : Louis-François Patouart succéder le 19 avril à Pierre Labbé, démissionnaire[191] ; Pierre Roche à François Francœur, le 27 juin[192] ; et François Sallantin à Jean-Charles Baudry, démissionnaire, le 10 décembre.

Gabriel Caperan, démissionnaire le 30 mai 1759, eut Joseph Exudet pour successeur[193]. Les 1er  et 18 décembre 1760, Louis-Gilles Chrétien prit possession de la charge de Jean-Baptiste Chrétien, son père, décédé[194], et Pierre-Antoine-Amédée Rozetti de celle de Pierre Gouin De Lalande.

On sait que la grande Bande des vingt-quatre fut supprimée en 1761.

Les derniers nommés à la Chapelle furent : Louis-André Haranc, en 1761 (il devint le maître des Concerts de la reine en 1775) ; Anton Stamitz, vers 1775 ; Rodolphe Kreutzer, vers 1782 ; Marcou, en 1787 ; De Beauclair et Roussel, vers la même époque. Ils figuraient tous parmi les violons de Louis XVI, en 1702, lorsque la Musique du roi de France fut supprimée.

IX

Lully fut le véritable roi des violons de son siècle, quoiqu’il n’en ait jamais porté le titre. Il avait été obligé, comme les autres, de se faire recevoir de la Corporation des ménétriers,
chevalet français de violon
(xviiie siècle).
afin de pouvoir faire partie de la Bande des vingt-quatre violons ; mais on ne sait s’il sollicita l’office de roi des violons, que Louis XIV lui aurait probablement accordé.

Toujours régie d’après les statuts de 1407, la Communauté de Saint-Julien étendait sa juridiction sur toute la France, et malgré l’opposition bien naturelle des ménétriers de la province, de véritables succursales de la corporation de Paris furent établies dans les principales villes du royaume.

Des pouvoirs pour la ville de Tours sont conférés à Nicolas Estier, par un acte du 26 mars 1508 :

« Le maistre des ménestriers de France donne pouvoir au nommé Nicolas Estier d’exercer dans la ville de Tours en Touraine, pendant six années, les droits dont il jouit lui-mesme[195]. »

Ces licences, accordées contre espèces sonnantes, donnaient lieu à de nombreuses contestations, auxquelles Dumanoir[196] espéra mettre fin avec de nouveaux statuts qu’il obtint de Louis XIV. Nous les donnons in extenso parce qu’ils montrent quelle était la situation des joueurs de violon de ce temps-là.

Statuts et Ordonnances

Faites par le Roy, pour l’exercice de la charge du roy des violons, maistres à dancer et joueurs d’instrumens tant hauts que bas, et la maistrise des dits violons, maistres à dancer et joueurs d’instrumens par toutes les villes de France :

« I. — Les maistres, tant à Paris qu’ès autres villes de ce royaume, seront tenus d’obliger leurs apprentifs pour quatre années entières, sans qu’ils puissent dispenser dudit temps, l’anticiper, ny descharger leurs brevets de plus que d’une année : à peine contre lesdits maistres de cent cinquante livres d’amende, applicables, un tiers au Roy, un tiers à la confrairie de Saint-Julien, et autre tiers au roy des violons ; et contre lesdits apprentifs qui auront surpris ou capté induement lesdites décharges pour plus longtemps, de pouvoir jamais estre admis à la maistrise.

« II. — Lesdits maistres seront tenus, suivant l’ordre accoustumé, de présenter leurs apprentifs, lorsqu’ils les prendront, audit roy des violons, et faire enregistrer leurs brevets sur leur registre, comme dans celuy de la communauté, pour lequel enregistrement ledit apprentif payera audit roy trois livres, et aux maistres de confrairie trente sols.

« III. — Lesdits maistres ne pourront enseigner les jeux des instrumens et autres, qu’à ceux qui seront obligez et actuellement demeurant chez eux en qualité d’apprentifs : à peine de cinquante livres, applicables comme cy-dessus. Lorsque lesdits apprentifs, après leur temps d’apprentissage expiré, se présenteront pour estre admis à la maistrise, ils seront tenus de faire expérience devant ledit roy, lequel y pourra appeler vingt des maistres que bon lui semblera, pour les apprentifs, et dix pour les fils de maistres, et, s’il les trouve capables, leur délivrera la lettre de maistrise.

« IV. — Tout apprentif à la maistrise, apprentif ou fils de maistre, sera tenu de prendre les lettres dudit roy, et payera à la bource de ladite communauté, pour son droit de réception et entrée, s’il est fils de maistre, vint-cinq livres seulement, et s’il est apprentif, la somme de soixante livres.

« V. — Le mary d’une fille de maistre, aspirant à la maistrise, entrera comme fils de maistre, et sera receu et traité da la mesme façon.

« VI. — L’usage jusques-là observé à l’égard des violons de la Chambre de Sa Majesté, pour la réception en la maistrise, sera continué, et ils y seront receus en conséquence de leurs brevets de retenue, et en payant par chacun, pour son droit de réception, la somme de cinquante livres à la boëtte de ladite communauté. Aucune personne régnicole estrangère ne pourra tenir escole, monstrer en particulier la dance ny les jeux des instrumens hauts et bas, s’attrouper ny jour ny nuict pour donner sérénades, ou joüer desdits instrumens en aucunes nopees ou assemblées publiques ou particulières, ny partout ailleurs, ny géneralement faire aucune chose concernant l’exercice de ladite science, s’il n’est receu maistre ou agréé par ledit roy ou ses lieutenans, à peine de cent livres d’amende pour la première fois contre chacun des contrevenans, saisie et vente des instrumens, le tout applicable, un tiers à Sa Majesté, un tiers à la confrairie de Saint-Julien, et l’autre audit roy des violons ou ses lieutenans, et de punition corporelle pour la seconde. La sentence de M. le Prévost de Paris, du 2 mars 1644, et l’arrêt du Parlement du 11 juillet 1648 qui l’a confirmée, seront exécutez suivant leur forme et teneur ; et conformément à iceux, défenses sont faites tant aux maistres qu’à toutes autres personnes de jouer des instrumens dans les cabarets et lieux infasmes, et, en cas de contravention, les instrumens des contrevenans seront sur-le-champ cassez et rompus, sans figure de procès, par le premier commissaire ou sergent requis par ledit roy ou l’un des maistres de la confrairie, et les contrevenans emprisonnez pour le payement de ladite amende, laquelle ne pourra estre remise ou modérée sous quelque cause que ce soit, ny les contrevenans estre élargis qu’ils n’ayent actuellement payé.

« VII. — Les maistres des faux-bourgs et des justices subalternes ne pourront faire aucun exercice dans les villes, ny faire aucune jurande ny maistrise au préjudice dudit roy, sur peine de cent livres d’amende applicables comme cy-dessus.

« VIII. — Les violons privilégiez suivant la Cour ne pourront faire aucunes assemblées pour faire sérénades ny jouer des instrumens, ny faire aucune chose concernant ladite maistrise, en l’absence de Sa Majesté, en cette ville de Paris.

« IX. — Si aucun apprentif, durant le temps de son apprentissage, ou après celuy expiré, alloit joüer aux cabarets et lieux infasmes ou en autres lieux publics, comme salles à faire nopces, il ne pourra jamais aspirer à la maistrise ; au contraire, en sera perpétuellement exclu.

« X. — Les maistres ne pourront entreprendre les uns sur les autres, ny aller au-devant de ceux qui auront besoin d’eux, ny prendre autres que leurs compagnons pour joüer avec eux ; et quand ils seront loüéz à quelqu’un pour un ou plusieurs jours, celuy qui aura promis, ny ses compagnons qu’il aura choisis avec luy, ne pourront, pour quelque cause que ce soit, se dispenser du service qu’ils auront promis. entreprendre autres compagnies dans ledit temps, ou faire plusieurs marchez à la fois, à peine de trente livres d’amende pour chaque contravention, applicable comme cy-dessus.

« XI. — Aucun maistre ne pourra associer ny mener avec luy pour jouer en quelque lieu que ce soit aucun privilégié suivant la Cour, apprentif, ni autre qui ne soit pas maistre ; et en cas de contravention, celuy des maistres qui sera trouvé contrevenant payera la somme de dix livres, et celuy qui n’est pas maistre, moitié moins.

« XII. — Chacun desdits maistres sera tenu de payer trente sols par chacun an, pour les droits de la confrairie de Saint-Julien, et les deniers provenant desdits droits et des amendes appliquées, à ladite confrairie seront employez à l’entretien de ladite chapelle de Saint-Julien, et les droits de boëtte aux nécessitez de ladite communauté.

« XIII. — Les maistres de confrairies, qui seront éleus par chacun an, seront tenus de rendre compte du provenu de tous lesdits droits en présence dudit roy des violons et des maistres de la salle ; et le rendant compte vuidera ses mains du reliquat, si aucun y a, en celles de celuy qui entrera en sa place.

« XIV. — Les fils de maistres pour leur réception en la maistrise paveront audit roy, outre les droits de boëtte, la somme de vingt livres, et aux maistres de confrairie cent sols.

« XV. — Les apprentifs payeront audit roy, outre les droits de boëtte, soixante livres, et aux maistres de confrairie, dix livres.

« XVI. — Et dans les autres villes que Paris, payeront aux lieutenans du roy et maistres de confrairie, moitié moins.

« XVII. — L’usage immémorial pour la réception des maistres de confrairie, et maistres de la salle, sera continué, el ce faisant, nul ne pourra estre receu maistre de la confrairie, qu’il ne soit maistre de la salle, sans le consentement dudit roy et des autres maistres de confrairie et de salle, et autre jour que celuy de Saint-Thomas, et pour la réception en ladite maistrise de salle, chacun de ceux qui y sera receu payera à la boëtte, pour droit d’entrée, dix livres.

« XVIII. — Et parce que le roy des violons ne peut pas estre présent dans toutes les villes de ce royaume, il luv sera permis de nommer des lieutenans en chaque ville, pour faire observer les présens statuts et ordonnances, recevoir et agréer les maistres, auxquels lieutenans, toutes lettres de provision nécessaires seront expédiées sur la nomination et présentation dudit roy, et appartiendra en tous rencontres, la moitié des droits dus, au roy, en chaque réception d’apprentif ou de maistre.

« Registrées, ouy le Procureur général du Roy, pour jouir par l’impétrant de reflet y contenu, à la réserve du douzième article desdits statuts qui demeurera réduit à quinze sols suivant l’avis des anciens. À Paris, en Parlement, le vingt-deuxième aoust, mil six cens cinquante-neuf. »

Mais ces statuts, où les prérogatives du roi des violons sont si bien définies, ne mirent pas fin aux discordes, et Dumanoir eut bientôt à se défendre contre quelques maistres à danser.

Ceux-ci soutenaient que le roi des ménétriers n’avait pas le droit de conférer la maîtrise de danse et que son pouvoir se bornait aux simples violons.

Les maîtres danseurs séparatistes étaient au nombre de treize : J.-F. Desairs, J. Regnault, Claude Quéru, J.-F. Piquet, J. Grigny, Hilaire, Dolivet, J. et G. Reynal, Fleurand, Galand, Desairs et G. Regnault. Ils réclamaient du roi l’autorisation de fonder une académie spéciale de danse, autorisation qui leur fut accordée, par lettres patentes du 30 mars 1662, et malgré l’opposition de Dumanoir, un arrêt du Parlement, du 30 août de la même année, en autorisait l’enregistrement.

Après les maîtres à danser vint le tour de Lully, lequel, en 1672, s’opposa à ce que les instrumentistes de l’Opéra restassent tributaires de Dumanoir II, s’appuyant sur les lettres patentes qui l’avaient investi du monopole de l’Opéra, et accordées à un homme « qui eut assez de suffisance pour former des élèves tant pour bien chanter et actionner sur le théâtre, qu’à dresser des Bandes de violons, flustes et autres instrumens[197] ». Il obtint gain de cause par arrêt du Conseil, le 14 août 1673.

La création, en 1691, des quatre offices vénaux de jurés syndics, nous vaut une chanson satirique sur les maistres violons, et aussi un peu sur Louis XIV et Madame de Maintenon :

Messieurs les maistres violons
Jouez maintenant des chansons
À l’honneur de ce roy de France,
Car, puisqu’il a su de votre art,
Augmenter encor sa Finance,
Qu’il en ait part, qu’il en ait part (bis).

Comme messieurs les savetiers,
Et comme les maistres fripiers,
Votre corps s’érige en Maistrise,
Vous pourrés jouer hardiment
Toujours sottise sur sottise
Gaillardement, gaillardement (bis).

Vous ne devez plus craindre rien.
En ayant un Roy très chrétien
Pour protecteur de la canaille ;
Joués ainsi qu’il vous plaira
À Paris ou bien à Versaille
Les opéras, les opéras (bis).

Ma foy, si vous n’oubliés pas
De lui présenter vos ducats,
Un jour, il vous fera tous nobles,
Car la noblesse d’aujourd’hui
Auprès de luy sans rosenobles
N’a plus d’appuy, n’a plus d’appuy (bis).

La Noblesse et les Parlemens
Savent bien depuis quelque temps
Qu’aucun d’entre eux n’ose rien dire ;
Ce sont des ours emmuzelés,
Que Louis sait très bien conduire
Tous par le nez, tous par le nez (bis).

Mais joués surtout un beau ton
À l’honneur de la Maintenon,
Quand Louis n’en devrait point rire,
Car la sultane d’aujourd’hui
N’a pas sur le Turc tant d’empire
Qu’elle en a sur luy, qu’elle en a sur luy (bis)[198].

Les clavecinistes et les organistes compositeurs, refusèrent, en 1694, de payer des droits de maîtrise à la corporation, et le Parlement leur donna raison par un arrêt du 3 mai 1695.

Quelques années plus tard, en 1707, les jurés-syndics engagèrent de nouveau la lutte avec les mêmes clavecinistes et organistes compositeurs, et ils furent encore battus.

En 1728, nouveau procès contre les musiciens attachés à l’orchestre de l’Opéra, et que des lettres patentes du 27 juin de la même année, autorisèrent à jouer aux fêtes publiques et particulières, avec défense à la corporation de les troubler dans la jouissance de ce droit.

Et tous les arrêts rendus contre la communauté en faveur des instrumentistes de l’Opéra, furent confirmés par le Roi, en 1732.

Pour mettre fin à cet état précaire de la corporation, Louis XV nomma Jean-Pierre Guignon roi des violons.

On lit dans les considérants des lettres patentes de sa nomination, datée de Versailles, le 15 juin 1741 :

« La survivance du dit office avait été accordée à Michel Guillaume Dumanoir fils, lequel s’en seroit volontairement démis en faveur de la Communauté des maîtres à danser, par acte passé devant notaires à Paris, le 1er  décembre 1685. Mais celle réunion n’ayant pu être faite sans nos lettres d’autorisation,
j.-p. guignon
(1702-1774).
et étant d’ailleurs bien informés que, loin d’avoir été avantageuse aux maîtres d’instrumens et maîtres de danse, elle a donné lieu à un dérangement total dans les affaires de la Communauté, tant par l’inexécution de leurs statuts et règlemens, que par les dettes considérables que la mauvaise administration des jurés luy a fait contracter, nous nous sommes déterminés à faire revivre un office si nécessaire au rétablissement du bon ordre dans cette Communauté[199]. »

Violoniste de grand talent, rempli de bonne volonté, Guignon espéra relever la Communauté de l’état d’abaissement moral où elle était tombée. Pour cela, par une ordonnance déjà citée, les ménétriers de bas étage ne furent autorisés à ne jouer que du rebec ; puis, dans une assemblée générale des maîtres d’instruments et de danse de la ville de Paris et autres villes du royaume, tenue, le 25 juin 1747, dans la grande salle de Saint-Julien, il soumit de nouveaux règlements, qui furent acceptés et homologués, le mois de juillet suivant, par lettres patentes du roi.

À peine mis au jour, ces statuts soulevèrent un tollé général. Les compositeurs clavecinistes et organistes refusèrent à nouveau de reconnaître l’autorité du roi des violons, et celui-ci dut s’incliner devant l’arrêt que le Parlement rendit en leur faveur, le 30 mai 1750 ; mais les plus grandes difficultés vinrent des prétentions excessives des lieutenants qui exerçaient en province.

Un nommé Barbotin avait acheté de la communauté une lieutenance générale héréditaire, qui comprenait à peu près les deux tiers du territoire de la France, et cela, moyennant quarante livres tournois pour le Bordelais, soixante livres pour deux autres provinces, etc.,[200]. Entièrement maître de sa gestion, il avait cédé ses droits à des individus que rien n’indiquait pour remplir de telles fonctions : ainsi, c’était une sorte de charlatan, le sieur J.-O. Josson, qui avait le Maine et l’Anjou ; l’Orléanais et la Bauce étaient gérés par Ch. Champion, garçon perruquier ; Sauvajeau, cabaretier, administrait Blois ; le Maire, marchand d’orviétan, trônait à Bourges, etc.

Tous ces délégués ne se gênaient aucunement pour délivrer des lettres de maîtrise à tout venant, au prix de dix livres, et de contraindre des organistes prêtres, des chanoines violoncellistes, à se faire recevoir maîtres à danser pour qu’il leur fût permis d’accompagner le plain-chant dans les églises.

Un mémoire réclamant la suppression des lieutenants de province, ainsi que l’annulation des pouvoirs de Barbotin, fut rédigé par les mécontents et soumis au roi en son Conseil, le 13 février 1773.

Toutes les lieutenances furent abolies. Guignon démissionna, et Louis XV supprima la royauté ménétrière par l’édit suivant :

Édit du Roi portant suppression de l’office du Roi
et Maître des Ménestriers (Versailles, 1773).

« Louis, par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre, à tous présents et avenir, salut. Notre amé Jean-Pierre Guignon, nous ayant très humblement fait supplier d’agréer sa démission pure et simple de l’office de roi et maître des ménétriers et joueurs d’instrumens, tant hauts que bas, dans notre royaume, dont nous l’avons pourvu par nos lettres du quinze juin mil sept cent quarante-un, nous nous sommes fait rendre compte des pouvoirs et privilèges généralement attribués à cette charge, et bien informé que l’exercice desdits privilèges, que ledit sieur Guignon s’est abstenu de mettre en usage, paroit nuire à l’émulation si nécessaire au progrès de l’art de la musique, que notre intention est de protéger de plus en plus, nous avons jugé à propos, en déférant à la demande dudit sieur Guignon, de supprimer à toujours ladite charge. À ces causes et d’autres à ce nous mouvant, de l’avis de notre Conseil et de notre science, pleine puissance et autorité royale, nous avons, par notre présent édit perpétuel et irrévocable, éteint et supprimé, éteignons et supprimons la charge de roi et de maître des ménétriers et joueurs d’instrumens tant hauts que bas de notre royaume, vacante par la démission volontaire qu’en a faite le sieur Guignon. Si donnons en mandement à nos amés et féaux conseillers les gens tenant notre cour de Parlement à Paris, que notre présent édit ils aient à faire publier et à registrer, le contenu en icelui exécuter pleinement, paisiblement et perpétellement, cessant et faisant cesser tous troubles et empêchemens, et nonobstant toutes choses à ce contraires. Car tel est notre plaisir. Et, afin que ce soit ferme et stable à toujours, nous y avons fait mettre notre scel.

« Donné, à Versailles, au mois de mars, l’an de grâce mil sept cent soixante-treize, et de notre règne le cinquante-huitième.

Signé : « Louis ».

Et plus bas. « Par le roi : Phélypeaux, Vila de Maupeou », et scellé du grand sceau de cire verte, en lacs de soie rouge et verte :

« Registré, ouï, etc.

« À Paris, en Parlement, le trente un mars mil sept cent soixante-treize.

Signé : « Le Jay »
.

« Collationné par nous, Chevalier, conseiller secrétaire du roi, son protonotaire et greffier en chef civil de sa cour de Parlement. »

X

En Angleterre, pendant la seconde moitié du xvie siècle, la reine Elisabeth, qui se piquait d’être bonne musicienne et jouait fort bien du luth, avait l’habitude, paraît-il, de s’offrir, pendant son dîner, un concert de douze trompettes, deux timbales, accompagnées de fifres, de cornets et de tambours.

À la fin de son règne, les violes commencèrent à être très cultivées, et nous avons vu que Bocan suivit Henriette de France à Londres, lorsqu’elle épousa Charles Ier. Sous le nom de masques, on organisa alors, à la Cour et chez les nobles, des représentations théâtrales équivalentes à celles de nos ballets, et où le roi, la reine, les princes et les princesses du sang, ainsi que les premiers personnages du royaume, figuraient.

Le nombre des masques représentés sous Charles Ier fut presque aussi grand que celui des ballets à la Cour de France.

Les membres des quatre chambres de la Cour en donnèrent un des plus somptueux ; à White-Hall, en 1633, pendant la nuit de la Chandeleur, pour fêter le roi de son heureux retour d’Écosse, où il avait momentanément apaisé les mécontents.

James Shirley écrivit la pièce, dont la musique fut composée par Simon Yves et Lawes. De la Varre, Duval, Robert et Mari, musiciens de la chapelle de la reine,
chevalet italien de violon
(xviiie siècle).
et plusieurs artistes anglais et étrangers prirent part à l’exécution musicale, qui comprenait quarante luths, des violons, des violes, etc., et d’excellentes voix.

Lord Whiteloch, qui a laissé une description de ce masque, dit que sa représentation coûta 30 000 livres, environ 750 000 fr., et que les Français de la Musique de la reine, invités à la collation qui suivit, eurent l’agréable surprise de trouver chacun sous son couvert, pour premier plat, quarante pièces d’or, à l’effigie de leur souverain.

En 1653, le Dr  Benjamin Rogers composait déjà des airs à quatre parties pour le violon, et John Jenkins publia à Londres, en 1660, douze sonates pour deux violons et basse. Ce sont les premières sonates de violons écrites par un compositeur anglais.

Après la restauration, Charles II créa une Bande de vingt-quatre violons, comme celle de Louis XIV. Thomas Baltzar, né à Lubeck, un des meilleurs joueurs de violon de son temps, en était le chef. Antony Wood le rencontrant à Oxford, le 24 juillet 1658, lui dit : « Je vous ai vu faire courir vos doigts jusqu’à la plus haute extrémité de la touche et les faire revenir insensiblement jusqu’au sillet avec rapidité et en mesure, chose que personne n’avait vue en Angleterre auparavant[201]. »

Ces compliments de Wood à Baltzar nous montrent que celui-ci ne jouait pas seulement à la première position, mais qu’il démanchait.

