Les méthodes nouvelles de la mécanique céleste/Chap.06

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Gauthier-Villars et Fils (1p. 269-334).

CHAPITRE VI.

DÉVELOPPEMENT APPROCHÉ DE LA FONCTION PERTURBATRICE.


Énoncé du problème.

90.J’ai dit que M. Flamme avait donné une remarquable expression approchée des termes de rang élevé de la fonction perturbatrice. Il y est parvenu en appliquant à ce problème la méthode de M. Darboux qui permet de trouver les coefficients de rang élevé dans la série de Fourier ou dans celle de Taylor, quand on connaît les propriétés analytiques de la fonction représentée par ces séries.

Mais la méthode de M. Darboux n’est applicable qu’aux fonctions d’une seule variable, tandis que la fonction perturbatrice doit être développée suivant les sinus et cosinus des multiples des deux anomalies moyennes. Voici donc quel est le détour employé par M. Flamme : il obtient d’abord, par les procédés ordinaires, un premier développement de la fonction perturbatrice dont les termes sont de la forme

rayon vecteur de la première planète, anomalie vraie, anomalie excentrique ; et quantités analogues pour la seconde planète.

Alors les deux facteurs

ne dépendent plus que d’une seule variable, à savoir : le premier de l’anomalie moyenne de la première planète, le second de l’autre anomalie moyenne M. Flamme applique à chacun de ces deux facteurs la méthode de M. Darboux.

Cet artifice ne saurait nous suffire pour notre objet ; il nous faut, au contraire, appliquer directement à la fonction perturbatrice la méthode de M. Darboux et pour cela étendre cette méthode au cas des fonctions de deux variables.

91.La fonction qu’il s’agit de développer est celle que nous avons appelée et dont je vais rappeler l’expression en reprenant les notations du no 11.

On a alors

La fonction ainsi définie dépend des variables (4) du no 11 de et de Si nous supposons que et soient des fonctions données du paramètre et soient développables suivant les puissances croissantes de ce paramètre, ne dépendra plus que des variables (4) et de et sera développable suivant les puissances croissantes de

Cela peut se faire d’une infinité de manières ; nous supposerons, par exemple, que et sont des constantes indépendantes de

Les variables (4) sont les variables képlériennes relatives à deux orbites osculatrices définies dans le no 11. Le rayon vecteur dans la première orbite osculatrice est AB, dans la seconde orbite le rayon vecteur est CD. L’angle de ces deux rayons vecteurs (qui n’est autre chose que la différence des deux longitudes vraies dans les deux orbites osculatrices, si ces deux orbites sont dans un même plan) est l’angle BDC que j’appellerai simplement D.

Les quantités et AB dépendent seulement des variables (4) et non de Au contraire, AC et BC dépendent non seulement des variables (4) mais encore de Nous pouvons donc nous proposer de développer et suivant les puissances de Nous trouvons ainsi

Si l’on pose alors

il vient

Envisageons successivement les divers termes de la fonction perturbatrice

Tout d’abord Le premier terme

ne dépend que de l’anomalie moyenne et nullement de l’anomalie moyenne il ne pourra donc donner dans le développement des termes en

De même le second terme

ne pourra donner dans le développement final des termes en

Nous pourrons donc en général laisser de côté ces deux premiers termes.

Le dernier terme

peut se mettre sous une autre forme. Si je désigne par l’inclinaison des orbites et par et les longitudes vraies comptées à partir du nœud, on a

d’où

La méthode de M. Flamme est directement applicable aux quatre facteurs

Il reste donc à développer le troisième terme

qui est connu sous le nom de partie principale de la fonction perturbatrice. C’est du développement de cette partie principale que nous allons maintenant nous occuper.

Digression sur une propriété de la fonction perturbatrice.

92.On pourrait être tenté d’éviter la nécessité de développer la partie principale de la fonction perturbatrice en employant l’artifice suivant :

Nous avons trouvé

en désignant par et les deux rayons vecteurs et par l’angle de ces deux rayons vecteurs.

Pour arriver à ce résultat, nous avons pris, comme dans le no 11, pour orbites osculatrices l’orbite de B par rapport à A et celle de C par rapport à D, centre de gravité de A et de B.

Mais il est clair qu’on aurait pu également choisir comme orbites osculatrices celle de C par rapport à A et celle de B par rapport à E, centre de gravité de A et de C.

Cela revient à permuter les deux planètes B et C ; on aurait donc trouvé ainsi, comme nouvelle fonction perturbatrice,

d’où

S’il existe une intégrale

on pourra l’écrire, en prenant pour variables les éléments osculateurs des deux premières orbites [variables (4) du no 11], et l’on aura ainsi

On pourra l’écrire également en prenant pour variables les éléments osculateurs des deux nouvelles orbites (orbites de C par rapport à A et de B par rapport à E) ; on aura alors

sera formé avec les éléments des deux nouvelles orbites comme avec les éléments correspondants des deux anciennes, mais ne sera pas formé comme

On devra avoir alors, ainsi que nous l’avons vu au no 81,

et de même

comme est formée comme je puis supprimer l’accent et écrire

d’où
(1)

Nous avons vu que, s’il existe une intégrale uniforme et si, après avoir développé on forme les expressions (14) du no 84, il doit y avoir entre ces expressions un certain nombre de relations.