Baltzar fut inhumé dans le cloître de l’église Saint-Pierre à Westminster.

Déjà, Carlo Farina de Mantoue, violoniste de l’Électeur de Saxe, avait fait paraître, à Dresde, en 1627, son Capriccio stravagante, qui montait jusqu’au de la troisième position, sur la chanterelle. Il est vrai que ce morceau contient des imitations de l’aboiement du chien, du chant du coq, de la flûte, du fifre, et que l’on doit y battre la corde avec le bois de l’archet. Cependant, tous ces effets plus ou moins artistiques n’empêchent qu’il y avait là un progrès réel dans le mécanisme de la main gauche, et cela, à une époque où les joueurs de violon de tous les pays n’osaient faire l’ut, par extension avec le petit doigt, sur la chanterelle.

G.-B. Fontana ne chercha pas des effets nouveaux dans l’œuvre de sonates qu’il écrivit vers 1630 ; toutefois, il mérite d’être signalé, car ce fut lui qui, le premier, composa la véritable sonate pour le violon.

On remarque une plus grande habileté d’exécution dans les compositions de Battista Vitali, violoniste du duc de Modène, né à Crémone, en 1644, lequel publia sa première œuvre à Bologne, en 1666.

En Allemagne, où nous venons de voir Carlo Farina faire imprimer son Capriccio stravagante, en 1627, les violonistes, bénéficiant de l’expérience des maîtres italiens, cherchaient à augmenter les ressources de l’instrument.

Après le départ de Baltzar en Angleterre, on en trouve encore de très remarquables, pour le temps, dans la Musique de l’Électeur de Saxe, une des plus réputées de l’Europe.

Cinq violonistes français, certainement habiles, en faisaient partie en 1679, ce sont : Aymé Bertlain, G. Crosmier, Pierre Janary, Antoine Mustan et Jean Lesueur, qui recevaient chacun 250 thalers par an de Jean Georges II[202].

Jean Paul de Weslhoff, originaire de Lubeck, s’y fit aussi remarquer de 1670 à 1688. Il fut successivement capitaine dans l’armée danoise, sous les ordres de Gustave-Adolphe, violoniste et professeur de langues à la Cour de Saxe, enseigne d’une compagnie colonelle qui fit campagne en Hongrie contre les Turcs, dans l’armée commandée par le général Schultz, et, de retour à Dresde après cette guerre, il y reprit sa place dans la Musique de l’Électeur.

En 1682, il fit un voyage en Italie et en France, et reçut un brillant accueil à la Cour de Florence et à celle de Louis XIV. Ce monarque, qui l’entendit en décembre 1682, ne se fatiguait pas de lui faire jouer une pièce de sa composition, à laquelle il donna le nom de la Guerre[203].

L’heureux Électeur de Saxe posséda encore Johann-Jacob Walther, né en 1650, à Witterda, près Erfurt, qui occupe une place des plus importantes dans l’histoire du violon, en Allemagne.

D’abord laquais d’un grand seigneur polonais, chez lequel il reçut les premiers principes du violon, il entra plus tard dans la Musique du souverain saxon, et devait s’y trouver avec Westhoff.

Ses œuvres dénotent une grande hardiesse d’exécution, et celle qui porte le titre Hortulus Chelicus, uni violino, duobus, tribus et quator, etc., in-4o, oblong, de 129 pages, gravées sur cuivre, à Mayence, en 1694, dont on publia une deuxième édition, toujours à Mayence, en 1708, contient ce passage Preludio XIII, page 57, troisième portée :

Il dut faire d’excellentes études de composition, car le Preludio XXIII de ce même ouvrage est entièrement accompagné par les quatre notes de basses :


harmonisées ainsi, et se répétant dans le même ordre jusqu’à la fin du morceau.

À l’époque où Walther publiait son Hortulus Chélicus, Corelli, résumant à lui seul tous les progrès accomplis successivement pendant le xviie siècle, fixait la position véritable de la main gauche, donnait de la légèreté et de la grâce au jeu de l’archet, et fondait ainsi, par son génie, la première école de violon proprement dite : de sorte que l’Italie, après avoir vu naître et amener le violon à son état de perfection, fut encore le berceau de la grande école de ce bel instrument.

Né à Fusignano, près d’Imola, sur le territoire de Bologne, en février 1653, Arcangelo Corelli, qui était de très bonne noblesse, reçut les premières leçons de contrepoint de Matteo Simonelli, chantre de la Chapelle papale à Rome. Battista Bassani, maître de Chapelle de la cathédrale de Bologne, un musicien illustre de l’Italie au xviie siècle, passe pour lui avoir enseigné le violon, mais cela n’est rien moins que certain, car, Bassani, né vers 1657[204], et par conséquent plus jeune que Corelli, aurait dû posséder un talent assez précoce pour devenir son maître. Du reste, les premières années de la carrière de Corelli sont peu connues. On assure cependant qu’il voyagea en Allemagne dans sa jeunesse et passa quelque temps au service de l’Électeur de Bavière.

CORELLI (Arcangelo)
(1653-1713).


Quoi qu’il en soit, Corelli se fixa à Rome, vers 1681, et sauf quelques courtes absences, y resta jusqu’à la fin de ses jours.

Le cardinal Ottoboni devint son protecteur et son ami, il lui confia la direction de sa Musique, laquelle donnait une séance tous les lundis, où Corelli se faisait toujours entendre.

Il a publié, de 1683 à 1712, six œuvres de sonates pour violon, qui sont toutes remarquables. L’une des plus belles, la cinquième, parue en 1700, se termine par des variations sur l’air très à la mode alors des Folies d’Espagne.

Corelli avait étudié non seulement les maîtres italiens et allemands, mais aussi Lully. Titon du Tillet nous l’apprend dans ces termes :

« J’ai ouï dire à un gentilhomme de feu M. le Cardinal d’Estrée et à Baptiste, un de nos plus grands violons, que ce cardinal étant à Rome et louant Corelli sur la belle composition de ses Sonates, il lui dit : Monseigneur, c’est que j’ai étudié Lully[205]. »

Il jouissait d’une grande réputation même en Angleterre. Roger Nortb raconte que : « les jeunes gens de la noblesse et de la bourgeoisie qui voyageaient en Italie tenaient à honneur de prendre des leçons de Corelli[206]. »

Il aimait passionnément la peinture et avait formé une très belle galerie de tableaux. Corelli mourut à Rome dans le palais de son protecteur le cardinal Oltoboni, le 18 janvier 1713, et fut inhumé au Panthéon, dans la première chapelle de gauche.

Ses élèves les plus célèbres sont :

Francesco Geminiani, né à Lucques vers 1680, qui avait étudié la composition sous Scarlatti, et commencé le violon avec Carlo Ambrosio Lunati, surnommé il gobbo. Il se fit entendre à Londres, en 1714, se fixa en Angleterre, et mourut à Dublin, en 1762.

Pietro Locatelli, né à Bergame, en 1693, est mort à Amsterdam, où il habitait depuis fort longtemps. Ce violoniste a laissé beaucoup de compositions pour son instrument, entre autres l’Arte di nuova modulazione et le Labyrinthe.

Baptiste Anet, dit Baptiste le fils, le plus célèbre de la dynastie des Anet, celui dont parle Titon du Tillet. Tout jeune et déjà habile sur le violon, il se rendit à Rome pour demander des leçons à Corelli, auprès duquel il passa plusieurs années.

La date de sa naissance n’est pas connue, mais on sait que son père, Jean-Baptiste Anet, épousa Mlle Jeanne Vincent, la fille d’un tapissier, le 21 août 1673 ; et que son grand-père, Claude Anet, joueur d’instruments, le premier du nom, assistait à ce mariage. Jean-Baptiste Anet, que l’on désigne toujours sous le nom de Baptiste le père, fut un des bons élèves de Lully ; il fit partie de la Musique de Monseigneur le duc d’Orléans, et passa, en 1699, dans les violons de la Chambre de Louis XIV.

À son retour en France, vers 1710, Baptiste le fils fut présenté à la Cour et joua une des plus belles sonates de Corelli devant le roi. Elle n’eut pas le don de plaire à Sa Majesté, qui fit appeler un des violons de sa Bande, auquel il demanda de lui jouer un air de Cadmus. Louis XIV, absolument ravi par ce morceau, s’écria : « Que voulez-vous, messieurs, voilà mon goût à moi, voilà mon goût ! » Désespéré d’un pareil accueil, le pauvre Baptiste quitta la France pendant plusieurs années. Il revint à Paris, vers 1720, et se fit entendre avec beaucoup de succès au Concert spirituel fondé en 1725. Il quitta de nouveau Paris, vers 1740, et se rendit en Pologne, où il mourut quelques années après. Baptiste a fait paraître trois œuvres de sonates, qui n’ont rien de bien remarquable.

XI

On pourrait croire que l’influence de Corelli se fit immédiatement sentir, et que l’art du violon se transforma du jour au lendemain ; mais il n’en fut rien et, si de rares privilégiés portèrent ses traditions à travers l’Europe, l’immense majorité des violonistes resta tout aussi routinière et ignorante qu’auparavant, et les aimables épithètes de : « maistres aliborons et de maistres ignorants, veu le peu de facilité des maistres à jouer leurs parties sans les avoir étudiées »,

, , coins et filets d’un violon de a. stradivari
(1677).


que Lully adressait aux violons du roi, auraient pu l’être encore pendant très longtemps après la mort de Corelli au plus grand nombre des exécutants. Nous en trouvons la preuve dans ce passage que l’abbé Sibire écrivait en 1806 :

« Le temps n’est pas encore très éloigné où, plus graves que prestes, et marchant terre à terre, des musiciens en perruque promenaient leurs doigts lourds au bas du manche des violons et n’avaient ni la pensée ni la puissance de s’émanciper au delà… Aussi le seul tour de force qu’ils se permettaient de loin en loin, et il était prodigieux, consistait à donner l’ut sur la chanterelle par la simple extension de l’auriculaire[207]. »

L’expression : gare l’ut ! était en effet passée à l’état de proverbe, et s’il était donné aux instrumentistes de Lully d’entendre les virtuoses de nos jours, ils seraient sans doute bien surpris et ne pourraient en croire leurs oreilles.

éclisses d’un violon d’a. stradivari
(1677).

Il y a cependant lieu d’être étonné, quand on songe que les beaux violons des Amati, des Stradivari et des Guarneri, pour ne citer que ceux-là, furent pour la plupart, lorsqu’ils sortaient de l’atelier de ces maîtres, utilisés par des ménétriers qui s’en servaient pour racler des contredanses, et que leurs propriétaires, ne pouvant en apprécier la haute valeur, les ont souvent mutilés, quand ils ne les ont pas fait estropier par des luthiers non moins ignares. N’a-t-on pas vu de très beaux violons anciens de l’école italienne, dont les tables du fond, qui s’étaient décollées, avaient été clouées sur les tasseaux !

Les productions des anciens luthiers italiens furent donc bien supérieures au niveau musical de leur temps. Ce ne sont pas les exécutants d’alors qui auraient pu les guider et leur demander des améliorations, puisqu’ils étaient tout à fait incapables d’apprécier et de faire valoir les merveilleuses qualités des instruments qu’ils avaient entre les mains. Malgré cela, les luthiers sont arrivés à les faire si parfaits que, depuis plus de deux siècles, tous leurs successeurs se sont inspirés d’eux et n’ont fait que les copier et les imiter.

On peut cependant, et cela sans manquer d’admiration pour les beaux instruments qu’il nous ont laissés, se demander s’il les ont construits d’après des principes d’acoustique bien déterminés ; s’ils en ont fixé les proportions d’après des données précises et calculées, afin d’avoir la force de résistance nécessaire pour pouvoir supporter le tirage des cordes accordées à un certain diapason, ou s’ils ont été amenés à la perfection par suite de nombreux essais et tâtonnements.

Stradivari, qui est le plus grand et le plus complet de tous, a mis plus de trente ans pour arriver à sa formule définitive. N’aurait-il pas obtenu ce résultat plus tôt s’il avait été guidé autrement que par son intuition et ses observations personnelles ?

Élève du célèbre Nicolo Amati (le petit-fils d’Andréa), Antonio Stradivari, né à Crémone en 1644, entra fort jeune dans l’atelier de ce maître. Il commença à signer ses produits vers 1666 et ne cessa jusqu’en 1700 de chercher à perfectionner ses violons et à en modifier le patron ; mais à partir de cette date, la formule définitive de son violon étant trouvée, il n’y apporta plus aucune modification et n’y fit aucun changement jusqu’à sa mort, survenue à Crémone, le 18 décembre 1737.

Pendant cette longue période de transition, qui va de 1666 à 1700, et qui dura par conséquent trente-quatre ans, Stradivari a fait environ six ou sept modèles de violons ayant de légères différences,
tête d’un violon d’a. stradivari
(1677).

coulisse de la tête d’un violon d’a. stradivari
(1677).
soit dans les voûtes, les contours, la longueur et la largeur. Cependant, comme il s’est tenu de préférence à deux modèles principaux avant d’avoir trouvé celui de son violon définitif, il est d’usage dans le commerce de la lutherie de classer son œuvre si parfaite en trois périodes ou trois époques.

Durant la première époque, dite amatisée, c’est-à-dire de 1666 à 1694, le grand Crémonais a suivi les traditions de son maître Nicolo Amati, tout en apportant un tour de main personnel dans son travail.

Nous connaissons un violon d’Antonio Stradivari, de 1666, dont le fond, les éclisses et la tête sont en érable à ondes étroites et serrées, qui rappelle beaucoup les grands Amati. Ce violon, un des premiers instruments qu’il ait signés, contient l’étiquette suivante, imprimée en petits caractères :

Antonius Stradivarius Cremonensis alumnus
Nicolai Amali Faciebat anno 1666.

Après la date, dans un cercle, se trouvent les initiales A. S. surmontées d’une croix, comme sur l’étiquette de 1713, que nous donnons plus loin.

Dans le violon daté de 1677, qui a passé dans la collection de M. Wilemotte d’Anvers, les voûtes, les bords, la volute, les ainsi que le vernis jaune ambré, sont aussi inspirés d’Amati. Les filets de ce violon sont figurés par une mosaïque d’ivoire ; les éclisses et la tête sont décorées de dessins pointillés représentant des arabesques[208].

Cette pièce si intéressante, dont nous donnons les les , les coins, les filets, les éclisses et la tête, mesure :

Longueur de la caisse 
350 millimètres.
Largeur dans le haut 
163
            au milieu 
109
            dans le bas 
205
Longueur des  
75
Hauteur des éclisses, en bas 
30
                                en haut 
28

Nous ne saurions mieux décrire la deuxième période, ou époque des longuets, que ne l’a fait M. Pillaut pour le n° 1008 du musée du Conservatoire de Paris, qui est un violon de Stradivari portant la date de 1699 :

« L’expression qualificative de longuet provient de ce que la caisse a un demi-centimètre de plus dans sa longueur et à peu près autant de moins dans la largeur de sa partie supérieure. Ces proportions contribuent à donner aux violons longuets, qui ont généralement 0m,362 de longueur, une apparence plus allongée que celle des violons de forme normale[209]. »

Vidal appelle les longuets des violons « à taille fine » ; mais que ces deux auteurs ont négligé de dire, c’est que l’influence d’Amati ne s’y fait plus sentir comme dans le violon de 1677 décrit plus haut, et que leur facture est bien plus personnelle.

Du reste, Stradivari n’attendit pas jusque-là pour commencer à se déamatiser. Le superbe violoncelle, daté de 1689, qui appartenait à J. Delsart, l’éminent professeur au conservatoire, et que nous reproduisons pages 98 et 99, en est la preuve.

Le patron de cet instrument est le même (toutes proportions gardées) que celui des violons de 1700 à 1737. Il en est ainsi pour la voûte des tables. L’onglet des filets se dirige au tiers du coin, vers le côté du . La transparence du vernis rouge doré (nuance que Stradivari ne changea plus) fait ressortir la beauté du bois. De plus, c’est, dit-on, la première fois qu’il teinta à l’encre de Chine les chanfreins ou angles extérieurs du cheviller et de la volute.

Seuls, les bords sont moins forts et les un peu plus fines, que dans les beaux violons de M. Sarasate, dont l’un est de 1713 et l’autre de 1724.

Voici les dimensions de ce violoncelle :

Longueur de la caisse 
760 millimètres
Largeur dans le haut 
352
            au milieu 
230
            dans le bas 
450
Longueur des  
130
                de la tête 
200
Hauteur des éclisses en bas 
120
                                en haut 
120

Stradivari avait donc trouvé le patron et les proportions de ses instruments de la grande époque dès 1689, et il y a bien des chances pour que ce violoncelle nous en offre le premier exemple ; mais il continua encore assez longtemps
violoncelle d’a. stradivari (1689)
Ayant appartenu à Jules Delsart.
ses nombreux essais et n’adopta définitivement ce format que lorsqu’il fut convaincu de l’excellence du résultat au point de vue de la sonorité. En cela, il ne se trompait pas ; les violons, altos et violoncelles qu’il a construits d’après ce modèle sont absolument parfaits, et on ne saurait mieux définir leurs nombreuses qualités qu’en leur appliquant les quelques mots que J.-J. Rousseau consacre au timbre du violon dans son Dictionnaire de Musique (Paris, 1768, p. 528) : « Le plus beau tymbre est celui qui réunit la douceur à l’éclat. Tel est le tymbre du violon. » On pourrait ajouter : de Stradivari.

Mais, et c’est là où nous voulons en venir, à l’époque où travaillait Stradivari, le diapason usité était environ un ton plus bas que le diapason normal :
violoncelle d’a. stradivari (1689)
Ayant appartenu à Jules Delsart.
« Le diapason normal, dit G. Chouquet, institué en France par un arrêté ministériel du 16 février 1859, donne le la de 870 vibrations simples à la température de 15°…

« Dans l’enquête provoquée par le gouvernement français, en 1858, on a constaté que le diapason de l’Opéra de Paris, qui donnait 808 vibrations par seconde ; en 1699, 846 en 1810, 871 en 1830, était arrivé à en donner 895 en 1858. Celui de la musique des guides, à Bruxelles, s’élevait même à 911 vibrations[210]. »

Donc, si les instruments de Stradivari avaient été construits mathématiquement, et calculés pour avoir une belle sonorité, étant accordés au diapason alors en usage, il est probable qu’ils auraient perdu beaucoup de leurs qualités, lorsque, par suite de l’élévation du diapason, le tirage des cordes a été sensiblement augmenté. Or, maintenant qu’ils sont accordés à un diapason bien plus élevé que celui en vue duquel ils ont été faits, leur sonorité est absolument parfaite.

On dira peut-être que les cordes employées par les contemporains de Stradivari étaient plus grosses que celles d’aujourd’hui et qu’alors le tirage était le même ? Nous ne le pensons pas, car les violonistes de l’époque n’avaient pas à lutter contre une armée d’instruments à vent, en bois et en cuivre, ni à exécuter des œuvres aussi importantes que les concertos de Beethoven, Mendelssohn, etc., accompagnés par un grand orchestre, ou à se défendre des puissants pianos à queues modernes. Leur ambition était plus modeste, et l’on doit plutôt croire qu’avec la préoccupation constante d’obtenir une grande sonorité, les artistes de nos jours montent, en général, les violons avec des cordes plus fortes qu’on ne le faisait au temps de Stradivari.

S’il pouvait y avoir quelques doutes à ce sujet, voici un passage de la Chélonomie ou le Parfait Luthier qui les ferait vite disparaître :

« Jadis la mode était de tenir les manches fort en avant ; les chevalets, les touches extrêmement bas ; les cordes fines et le ton modéré[211].

« Alors la barre, ce mal nécessaire dans l’instrument, devait être courte et mince, parce qu’il lui suffisait d’avoir assez de vigueur pour résister au poids de cinq à six livres, dont elle était chargée par les cordes. »

L’abbé Sibire nous apprend encore quel était le poids du tirage des quatre cordes (moyenne grosseur d’un violon, en 1806, époque où le diapason était presque aussi élevé qu’aujourd’hui :

« Il se trouve que la chanterelle pèse juste 19 livres, la seconde 17, la troisième 15 et la quatrième 13, ce qui forme en tout 64 livres. »

On voit que la charge imposée à la table d’un violon était bien moindre en 1700 qu’en 1806, et depuis cette dernière date elle n’a pas diminué. Or, comme l’auteur de la Chélonomie prévient, dans « l’Avertissement », qu’il n’en est que le rédacteur, et n’a fait que coordonner les notes et observations recueillies par Nicolas Lupot pendant un exercice de trente années, on peut donc être certain que les indications données sont exactes ; car Lupot, qui a été un des plus grands luthiers français de la fin du siècle dernier et du commencement de celui-ci, a pu facilement étudier les violons des maîtres italiens et a dû être appelé à en restaurer un très grand nombre, qui n’avaient jamais été réparés.

Par suite du tirage des cordes, les tables des anciens violons ayant légèrement cédé, ce qui est très excusable après un service de cent cinquante ou deux cents ans, on leur a mis une barre un peu plus forte ; mais les épaisseurs sont restées telles qu’elles étaient.

L’art du violon n’ayant fait que progresser, afin de permettre aux exécutants de parcourir plus aisément toute l’étendue de la touche, on a donné un peu plus de renversement au manche, qui, de douze lignes, a été porté à treize lignes[212]. Cette augmentation du renversement du manche a été faite aux violons anciens quand on a remplacé la poignée usée.

Il y a cependant des violons de Stradivari qui ont encore la barre et la poignée primitives. Tel est le cas du Messie[213] ; seulement, comme la touche de celui-ci était usée, on l’a remplacée par une plus épaisse, et l’on a augmenté par ce moyen le renversement du manche. Le violon de 1724, sur lequel M. Sarasate se fait entendre de préférence en public, a aussi sa poignée originale ; mais la touche y a été remplacée ; le renversement du manche se trouve nécessairement augmenté par ce procédé, ou par l’introduction d’une petite cale, entre la table et la poignée. Le rebarrage des tables et le changement des poignées étant des réparations et non des modifications, ces instruments sont donc tels qu’ils ont été construits. Comme ils sonnent merveilleusement au diapason actuel, qui est d’un ton plus élevé que celui en usage lorsqu’ils ont été fabriqués, on peut dire que les grands luthiers italiens n’étaient pas des mathématiciens, mais des artistes de génie, et que leur œuvre restera comme le modèle de la perfection.

Le violon de M. Sarasate, que nous reproduisons, porte la date de 1713 et mesure :

Longueur de la caisse 
355 millimètres
Largeur dans le haut 
165
            au milieu 
109
            dans le bas 
206
Longueur des  
75
                de la tête 
200
Hauteur des éclisses en bas 
31
                                en haut 
30

Félix Savart déclare que la masse d’air renfermée dans certains violons d’Antonio Stradivari et de Giuseppe Guarneri del Gesù produit toujours 512 vibrations à la seconde, soit le si naturel du diapason normal, et qu’en faisant vibrer les tables démontées de ces mêmes violons, il a constamment trouvé une différence de demi-ton entre la table de dessus et celle de fond, c’est-à-dire que la table supérieure donnait entre ut dièze et et celle de dessous entre et dièze[214].
violon d’a. stradivari (1713)
Appartenant à M. Sarasate

Ces deux luthiers célèbres faisaient-ils des expériences sur l’intonation des bois qu’ils employaient ? En tout cas, Savart fit construire des violons de forme trapézoïde sur des données purement scientifiques, qui n’ont pas obtenu la faveur des artistes ni celle du public.

Antonio Stradivari descendait d’une très ancienne famille de Crémone dont on rencontre le nom dans les annales de cette ville depuis 1213. Il se maria pour la première fois, à vingt-trois ans, le 4 juillet 1667, avec Francesca Ferraboschi, qui était de quatre ans plus âgée que lui, et veuve depuis trois ans de Giovanni-Giacomo Capra, dont elle avait une fille, nommée Susanna, née le 20 avril 1663, qu’Antonio Stradivari adopta et maria le 29 décembre 1688. Il eut de ce mariage six enfants :

Giulia, née le 23 décembre 1667, épousa G.-A. Farina, notaire, et mourut le 8 juillet 1742.

Francesco, né le 6 février 1670 ; mort six jours après sa naissance.

Francesco, né le 1er  février 1671, travailla avec son père et mourut le 11 mai 1743.

Catarina, née le 18 février 1674, morte, célibataire, le 3 août 1748.

Alessandro, né le 20 mai 1677, ecclésiastique, mort le 26 janvier 1732.

Omobono, né le 14 novembre 1679, qui, de même que Francesco, travailla avec son père et mourut le 8 juillet 1742.

Il perdit sa première femme le 25 mai 1698, et, le 24 août de l’année suivante, il épousa Antonia Zambelli, alors âgée de trente-cinq ans.

De cette union, il eut cinq enfants :

Francesca, née le 19 septembre 1700, morte célibataire le 12 février 1720.

Giovanni-Battista-Giuseppe, né le 6 novembre 1701, mort à l’âge de huit mois.

Giovanni-Battista-Martino, né le 11 novembre 1703, mort le 1er  novembre 1727.

Giuseppe, né le 27 octobre 1704, fut prêtre et mourut le 29 novembre 1781.

Paolo, né le 20 janvier 1708, négociant en drap, mort le 19 octobre 1776.

La généalogie que l’on vient de lire a été établie par les soins de M. Paolo Lombardini[215], lequel donne également l’acte de vente de la maison située Piazza san Domenico (actuellement Piazza Roma), que Stradivari acheta, en 1680, aux frères Picenardi moyennant la somme de 7 000 livres impériales (environ 20 000 fr.), ce qui fait supposer qu’il était dans une situation aisée. Du reste, ses instruments jouissaient déjà d’une très grande réputation et lui valaient de nombreuses commandes venant des plus hauts personnages de l’Europe.

Un des amis de Stradivari, Desiderio Arisi, moine de l’ordre de Saint-Jérôme, a laissé un manuscrit, fait en 1720[216], où l’on trouve de précieux renseignements sur le commerce du grand luthier.

, , coins et étiquette d’un violon d’a. stradivari
(1713).

Il commence par le petit préambule suivant :

« À Crémone, dit-il, demeure aussi mon intime ami Antonio Stradivari, excellent faiseur d’instruments de toutes sortes. Il ne sera point hors de propos de faire ici mention spéciale de son mérite. Il n’a point de rival comme fabricant d’instruments de la meilleure qualité ; il en a fait beaucoup d’une beauté incomparable, richement ornés de figurines, de fleurs, de fruits, d’arabesques et de gracieuses devises entrelacées, tout cela d’un dessin parfait, quelquefois peint en noir, d’autres fois émaillé d’ébène et d’ivoire, travaux qu’il exécute avec la plus grande habileté et qui rendent ses instruments dignes des grands personnages auxquels ils sont destinés. J’ai pensé qu’il convenait de mentionner quelques ouvrages de ce grand artiste en témoignage de la haute estime et de l’admiration universelle dont il jouit. »

Après ce début, Arisi mentionne les commandes et livraisons d’instruments que voici :

« Le 8 septembre de l’année 1682, le banquier Michèle Monti, de Venise, lui envoya la commande des violons, altos et violoncelles que ce gentilhomme offrit en présent au roi Jacques d’Angleterre[217]. »

« En l’année 1685, le 12 mars, le cardinal Orsini, archevêque de Benevento[218], commanda à Stradivari un violoncelle et deux violons dont il fit présent au duc de Natanola en Espagne. Le cardinal envoya à l’artiste, outre une rémunération généreuse, une lettre des plus flatteuses où il appréciait ses mérites, l’admettant en même temps au nombre des familiers de sa maison. »

« Le 12 septembre de la même année, Bartolomeo Grandi, dit Il Fassina, chef d’orchestre à la Cour de Son Altesse royale le duc de Savoie (Victor Amédée II, duc de Savoie et roi de Sardaigne), commanda à Stradivari un quatuor pour les concerts de la Cour. »

« Le 5 avril 1686, Son Altesse le duc de Modene, Francesco II d’Esté, alors âgé de vingt-six ans, commanda un violoncelle à Stradivari, qui fut admis, sur une invitation spéciale, à le présenter au duc lui-même. Celui-ci lui exprima le plaisir qu’il ressentait d’entrer en connaissance avec lui, loua hautement son travail et lui offrit, outre la somme convenue, un présent de trente pistoles (en or d’Espagne). »

« Le 22 août 1686, le marquis Michele Rodeschini lui commanda une « viola a gambe » dont il fit présent à Jacques II, roi d’Angleterre. »

« Le 19 janvier 1687, le marquis Nicolo Rota commanda un violoncelle pour le roi d’Espagne. »

« Le 7 août de la même année 1687, le noble don Agostino Daria, général en chef de la cavalerie espagnole en Lombardie, résidant alors à Crémone, obtint un violoncelle de Stradivari. »

« Le 19 septembre 1690, Stradivari reçut la lettre suivante du marquis Bartolomeo Ariberti, de Crémone :

» L’autre jour, j’ai fait présent à Son Altesse le duc de Toscane[219] des deux violons et du violoncelle que je vous avais commandés, et je puis vous assurer, à ma grande satisfaction, qu’il les a acceptés avec plus de plaisir que je ne saurais dire. Les musiciens de son orchestre, et il en a d’excellents, ont été unanimes dans l’appréciation de vos instruments, qu’ils déclarent parfaits ; ils disent surtout qu’ils n’ont jamais entendu de violoncelle possédant une qualité de son si agréable. C’est au soin extrême que vous avez apporté dans la manufacture de ces instruments que je suis principalement redevable de la flatteuse réception avec laquelle Son Altesse a accueilli mon présent. J’espère en même temps vous témoigner à vous-même, par le cadeau que j’en ai fait, ma haute appréciation personnelle et avoir réussi à faire connaître à un personnage si élevé votre grande habileté, ce qui, je n’en doute pas, vous procurera de nombreuses commandes de cette grande maison. Pour preuve de ce que j’avance, je vous prie de commencer immédiatement deux altos, l’un pour la partie de ténor et l’autre pour le contralto, dont nous avons besoin pour compléter notre quintette[220]. »

« Le 12 mai 1701, don Antonio Cavezudo, chef de l’orchestre particulier de Charles II d’Espagne, écrivit une lettre très flatteuse à Stradivari, en lui disant que, quoiqu’il ait reçu des instruments à archet de bien des luthiers pour différentes Cours, il n’en avait jamais rencontré qui eussent une qualité de son si pure et si belle que les siens. »

Arisi ajoute que don Antonio Cavezudo était aussi au service du duc d’Anjou.

« Le 10 novembre 1702, le marquis Giovanni-Battista Toralbo, général de cavalerie et gouverneur de Crémone, manda Stradivari auprès de sa personne et, après l’avoir complimenté sur ses talents, lui commanda deux violons et un violoncelle dont il fit ensuite présent au duc d’Albe. »

« Pendant l’année 1707, le marquis Desiderio Cleri écrivit de Barcelone à Stradivari, par l’ordre du roi Charles III d’Espagne, lui commandant pour l’orchestre de Sa Majesté six violons, deux altos et un violoncelle. »

« Le 10 juin 1715, Giovanni Battista Volumé[221], chef d’orchestre de la Musique du roi de Pologne, arriva à Crémone sur l’ordre spécial de son maître pour y attendre la livraison de douze violons qui avaient été commandés à Stradivari : il resta trois mois à Crémone, et quand les instruments furent terminés, il les emporta en Pologne. »

Stradivari reçut la lettre que voici, le 7 juillet 1716, de Lorenzo Giustiniani, patricien de la République de Venise :

« Venise, palais Giustiniani, Campiello dei Squellini.

« On répète de toutes parts qu’il n’existe point aujourd’hui dans le monde entier un seul fabricant d’instruments de musique qui soit aussi habile que vous. Désirant posséder personnellement un souvenir d’un homme si illustre et d’un artiste si fameux, je vous écris pour vous demander si vous pourriez me faire un violon à la fabrication duquel vous emploieriez tous vos talents, afin de faire le meilleur instrument et le plus beau qu’il vous soit possible. »

Arisi termine son manuscrit par ces mots :

« On peut voir par ce que j’ai écrit à quel degré d’excellence Stradivari a élevé son art. »

Fétis dépeint ainsi Stradivari et indique le prix qu’il vendait ses violons :

« Palledro, ancien premier violon de la Chapelle royale de Turin, mort il y a peu d’années dans un âge très avancé, rapportait que son maître avait connu Stradivari, et qu’il aimait à parler de lui. Il était, disait-il, de haute stature et maigre. Habituellement coiffé d’un bonnet de laine blanche en hiver, et de coton en été, il portait sur ses vêtements un tablier de peau blanche lorsqu’il travaillait, et comme il travaillait toujours, son costume ne variait guère. Il avait acquis plus que de l’aisance par le travail et l’économie ; car les habitants de Crémone avaient pour habitude de dire : Riche comme Stradivari. Le vieux La Houssaie, que j’ai connu dans ma jeunesse, et qui avait visité Crémone peu de temps après la mort de Stradivari, m’a dit que le prix qu’il avait fixé pour ses violons était quatre louis d’or[222]. »

Stradivari produisit un nombre considérable d’instruments de tous genres : violons, violes, altos, violoncelles, etc., répandus aujourd’hui dans le monde entier, et que les artistes et les amateurs se disputent à prix d’or.

Le musée instrumental du Conservatoire de musique, à Paris, en possède quatre, qui sont :

Un violon de 1699, un longuet beau et sonnant bien, qui a été légué par M. le marquis de Queux de Saint-Hilaire[223].

Un autre violon portant la date de 1708[224] et par conséquent de la belle époque, lequel est remarquable par l’élégance de ses formes et la beauté de son vernis rouge doré. Il appartenait au général Demidoff, qui en a fait don au musée.

Une grande pochette, un vrai bijou, faite en 1717[225], Tarisio[226] l’apporta en France et la céda à Silvestre, le luthier lyonnais, qui la vendit à L. Clapisson. Celui-ci composa, spécialement pour cet instrument, une gavotte qui fut jouée avec un énorme succès par Croizilles, dans Les trois Nicolas, opéra-comique en trois actes, que l’auteur de La Fanchonnette écrivit pour les débuts du ténor Montaubry.

Une guitare, sans date[227], dont la belle rosace qui en décore la table est entourée d’un filet en marqueterie semblable à celui du violon de 1677, que nous avons reproduit dans ce volume, page 92.

Ainsi qu’on l’a vu plus haut, Stradivari mourut le 18 décembre 1737, à l’âge de quatre-vingt-treize ans. Il fut inhumé dans l’église San Domenico, dans la chapelle du Rosaire, la troisième à droite, presque en face de sa demeure. Cette église, qui tombait en ruine, fut démolie en 1870. Aujourd’hui, la pierre tombale de Stradivari est conservée à l’Hôtel de ville de Crémone.

À sa mort, Stradivari laissa dans ses ateliers quatre-vingt-onze instruments terminés ou prêts à l’être. De ce nombre, dix furent achetés par le comte Cozio di Salabue.

, , coins et étiquette d’un violon d’omobono stradivari
(1713).


Ils sont mentionnés dans un inventaire trouvé dans les notes de Carlo Carli, banquier à Milan.

En 1776, le comte Cozio se rendit aussi acquéreur des moules, patrons, outils, dessins, étiquettes, etc., qui avaient servi au célèbre luthier. Deux négociants associés, Anselmi et Briata, furent les intermédiaires de cette affaire. La correspondance échangée à ce sujet, entre le comte et Paolo Stradivari, le dernier fils du maître, installé marchand de drap dans la maison de son père, puis après la mort de Paolo, avec Antonio Stradivari, son fils, se trouve dans un manuscrit de Vincenzo Lancetti, poète et biographe crémonais, qui porte la date de 1823[228].

Les héritiers de Stradivari se décidèrent à cette vente, parce qu’ils désiraient que rien de ce qui lui avait appartenu ne restât dans sa ville natale, sans doute à cause de l’indifférence des Crémonais pour sa mémoire. Ce ne fut en effet que plus d’un siècle après la mort de Stradivari, que les autorités de la ville de Crémone donnèrent les noms d’Amati, de Stradivari et de Guarneri à trois des rues de la cité que ces grands luthiers rendirent si justement célèbre. Nous donnons, page 111 : les , les , les coins et l’étiquette d’un violon d’Omohono Stradivari, daté de 1740.

Francesco Stradivari a aussi laissé quelques instruments qui portent sa signature :

Omobono mourut le 9 juin 1742 ; il était âgé de soixante-deux ans ; Francesco en avait soixante-douze, lorsqu’il décéda, le 11 mai 1743. Ils furent les derniers luthiers de ce nom si illustre.

L’étiquette suivante, que l’on trouve dans un certain nombre d’instruments, montre qu’Antonio Stradivari ne signait que ses œuvres personnelles :

Carlo Bergonzi, Domenico Montagnana, Francesco Gobetti, Alessandro Gagliano et Lorenzo Guadagnini, qui travaillèrent à Crémone, Venise, Naples et Plaisance, sont les élèves les plus remarquables de Stradivari.

XII

C’est Paganini qui fit connaître et apprécier à leur juste valeur les beaux instruments de Giuseppe Guarneri del Gesù, en se faisant entendre de préférence pendant toute sa brillante carrière sur un magnifique violon de ce maître, daté de Crémone, 1743, aujourd’hui au musée de Gênes, ville natale de Paganini, à laquelle il le légua en mourant.

Depuis cette époque (1840), cet instrument, si justement célèbre, ne sortit qu’une seule fois de la vitrine où il repose, et ce fut pour être joué par Sivori dans un concert donné au profit des pauvres de la ville de Gênes. On avait eu la fâcheuse idée de l’entourer d’un ruban et d’y apposer le sceau de la municipalité ; aussi, lorsqu’il fallut enlever le tout, la cire, qui était très adhérente, emporta le vernis du fond sur une assez grande place. Maintenant, sceau et ruban sont placés à la tête du violon.

Il y eut tout une famille de luthiers du nom de Guarneri[229].

Le premier que l’on connaisse est Andrea Guarneri, né à Crémone vers 1625, et décédé dans la même ville le 16 décembre 1698.

Vers 1641, Andréa devint le disciple de Nicolo Amati, chez lequel il habitait. Son maître, qui semble l’avoir affectionné beaucoup, le choisit comme l’un de ses témoins lorsqu’il épousa Lucrezia Pagliari, le 23 mai 1645.

Ses instruments rappellent ceux d’Amati. L’onglet des filets se dirige presque au milieu du coin. La sonorité de ses violons est généralement bonne ; ses violoncelles possèdent de grandes qualités :

Il épousa Anna-Maria Orcelli, le 31 décembre 1652, de laquelle il eut sept enfants, quatre filles et trois garçons, dont deux furent luthiers, Pietro-Giovanni et Giuseppe-Giovanni-Batista.

Pietro Guarneri, fils aîné d’Andréa, né à Crémone le 18 février 1655, travailla avec son père jusqu’en 1680, puis alla se fixer à Mantoue :

En 1677, il avait épousé Catarina Sussagni, dont il eut un fils, Andréa Francesco, né le 29 janvier 1678, lequel ne devint pas luthier.

L’œuvre de Pietro est très remarquable, les sont inspirées à la fois d’Amati et de Stradivari. La voûte des tables est un peu élevée. Les filets et les coins rappellent ceux de Nicolo Amati, et la volute dénote une certaine originalité.

Daté de Mantoue, 1698, l’alto de ce maître, que nous donnons, montre qu’il chercha à modifier le dessin des contours et à supprimer complètement les coins, de façon à avoir une caisse dans le genre de celle d’une guitare. Il mesure :

Longueur de la caisse 
398 millimètres
Largeur dans le haut 
189
Largeur au milieu 
157 millimètres
            dans le bas 
237
Longueur des  
90


alto de pietro guarneri, fils d’andrea
(Mantoue, 1698).
Le vernis, rouge brun, d’excellente qualité, ne manque pas de transparence.

Il est bien curieux de trouver en 1698 le modèle que Francis Chanot (Mirecourt, 1787 — Rochefort, 1823), ancien élève de l’École polytechnique, adopta en 1817, lorsqu’il crut opérer une révolution profitable à l’art de construire le violon. Modèle qui fut promptement abandonné, car la suppression des enlevait du timbre au violon.

Créés pour faciliter le jeu de l’archet, les , pratiqués de chaque côté de la caisse, remplissent un rôle acoustique très important et à peu près semblable à celui que jouent les angles droits qui existent dans le tube sonore de la trompette. Comme ceux-ci, ils occasionnent des brisures aux vibrations, et, par suite, rendent le son du violon plus timbré et plus éclatant.


violon de giuseppe guarneri del gesù
(1724).

Giuseppe-Giovanni-Battista Guarneri, connu dans le commerce de la lutherie sous le nom de Joseph, fils d’André, naquit le 25 novembre 1666 et ne quitta pas Crémone où il mourut en 1738. Il épousa Barbara Franchi, le 4 janvier 1690, et en eut six enfants, trois filles et trois garçons, dont un seul, Pietro, fut luthier.

Giuseppe construisit des instruments de modèles très divers. L’onglet des filets ressemble à celui de son père, et se dirige aussi presque au milieu du coin. Il en est de même des , qui rappellent l’école d’Amati. Le vernis, bien crémonais, est tantôt jaune doré ou brun clair.

En somme, l’œuvre extrêmement variée de Joseph, fils d’André, peut être considérée comme une heureuse transition entre la manière de Nicolo Amati et celle de son cousin Giuseppe del Gesù :

Son fils Pietro, né à Crémone le 14 avril 1695, travailla à Venise de 1725 à 1760 :

Il a suivi plutôt la forme adoptée par son oncle Pietro de Mantoue, et a laissé de beaux instruments :

Le plus grand artiste de cette famille est incontestablement Giuseppe Guarneri del Gesù, dont la réputation égale presque aujourd’hui celle de Stradivari. On lui a donné le surnom de del Gesù à cause des trois lettres eucharistiques IHS, surmontées d’une croix, qu’il mettait sur ses étiquettes, sans doute pour distinguer ses produits de ceux de son cousin Joseph fils d’André.

Jusqu’à ces temps derniers on ignorait la date exacte de sa naissance. Fétis l’avait fixée au 8 juin 1683[230], se rapportant à un acte de baptême de Giuseppe-Antonio Guarneri,
violon de giuseppe guarneri del gesù
(1724).
dont la copie fut adressée en 1855, à J.-B. Vuillaume, par le vicaire Fusetti. Mais il paraît, c’est Vidal qui l’affirme, que l’abbé Fusetti avait copié par erreur dans les archives de San Donato l’acte de baptême d’un frère aîné de del Gesù, décédé peu de mois après sa naissance, et que le grand luthier serait né le 16 octobre 1686. Vidal, à l’appui de son dire, donne un acte de baptême de Giuseppe Guarneri portant cette dernière date[231]. Acceptons donc celle-ci comme étant la vraie, car la vie de notre artiste est encore suffisamment remplie de faits assez obscurs et fort difficiles à élucider.

Giuseppe Guarneri était le petit-fils de Bernardo Guarneri, frère cadet d’Andréa Guarneri, le premier luthier du nom.

Son père, Giovanni-Battista Guarneri, épousa Angiola Maria Locatelli, le 3 août 1682. Six enfants, quatre fils et deux filles, naquirent de cette union ; del Gesù fut le seul luthier de cette branche cadette.

Maintenant que nous sommes fixés sur son origine et sur sa naissance, reste à savoir quel fut le maître qui lui enseigna son art.

, , coins et étiquette d’un violon de guiseppe guarneri del gesù

Fétis, toujours d’après J. B. Vuillaume, en fait l’élève de Stradivari, déclare qu’il a travaillé à Crémone de 1725 jusqu’en 1745, et divise ses instruments en trois époques.

Hart n’est pas du même avis ; il estime qu’il y a trop de divergence entre le style de Guarneri et celui de Stradivari pour que celui-ci ait été le maître du premier ; et trouvant, non sans raison, qu’il y a beaucoup d’analogie entre les œuvres de del Gesù et celles de son cousin Joseph, fîls d’André, et que ce dernier était de beaucoup le plus âgé, il en conclut que ce fut dans son atelier que le plus célèbre des Guarneri reçut ses premières leçons.

Quoi qu’il en soit, del Gesù était déjà en pleine possession de son talent si personnel et si original à vingt-huit ans ; et le violon qui est reproduit ici, pages 116 et 118, daté de Crémone, 1724, en est une preuve convaincante. Il est aussi beau que ceux de Paganini, 1743, d’Alard, 1742 et de Vieuxtemps, etc.. Le vernis en est un peu plus foncé, mais d’une pâte aussi fine et très transparent.

Ce bel instrument mesure :

Longueur de la caisse 
352 millimètres
Largeur dans le haut 
170
                      milieu 
113
                      bas 
208
Longueur des  
78
                de la tête 
110
Hauteur des éclisses en bas 
030
                                en haut 
28

On retrouve les mêmes détails de facture dans un violon pochette de ce maître, portant la date de 1735. Seules les sont un tout petit peu moins pointues en haut que dans les modèles précédents.