Mais, en raisonnant sur l’équation (1) comme nous l’avons fait sur l’équation (3) du no 81, on arriverait à un résultat analogue. Développons et formons à l’aide de ce développement les expressions (14) ; s’il existe une intégrale uniforme, il devra y avoir entre ces expressions un certain nombre de relations.

Si donc on pouvait établir que ces relations n’existent pas, on aurait démontré qu’il ne peut exister non plus d’intégrale uniforme. Comme le développement de est incomparablement plus facile que celui de il semble que ce procédé doit simplifier beaucoup notre tâche.

Mais il est tellement artificiel, qu’a priori on conçoit des doutes sur son efficacité et qu’on se demande s’il n’est pas illusoire. Il l’est en effet, car les expressions (14) formées à l’aide de sont nulles ou indéterminées.

Supposons que l’on développe sous la forme suivante

Les coefficients seront fonctions de et des autres éléments osculateurs ( et exceptés). Donnons à et à des valeurs telles que

(en appelant et les moyens mouvements).

Je dis que, pour ces valeurs de et de le coefficient s’annulera.

Pour cela je vais me servir du lemme suivant.

Soit

(2)

un système de variables conjuguées deux à deux ; soit

(3)

un autre système de variables conjuguées. Supposons que ces deux systèmes soient liés par des relations telles que l’on puisse passer de l’un à l’autre sans altérer la forme canonique des équations. On devra avoir alors, d’après le no 5,

(4)

Supposons que les et les dépendent d’un certain paramètre et soient développables par rapport aux puissances de que, pour et se réduisent à et à

On aura alors

(5)

les et les étant des fonctions des et des

Alors l’expression

sera une différentielle exacte. C’est là une conséquence nécessaire de l’identité (4), qui entraîne évidemment la suivante

Considérons maintenant les équations canoniques

Changeons de variables et prenons les variables (3) comme nouvelles variables, il viendra

Si nous remplaçons les et les par leurs valeurs (5), il viendra

d’où, en identifiant les deux développements,

Si l’on observe que et que

on pourra écrire
(6)

Supposons que ne dépende que de deux variables et et que soient périodiques de période par rapport à et C’est ce qui arrive dans tous les problèmes que nous avons traités jusqu’ici.

Supposons de même que soit périodique en et et soit

dépendant de

Supposons qu’on veuille développer et sous la même forme, et soit

L’équation (6) montre que

Si donc on donne à et à des valeurs telles que

on aura également

Appliquons ce résultat au cas qui nous occupe.

Soient

(7)

les variables (4) du no 11 relatives aux deux orbites osculatrices anciennes B, par rapport à A, C par rapport à D.

Soient

(8)

les variables (4) du no 11 relatives aux deux nouvelles orbites (B par rapport à E, C par rapport à A).

Ces variables (8) pourront remplacer les variables (7) sans que la forme canonique des équations soit altérée ; elles dépendront des variables (7) et de elles seront développables suivant les puissances de elles se réduiront aux variables (7) pour

Nous nous trouverons donc dans les conditions où le résultat précédent est applicable et nous devons conclure que, si l’on pose

s’annule pour

Ce résultat peut se vérifier directement sans difficulté. Reportons-nous en effet aux expressions données par M. Tisserand dans sa Mécanique céleste (t. I, p. 312).

Le résultat qu’il s’agit de vérifier, traduit dans les notations de M. Tisserand, peut s’énoncer ainsi (je rappelle que M. Tisserand désigne par le cosinus de l’angle des deux rayons vecteurs).

Si l’on pose

s’annule pour

et, en effet, en se reportant aux expressions de la page que je viens de citer, on trouve

dépendant seulement des excentricités, des inclinaisons, des longitudes des périhélies et des nœuds ; cette expression s’annulera donc pour

et par conséquent pour


C.Q.F.D.

J’ai cru néanmoins devoir rattacher ce théorème à une théorie plus générale qui permettra peut-être de découvrir d’autres propositions analogues.

Principes de la méthode de M. Darboux.

93.Après cette digression, je reviens à mon sujet principal. Il convient d’abord de rappeler les résultats de M. Darboux, qui doivent nous servir de point de départ.

1o Soit une série

admettant pour rayon de convergence

On aura, quand croîtra indéfiniment

2o Imaginons maintenant que la fonction

demeure finie sur la circonférence de rayon ainsi que ses premières dérivées ; le produit ne croîtra pas au delà de toute limite quand augmente.