Ce ravissant petit instrument n’a presque pas été joué et possède encore sa poignée primitive, laquelle est vernie un peu plus clair que le reste, qui est d’un beau rouge foncé. Il n’y a pas de volute ; la tête rappelle celles de certains cistres et de petites mandoles. Voilà ses dimensions :

Longueur totale de l’instrument 
450 millimètres
                    de la caisse 
243
Largeur dans le haut 
112
                      milieu 
78
                      bas 
140
Longueur des  
60 millimètres
                de la tête 
90
Hauteur des éclisses en bas 
27
                                en haut 
25


violon pochette
de guiseppe guarneri del gesù
(1735).
Ainsi que son cousin Joseph fils d’André, il semble avoir pris Gasparo da Salô pour guide, et s’en être inspiré pour la formation de son modèle, qui présente de grandes affinités avec celui du vieux maître de Brescia, tant par la forme pointue des , le dessin des contours et des échancrures du milieu, ou . L’onglet de ses filets, contrairement à celui de Stradivari, se dirige généralement vers l’angle extérieur du coin.

Guarneri n’a pas construit de violoncelle, mais ses violons ont d’excellents poumons, et leur volute, parfois un peu effrontée, tout en étant solidement plantée, s’harmonise très bien avec l’ensemble de l’instrument[232].

On serait porté à croire que Guarneri fut possesseur d’une pièce de sapin d’où il a tiré quantité de ses tables, car, sur le plus grand nombre de celles-ci, on remarque une veine parallèle à la touche et qui se voit de chaque côté. Son vernis, assez varié de nuance, est toujours d’une pâte fine et transparente et rivalise le plus souvent avec celui de Stradivari.

La légende s’est emparée de cet homme, sur lequel on ne sait pas grand’chose. Les uns en ont fait un paresseux, un débauché, un ivrogne. D’autres prétendent qu’il fit de la prison, sans faire connaître toutefois pour quel méfait. On a même donné les noms de violon de prison, ou violon de la servante, à certains de ceux qui lui sont attribués, et cela, parce que la fille du geôlier lui aurait apporté, paraît-il, les fournitures nécessaires à leur confection, et se serait chargée ensuite de les vendre à n’importe quel prix, afin de lui procurer les moyens d’adoucir sa captivité. L’histoire est au moins piquante, si elle n’est vraie, et, ces violons étant datés de Crémone, il serait peut-être possible d’arriver à savoir quelque chose sur leur origine en consultant le livre d’écrou de la prison de cette ville.

On ne connaît pas exactement la date de la mort de Giuseppe Guarneri del Gesù ; quelques-uns estiment qu’elle arriva vers 1755. Cet artiste au style hardi et original n’a pas formé d’élèves.

La lutherie italienne, qui avait mis deux siècles pour arriver à son apogée, ne tarda pas à dégénérer un peu après la mort de Stradivari ; depuis 1760 environ, elle est en pleine décadence. Heureusement que cet art charmant a retrouvé de remarquables représentants en France : Pierray, Bocquay, Fleury, Fent, Pique, Lupot, etc., etc., pour ne citer que quelques-uns du siècle dernier, qui se sont tous inspirés d’Amati, de Stradivari, de Guarneri, et quelquefois de Maggini, ont laissé des instruments excellents, qui sont appelés à remplacer ceux des vieux maîtres italiens.

XIII

Sous le titre d’École académique des amateurs-zélateurs de poésie et de musique, le poète Jean-Antoine de Baïf, fonda, en compagnie du musicien Thibaut de Courville, la première société d’auditions musicales qui ait existé, non seulement en France, mais en Europe. Elle avait son siège à Paris, dans la maison même de Baïf, située sur le rempart entre les portes Saint-Marceau et Saint-Victor. Le roi Charles IX confirma les statuts de cette institution, par lettres patentes, en 1570.

Les académiciens formaient trois classes distinctes : la première comprenait les poètes et les compositeurs de musique ; dans la seconde étaient réunis les exécutants, que l’on rétribuait ; la troisième se composait exclusivement des auditeurs. Ceux-ci, parmi lesquels figurait le roi de France, versaient une cotisation dont le montant n’était pas fixé, mais laissé à leur générosité. Une médaille leur servait de carte d’entrée.

Il y avait répétition tous les jours, et concert chaque dimanche.

À la mort de Baïf, survenue le 19 septembre 1589, Mauduit, bon musicien et alors secrétaire de la Société, prit la direction de l’entreprise, dont le siège fut transféré rue de la Juiverie, aujourd’hui rue de la Cité. On ignore à quelle époque cette académie cessa de donner ses séances.

Les Concerts spirituels furent créés à Paris, en 1725, par Philidor (Anne Danican), célèbre à la fois comme compositeur de musique et joueur d’échecs. Son but était de remplacer, par des solennités musicales, les représentations théâtrales interdites pendant la Semaine sainte et les quelques grandes fêtes de l’année. Il ne faisait en cela qu’imiter le maréchal de Villars, qui, déjà en 1716, à Marseille, avait fondé une société de concerts spirituels au profit des pauvres[233].

En possession de son privilège, Philidor installa ses concerts dans la grande salle des Suisses aux Tuileries[234] ; mais il fut dans l’obligation de payer une redevance annuelle de 6 000 livres à l’Opéra, qui avait alors le monopole des auditions lyriques.

Commencé à six heures du soir, le concert finissait à huit heures. Il y avait trois sortes de places que l’on payait : le parquet, trois livres tournois ; les galeries, quatre livres tournois ; les loges, six livres tournois.

L’entreprise réussit à merveille ; la plus haute société parisienne s’y donnait rendez-vous ; aussi le succès fut-il très grand dès le début et se maintint jusqu’en 1790, époque où le Concert spirituel disparut dans la bourrasque révolutionnaire.

Cette institution acquit bientôt une réputation européenne. Tout artiste de quelque valeur tenait à s’y faire entendre pour la consécration de son talent. C’est là que les violonistes les plus habiles se produisirent devant le grand public. Nous savons par le Mercure de France qu’ils y occupèrent une place très importante, dès la première année :

« Le concert du palais des Tuileries, que le sieur Philidor fait exécuter, et dont nous avons déjà rendu compte au public, continua avec les mêmes applaudissements le lundy de Pâques jusqu’au lendemain de Quasimodo. Ce qu’il y a de bien piquant pour le public dans ce dernier concert, c’est une espèce d’assaut entre les sieurs Baptiste, français, et Guignon, piémontais, qu’on regarde comme les deux meilleurs joueurs de violon qui soyent au monde. Ils jouèrent tour à tour des pièces de symphonie, seulement accompagnéz d’un basson et d’une basse de viole ; et ils furent tous deux extraordinairement applaudis[235].

Quantz[236], qui passa huit mois à Paris, d’août 1726 à mars 1727, parle avec éloge, dans ses mémoires, du Concert spirituel et des violonistes Guignon et Baptiste Anet ; il dit aussi beaucoup de bien des flûtistes Blavet, Lucas, Braun et Naudot, ainsi que des violistes Roland Marais et Forqueray. Son opinion a d’autant plus de valeur qu’il venait de parcourir l’Italie, et par conséquent d’y entendre d’excellents chanteurs et instrumentistes.

Jean-Marie Leclair débuta brillamment au Concert spirituel pendant la quinzaine de Pâques 1728[237]. Né à Lyon en 1697, Leclair, qui avait appris le violon dans sa jeunesse, fut d’abord danseur au théâtre de Rouen, puis maître de ballet à Turin. C’est alors qu’il composa quelques airs de danse que l’on trouva charmants, et qu’il abandonna les entrechats et les ailes de pigeon pour se livrer sérieusement à l’étude du violon, sous la direction de Somis, un des meilleurs élèves de Corelli. C’est Leclair qui, un des premiers après Westhoff, fit usage de la double corde : ses œuvres, encore très estimées aujourd’hui, sont remarquables pour l’époque. Ce maître mourut assassiné, le 11 octobre 1764, en rentrant chez lui, rue Martel. On ne découvrit jamais le coupable, ni les causes du crime.

On entendit le violoniste italien Giovanni Madonis le 1er  mai 1729. Giambattista Somis, le maître de Leclair, ne vint qu’en 1733 :

« Le sieur Somis, fameux joueur de violon du roi de Sardaigne, a exécuté différentes sonates et des concertos dans la dernière perfection et a été très applaudi par de nombreuses assemblées que la justesse et la brillante exécution de ce grand maître y avaient attirées[238]. »

La fille de Jean-Baptiste Somis, Maria-Christina, l’une des meilleures chanteuses italiennes de l’époque, épousa notre grand peintre Carle Vanloo, pendant le séjour qu’il fit à Turin de 1730 à 1734.

Philidor, qui recrutait son personnel, chanteurs et instrumentistes, à l’Académie royale de musique, céda son privilège à cette administration, en 1734. Le compositeur Royer, originaire de la Bourgogne, chef d’orchestre de l’Opéra, devint directeur du Concert spirituel en 1747. Il eut Gabriel Caperan, l’un des violons du Roi, pour successeur en 1750. Mondonville remplaça celui-ci en 1755. Dauvergne prit la direction en 1762. Berton lui succéda en 1773. Cette institution fut administrée par Gaviniès, Leduc et Gossec de 1773 à 1777, époque où l’on nomma Legros, qui resta directeur jusqu’à la suppression du Concert spirituel qui eut lieu en 1790.

Le violoniste François Cupis de Camargo (Bruxelles 1719 — Paris 1764), joua avec beaucoup de succès au Concert spirituel en 1738. Antoine Dauvergne (Clermont-Ferrand 1713 — Lyon 1797), s’y fit entendre pour la première fois en 1740. Violoniste de grand talent et compositeur dramatique de mérite, Dauvergne fut successivement chef d’orchestre de l’Opéra, maître de musique de la Chambre, directeur des Concerts spirituels, directeur de l’Opéra, et surintendant de la Musique du Roi. Il fut nommé chevalier de Saint-Michel en 1786.

Mondonville (Jean-Joseph Cassanea de) brilla au Concert spirituel de 1740 à 1748 et en fut le directeur en 1755.

Né à Narbonne, le 24 décembre 1711, ce violoniste et compositeur de grande valeur voyagea depuis l’âge de dix-neuf ans. C’est pendant un assez long séjour qu’il fit à Lille que parurent ses premières œuvres, entre autres : trois grands motets, exécutés avec beaucoup de succès au Concert spirituel, à Paris, en 1737, et plusieurs livres de sonates pour violon.

Parmi ceux-ci, il en est un, ignoré de ses biographes, que nous avons eu la bonne fortune de découvrir à la Bibliothèque nationale,
violon de guiseppe guaneri del gesù (1734)
ayant appartenu à paganini
(Musée de Gènes).
où il est catalogué Vm 7, 764. Tel est son titre : Les Sons harmoniques. Sonates à violon seul avec la basse continue, par Mondonville, œuvre 4e, gravée par L. Hue. À Paris et à Lille, chez : L’auteur au Concert de Lille en Flandre. Me  Boivin Mde rue Saint-Honoré, à la règle d’or. Le Sr Le Clerc Md rue du Roule, à la croix d’or. Avec privilège du Roy (sans date).

Les six sonates que contient cet inquarto de 41 pages sont précédées d’un Avertissement utile pour jouer les sonates dans le goût de l’auteur. Mondonville y explique la théorie des sons harmoniques naturels et montre, à l’aide d’un dessin représentant une touche de violon, les divisions des cordes où ces sons peuvent être obtenus. Pour cela, posez le doigt : « en observant de ne le point appuyer ; levez-le en même temps que l’archet cesse de toucher la corde. » Inutile d’ajouter que la théorie trouve son application dans les pièces qui la suivent.

C’est la première fois, à notre connaissance, que les sons harmoniques furent expliqués et employés. Mondonville, à qui revient cet honneur, mérite donc une mention toute spéciale dans l’histoire du violon, car il fut le précurseur de Paganini.

Nommé surintendant de la Chapelle royale, à Versailles, Mondonville composa pour l’église, et aussi pour le théâtre. Lors de la guerre des bouffons, le succès de son opéra Titon et l’Aurore, représenté, en 1753, décida du renvoi des chanteurs italiens.

Il mourut dans sa maison de campagne, à Belleville, le 8 octobre 1773.

Le 8 septembre 1741, débuta Pierre Gaviniès, qui parut en compagnie de Joseph-Barnabé Saint-Séverin dit l’Abbé, un élève de Leclair :

« Le sieur Gaviniès, âgé de treize ans, et le sieur l’Abbé, à peu près du même âge, jouèrent une symphonie à deux violons de M. Le Clair avec toute la précision et la vivacité convenables ; ils furent applaudis par une très nombreuse assemblée[239]. »

Pierre Gaviniès (Bordeaux 1728 — Paris 1800) est le chef et le fondateur de l’école française du violon ; ses œuvres sont encore étudiées aujourd’hui avec fruit. Il ne cessa de se faire entendre au Concert spirituel pendant sa longue carrière, sauf toutefois durant l’année qu’il passa à la Bastille, pour cause de conversations trop intimes avec une dame de la Cour. C’est dans sa prison qu’il composa la romance pour violon, devenue si célèbre sous le nom de Romance de Gaviniès, qu’il exécuta encore à soixante-treize ans, dans un concert, et qui causa la plus vive émotion à ses auditeurs. Viotti, qui l’entendit en 1782, l’appelait, le Tartini français. Gaviniès forma beaucoup d’élèves, parmi lesquels nous devons citer Capron, Lemierre, Paisible, Le Duc aîné, l’abbé Robinot, Guérin, Imbault et Baudron, mais on ignore le nom de son maître à lui. Il fut nommé professeur au Conservatoire en 1796, à la fondation de cet établissement, et y eut Verdiguiès pour élève, lequel s’est fait entendre avec succès aux Concerts du Conservatoire. Gaviniès dirigea aussi le Concert spirituel de 1773 à 1777. en compagnie de Gossec et de Le Duc, son élève, et fut l’ami intime de J.-J. Rousseau.

Son père, François Gaviniès, luthier à Bordeaux, vint s’établir à Paris, lors du début de son fils au Concert spirituel, et fut maître-juré comptable en 1762. De méchantes langues prétendaient que le meilleur violon qu’il ait jamais fait était son fils.

Petit, élève de Tartini, débuta le 14 décembre 1741 dans un concerto de son maître. Pierre Lahoussaye (Paris 1735-1818), n’était âgé que de dix ans, lorsqu’il se fit entendre, en 1745.

C’est dans une sonate pour deux violons, que Jean-Baptiste Dupont se produisit, avec l’Abbé fils pour partenaire, en 1746.

Lemière ou Lemierre (l’aîné), élève de Gaviniès se fit applaudir de 1750 à 1763, ainsi qu’André-Noël Pagin, un disciple et admirateur de Tartini. Chabran ou Chiabran (Francesco), neveu et élève de J.-B. Somis, y provoqua un véritable enthousiasme en 1751. On y accueillit aussi très chaleureusement Baron, au mois d’avril de la même année. Carminati, Vénitien établi à Lyon, et Étienne Piffet, surnommé le Grand nez, triomphèrent en avril 1752.

Deux débuts sensationnels eurent lieu en 1754 ; ce furent ceux de Gaetano Pugnani et de Domenico Ferrari ; le premier, élève de Somis et de Tartini ; le second, seulement de Tartini :

« M. Pugnani, ordinaire du roi de Sardaigne, joua un concerto de sa composition ; les connaisseurs qui étaient au concert prétendent qu’ils n’ont point entendu de violon supérieur à ce virtuose[240]. »

« 31 mars, M. Domenico Ferrari joua un concerto de violon de sa composition. Ce virtuose italien a des grâces infinies, un sçavoir, une sagesse au-dessus de tout éloge ; son jeu est la perfection même[241]. »


Les violonistes français ne craignirent pas de se montrer à côté des maîtres italiens ; non seulement Gaviniès triompha la même année ; mais le 11 avril, Tarade joua aussi avec succès un concerto de Mondonville.

Un jeune violoniste de onze ans, Marie-Alexandre Guénin (Maubeuge 1744 — Paris 1819), conquit tous les suffrages le 21 mars 1755. Élève de Gaviniès, pour le violon, Guénin étudia l’harmonie avec Gossec. Ses symphonies furent très applaudies au Concert spirituel et au Concert des amateurs.

Le 2 février 1758, Pierre Vachon (Arles 1731 — Berlin 1802) fit sensation :

« M. Vachon a joué pour la première fois un concerto de violon avec le plus éclatant succès[242]. »

Choyé par le public, Vachon fit entendre un concerto de sa composition dans cinq concerts successifs pendant la quinzaine de Pâques de la même année 1758[243]. Élève de Chiabran, il fut nommé, en 1784, maître des Concerts de la cour, à Berlin.

Capron, disciple de Gaviniès, débuta le jour de Noël 1761, et fut un des virtuoses attitrés du Concert spirituel jusqu’en 1777. Il épousa la nièce de Piron. Un autre élève de Gaviniès, l’abbé Robineau ou Robinot, triompha bien souvent de 1765 à 1775.

Isidore Berthaume (Paris 1754 — Saint-Pétersbourg 1802) n’avait que onze ans lorsqu’il débuta, le 29 mars 1765.

« M. Berthaume, élève de M. Lemière, exécuta sur le violon un concerto de M. Gaviniès ; ce jeune symphoniste, âgé de onze ans, que l’on peut nommer l’enfant merveilleux, étonna les maîtres de l’art et les meilleurs connaisseurs… Un archet sûr et décidé, un son moelleux, une exécution facile, nette dans la volubilité, hardie sans imprudence, le tout réglé par un goût qui paraît venir du sentiment vif et juste, tel est sans exagération ce rare sujet[244]. »

Cet artiste émigra en 1791, il séjourna quelque temps en Allemagne, puis se rendit à Saint-Pétersbourg, où il fut premier violon de la Musique de l’Empereur.

Pendant l’année 1767, on entendit Barrière (Étienne-Bernard-Joseph), un élève de Pagin, dans un concerto de sa composition, et Hippolyte Barthélemont, dans une de ses sonates. Le premier, alors âgé de dix-huit ans, était né à Valenciennes en 1749. Quant au deuxième, né à Bordeaux en 1731, il fit toute sa carrière à Londres, où il mourut en 1808.

Louis-André Haranc (Paris, 1738-1805) débuta pendant la quinzaine de Pâques 1769 ; il fut plus tard maître des Concerts de la Reine. La brillante élève de Tartini, Mme  Sirmen (Maddalena Lombardini de), se fit aussi entendre, en 1769, dans un concerto de son maître. Elle revint en 1785, mais n’obtint pas un accueil aussi chaleureux. C’est à elle que Tartini écrivit une longue lettre, datée de Padoue, sur l’art de jouer du violon.

Jean-Marie Giornowicki, dit Jarnowick (Palerme, 1745-Saint-Pétersbourg, 1804), élève de Lolli, joua souvent au Concert spirituel de 1770 à 1779, et se fit une très grande réputation. Précurseur de Viotti, dans l’école moderne, il fut distancé par ce dernier. Stamitz (Antoine) se fit entendre de 1770 environ, jusqu’à la Révolution.

C’est aussi en 1770 que débutèrent brillamment Pierre Le Duc, élève de son frère Simon Le Duc, alors âgé de quinze ans, et Mlle  Deschamps, qui n’avait que onze ans. Le Mercure ne ménage pas ses éloges à cette jeune élève de Capron. Devenue, en 1782, Mme  Gautherot, elle se fit entendre de nouveau, avec non moins de succès, le jour de Noël de 1784.

Chartrain, né à Liège, débuta en 1772.


chevalet français de violon
(xixe siècle).
Pendant l’année 1773, il y eut les débuts successifs de Gioacchimo Traversa, un élève de Pugnani ; de Cambrini, qui exécuta une symphonie pour deux violons de sa composition avec J.-J. Imbault, et celui de Laurent, alors âgé de dix-sept ans, lequel exécuta aussi l’année suivante, avec M. Lejeune, une symphonie concertante qu’il avait composée. Laurent se fit encore entendre en 1775. Quant à Imbault, il reparut bien souvent, soit avec Guérillot ou avec Viotti.

Lefebvre, âgé seulement de douze ou treize ans, se produisit en 1776, ainsi que Jean-Frédéric Loisel, qui n’avait que quatorze ans. Le célèbre Antonio Lolli (Bergame, 1733-Sicile, 1802) vint se faire applaudir en 1779. On entendit Henri (Bonaventure), en 1780.

Giambattista Viotti fit son apparition au Concert spirituel, le dimanche 17 mars 1782, jour de la Passion, et y exécuta un de ses concertos. Voici comment s’exprime à ce sujet le Journal de Paris :

« Depuis le fameux Lolli, il n’avait pas paru de violon de la force de M. Viotti. Il surprit dans le premier morceau de son concerto par la facilité incroyable et la netteté avec laquelle il exécuta les plus grandes difficultés : il entraîna tous les suffrages par le fini avec lequel il joua l’adagio : ce fut dans ce morceau qu’on sentit vraiment combien le talent de cet artiste était précieux[245]. »

Son succès fut si grand qu’à la suite de cette première audition il dut se faire entendre dans douze concerts successifs. Parlant de celui du 19 mai, le même journal dit encore :

« On a toujours prodigué les applaudissements les plus vifs à M. Viotti. Nous n’avons parlé jusqu’ici que de son exécution, mais nous croirions ne pas rendre toute la justice qui est due à ses talents, si nous ne donnions de justes éloges à ses ouvrages. Ses concertos sont tous brillants, d’une harmonie très pure et d’un chant très agréable ; il serait à souhaiter que nos jeunes virtuoses les prissent pour modèle, ils se feraient écouter avec plus d’intérêt[246]. »

Les vœux du gazetier ont été exaucés à souhait, car depuis cette époque, les concertos de Viotti servent de base à l’enseignement du violon dans les Conservatoires du monde entier.

Né à Fontanetto, dans le Piémont, en 1753, Viotti était le fils d’un maréchal ferrant, jouant du cor, et un peu ménétrier. C’est sur un petit violon acheté à la foire de Crescentino qu’il commença à s’exercer, à huit ans. L’évêque de Slrambino, Francesco Rora, depuis archevêque de Turin, l’ayant remarqué, l’adressa à la marquise de Voghera, qui le prit dans son palais, à Turin, pour compagnon de son fils, Alphonse del Pozzo, prince de la Cisterna. Pugnani devint son maître et en fit le merveilleux violoniste que l’on sait.

En 1780, Pugnani et Viotti quittèrent Turin, et parcoururent ensemble l’Allemagne, la Pologne, la Russie, l’Angleterre et la France, où ils arrivèrent à la fin de l’année 1781. Partout Viotti excita le même enthousiasme qu’à Paris.

Il rejoua au Concert spirituel pendant la semaine de Pâques de 1783 ; mais trouvant qu’à une séance où la salle était presque vide on ne lui avait pas fait tout le succès qu’il méritait, il prit la résolution de ne plus se faire entendre à Paris dans les concerts, et n’y joua depuis que dans des réunions particulières.

La reine Marie-Antoinette lui donna le titre de son accompagnateur avec une pension de six mille francs. En 1784, le prince de Conti lui confia la direction de sa Musique. Léonard, le coiffeur de la reine, ayant obtenu, en 1788, le privilège d’un théâtre d’opéra italien, prit Viotti comme associé. Deux ans plus tard, en 1790, Viotti fonda, avec Feydeau de Bron, le théâtre connu sous le nom de théâtre Feydeau.

La Révolution ruina Viotti, qui se rendit à Londres au mois d’août 1792. Très mal accueilli par les émigrés, qui le crurent, à tort, un agent secret du parti révolutionnaire, il partit pour Hambourg et y séjourna trois ans. Il revint à Londres en 1795 et s’en absenta pendant les quelques mois qu’il passa à Paris en 1802, où, sur la prière de ses nombreux amis et admirateurs, il joua dans la petite salle du Conservatoire. Viotti resta à Londres jusqu’en 1819, époque où il fut nommé directeur de l’Opéra, à Paris. Il quitta de nouveau cette dernière ville, en 1822, pour retourner à Londres, où il mourut le 10 mars 1824, âgé de soixante et onze ans.

Rodolphe Kreutzer (Versailles, 1766-Genève, 1831), qui déjà en 1779, à l’âge de treize ans, s’était fait applaudir dans un concerto de sa composition, ne craignit pas de se faire entendre à côté de Viotti.

Fils d’un musicien de la Chapelle royale, il fut l’élève d’Antoine Stamitz. Tout bon violoniste a travaillé ses études et ses concertos.

De 1792 à 1794, Kreutzer parcourut l’Italie et l’Allemagne, où il excita un véritable enthousiasme. Nommé professeur au Conservatoire, à la fondation de cet établissement, il y enseigna jusqu’en 1827. Premier violon solo à l’Opéra, il monta au pupitre de chef d’orchestre en 1817. Louis XVIII le nomma maître de sa Chapelle en 1815. Kreutzer fit représenter plus de trente ouvrages tant à l’Opéra qu’à l’Opéra-Comique. Il collabora à la première méthode de violon publiée par le Conservatoire de Paris.

De 1783 à 1787, débutèrent successivement au Concert spirituel les violonistes : André-Henri Michaut, Henri Guérillot, les frères Alday, Pierre-Noël Gervais, Mathieu-Frédéric Blasius, Marie-Joseph Bouvier, Jean-Jacques Grasset, qui succéda à Gaviniès comme professeur au Conservatoire, en 1800 ; Alexandre-Jean Boucher, Guérin aîné, un élève de Rodolphe Kreutzer ; Andréas Romberg, Marcou et Nicolo Mestrino, que Viotti choisit comme chef d’orchestre de l’Opéra italien, en 1788.

Jacques-Pierre-Joseph Rode (Bordeaux 1771 — Bourbon, près de Damazan, 1830), le plus brillant élève de Viotti, débuta, en 1790, au théâtre de Monsieur (opéra italien) dans un entr’acte, avec le treizième concerto de son maître, et il obtint le plus vif succès. Il fit aussi entendre, aux concerts du théâtre Feydeau, les troisième, treizième, quatorzième, dix-septième et dix-huitième concertos de Viotti. D’humeur voyageuse, Rode s’engagea, en 1794, comme clarinettiste dans un régiment qui allait faire campagne en Vendée ; mais il n’y resta pas longtemps, car, la même année, on le voit en Espagne, où il reçut un accueil chaleureux. S’étant embarqué pour Hambourg, une tempête le jette sur les côtes d’Angleterre ; il court à Londres voir Viotti, puis repart pour Hambourg rejoindre le chanteur Garat ; après un court séjour il file à Berlin, et rentre à Paris en 1796.

Nommé professeur au Conservatoire, premier violon à l’Opéra, violon solo de la Musique du premier Consul, il abandonne tout, en 1802, repart pour Berlin, où il reste quelque temps avant de prendre la route de Saint-Pétersbourg. Il arrive dans cette dernière ville en 1803, et y devient premier violon solo de la Musique de l’Empereur. Entre temps, il avait visité plusieurs villes d’Allemagne. Spohr, qui l’entendit à Brunswick, en parle en ces termes :

« Plus je l’entendais, plus j’admirais son jeu : oui, je n’hésitai pas à mettre sa manière, qui était encore alors le reflet fidèle de celle de son grand maître Viotti, au-dessus de celle de mon maître Eck, et à m’efforcer de m’approprier ses compositions par une étude pleine de soin. Et cela ne me réussit pas mal, car jusqu’au jour où je me fis une manière personnelle, j’étais, parmi les jeunes violonistes de l’époque, la copie la plus fidèle de Rode. Je parvins surtout à jouer tout à fait dans sa manière son huitième concerto, ses trois premiers quintettes, et les célèbres variations en sol majeur[247]. »

Vidal, auquel nous empruntons la traduction de ce passage, ajoute non sans raison :

« Nous pouvons être justement fiers de cette appréciation de Spohr ; car tout l’éclat de notre école de violon date de cette époque où Rode, Kreutzer et Baillot établirent les grands principes qui la guidèrent dans la bonne voie dont elle n’est pas sortie depuis[248]. »

Après un séjour de cinq années en Russie, Rode revint à Paris en 1808, et s’y fit entendre de nouveau. En 1811, il parcourut l’Autriche, la Hongrie, la Bohème, la Bavière et la Suisse. Il habita Berlin de 1812 à 1820, et y épousa la jeune veuve Galliari, qui lui apporta une belle fortune. Revenu en France, il s’établit définitivement à Bordeaux.

charles minart, violoniste ambulant
D’après Ingouf.


Bourbon près de Damazan, où Rode mourut en 1830, est situé à l’embouchure du Lot.

Sauf Laurentini, de Bologne, et Tartini, presque tous les grands violonistes italiens se sont fait entendre au Concert spirituel : mais si ce dernier n’est venu lui-même, ses nombreux élèves nous ont fait connaître sa belle école.

Gossec fonda le Concert des Amateurs en 1770. C’est là qu’il fit entendre ses symphonies et celles de Haydn. L’orchestre, qui était excellent, s’acquit bien vite une grande réputation. Navoigille l’aîné le dirigeait avec beaucoup d’autorité. Parmi les violonistes on remarquait : Mestrino, Lahoussaye, Gervais, Berthaume, le chevalier de Saint-Georges, aussi habile à manier l’archet que l’épée ; Fodor, Guérin, les deux Blasius, etc.

XIV

Le violon progressa également en Allemagne, où il y eut, pendant le xviiie siècle, des maîtres tels que Franz Benda, Cari Ditters, Wilhem Cramer, Léopold Mozart, Andréas Romberg, Roab, Pichel, Eiselt, Danner, Fraenzel, Eck, le maître de Spohr, etc. La plupart de ces grands artistes restèrent au service des princes de leur pays, qui tous avaient des Chapelles et des Musiques particulières. Quelques-uns se produisirent en Angleterre et en Russie ; Stamitz et Andréas Romberg sont les rares qui se soient fait entendre à Paris.

Pendant fort longtemps, les princes et les nobles prirent part aux exécutions musicales et même théâtrales dans les cours des pays d’outre-Rhin. C’est ainsi qu’à Vienne, en 1724, l’empereur Charles VI dirigea plusieurs représentations d’Euristeo, opéra en trois actes d’Antonio Caldara, son maître de chapelle, et dont tous les interprètes, sans exception, chanteurs, danseurs et musiciens, faisaient partie de la plus haute noblesse. L’orchestre était composé de : deux clavecins, dont un pour l’empereur, qui accompagnait les chanteurs tout en dirigeant ; un téorbe, une flûte, deux hautbois, deux bassons, onze violons, trois basses de violon et une contre-basse, laquelle était jouée par le comte Adam-Ph. Logi. On sait que le grand Frédéric se faisait entendre, presque tous les jours, sur la flûte, et que le prince Esterhazy, le protecteur d’Haydn, cultivait la « viola bordone » avec passion.

À Vienne, de 1740 à 1772, on donna des concerts publics sur le théâtre de la Cour les vendredis et jours de fêtes. C’était une imitation de nos Concerts spirituels ; on y exécutait surtout des oratorios et des cantates, peu d’instrumentistes s’y firent entendre. Le Concert des Amateurs, à Berlin, ne fut fondé que plus tard.

XV

Dans sa Description de la ville de Paris au xve siècle, Guillebert de Metz cite la rue des Ménestrels « où l’en tient escoles de ménestrels[249] ».

Ces « escoles de ménestrels » furent certainement le premier Conservatoire de musique français ; et il est fort possible qu’on y enseignait non seulement le chant et le jeu des instruments, mais encore quelques tours d’adresse.

Il y eut après la création de l’Académie royale de musique différentes écoles de chant et de déclamation, dans le but de former des sujets pour l’Opéra[250] ; mais il nous faut arriver à la fondation de notre Conservatoire actuel pour voir enseigner officiellement le violon.

Créé par une loi de la Convention du 3 août 1795, le Conservatoire national de musique et de déclamation ouvrit ses portes, à Paris, sous la direction de Sarette, le 30 octobre 1796. Les titulaires des classes de violon étaient : Gaviniès, Guénin, Rodolphe Kreutzer, Lahoussaye, Blasius, Guérillot et Persuis. Gaviniès, qui mourut en 1800, eut Jean-Jacques Grasset pour successeur. Baillot et Rode furent nommés en 1801 et 1802.

Le 3 avril 1801, une commission composée de Baillot, Pierre Blasius, Frédéric Blasius, Catel, Chérubini, Grasset, Guénin, Guérillot. Kreutzer, Lahoussaye et Rode, fut réunie, afin d’arrêter les bases d’une méthode de violon destinée à l’enseignement du Conservatoire. Elle chargea Baillot, Kreutzer et Rode de ce soin. Baillot en fut le rédacteur, et présenta son travail à la commission, qui l’adopta, le 14 février 1802.

Depuis cette époque, l’École française de violon n’a cessé d’occuper une des premières places dans l’univers.

Pierre-Marie-François-de-Sales Baillot (Passy 1771 — Paris 1842), exerça une heureuse influence sur l’École de violon. Il rédigea non seulement la méthode de violon du Conservatoire, dont il publia une deuxième édition, en 1834, sous le titre d’École du violon, mais aussi la méthode de violoncelle, que Baudiot et Levasseur firent en collaboration.

Aux professeurs de violon du Conservatoire, que nous venons de citer, succédèrent : Habeneck, A.-J.-N. Kreutzer (il remplaça son frère en 1820), Girard, Guérin, Alard, Massart, Charles Dancla, Sauzay, Maurin, Garcin, Chaine, Bérou, Hayot, Turban et Marsick. Les titulaires actuels sont : MM. Berthelier, Rémy, Desjardins, Brun, Lefort et Nadaud.

Quoique notre cadre ne nous permette pas de parler des grands violonistes français et étrangers du xixe siècle, nous tenons à rappeler que Nicolo Paganini (Gènes 1784 — Nice 1840), si justement célèbre, augmenta les effets des sons harmoniques, dont Mondonville faisait déjà usage en 1740.

XVI

Le violoniste Michel Woldemar (Orléans 1750 — Clermont-Ferrand 1816). fut un original, élève de Lolli et de Mestrino. Il fit paraître une petite méthode de violon, où il donne les dessins des archets de Corelli, Tartini, Cramer et Viotti, il est aussi l’auteur des :

commandements du violon
Premier Décalogue.

1. Le son jamais ne haussera,
Ni baisseras aucunement.
2. Mesure tu n’altéreras,
Mais frapperas également.
3. L’archet toujours tu maintiendras
Permanent et solidement.
4. Symphonie tu sabreras
Hardiment, vigoureusement.
5. Doucement accompagneras,
La femme principalement.
6. Le grand Allegro joueras
Fièrement, mais modérément.
7. Romance tu soupireras
Tendrement, amoureusement.
8. Dans l’Adagio fileras
Le son purement, largement.
9. Pour le Largo, tu gémiras
Tristement, mais sensiblement.
10. Le Rondo tu caresseras
Vivement et légèrement.

Second Décalogue.

1. En Concertos tu choisiras
Viotti préférablement.
2. Le faible tu n’écraseras,
Afin d’agir honnêtement.
3. Dans le Duo ne chercheras
À briller exclusivement.
4. La sonate tu chanteras
Sagement et correctement.
5. Dans le Trio ne broderas,
L’auteur suivras exactement.
6. À l’orchestre tu ne feras
Que la note tout uniment.
7. Sur toutes clefs transposeras,
Pour accompagner sûrement.
8. En Quatuor ne forceras
Que pour la chambre seulement,
9. Au chef d’orchestre obéiras
Docilement, aveuglément.
10. En public tu ne trembleras,
Ni devant les Rois mêmement[251].

Josepho Puppo (Lucques 1749 — Florence 1827), violoniste habile, et de plus homme d’esprit, se tira d’affaire devant le tribunal révolutionnaire, par ses heureuses réponses aux questions qui lui furent posées :

— Que faisiez-vous sous le tyran ?

— Je jouais du violon.

— Que faites-vous maintenant ?

— Je joue du violon.

— Que feriez-vous si la République avait besoin de vos services ?

— Je jouerais du violon.

Puppo fut non seulement renvoyé indemne, mais il entra au Théâtre-français-de-la-République, et en dirigea l’orchestre jusqu’en 1799.

N’oublions pas de mentionner que Turbry, un Toulousain, qui fut élève au Conservatoire et membre de l’orchestre de l’Opéra italien, à Paris, publia, vers 1825, une Méthode de violon sympathique[252].

XVII

La quinte de violon est appelée « viola » par les Italiens, les Allemands et les Anglais, sans doute parce que l’on s’en sert pour exécuter les parties confiées autrefois aux violes de taille moyenne. En France, on lui a donné le nom plus logique d’alto, qui est le diminutif de « contralto », lequel s’emploie de temps immémorial pour désigner les voix graves de femmes et d’enfants ; car cet instrument est bien en réalité un violon-contralto, puisqu’il s’accorde ainsi, une quinte au-dessous du violon :

On ne saurait préciser à quelle époque l’alto vint tenir sa place près du violon. Les seuls renseignements que l’on possède sur ce sujet se résument dans les appellations de « haute-contre, taille » et « quinte », données aux violons d’accompagnement des différentes Bandes ; lesquelles appellations ont été jusqu’ici attribuées de préférence aux violes. Peut-être méritent-elles un examen plus attentif.

Il n’est pas douteux que les joueurs de « haute-contre » et de « taille » des grands et petits violons du roi furent tout d’abord des violistes, et que, plus tard, quand on remplaça ceux-ci par des violonistes (deuxièmes et troisièmes), on désigna de même les nouveaux venus par la force de l’habitude. Du reste, cela n’offrait aucun inconvénient, car les qualificatifs de « haute-contre » et de « taille » s’appliquaient bien plus aux parties elles-mêmes qu’aux instruments sur lesquels on les exécutait.

Quant à la dénomination de « quinte », nous estimons qu’elle appartient plutôt à la quinte de violon, ou alto, qu’aux violes, voici pourquoi :

Les noms donnés aux violes ont trois origines différentes. Ce sont d’abord ceux des voix du même registre : dessus, pardessus, haute-contre, taille, alto, ténor[253], baryton, basse et double-basse ; puis d’autres selon la manière de les tenir, tels que : « viola a braccio », « viola a spalla » et « viola a gambe » ; enfin quelques uns de spéciaux, comme : viole d’amour, viole-lyre et « viola pomposa ». Mais dans cette longue énumération, on chercherait en vain un nom emprunté à un intervalle quelconque : tierce, quarte, quinte, etc. La cause en est, selon nous, dans l’irrégularité de l’accord des violes, que chacun réglait à son gré, pour sa plus grande commodité.

Tandis qu’avec le violon, l’accord fut régularisé et devint uniforme sur l’instrument type et sur ses dérivés, où les cordes sonnent toujours à un intervalle de quinte l’une de l’autre, sauf pour la contrebasse, qui conserva un accord variable, afin de rendre plus facile l’exécution de certains traits rapides.

Il était donc tout naturel que le violon contralto, accordé à une quinte fixe, au-dessous du violon, prît le nom de cet intervalle ; nom que l’on n’aurait pu donner à une viole, dont l’accord n’avait rien de régulier.

Quoi qu’il en soit, il y avait un altiste dans la Musique de la reine, en 1683 : c’était « Fossart, joueur de quinte de violon » ; il s’y trouvait en compagnie de : « Jean-Augustin le Peintre et Jean Marchand, joüeurs de dessus de violon, Pierre Huguenot, joueur de taille, et Sébastien son frère, joüeur de haute-contre », et touchait : « 300 livres par an[254]. »

On peut donc en conclure que le nommé Fossart, altiste de la Musique de la reine, ne devait pas être un isolé et le seul à cultiver cet instrument ; et que par suite les « quintes » de la grande et de la petite Bande jouaient aussi de la quinte de violon.

Or, s’il y avait des altos dans les différentes organisations musicales de la Cour, il devait aussi s’en trouvera l’orchestre de l’Opéra.

Il est vrai que les partitions du temps ne contiennent aucune indication précise, et que si Lully écrivit souvent trois parties de violon bien distinctes, se croisant parfois et ne descendant jamais au-dessous du sol à vide, il ne renseigne pas le lecteur sur l’instrument avec lequel devait être exécutée la partie d’accompagnement écrite en clef d’ut troisième ligne. Mais si l’on consulte une partition de Richard Wagner, y apprendra-t-on que l’instrument désigné par le mot « viola » est un alto ou quinte de violon ? Cependant tous les musiciens modernes le savent. Il est probable que ceux du temps de Lully étaient également bien renseignés ; mais nous ne le sommes plus aujourd’hui sur certains usages d’il y a deux siècles.

Du reste, fait ignoré jusqu’ici, nous démontrerons plus loin que la basse de violon, ou violoncelle, était cultivée à la fin du xviie siècle. La quinte ou alto devait donc l’être aussi.

Nous ne citons qu’à titre de curiosité un manuscrit de la bibliothèque de l’Opéra, intitulé : Privilège accordé, arrêté rendu et règlement fait par Sa Majesté pour l’Académie royale de musique pour l’année 1712-1713, dont M. A. Pougin a parlé longuement[255]. Car s’il nous apprend que l’orchestre de l’Opéra se composait alors de 47 artistes, y compris le « batteur de mesure », qu’il y avait :

alto de gasparo da salo et son étiquette


10 instruments du petit chœur[256], 12 dessus de violon, 8 basses, 2 quintes, 2 tailles, 3 hautes-contre, etc., il ne nous dit pas si c’étaient des quintes, des tailles et des hautes-contre de viole ou de violon.

Tous les grands luthiers construisirent des altos, Amati Stradivari, etc. ; ce qui est la preuve bien certaine qu’on devait en jouer. On a vu, plus haut, celui en forme de guitare que Pietro Guarnari fit à Mantoue en 1698. Nous sommes heureux de pouvoir en donner un de Gasparo da Salô, dont le dessin des contours est non moins intéressant.

Ce bel instrument n’a pas d’échancrures sur les côtés en forme de , et un seul coin, celui du bas, s’y remarque. Les , placées perpendiculairement, ont des ouvertures à peu près aussi grandes à chaque extrémité, et rappellent les du violoncelle d’Andréa Amati, déjà reproduit. Quant à la caisse, dessinée en cœur à l’emplacement du bouton elle a : 410 millimètres de longueur, 212 millimètres de largeur en haut et 260 millimètres de largeur en bas[257].

En France, l’alto ne fut pas l’objet d’une étude spéciale jusqu’à ces temps derniers. Ne possédant pas le brillant du violon ni la chaleur du violoncelle, il n’intéressait que des artistes et des amateurs dévoués, et n’était joué, le plus souvent, que par des violonistes médiocres. Mais un courant s’est établi en sa faveur depuis que des artistes comme Urhan, Mas, Trombetta, Van Waefelgkem, etc., ont fait valoir ses belles qualités ; et aujourd’hui, il est enseigné dans la plupart des Conservatoires. À Paris, la classe de M Laforge, créée depuis peu d’années, a déjà donné d’excellents résultats.

XVIII

Nommé « violoncello » en Italie, la basse de violon est appelée « violoncelle » en France.

Le mot « cello », seul, n’existe pas en italien. C’est une désinence qui s’ajoute aux mots pour exprimer un diminutif. On sait, par ce qui précède, que notre violon s’appelle en italien « violino ». Le mot « violone », composé de « viola » et de la désinence augmentative « one », signifie la contrebasse ou « basso di viola ». « Violoncello » indique donc une viole de moyenne grandeur, entre la contrebasse ou « violone » et le « violino » ou petite viole.

Nous ne parlerions pas de la légende absurde, mise en circulation par Laborde, dans son Essai sur la musique, qui attribue l’invention du violoncelle au Père Tardieu, de Tarascon, dans les premières années du xviiie siècle, si on ne la reproduisait de temps en temps sur des programmes de concerts.

Comment admettre qu’Andréa Amati fit un violoncelle, en 1572, pour le roi de France Charles IX, et que le Père Tardieu imagina cet instrument vers 1710 ou 1720, c’est-à-dire cent cinquante ans plus tard ?

Non seulement tous les luthiers italiens des xvie et xviie siècles : Andréa Amati, Gasparo da Salò, Maggini, Antonio, Girolamo et Nicolo-Amati, Stradivari, etc., construisirent des violoncelles en même temps que des violons, mais on a vu dans la liste des violons du roi, donnée plus haut, que : Prosper Charlot, Jean-Baptiste la Fontaine et Joseph Marchand étaient basses de violon à la Chapelle, depuis 1661, 1683 et 1695[258]. De plus, les passages suivants du Livre commode des années 1691 et 1692, montrent qu’à cette époque la basse de violon était déjà très cultivée à Paris.

« MM. Marchands (sic), rue des Pouillies, Converset, rue Betizy, Gillet, place du Palais-Royal, et Boudet, rue Saint-Antoine devant la vieille rue du Temple, sont encore d’habiles Maîtres pour la basse de violon[259]. »

« Maîtres pour la basse de violon. MM. Marchands père et fils et Converset, rue des Pouillies, Boudet, rue Saint-Antoine, Ressiet, rue des Vieux-Augustins, La Rue près Saint-Médéric[260]. »

Et ce n’est pas qu’en France que le violoncelle était répandu. On devait même le pratiquer beaucoup en Allemagne, au commencement du xviie siècle ; car, sur le frontispice du Currus triòmphalis de Rauch, publié en 1618, lequel représente un orchestre avec canons et mousqueterie, on voit, à gauche, un ange jouant du violoncelle[261].

Cet instrument fut surtout utilisé à ses débuts, pour soutenir le chant dans les églises. On sait déjà que plusieurs chanoines violoncellistes furent obligés de prendre un brevet de maître à danser, afin d’avoir le droit d’accompagner le plain-chant. Parfois un trou était percé au milieu de la table de fond, pour permettre au joueur de suivre les processions en suspendant l’instrument à sa ceinture.

Les violoncelles destinés aux maîtrises étaient, en général, d’un plus grand patron que celui adopté depuis. Ils sont connus dans le commerce de la lutherie sous le nom de « basses ». Nicolo Amati en fit plusieurs pour l’église abbatiale de Cluny. M. Dupuis, habile violoncelliste à Chalon-sur-Saône, possède un de ceux-ci, daté de 1638. La caisse de ce magnifique instrument mesure 0m,80 centimètres de longueur, au lieu de 0m,76, grand patron de Stradivari ; son cheviller est orné d’une tête de sirène dorée, et les armes des abbés de Cluny sont incrustées en argent sur le cordier. Stradivari a fait aussi plusieurs basses de ce format ; celle que jouait de préférence le grand Servais est de ce nombre.

Puisque nous parlons des diverses grandeurs qui furent données à la basse de violon, il est bon de faire remarquer que si le violoncelle était l’agrandissement exact du violon, par rapport à son diapason, sa caisse devrait avoir environ 1 mètre de longueur, 70 centimètres dans sa plus grande largeur, et les éclisses seulement 85 millimètres de hauteur. Mais, pour la facilité du jeu, la longueur et la largeur ont été diminuées, et les éclisses haussées, afin que, par cette compensation, la caisse puisse contenir la masse d’air suffisante pour la bonne sonorité.

En réalité, le violoncelle ou basse de violon est accordé à l’octave au-dessous de l’alto ou quinte ; car sa chanterelle ou première corde sonne à vide le la placé sur la cinquième ligne de la clef de fa, et les trois autres, à une distance de quinte en descendant : , sol et ut :

De même que sur l’alto, ces deux dernières cordes sont filées.

Le violoncelle de David Tecchler, daté de Rome 1721, que nous reproduisons, est à peu de chose près, de mêmes proportions que celui d’Antonio Stradivari, de Jules Delsart, déjà donné. Il mesure :

Longueur de la caisse 
760 millimètres
Largeur                         dans le bas 
448
                                    au milieu 
240
                                    dans le haut 
350
Hauteur des éclisses en bas 
126
                                en haut 
118
Longueur des  
140
                de la tête 
220

Les premiers violoncellistes n’étaient pas très habiles : tout leur talent consistait à frotter des parties de basse pour accompagner le chant, ou les instruments, principalement le violon dans ses sonates et ses concertos. Corelli
violoncelle de david tecchler
(Rome, 1721).
ne voyageait jamais sans son accompagnateur violoncelliste, et Tartini ne se séparait pas de son ami Vandini, lequel remplissait le même office auprès de lui. On a vu que Baptiste et Guignon se firent accompagner au Concert spirituel, l’un par une basse de viole, l’autre par un basson. Nos virtuoses modernes ne se contenteraient pas de si peu.

Ce fut pendant très longtemps le rôle des violoncellistes, qui n’exécutaient pas toujours la basse d’accompagnement avec beaucoup d’exactitude. Ils ne se gênaient aucunement, paraît-il, pour la broder, l’amplifier, la transfigurer même. Quantz dut en souffrir, car il s’élève, en ces termes, contre cet abus :

« Le joueur de violoncelle, dit-il, se gardera de broder la basse, comme quelques grands joueurs ont eu autrefois cette mauvaise coutume : c’est faire montre de son habileté fort mal à propos. En voulant mettre dans la basse des broderies arbitraires, on fait encore plus de mal qu’un joueur de violon n’en peut faire dans une partie d’accompagnement. Il est absurde de vouloir faire une partie supérieure de la basse, qui ne doit avoir pour seul et unique but que de soutenir et de rendre harmonieux les ornements de l’autre partie[262] ».

Francisello commença à jouer le violoncelle en solo. Quantz, qui l’entendit à Naples, en 1725, en parle avec enthousiasme. Vandini ne se contenta pas toujours d’être le simple accompagnateur de Tartini, il se fit aussi connaître comme soliste et s’acquit une grande réputation.

Giorgio Antoniotti de Milan, et Salvatore Lanzetti[263], lequel était au service du roi de Sardaigne, se firent également remarquer un peu après ; mais c’est Bertault (Valenciennes, vers 1700 — Angers, 1756) qui est considéré comme le véritable fondateur de l’école du violoncelle, car il fut le premier à se servir du pouce comme sillet mobile, artifice d’exécution déjà employé sur la trompette marine, et qui permet de parcourir toute l’étendue.

On raconte à Valenciennes que c’est à la suite d’un concert, où il avait entendu accompagner une sonate de violon par un violoncelliste peu habile, mais très fantaisiste, qu’il abandonna la basse de viole pour le violoncelle.

Bertault se fit entendre pour la première fois au Concert spirituel, en 1739, dans un concerto de sa composition ; son succès fui prodigieux.

Caffiaux, son contemporain, rapporte ce fait amusant :

« Tandis qu’il jouissait à Paris de la gloire de n’avoir aucun égal, un ambassadeur, ami de la musique, l’engagea à venir faire les délices d’une nombreuse compagnie qu’il avait assemblée. Le musicien complaisant obéit : il se présente, il joue, il enchante. L’ambassadeur satisfait lui fait donner huit louis, et donne ordre de le conduire à son logis dans son propre carrosse. Bertault, sensible à cette politesse, mais ne croyant pas ses talents assez bien récompensés par un présent si modique, remet les huit louis au cocher en arrivant chez lui, pour la peine que celui-ci avait eue de le reconduire. L’ambassadeur le fit venir une autre fois et, sachant la générosité qu’il avait faite à son cocher, lui fit compter seize louis et ordonna qu’on le reconduisît encore dans sa voiture. Le cocher, qui s’attendait à de nouvelles largesses, avançait déjà la main, mais Bertault lui dit : « Mon ami, je t’ai payé pour deux fois[264] ».

Ce grand artiste avait un penchant immodéré pour le vin, qu’il appelait sa colophane, et jouait rarement dans un salon, avant qu’un domestique ne lui en eût apporté une bouteille, qu’il plaçait sous son tabouret. Il a publié, pour son instrument, des concertos et des sonates, très rares aujourd’hui.

Ses élèves, Janson, né aussi à Valenciennes, Duport l’aîné, Cupis et Tillière, lui firent le plus grand honneur et rendirent justement célèbre l’École française du violoncelle.

Jean-Baptiste-Aimé-Joseph Janson l’aîné (Valenciennes, 1742, — Paris, 1803) se fit entendre avec succès au Concert spirituel, pour la première fois, le 23 mars 1755. Depuis cette époque jusqu’en 1780, il en fut un des solistes habituels. Après de nombreux voyages en Italie, en Allemagne, en Suède, en Danemark et en Pologne, où il obtint partout les plus brillants triomphes, il fut nommé professeur au Conservatoire, lors de sa fondation, en 1796. Son frère, Louis-Auguste-Joseph Janson, resta plus de vingt-cinq ans à l’orchestre de l’Opéra. Né à Valenciennes le 8 juillet 1749, on ignore la date de sa mort.

Jean-Pierre Duport l’aîné (Paris, 1741 — Berlin. 1818) débuta au Concert spirituel en 1761, le jour de l’Ascension. L’année suivante il parut à chacun des concerts de la quinzaine de Pâques :

« M. Duport a fait entendre tous les jours sur le violoncelle de nouveaux prodiges et a mérité une nouvelle admiration. Cet instrument n’est plus reconnaissable entre ses mains : il parle, il exprime, il rend tout, au delà de ce charme qu’on croyoit exclusivement réservé au violon[265]. »

Après être resté dans la Musique du prince de Conti, jusqu’en 1769, Duport fit un voyage en Angleterre ; deux ans plus tard il alla en Espagne, et en 1773, il entra au service du roi de Prusse Guillaume II, à Berlin, auquel il enseigna le violoncelle et qui le nomma surintendant de ses concerts. La plupart des violoncellistes allemands de cette époque furent ses élèves.

Jean-Baptiste Cupis, fils du violoniste François Cupis, et neveu de la célèbre danseuse Camargo, fit partie de l’orchestre de l’Opéra jusqu’en 1771. Il partit alors pour l’Allemagne, y remporta de grands succès, principalement à Hambourg, puis revint à Paris et entreprit, presque de suite, un voyage en Italie, où il épousa la cantatrice Julia Gasperini. Cupis était né à Paris en 1741 ; la date de sa mort n’est pas connue. Il a fait paraître, chez Le Moine, à Paris, vers 1768, une méthode élémentaire de violoncelle.

C’est surtout par sa Méthode pour le violoncelle, contenant tous les principes nécessaires pour bien jouer de cet instrument, que Joseph-Bonaventure Tillière se rendit célèbre. Parue chez Jolivet, à Paris, en 1774, on en fit plus tard d’autres éditions chez Sieber, Imbault et Frère. Elle fut pendant très longtemps le vade-mecum de tout violoncelliste.

On voit combien fut grande l’influence de Bertault, non seulement en France, mais encore en Europe, où ses élèves portèrent ses traditions. Nous n’exagérons donc pas en le nommant le père du violoncelle. Grâce à lui, ce bel instrument ne tarda pas à devenir à la mode et à être cultivé même par les dames de la plus haute aristocratie. La charmante tapisserie au point de Saint-Cyr, donnée ici, représentant Madame Adélaïde de France, fille de Louis XV, jouant du violoncelle, en est la preuve.

tapisserie au point de saint-cyr
(xviiie siècle).

Valenciennes, patrie de Walteau et de Carpeaux, a donc été le berceau d’une école du violoncelle qui, tout dernièrement, était encore dignement représentée par Jules Delsart.

Jean-Louis Duport le jeune (Paris, 1749-1819), débuta au Concert spirituel, le 2 février 1768 :

« M. Duport le jeune, élève de monsieur son frère, a exécuté sur le violoncelle une sonate accompagnée par M. Duport l’aîné. Une exécution précise, brillante, étonnante, des sons pleins, moelleux, flatteurs, un jeu sûr et hardi, annoncent le plus grand talent[266]. »

Ce début si brillant ne fut pas trompeur, car l’élève surpassa son maître et devint une des gloires du violoncelle. C’est à lui que Voltaire, devant lequel il avait joué à Genève, adressa ce compliment : « Monsieur Duport, vous me faites croire aux miracles : vous savez faire d’un bœuf un rossignol. »

Le Mercure nous apprend aussi que le grand Boccherini se fit entendre au Concert spirituel le 20 mars 1768, aussitôt après les débuts de Duport le jeune :

« M. Boccherini, déjà connu par ses trios et ses quatuors qui sont d’un grand effet, a exécuté en maître sur le violoncelle une sonate de sa composition[267]. »

En 1785, le 18 mars, ce fut le tour de Bernhard Romberg, qui n’était alors âgé que de quinze ans. Il voyageait avec sa famille, qui composait un petit orchestre à elle seule. Il ne pouvait rivaliser à ce moment avec Louis Duport, dans tout l’éclat de son talent, et n’obtint qu’un succès modeste : mais il n’en fut pas de même lorsqu’il revint un peu après la Révolution, il émerveilla complètement. Nommé professeur au Conservatoire en 1800, il n’y enseigna que pendant trois ans et se remit à parcourir l’Europe. Ses concertos servent encore de base à l’étude du violoncelle.

Jean-Henri Levasseur, dit le jeune (Paris, 1765-1823), parut au Concert spirituel en 1787. Il avait étudié le violoncelle avec Cupis et Louis Duport, et fut nommé professeur au Conservatoire, lors de la fondation de cette école, en 1796. Il y fit la classe pendant près de trente-huit ans. Lamarre, Baudiot et Norblin furent ses élèves.

À Bruxelles, c’est Nicolas-Joseph Platel (Versailles, 1777 — Bruxelles, 1835), qui fit admirer les belles traditions de l’École française et forma, au Conservatoire de cette ville, où il professait, Servais, Balta et Demunck.

La plupart des auteurs disent que c’est dans les premières années du xviiie siècle que l’on introduisit le violoncelle à l’orchestre de l’Opéra. Mais, de même que pour l’alto, on ne le sait pas exactement, et il n’y aurait rien d’impossible à ce que cela soit arrivé plus tôt, puisqu’un certain nombre de maîtres pour la basse de violon exerçaient à Paris bien avant cette date. Cependant, comme le violoncelle remplaçait la basse de viole, à moins de créer des places spéciales, on ne pouvait l’admettre que lorsqu’il se produisait des vacances parmi les violistes.

En tout cas, il y fut joué, dans les premiers temps, par J.-B. Struck, dit Batistin, allemand d’origine, né à Florence, et qui mourut à Paris le 9 décembre 1755 ; et aussi par Marchand (sans doute l’un de ceux qui habitaient rue des « Poullies » en 1691), la Ferté (que nous avons vu parmi les violons du roi), Labbé (également violon de la Chambre), et Théobaldo de Gatti, connu sous le nom de Théobalde, lequel y resta pendant cinquante ans.

« La place de symphoniste pour la basse de violon, dit Titon du Tillet, qu’il a occupée pendant cinquante ans dans l’orchestre de l’Opéra de Paris, doit le naturaliser musicien français, quand même il n’aurait pas obtenu du roi ses lettres de naturalité[268]. »

Théobalde mourut à Paris en 1727, dans un âge très avancé : il était entré à l’Opéra comme basse de violon en 1677.

L’histoire du violoncelle est aussi brillante que celle du violon, quoique moins ancienne ; et le bel enseignement qui est donné de cet instrument dans les principaux Conservatoires, ne peut que l’enrichir encore.

Aux professeurs déjà nommés de notre grande École nationale, ont succédé : Baudiot, Nochez, Duport le jeune, Norblin, Vaslin, Franchomme, Chevillard, Jacquard, Rabaud et Jules Delsart ; aujourd’hui les classes sont faites par MM. Lœb et Cros Saint-Ange[269].

XIX

Tout au début du xviie siècle, Prætorius a donné le dessin d’une contrebasse à cinq cordes, semblable de forme à celle qui se joue actuellement. Elle est accompagnée de son archet et d’une clef pour tourner les chevilles ; car ce n’est qu’au milieu du xviiie siècle que les chevilles à vis, dites à mécaniques, furent inventées par Carl-Ludwig Bachmann, luthier habile et virtuose sur la contrebasse, qui était musicien de la Chambre du roi de Prusse, et fut nommé luthier de la cour à Berlin, en 1765.

Le dessin de Prætorius, reproduit page 159, détruit la légende qui attribue l’invention de la contrebasse à Todini, luthier établi à Rome en 1676.

Nous ne citerons que pour mémoire le « violone » à six cordes qui se trouve dans la Regula Rubertina de Ganassi del Fonnego, publiée en 1643, car ce n’est autre qu’une contrebasse, ou plutôt une double-basse de viole, ayant des cases sur la touche pour indiquer la place des doigts.

Il y avait des contrebasses de violon dans les églises dès la
contrebasse à cinq cordes
D’après Prætorius.
(Début du xviie siècle.)
fin du xvie siècle. Gasparo da Salò et Maggini en construisirent. Il en existe encore une du premier de ces maîtres à l’église de Saint-Marc, à Venise. C’est celle que Dragonetti jouait de préférence dans ses concerts. Il l’avait reçue en cadeau des moines de Saint-Marc, lorsqu’il quitta leur Chapelle pour voyager, et, selon le désir qu’il en avait manifesté dans son testament, elle est retournée à l’église pour laquelle le grand luthier de Brescia l’avait fabriquée.

Daniel et Théodore Verbruergen, luthiers à Anvers, en firent aussi pour la cathédrale de cette ville, en 1636 et en 1641. Il en existe encore une, paraît-il, dans la même église qui aurait été construite, toujours à Anvers, par Pierre Porlon, en 1647. Dragonetti en possédait aussi une faite par l’un des Amati.

L’usage de la contrebasse devait être très répandu, car sur un des panneaux d’un très beau buffet alsacien, datant de Louis XIV, est représenté, en marqueterie de bois de couleur, un personnage grotesque qui joue d’une contrebasse à quatre cordes assez exactement reproduite[270].

Certains auteurs assurent que la contrebasse figura à l’orchestre de l’Opéra à partir de 1700. D’autres, qu’elle n’y entra qu’en 1706, lors de la première représentation d’Alcyone, opéra de Marais, dans lequel il y avait une tempête qui resta longtemps célèbre. Fétis déclare que c’est en 1707 qu’elle y parut pour la première fois. Mais tous sont unanimes à déclarer que le premier qui l’y joua est le compositeur Montéclair, l’auteur de Jephté, opéra en cinq actes, représenté en 1732. Michel Montéclair était né en 1666, à Chaumont en Bassigny ; il mourut en 1737, près de Saint-Denis.

En 1757, il n’y avait encore qu’une seule contrebasse à l’orchestre de l’Opéra, et l’on ne s’en servait que le vendredi, jour du beau monde. Gossec en fit ajouter une seconde, et Philidor une troisième en 1767, pour la première représentation de son opéra Ernelinde, princesse de Norvège, dont les paroles étaient de Poinsinet.

L’Opéra était donc bien en retard, pour la contrebasse, sur la Musique de la Chapelle ; car on a vu dans notre liste des violons du roi que, nommé en 1663, « Pierre Chabanceau de la Barre joue du théorbe, ou de la grosse basse de violon[271]. ».

En 1792, lorsque les musiciens ordinaires du roi de France furent congédiés, il s’y trouvait deux contrebassistes, les nommés Ravida et Gélineck.

Le nombre des cordes de la contrebasse a beaucoup varié. De cinq, au temps de Prætorius, il est descendu à trois seulement ; puis on en a remis une quatrième, et parfois, mais plus rarement, une cinquième. Bottesini ne jouait qu’avec trois cordes. La manière d’accorder n’a jamais été bien régulière, et fut toujours subordonnée au nombre des cordes dont on monte l’instrument.

panneau d’un buffet alsacien
(Fin du xviie siècle).

Déjà en 1787, Joseph Kaempfer, artiste hongrois, s’est fait entendre sur la contrebasse au Concert spirituel. Son instrument, qu’il appelait Goliath, se démontait en vingt-six parties et se reconstruisait au moyen de vis.

Dragonetti a laissé une grande réputation : quant à Bottesini, ceux qui ne l’ont pas entendu ne peuvent se faire une idée de son prestigieux talent.

Lami, Chenié, Chaft (Louis-François Chatt, dit), Labro et Verrimst ont été successivement professeurs de contrebasse au Conservatoire, à Paris. Actuellement c’est M. Viseur, qui dirige cette classe. M. Wekerlin raconte ce qui suit :

« Le duc Guillaume-Maurice de Saxe-Mersebourg, qui vivait dans la première moitié du siècle dernier, avait une telle passion pour la contrebasse, que dans son château de Mersebourg une grande salle était entièrement garnie de ces instruments. Une contrebasse monstre trônait au milieu, et pour la jouer il fallait monter sur une échelle assez haute. Beaucoup d’étrangers visitaient ce duc, hospitalier et d’un commerce facile, mais chacun d’eux était obligé d’écouter un ou plusieurs morceaux de contrebasse, exécutés par le duc, et ne pouvait se dispenser de lui témoigner son ravissement. À tous ses voyages, même à ses promenades, le duc était accompagné d’une contrebasse appelée la Favorite ; de temps en temps, il s’arrêtait, en jouait un peu, puis continuait son chemin[272]. »

Si l’histoire est vraie, l’octobasse de J.-B. Vuillaume n’était pas une invention nouvelle.

XX

Quantité de locutions proverbiales et populaires se rattachent au violon :

Accorder les violons, veut dire que l’on organise une fête :

« On accorde déjà les violons pour l’Exposition universelle de 1900, Il va falloir, en effet, donner à ce moment-là des fêtes officielles, avoir même, à l’occasion, table ouverte, et ce n’est pas avec leurs cinq mille francs par mois que nos ministres pourraient y suffire, etc.[273]. »

Appuyer sur la chanterelle, se dit de quelqu’un qui insiste sur un fait avec persistance.

C’est un chat qui joue du violon, pour indiquer un violoniste inhabile, qui vous écorche les oreilles.

C’est comme s’il p… dans un violon, pour dire que l’on perd son temps, que la chose désirée n’aboutira pas. Équivalent à travailler pour le roi de Prusse.

C’est une corde qu’il ne faut pas toucher :

Un jour de nobles pleurs laveront ce délire,
Et ta main déplorant le son qu’elle a tiré,
Plus juste, arrachera des cordes de la lyre
La corde injurieuse où la haine a vibré.

(Lamartine.)

Donner les violons. Payer l’orchestre d’un bal, organiser une fête à ses frais, régaler, divertir autrui.

Madelon. — « Mon Dieu, mes chères, nous vous demandons pardon. Ces messieurs ont eu la fantaisie de nous donner les âmes aux pieds, et nous avons envoyé quérir pour remplir les vides de notre assemblée. »
Molière. Les Précieuses ridicules, sc. XIII.

C’étaient les violons que les belles petites précieuses désignaient par les âmes aux pieds, dans leur argot parfumé.

Donner du mou à la chanterelle, faire un cadeau à un personnage influent.

En avant les violons ! c’est-à-dire : Vive la joie ! Vive le plaisir :

Étre un plaisant violon, se dit d’un homme ridicule.

Faire entendre les violons, offrir un concert, une fête.

« En causant avec Mme  Bigot, M. Servian lui dit qu’il n’aimoit rien tant que les violons, et qu’étant procureur à Grenoble, il quittoit tous ses procès pour écouter s’il y avoit le moindre rebec dans la rue. — À propos, lui dit-elle, on dit que vous nous les ferez entendre bientôt les violons ; mais la salle de Mlle  Avril est un peu bien petite, il faudra que sa grand’mère vous prête la sienne[274]. »

Faire danser avec un violon à bourrique, frapper une personne avec un bâton.

Gouverner la chanterelle, indique un homme puissant.

Il a beau jeu si la corde ne rompt, pour tout ira bien s’il n’arrive pas un empêchement.

Il a payé les violons pour que les autres dansent. — Les autres ont dansé et il a payé les violons, manière ironique de dire que quelqu’un a eu tout l’embarras d’une affaire, sans en bénéficier. Équivalent de tirer les marrons du feu.

« Les grands font les folles entreprises ou les fautes, et le peuple paye les violons. »
(Le père Joubert, Dict. français-latin.)

Les violons sont commandés, indique tout est préparé pour une fête ou une cérémonie.

Monsieur Crincrin, le ménétrier.

Mettre au violon, conduire quelqu’un dans la cellule du corps de garde qui sert de prison provisoire.

Selon Roquefort, cette expression est analogue à mettre au psaltérion, et il cite ce passage à l’appui de son dire :

« Ce prisonnier et lui furent mis au saltérion. »
(Lettres de rémission en 1441.)

Kastner vient confirmer l’opinion de Roquefort par ces citations :

« Et apprès le supliant fut mis en une autre prison au dit Chastel, avec un autre homme prisonnier ; et furent mis ensemble au psaltérion. »
(Lettres de rémission de 1359.)

« Robert le fournier, pour le soupçon d’avoir robé Colin le varlet, rompu sa huche et prins 11 solz tournois, fut mis au cep dit saltérion des dites prisons. »

(Autres lettres de 1377.)

Il semble résulter de ceci que le cep, sorte de poutre percée de trous et servant à entraver les prisonniers, reçut le nom de psaltérion à cause de sa ressemblance avec cet instrument de musique[275] ; que la salle où se trouvait placé le cep ou psaltérion porta bientôt ce nom, qu’elle changea pour celui de violon, répandu partout, lorsque le psaltérion ne fut plus usité.

Cette origine de la dénomination populaire de violon, donnée à la salle d’un corps de garde qui sert de prison temporaire, nous paraît assez logique, et bien préférable au mauvais calembour :

On appelle la prison un violon, parce qu’autrefois on y était conduit par un archer.

Par trop tirer la corde rompt, en italien : Chi troppo lira la corda, la strappa.

Racler le boyau, terme vulgaire pour désigner l’action d’un violoniste.

Se donner les violons, faire le grand seigneur, le généreux.

Selon l’argent les violons, on est plus ou moins bien servi, selon que l’on dépense.

Sentir le violon, être sur le point de devenir misérable ; sentir la prison.

Jeter l’épervier en violon, se dit d’un pécheur maladroit.

Toucher une corde (toucher un mot), aborder une question, appeler l’attention sur tel point, tel côté d’une affaire.

Toucher la corde sensible :

« Parler de ce qui intéresse le plus vivement une personne, de ce qui fait le plus de peine, ou le plus de plaisir. »

(Acad., 6e édit.)

Toucher la grosse corde :

« Parler de ce qu’il y a de principal et d’essentiel dans une affaire. »
(Id.)

Paganini, qui exécutait souvent des morceaux entiers sur la grosse corde, la quatrième, racontait à son ami le peintre Ziem, de qui nous le tenons, que si les grands Luthiers italiens ont laissé des violons excellents, c’est parce qu’ils prenaient toujours le soin, pour les construire, de n’employer que du bois provenant des arbres sur lesquels avaient chanté les rossignols.

Nous ignorons si les maîtres de la lutherie n’avaient pas d’autre secret. En tout cas, la légende est charmante.


  1. Hart. Le Violon.
  2. Cours de physique expérimentale, professé au Collège de France pendant l’année scolaire 1838-1839, par M. F. Savart, professeur. Publié dans l’Institut, journal des sociétés et travaux scientifiques, etc., 1re  section Sciences mathématiques, physiques et naturelles, 8e année, n° 319, 6 février 1840, p 56.
  3. Ouvrage cité.
  4. G. Chouquet. Le musée du Conservatoire national de musique, etc. Paris, 1884.
  5. Scintille, ossia vegole di musica, etc.
  6. Les Comptes des Bâtiment du Roi (1528-1571), t. II, p. 220. À la page 270 du même ouvrage figurent les noms de : Francisque de Birague, Jehan Boulay. Orpheus Hestre, Barthelemy Broulle, Francisque de Malle, Melchior de Milan et Jehan de Bellac, tous hautbuoys et viollons du Roi (Année 1534).
  7. Id., p. 246.
  8. Liv. V. chap xiv.
  9. A. Jacquot. La musique en Lorraine, p. 51 et 55.
  10. Id., p. 52 et 53.
  11. Ibid., p. 54.
  12. Voyez R. North’s memoirs, London, 1846.
  13. Julien Tiersot. La Semaine sainte à Saint-Gervais (Le Menestrel du 24 avril 1893.)
  14. Cimber et Danjou. Archives curieuses de l’histoire de France, 1re  série, t. VIII, p. 358.
  15. A. Vidal. La Lutherie et les Luthiers, p. 11.
  16. G. Livi. Nuova anthologia, 16 août 1891, cité par le docteur Coutagne.
  17. Recherches sur les facteurs de clavecins et les luthiers d’Anvers, etc., par le chevalier Léon le Burburc. (Bulletins de l’Académie royale de Belgique, 2me  série, vol. XV, 1863, p. 361.)
  18. Le. P. Menestrier. Des représentations en musique, Paris, 1682.
  19. Bibl. nat., ms fond français, n° 7835 pièce n 24. Cité par Vidal.
  20. Journal de l’Estoile, année 1581.
  21. Mercure françois, mars 1615, p. 9 et suiv.
  22. Mémoires de Michel de Marolles, abbé de Villeloin, t. I. p. 133.
  23. Mercure françois, janvier 1619, p. 109.
  24. Voyez Recueil de ballets faits en 1600, par Michel Henry (cité par Kastner).

    Ces promenades nocturnes furent interdites plusieurs fois pour cause d’abus. Un arrêt du parlement du 26 août 1595 fait défense à toutes personnes de s’assembler et aller en troupes par les rues y porter luths, mandolles el autres instruments de musique, et, sous quelque prétexte que ce soit, aller de nuit, à peine de la hart. Félibien, Histoire de la Ville de Paris, preuves, t. III. p. 28.

  25. Le Parnasse françois.
  26. C’est le chœur célèbre de Jannequin, la Bataille de Marignan, que l’on appelait la Retraite ou la Défaite des Suisses et aussi la Guerre.
  27. Galanteries des rois de France. Weckerlin, qui cite ce passage de Sauval, ajoute : « Dans la chanson de Jannequin, les Suisses mis en scène, ne disent pas : Tout est perdu, mais bien : Tout est verlore, et y ajoutant Bigott ! un gros juron. »
  28. Journal de Jean Héroard sur l’enfance et la jeunesse de Louis XIII (1601-1628). Extrait des manuscrits originaux et publié avec l’autorisation de M. le ministre de l’Instruction publique, par M. Eud. Soulié et Ed. Barthélémy, Paris, Didot, 1868, t. I. p. 62.
  29. Mémoires de Mlle  de Montpensier, t. I, p. 40, édit. Cheruel, Paris, 1858.
  30. Anne d’Autriche, femme de Louis XIII.
  31. Mme  de Chevreuse.
  32. L’auteur fait sans doute allusion à Lulli.
  33. Mémoires inédits de Louis Henri de Loménie, comte de Brienne, etc. publiés par F. Barrière, Paris, 1828, t. I, p. 274. Brienne écrit « Boccau », mais les autres auteurs appellent toujours ce violoniste « Bocan », qui doit être son vrai nom et que nous lui conservons.
  34. Archives nationales, registre, cour des aides, Z. 1342 (cité par Vidal).
  35. Harmonie universelle.
  36. On a, au xviie siècle, dansé la bocane :
    Lolive

    Vous Voulez peut-être une danse grave et sérieuse ?

    M. Grichard

    Oui, sérieuse, s’il en est, mais bien sérieuse.

    Lolive

    Eh bien la courante, la bocane, la sarabande ?

    (Le Grondeur, comédie de Brueis et Palaprat
    représentée en 1691. Acte II. scène XVII.)
  37. les œuvres de Tabarin avec les adventures du capitaine Rodomont, la farce des bossus, etc., nouvelle édition avec préface et notes par Georges d’Harmonville, 1622, Paris, Adolphe Delahays, 1858, p. 93.
  38. A. Jacquot. La musique en Lorraine.
  39. Collection universelle des mémoires particuliers relatifs à l’histoire de France, (Mémoires de Du Guesclin, 1785, t. IV, p. 63.)
  40. Traité des tournois, joutes, carrousels et autres spectacles publics, par le P. Ménétrier, Lyon, 1661.
  41. Le Parnasse françois.
  42. Mémoires de Mme  de Motteville, t. IV, p. 222.
  43. Extrait des comptes de dépense pour le ballet du Roy, 1625, F. Danjou, Archives curieuses, etc., 2e  série, t. IV (cité par Vidal).
  44. Déclaration de Henri II du 2 février 1548. Arrest de la cour des aydes du 3 juillet 1649. (Extrait des privilèges des officiers domestiques et commensaux du roy, de la reyne et des enfants de France, La Martinière, Paris 1649, p. 106.)
  45. Harmonie universelle.
  46. Estat général des officiers de la maison du roy, 29 avril 1651.
  47. Archives nat., reg. O17, p. 163.
  48. État général des officiers, etc., 1657.
  49. « Le maistre de la chapelle de musique, M. l’évêque de Périgueux, qui prête serment au roy ; il a de gages 1 200 livres. »

    « Il reçoit le serment de fidélité de huit chapelains pour les grandes messes et de cinq clers. » L’État de la France, année 1663, t. I. p. 12.

    En 1702, le maître de la chapelle de musique était : M. Charle Maurice le Tellier, archevêque duc de Reims, premier pair ecclésiastique de France, commandeur de l’ordre du Saint-Esprit, conseiller d’État ordinaire, docteur et proviseur de la maison et Société de Sorbonne, abbé de Saint-Étienne de Caën, de Breteuil, de Saint-Bénigne de Dijon, de Saint-Rémy de Reims, de Saint-Thierry du Mont-d’Or et Bonnefontaine.

    « Il a de gages 1 200 livres par les thrésoriers des menus, 3 000 livres pour sa bouche à cour, païés à la chambre aux deniers, et 1 500 livres au thrésor Roîal et autres appointemens. L’État de la France, année 1702, t. I. p. 36 et 37.

  50. « Il y a encore deux maistres de musique, M. Gobert et M. Villot, et plusieurs musiciens qui servent tous par semestre, et un organiste ordinaire. »

    « Il y a aussi deux sommiers. » Sans doute les souffleurs d’orgue. L’État de la France, année 1663, t. I. p. 13.

  51. « Il a encore quatre maistres de musique, servant par quartier : en janvier, le sieur Gobert ; en avril, le sieur Robert ; en juillet, le sieur Spirly : en octobre, le sieur du Mont. » L’État de la France, année 1665, t. I. p. 21.
  52. « Vous remarquerés que sur l’étal des menus, sur lequel sont payés les gages de la musique de la chapelle, ils sont simplement appelez les soûmaistres de musique. » Id.

    En 1792, étaient : « Maistres de musique servans par quartier et battans la mesure : en janvier. M. Michel Richard Delalande, 900 livres de gages sur les menus. De plus le roy lui a donné 1 200 livres de pension. Il est aussi surintendant et l’un des deux maistres de musique de la chambre de Sa Majesté et un des compositeurs de la musique de la Chambre ; en avril, M. Pascal Colasse ; en juillet, M. Guillai Minoret ; en octobre, le même M. Delalande. » Ils avaient été reçus en 1683. L’État de la France, année 1702.

  53. « Le maître de musique au quartier a encore double part aux ordonnances de 2 000 livres qui se paîent tous les trois mois pour la dépense extraordinaire, tant pour lui que pour les chantres, et double part aux sermens de fidélité des évêques et aux offrandres. » Ibid.
  54. Voir la note 1.
  55. « Quatre oganistes servans par quartier, trois reçûs en 1678 et le sieur Couperin en 1694. Ils ont chacun 600 livres de gages, que le thrésorier des menus paie par quartier : en janvier, M. François Couperin : en avril, M Jean Buterne ; en juillet, M. Guillaume-Gabriel Nivers, aussi maître de musique de la défunte reine, qui a encore 600 livres de pension ; en octobre, M. Gabriel Garnier. » L’État de la France, année 1798, t. I. p. 41.
  56. Pour l’année 1708, les quartiers de janvier, avril et octobre furent servis par Delalande, et celui de juillet par « M. Guillaume Minoret, ecclésiastique, 900 livres de gages chés le thrésorier des menus et pour élever, conduire, nourir et entrenir les pages de la musique pendant toute l’année 4 800 livres. » Ibid.
  57. Il y avait 95 chanteurs à la chapelle en 1708 : 11 « haut et bas dessus de voix » dont cinq recevaient 800 livres de pension ; 19 « haute-contres », 4 ecclésiastiques et 15 laïques ; 34 « hautes-tailles », parmi lesquels un seul ecclésiastique, Jean Joüilhiac, chapelain ; 25 « basses-tailles », 6 ecclésiastiques et 19 laïques ; 14 « basses-chantantes », 5 ecclésiastiques et 9 laïques ; et 2 « basses » joüans du serpent. MM. Robert Masselin, reçu en 1680, et Pierre Février reçu en 1683. » Ibid.
  58. Voici la composition de la chapelle, pour l’année 1708 ; 6 dessus de violon ; le plus ancien, « Jâque de la Quièze », était titulaire depuis 1660 ; 2 dessus de hautbois ; 2 flûtes d’Allemagne ; 3 parties d’accompagnement : un « haute-contre » une « taille » et une « quinte », cette dernière était certainement une quinte de violon, c’est-à-dire un alto ; 3 « basses de violon » ; 1 « téorbe », qui jouait aussi de la grosse basse de violon ; 1 joueur de flûte, hautbois et basse de cromorne (il jouait ces trois instruments alternativement bien entendu : 1 « gros basson, à la quarte à l’octave » ; et « deux maîtres pour montrer à jouer du luth aux pages, 300 livres à chaque semestre. Léonard Itier a les deux charges. Il est aussi joüeur de viole de la Musique de la Chambre. » Ibid.
  59. L’État de la France, année 1665, t. I, p, 104.
  60. Ordre et règlement qui doit estre tenu et observé en la maison du roy, tiré des Mémoires de M. de Saintot, maistre des cérémonies de France, Paris, chez Marin Lèche, p. 26.
  61. L’État de la France, année 1665, p. 106 et 107.
  62. Les surintendants de la musique touchaient : « 131 livres 12 sols par mois pour leur nourriture, et 660 livres de gages par an. »
    « Au semestre de janvier :
    le Sr Boesset. »
    « Au semestre de juillet :
    le Sr Batiste de Lully. »

    « Le surintendant doit connoitre des voix et des instrumens pour faire bonne musique au roy. Tout ce qui se chante par la musique de la Chambre se concerte chez lui, et il peut avoir un page mué près de sa personne. » Id., p. 105.

    En 1702, les deux surintendants de la musique de la Chambre touchaient chacun : 2 257 livres, sçavoir : 660 livres de gages, 912 livres 10 sols de nourriture, 119 livres 10 sols pour les montures el 365 livres pour la nourriture d’un page mué. De plus chaque surintendant fournit au thrésorier des menus en année une quittance de 1 500 livres montant les deux ensemble à 3 000 livres pour les montures, tant d’eux que du maître et des musiciens de la Chambre. » L’État de la France, année 1702, t. I, p. 224.

  63. « Deux maîtres des enfans de la musique qui ont soin d’entretenir et d’instruire trois pages de la musique de la Chambre. » « Les maîtres conduisent la musique en l’absence du sur-Intendant. »
    « Au semestre de janvier :
    le Sr Boesset.
    « Au semestre de juillet :
    le Sr Lambert et le Sr Batiste de Lully
    en survivance. »

    L’État de la France, année 1663, t. I, p. 105. On voit que les surintendants cumulaient.

  64. « Un compositeur de musique qui peut travailler en tout temps et battre la mesure de ses œuvres qui se doivent concerter chez le sur-Intendant :
    « Le Sr de Lully. »

    Id.

    En 1702, Pascal Colasse était à la fois maître de la musique, pour le semestre de juillet (il avait été appelé à cette haute fonction le 14 août 1696 et de plus compositeur de la musique de la Chambre. L’État de la France, année 1702, t. I, p. 225.

    Plus tard, en 1735, il y eut trois compositeurs de la musique de la Chambre : « MM. Jean Ferry, Rebel et François Francœur. » L’État de la France, année 1735, t. I, p. 335.

  65. L’État de la France, année 1663, t. I, p. 106.

    Ce n’est qu’en 1702 que nous trouvons des renseignements sur les instrumentistes de la Chambre.

    Le « clavessin » était alors touché par « M. Jean-Baptiste d’Anglebert ».

    Il y avait deux joueurs de « petit luth » servant par semestre. En janvier, « M. Léonard Itier, qui joüe présentement de la viole. Il a de plus 456 livres 5 sols pour jouer de la viole. 750 livres pour montrer aux pages de la musique à joüer du luth et du téorbe ». En juillet, « M. Pierre Chabanceau de la Barre, M. de la Barre est aussi à la musique de la Chapelle ».

    Marin Marais jouait la viole pour le semestre de janvier, et Léonard Itier pour celui de juillet.

    Un « théorbe, autrefois flûte, M. Étienne le Moine, ordinaire ».

    Étaient : « Pensionnaires de la musique de la Chambre païez sur les menus : quatre petits violons, 1 200 livres. MM. Jaque de la Quièze, Jean Noël Marchand, Jean-Baptiste la Fontaine, Prosper Charlot, qui sont aussi de la musique de la Chapelle. » Ainsi que trois basses de viole, « M. Antoine Forcroy, 600 livres ; Mlle  Hillaire, 1 200 livres : Mlle  Sercamanan, 1 200 livres ». L’État de la France, année 1702, t. I, p. 228 el 229.

    Plus tard on y ajouta un « maître à jouer de la guitare, François Visée ». L’État de la France, année 1737, t. I, p. 337.

  66. L’État de la France, année 1665, t. I, p. 106.

    Une nouvelle charge des 24 violons, dont le nombre fut ainsi porté à 25, avait été créée par Louis XIV, en 1655, en faveur de G. Dumanoir, devenu roi des violons, qu’il nommait en même temps le chef de cette Bande. Cette charge de 25e violon fut supprimée en 1695, lors de la démission de Michel-Guillaume Dumanoir comme roi des violons.

  67. Id.
  68. « Des trompettes de la Chambre, des trompettes des Plaisirs, des tambours et des fifres, ou hautbois de la Chambre. »

    « Des douze trompettes de la Grande Écurie, M. le Grand Ecüier en choisit quatre appelez particulièrement les quatre trompettes ordinaires de la Chambre du roy, qui servent auprès de Sa Majesté. Ces quatre trompettes sont : Denys Barberet, Jean Rode, Antoine Pélissier dit Beaupré, Claude Girardot. Leur fonction est de sonner à la tête des chevaux du carosse du roy principalement dans les voyages et quand le Roy entre dans les villes. Ils servent aussi dans les cérémonies roïales. »

    « Quatre trompettes ordinaires des Plaisirs du roy et qui sont aussi dans les gardes du corps, et accompagnent ceux qui sont du guet, François Charvillat, de la compagnie de Noailles, Pierre le Maire (de Duras). Denys Barberet (de Lorge), Jean Coit dit la Marche (de Villeroy)… Ils se trouvent à tous les concerts de musique où il faut des trompettes devant le roy, tant sur le canal de Versailles que dans les appartemens. Aux opéras, ballets, comédies et quelquefois même dans la chapelle… Enfin ils se trouvent généralement à tout ce qui se fait pour le divertissement du roy et de la Cour. En toutes ces rencontres de divertissement, les trompettes des Plaisirs ont le pas sur les trompettes de la Chambre, mais aux autres endroits les trompettes de la Chambre ont le pas sur ceux des Plaisirs.

    « Quatre tambours et quatre fifres, présentement hautbois de la Chambre… Les quatre tambours de la Chambre sont : Nicolas Perrin, François Buchot et son fils Pierre Buchot en survivance, Pierre Jacquart, Jean Carel. »

    « Les quatre fifres ou plutôt hautbois de la Chambre, sont Jean l’Aubier, Jâque Danican-Philidor, Jean d’Abadie dit de l’Isle, Claude Babelon. » L’État de la France, année 1702, t. I, p. 235 et suiv.

  69. En 1702. la Bande de la Grande Écurie était ainsi composée :

    « Douze grands hautbois et violons de la grande écurie anciennement appelez grands hautbois, cornets et saquebutes », dont nous donons les noms plus loin.

    « Six hautbois et musettes du Poitou : Martin Haüteterre et son fils Jean en survivance, François Pignon des Coteaux, Antoine Pièche, Martin Herbinot des Touches, Philbert Rebillé, Pierre Ferrier. »

    « Six cromornes et trompettes marines. » Voir les noms des titulaires dans le chapitre consacré à la trompette marine. L’Êtat de la France, année 1702, t. I, p. 564 et 565.

  70. « Les Petits violons sont au nombre de vingt et un et ont chacun 600 livres. Avec lesquels à certaines cérémonies comme au sacre, aux entrées des villes, mariages et autres solennitez et réjouissances, on fait joüer l’autre Bande de violons de la Grande Écurie, les hautbois, fibres, etc. » L’État de la France, année 1665, t. I, p. 106.
  71. « Violons du Cabinet, autrefois nommez les Petits violons, païez sur la Cassette à 30 sols par jour. Ils sont au nombre de vingt et un et suivent le roy dans tous ses voïages » L’État de la France, année 1702, t. I, p. 232.
  72. Archives nat., reg. 0146, p. 197 cité par Vidal.
  73. « Musique de la reine-mère :

    « Un maître de musique, le Sr Bataille, 1 800 livres. »

    « Dix chantres ordinaires, qui ont chacun 1 200 livres pour leurs gages et nourriture : le Sr Hébert, le Sr Bony, le Sr Boyer, le Sr Legros, le Sr Tissu, le Sr Vieil, le Sr Dardon, le Sr Chevalier, le Sr Mayen, le Sr Garnier. »

    « Deux pages de la musique. » L’État de la France, année 1663, t. I. p. 321.

  74. « Musique de la reine :

    « Deux maîtres de musique servans par semestre, qui ont deux pages de musique 1 800 livres. Au semestre de janvier le Sr Boisset (sans doute Boesset dont le nom aura été mal orthographié), au semestre de juillet le Sr Camus. » Id., p. 370.

  75. Les maîtres de musique étaient : en janvier, « le Sr Paolo Lorenzani », et en juillet, « le Sr Guillaume-Gabriel Nivert. » L’État de la France, année 1683, t. I. p. 431 et 132.
  76. « Pierre de la Barre pour la basse de viole », il faisait les deux semestres. Ibid.
  77. Pour le « clavessin » : en janvier. Joseph-François Salomotl (l’auteur de Médée et Jason) en juillet, Henry du Mont el Antoine Fouquet en survivance. Id.
  78. « Outre les officiers de musique ci-dessus, il y a encore Jean Gaye, voix de concordant, Michel Bernard, taille et Antonio, dessus, Jean Augustin le Peintre et Jean Marchand, joüeurs de dessus de violon, Pierre Huguenet, joueur de taille, et Sébastien son frère, joueur de haute-contre, et Charle de la Fontaine, joüeur de basse de viole, Fossart, joüeur de quinte de violon ; tous païés par ordonnance, sçavoir : 600 livres par an aux Srs Gaye, le Peintre et la Fontaine, et 300 livres par an aux Srs Huguenet frères, Bernard, Marchand, Antonio et Fossart. » Ibid.
  79. L’État de la France, année 1663, t. I, p 418.
  80. Journal de Dubuisson Aubenay, 15 juin 1646. Inséré dans les Mémoires de Mlle  de Montpensier, édit. Chéruel, Paris, 1858, t. Ier, p. 63.
  81. Loret. La Muse historique, n° du 31 mai 1653.
  82. Loret. La Muse historique, 11 septembre 1660.
  83. Les particuliers, les bourgeois eux-mêmes avaient à leur service des laquais sachant jouer du violon :
    Clarice

    Que nous allons danser ! C’est ma folie que la danse. Au moins j’ai déjà retenu quatre laquais qui jouent parfaitement du violon.

    M. Grichard

    Quatre laquais ?

    Clarice

    Oui Monsieur, deux pour vous et deux pour moi. Quand nous serons mariés je veux que vous ayez le bal chez nous tous les jours de la vie.

    (Le grondeur, pièce en 3 actes de Brueis et Palaprat,
    représenté en 1691. Acte II. scène XI.)
  84. Op. cit., t. II, p. 283 (ch. xix)
  85. Son nom devait s’écrire Lulli ; mais il adopta en France l’orthographe que nous donnons car c’est celle qui se voit sur ses partitions. On l’appelait familièrement Baptiste.
  86. Voir pour cette anecdote : Lecerf de la Vieuville de Freneuse. Comparaison de la musique italienne et de la musique françoise. — Dom Caffiaux. Histoire de la musique.
  87. Lecerf de la Vieuville de Freneuse. Ouvrage déjà cité.
  88. Nous lisons dans la Musique à la Comédie Française, par Jules Bonnassies :

    « c’est dans la Comédie des Proverbes de Montluc (1616) que nous trouvons le premier témoin, dans un théâtre, d’un orchestre composé de violons… Perrault, dans le Parallèle des anciens et des modernes, dit que, en 1629, la symphonie dans les théâtres est d’une flûte et d’un tambour ou de deux méchants violons. »

    « Chappuzeau est le seul de qui nous tenions quelques détails précis touchant la place des violons au temps de Molière : « Cy-devant, écrit-il en 1613, on les plaçoit ou derrière le théâtre, ou sur les aisles, ou dans un retranchement entre le théâtre et le parterre, comme en une forme de parquet ; — cette dernière place est celle que leur assigne Israël Silvestre dans son estampe de la représentation de la Princesse d’Elide, à Versailles, en 1664 ; — depuis peu on les met dans une des loges du fond, d’où ils font plus de bruit que de tout autre lieu où on les pourroit placer. Il est bon qu’ils sçachent par cœur les deux derniers vers de l’acte, pour reprendre prontement la symphonie sans attendre qu’on leur crie ; Jouez, ce qui arrive souvent. » Par cette loge du fond, Chappuzeau veut dire sans doute du fond de la salle. »

    L’orchestre du Théâtre-Français, qui comptait 12 exécutants en 1758, 18 en 1764, 34 en 1792 ; 28 en 1815 et 1830, fut supprimé en 1871. Depuis cette époque, la symphonie se tient « sur les aisles », c’est-à-dire dans les coulisses, où très habilement dirigée par M. Laurent Léon.

  89. Le Parnasse françois.
  90. Dom Caffiaux. Histoire de la musigue. (Ms. bibl. nat., n° 22, p. 536-537.)
  91. Castin-Blaze. Chapelle-musique des rois de France, p. 88
  92. L’Orchestre de Lully, par Arthur Pougin. Le Ménestrel, février et mars 1896.
  93. On a vu plus haut, que : « Nicolas Pyronet, Jehan Henry, Jehan Fourcade, Claude Pironet, Pierre de Cainguillebert, Paule de Milan, Nicolas de Lucques et Dominique de Lucques, tous violons et joueurs d’instrumens du Roy », accompagnèrent François Ier à Lyon, en 1533 ; et que Baltazarini, prenait le titre de : « violon de la Chambre du Roy ».
  94. Depuis leur fondation, la chapelle et l’hôpital de Saint-Julien furent desservis par des prêtres de la paroisse Saint-Merry ; mais le 22 novembre 1644, l’archevêque de Paris, transféra tous les droits el privilèges qui en dépendaient aux Pères de la doctrine chrétienne. Ceux-ci se considérant comme les véritables propriétaires, réunirent, en 1649, la chapelle à leur congrégation, el s’approprièrent le revenu de l’hôpital. La corporation des ménétriers protesta, et après bien des difficultés une transaction toute à l’avantage des joueurs d’instruments eut lieu le 15 avril 1664.
  95. Arch. nat., Reg. secr., O117, fol. 153.
  96. L’État de la France, 1702, p. 229 et 232 ; 1708, p. 47.
  97. L’État de la France, 1702, p. 233.
  98. Arch. nat., 0126, fol. 280.
  99. L’État de la France, 1683, p. 433 ; 1702, p. 232 ; 1708. p. 48.
  100. L’État de la France, 1702, p. 233.
  101. Id., 1702, p. 233, 1708. p. 47.
  102. Id., 1702, p. 233
  103. L’État de la France, 1708, p. 48.
  104. Arch. nat., O116, fol. 197.
  105. Arch. nat., O116, fol. 199, verso.
  106. L’État de la France, 1702, p. 229.
  107. Id., 1702, p. 231.
  108. Id., 1708, p. 48.
  109. Arch. nat., section domaniale, carton 9, 1215. (Cité par A. Vidal.)
  110. l’État de la France. 1702, p. 233.
  111. L’État de la France, 1708, p. 48.
  112. L’État de la France, 1702, p. 230 et 231.
  113. L’État de la France, 1702. p. 233.
  114. Id.
  115. Id.
  116. Ce sera toujours d’un violon ordinaire de la Chambre, c’est-à-dire de la grande Bande, dont il sera question, lorsque le nom du titulaire ne sera suivi d’aucune indication.
  117. Arch. nat., O120, fol. 68.
  118. Arch. nat., O120, fol. 68.
  119. Arch. nat., O120, fol. 264.
  120. L’État de la France, 1702, p. 230.
  121. L’État de la France, 1702, p. 230.
  122. L’État de la France, 1702, p. 231.
  123. L’État de la France, 1702, p. 233.
  124. L’État de la France, 1683, p. 432.
  125. Arch. nat. O126, fol. 8.
  126. Arch. nat. O126, fol. 361.
  127. L’État de la France, 1702, p. 231 et 233.
  128. Id., 1708, p. 48.
  129. L’État de la France, 1683, p. 433.
  130. L’État de la France, 1702, p. 231.
  131. Id.
  132. L’État de la France, 1708, p. 47.
  133. L’État de la France, 1702, p. 231.
  134. Arch. nat., O131, fol. 189.
  135. L’État de la France, 1702, p. 230.
  136. L’État de la France, 1702, p. 231.
  137. L’État de la France, 1702, p. 230.
  138. L’État de la France, 1702, p. 233 ; 1708, p. 48.
  139. L’État de la France, 1702, p. 230.
  140. L’État de la France, 1702, p. 233 ; 1708 p. 47.

    Nous lisons dans le Livre commode de 1691, au chapitre des « Menus plaisirs » p. 48 : « MM. Thoüin, rüe la Verrerie, du Bois, rüe des Fossez-Saint-Germain-des-Prez et de l’Isle, rüe Saint-Honoré sont d’ailleurs renommés pour le dessus de violon ». Et dans la même publication de l’année 1692 : Maîtres pour le dessus de violon. MM. Favre, rue Saint-Honoré, Le Peintre, à Versailles, Thoüin, rüe de la Verrerie, Verdier, rüe du Chantre, Baptiste, cloître Saint-Honoré, du Bois, rüe des Fossez-Saint-Germain, de l’Isle, rüe Saint-Honoré, Charpentier, rue de la Harpe, du Chesne, rüe Aubry-Boucher, Jobert, rüe Saint-Antoine, Marchand, rüe de Berry, etc. »

  141. L’État de la France, 1702, p. 231.
  142. Signatures originales. Tiré de la collection de M. le marquis de Saint Hilaire. Cité par A. Vidal. Les instruments à archet, t. II. p. 247, renvoi 1. On remarquera qu’il n’y a que sept signataires au lieu de neuf.

    Duvivier, Nivelon. Dumont, Marchand (est-ce le même ?) et Dufresne, étaient symphonistes à la Comédie-Française, en 1674, (Voir Jules Bonnassies, La musique à la Comédie Française, p. 15.)

  143. L’État de la France, 1708 p. 48.
  144. Arch. nat., O141, fol. 101.
  145. Arch. nat., O143, f. 53.
  146. Arch. nat., O144, fol. 339.
  147. Arch. nat., O146, fol. 28.
  148. « Pierre Carpentier, maître à danser pour les pages de Mme  la dauphine 180 livres. », L’État de la France 1712. Était-ce le même ?
  149. L’État de la France, 1702, p. 233.
  150. L’État de la France, 1702, p. 564.

    Un Philippe Desjardins était dessus de hautbois dans les violons du Cabinet depuis 1690.

    Nous avons donné les joueurs de trompette marine de la Grande Écurie dans le premier volume, p. 176.

  151. Arch. nat., O147, fol. 1.
  152. Arch. nat., O148, fol 61.
  153. L’État de la France, 1708, p. 47 et 48.
  154. Arch. nat., O150, fol. 106.
  155. Arch. nat., O151, fol. 113, verso.
  156. Un Converset était symphoniste à la Comédie-Française en 1673.
  157. Arch. nat., O154, fol. 76.
  158. Il y eut deux violons nommés Baptiste Anet, le père et le fils. Le premier, connu sous le nom de Batiste le père, était élève de Lully. Son fils, presque toujours désigné par son prénom de Baptiste, alla étudier à Rome avec Corelli.
  159. Arch. nat., O155, fol. 189, verso.

    « Le Peintre pour jouer du violon chez le dauphin (duc de Bourgogne) 400 livres sur le trésor royal, quelques gratifications et 600 livres de Monseigneur le dauphin. »

    « Augustin le Peintre pour jouer du violon à 500 livres par le trésorier de Madame la dauphine. »

    L’État de la France, année 1712.

  160. Arch. nat., O156, fol. 88.
  161. Arch. nat., O157, fol. 128.
  162. Arch. nat., O157, fol. 4, verso.
  163. Arch. nat., O158, fol 16.
  164. Arch. nat., O158, fol. 57.
  165. Arch. nat., O159, fol. 62.
  166. Arch. nat., O160, fol. 27, verso.
  167. Arch. nat., O161, fol. 128.
  168. Id., O163, fol. 89, verso.
  169. Id., O166, fol. 170.
  170. Id., O122, fol. 214, verso.
  171. Id., O164, fol. 6, verso.
  172. Id., O167, fol. 38 et 39.
  173. Id., O147, fol. 77.
  174. Id., O171, fol. 379.
  175. Arch. nat., O172, fol. 124, verso.
  176. Id., O174, fol. 409.
  177. Id., O175 fol. 134, verso.
  178. Id., O176, fol. 220, verso.
  179. Id., O175, fol. 134, verso.
  180. Id., O177, fol. 18, verso.
  181. Arch. nat., O183, fol 287.
  182. Id., O183, fol. 424.
  183. Id., O184, fol. 375.
  184. Id., O192, fol. 63.
  185. Id., O192, fol. 233, verso.
  186. Id., O193, fol. 7, verso.
  187. L’État de la France, 1749, p. 311.
  188. L’État de la France, 1749, p. 314 ett 315.
  189. Arch. nat., O197, fol. 113.
  190. Id., O199, fol. 11 et 12.
  191. Id., O1100, fol. 146.
  192. Id., O1100, fol. 202.
  193. Id., O1104, fol. 617.
  194. Id., O1104, fol. 641.
  195. Bibl. de l’École des chartes, 1842-1843, t. IV, p. 534.
  196. Dumanojr était à la fois chef des vingt quatre violons, roi des ménétriers et maître à danser de la Grande Écurie ; de plus, il figure dans les états de 1637 sous le titre de baladin, aux appointements de 180 livres par an.

    Pour les noms des rois des ménétriers et des violons, voir T. I. pages 101 et suivantes.

  197. Félibien. Histoire de la ville de Paris, t. II.
  198. Suite de la muse guerrière ou nouveau recueil de chansons sur les affaires du tems, comme aussi des airs d’opéra et autres, à Crémoïne, chez Pasquin le savoyard, à la rue des Prisonniers, 1703. (Cité par Weckerlin, dans Musiciana, p. 96.)
  199. Arch. nat., reg. secr., O, 85, fos 179 à 181.
  200. Almanach du théâtre. État de la musique du roi, 1774, p. 13 et 14 cité par A. Vidal.
  201. Memoirs of music by the hon. Roger North, London, 1846.
  202. Mobitz Furstenan. Zur Geschichte der Musik und des Theaters am Hofe der Kurfürsten von Sachsen, 1556-1763, 2 vol. Dresde, 1861, t. I, p. 192 et suiv.
  203. Mercure, décembre 1682, p. 386-387 ; idem, janvier 1683, p. 146.
  204. Fétis. Biographie universelle.
  205. Le Parnasse françois, p. 91.
  206. Ouvrage déjà cité.
  207. L’abbé Sibire. La chélonomie ou le parfait luthier, Paris, 1806.
  208. Un violon de Stradivari, décoré dans le même goût, a successivement appartenu à Rode et à Ch. Lamoureux.
  209. Léon Pillaut. Le musée du Conservatoire national de musique. Premier supplément au Catalogue de 1884, Paris, 1894.
  210. Catalogue du Musée du Conservatoire, p. 190.
  211. Par ton modéré, l’auteur doit vouloir dire diapason peu élevé, car dans un autre passage il parle du violon accordé au ton de la flûte.
  212. L’usage de ces anciennes mesures s’est conservé dans la lutherie.
  213. Plusieurs violons de Stradivi ont reçu différents noms. Celui de Messie a été donné à un violon de 1716, par Alard, parce que Tarisio, qui apportait tous les ans des anciens instruments italiens à Paris, parlait toujours de ce violon, mais ne le montrait jamais. Un autre, également de 1716, s’est d’abord appelé le Régent, puis le Superbe. Un violon de 1709 a été baptisé la Pucelle. Un autre, de 1711, fui nommé le Dauphin. Le dernier violon fait par Stradivari à l’âge de quatre-vingt-douze ans est connu sous le nom de Chant du cygne.
  214. Félix Savart. Mémoire, publié en 1840, journal l’Institut, nos 319, 321, 323 et 327.
  215. Cenni sulla celebre scuola cremonese degli stromenti ad arco, non che sui lavori e sulla famiglia del sommo Antonio Stradivari. Cremona, Tipografia Dalla Noce, 1872. Brochure de 30 pages in-8o et signée sacerdote Paolo Lombardini.
  216. Ce manuscrit est actuellement au musée civique de Crémone, installé dans le palais Ponzoni.
  217. Hart, auquel nous empruntons la traduction de ces passages du manuscrit d’Arisi, déclare que ces instruments furent envoyés en Angleterre vers 1685.
  218. En 1724, le cardinal Orsini fut élu pape sous le nom de Benoit XIII et occupa le trône pontifical jusqu’en février 1730, où il mourut à l’âge de quatre-vingt-un ans.
  219. Côme III de Médicis
  220. D’après cette lettre d’Ariberti, un concert de violon se composait de deux violons, deux altos ténor et contralto et d’une basse. Il y avait des Concertos d’église et aussi des Concertos de chambre.
  221. Il est sans doute ici question de Jean-Baptiste Volumier, musicien belge, directeur de la Musique d’Auguste, électeur de Saxe et roi de Pologne.
  222. Fétis. A. Stradivari, p. 76.
  223. N° 1008, 1er  sup. du catalogue.
  224. N° 1009, id.
  225. N° 117 du catalogue, Paris, 1884.
  226. Tarisio était une sorte de brocanteur ambulant, qui avait une grande connaissance des instruments anciens. Il parcourait l’Italie en tous sens et ramassait ce qu’il trouvait de mieux, le plus souvent pour des sommes très minimes. C’est lui qui alimenta le marché de Paris et de la province de 1827 à 1854, époque de sa mort. J.-B. Vuillaume acheta 250 violons, altos et violoncelles à ses héritiers pour 80 000 francs. Dans ce lot se trouvait le Messie, etc.
  227. N° 272, catalogue 1884.
  228. Ce manuscrit se trouve au musée civique de Crémone. Voir Hart. Le Violon, pour la correspondance ci-dessus mentionnée.
  229. Vidal déclare que dans tous les actes authentiques concernant cette famille et conservés dans les archives de Crémone, le nom patronymique est toujours Guarnieri. Mais ces luthiers ont toujours signé leurs œuvres Garnerius qui est bien le nom de Guarneri latinisé.
  230. Ouvrage déjà cité.
  231. Quoi qu’en ail dit Vidal, le nom patronymique est bien orthographié Guarneri dans l’acte de baptême qu’il publie.
  232. En général, le travail de del Gesû est assez irrégulier. Pour cette raison, le nom de tête de cheval fut donné à certaines de ses volutes. Amable-Télesphore Barbé, ancien ouvrier de J.-B. Vuillaume, imitait ces dernières à la perfection.
  233. Alexis Rostand. La musique à Marseille, Paris, 1874. 1 vol. in-12, p. 9.
  234. Depuis, celle des maréchaux.
  235. Mercure de France, avril 1725, p. 836.
  236. Quantz était un flûtiste et un compositeur de grande valeur. Il fut le maître du grand Frédéric et écrivit de nombreux solos de flûte pour son royal élève.
  237. Mercure de France, avril et mai 1728, p. 856 et 1061.
  238. Mercure de France, avril 1733, p. 816.
  239. Mercure, septembre 1741, p. 2092.
  240. Mercure, mars 1754.
  241. Id., mai 1754.
  242. Id., avril 1758.
  243. Id., juin 1758.
  244. Mercure, avril-mai, 1755.
  245. Le Journal de Paris, 23 mars 1782.
  246. Id., 21 mai 1782.
  247. Spohr. Selbstbiographia, t. I, p. 66-67.
  248. Vidal. Les instruments à archet, t. II. p. 314.
  249. Description de la ville de Paris au xve siècle, par Guillebert de Metz, Paris, Aubry, 1855. p. 72.

    Selon le même auteur, en « l’hostel de maistre Jacques Duchié en la rue des Prouvelles » se trouvait en 1407 : Une salle remplie de toutes manières d’instrumens, harpes, orgues, vielles, guiternes, psallérions el autres, desquelz ledit maistre Jacques savoit jouer de tous. Id., p. 67.

  250. Perrin et Cambert avaient emprunté leurs chanteurs aux maîtrises des cathédrales. Lully avait établi à l’Opéra une école de chant et de déclamation qu’il dirigeait lui même. En 1698, la célèbre chanteuse Marthe le Rochois fonda une école publique qui subsista jusqu’en 1726. Il y eut après, l’école installée par l’Académie royale de musique, rue Saint Nicaise, sous le titre de magasin. El enfin celle qui fut créée par arrêt du roi, rendu le 3 janvier 1784, sur un de Gossec.
  251. J.-B. Weckerlin. Musiciana, p. 106 et 107.
  252. Turbry fit aussi paraître : L’art de moduler dans les régions les plus inouïes et les plus délicieuses de l’harmonie.
  253. Agricola donne les noms d’alto et ténor à deux « geige « ou violes allemandes de taille moyenne. Voir t. I, p. 193.
  254. L’État de la France, 1684, t. I, p. 433.
  255. Voir le Ménestrel du 9 février 1896.
  256. Par petit chœur, on désigne bien certainement les instrumentistes chargés d’accompagner les récitatifs, conjointement avec le clavecin.
  257. Gasparo da Salò a fait plusieurs altos de ce modèle. L’un d’eux décoré de doubles filets, appartient à M. F. Pingrié, à Paris.
  258. L’État de la France, 1702, p. 18.
  259. Les adresses de la ville de Paris avec le trésor des almanachs, livre commode, etc., 1691, p. 48.
  260. L’État de la France, 1692, p. 210.
  261. M. A. Soubies a reproduit ce frontispice dans son Histoire de la musique allemande, p. 69.
  262. Quantz. Méthode de flûte, Berlin. 1752. (L’auteur l’a publiée en français).
  263. Dans ses Lettres sur l’Italie (1739 à 1770), le président de Brosses parle avec admiration du violoncelliste Lanzetti.
  264. Ouvrage cité.
  265. Mercure de France, avril 1762, p. 190.
  266. Mercure de France, février 1768, p. 224.
  267. Id., avril 1768, p. 199.
  268. Le Parnasse françois, déjà cité.
  269. Le 3 juillet 1900, après une longue et douloureuse maladie, Jules Delsart fut enlevé à sa famille et à ses nombreux amis. M. Cros Saint-Ange, son successeur au Conservatoire, a été nommé le 8 novembre de la même année.
  270. Ce buffet, sur lequel on voit plusieurs musiciens grotesques jouant de la flûte, de la trompe de chasse, du basson, etc., appartient à Mme  Marie Giroux. Il est de la fin du xviie siècle et provient de l’ancien couvent de Marmoutier, près Saverne.
  271. L’État de la France, 1702, p. 18.
  272. Wekerlin. Musiciana, p. 162.
  273. Le Figaro, 14 septembre 1859.
  274. Les historiettes de Tallement des Réaux, t. III. p. 79.
  275. Nous avons parlé du psaltérion dans le chapitre consacré à la rote.