3o Si l’on a

on aura approximativement
(1)

je veux dire que le rapport des deux membres de l’égalité (1) tendra vers 1, quand croîtra indéfiniment.

4o Supposons maintenant que la fonction ait sur la circonférence de rayon deux points singuliers et que dans le voisinage du point nous ayons

et dans le voisinage du point

et restant finis ainsi que leurs premières dérivées. Il viendra alors, pour

d’où l’on déduit la valeur approximative de

5o Si l’on a

on aura
si

nous aurons approximativement

Cette dernière formule n’est applicable que si n’est pas entier positif ; dans ce cas, on aurait

6o Soit

une série contenant des puissances positives et négatives est convergente pourvu que

Soient et deux points singuliers de la fonction situés sur la circonférence soient et deux points singuliers de sur la circonférence Supposons que n’ait pas d’autre point singulier sur ces deux circonférences.

Soient

deux séries convergentes pour

Soient

deux séries convergentes pour

Si les différences sont finies ainsi que leurs premières dérivées, la première dans le voisinage du point la seconde dans le domaine du point la troisième dans celui du point la quatrième quand est voisin de on aura

Les valeurs approximatives des coefficients dépendent donc uniquement des singularités que présente la fonction sur les circonférences qui limitent la convergence.

Extension aux fonctions de plusieurs variables.

94.Appliquons ces principes au cas qui nous occupe.

Il s’agit de développer une certaine fonction des deux anomalies moyennes et sous la forme suivante

On a donc

Il s’agit de trouver une valeur approchée du coefficient quand, le rapport étant donné et fini, les deux nombres et sont très grands ou plus généralement quand on a

étant des entiers finis et un entier très grand ; et sont premiers entre eux.

Si je dis alors qu’on a approximativement

cette égalité signifiera que le rapport

tend vers l’unité quand croît indéfiniment et que restent finis.

Le problème à résoudre étant ainsi défini, j’emploierai les notations suivantes.

Posons

il viendra

Si nous posons alors, pour abréger,

il viendra

en faisant, pour abréger,

Soit maintenant

l’intégrale étant prise par rapport à le long de la circonférence Nous aurons

Toutes les intégrales sont nulles, sauf celles pour lesquelles et qui sont égales à

Si on aura

Il vient alors

Si donc on développe sous la forme

le coefficient ne sera autre chose que si

Nous sommes donc conduit à chercher l’expression approchée de pour très grand et par conséquent à étudier les singularités de la fonction

95.La fonction est définie comme une intégrale prise par rapport à le long de la circonférence On peut remplacer cette circonférence par un contour quelconque, à une condition toutefois.

Regardons un instant comme une constante et comme une fonction de Cette fonction admettra un certain nombre de points singuliers.

Il faut qu’entre la circonférence et le contour il n’y ait aucun de ces points singuliers.

Faisons maintenant varier d’une manière continue ; ces points singuliers se déplaceront d’une manière continue. Si, en même temps, on déforme le contour d’une façon continue, et de telle sorte qu’il ne passe jamais par aucun point singulier, la fonction restera holomorphe.

La fonction ne peut donc cesser d’être continue que s’il devient impossible de déformer le contour de façon qu’il ne passe pas par un point singulier. Voici comment cela peut arriver ; imaginons que, pour une certaine valeur de nous ayons deux points singuliers et l’un extérieur, l’autre intérieur au contour Si, en faisant varier d’une manière continue, l’un d’eux, par exemple, vient sur le contour nous pourrons déformer en le faisant fuir pour ainsi dire devant ce point singulier mobile, de façon que ce point ne puisse jamais atteindre ce contour. Ainsi restera toujours extérieur à et intérieur à Mais supposons maintenant que et se rapprochent indéfiniment l’un de l’autre ; le contour pris pour ainsi dire entre deux feux, ne pourra plus fuir devant ces deux points mobiles et la fonction ne sera plus holomorphe.

Par conséquent, pour obtenir tous les points singuliers de il suffit d’exprimer que deux des points singuliers de considérés comme fonction de se confondent en un seul.

La série

sera convergente dans une région limitée par deux circonférences

ces deux circonférences iront passer par un ou plusieurs des points singuliers que je viens de définir.

Mais, si l’on veut savoir quels sont ceux de ces points singuliers qui sont sur ces circonférences et qui définissent par conséquent les limites de convergence de notre série, une discussion plus approfondie est nécessaire.

Tous les points singuliers ne conviennent pas, en effet, à la question, et cela pour plusieurs raisons.

En premier lieu, la fonction n’est pas uniforme ; si deux points singuliers et de cette fonction considérée comme fonction de viennent à se confondre pour une certaine valeur de il faut, pour que cette valeur soit un véritable point singulier de que et appartiennent à une même détermination de et de plus que cette détermination soit encore la même que celle qui figure dans l’intégrale

laquelle prise le long de définit la fonction

Il faut, en outre, qu’avant de se confondre en un seul, ces deux points et ne soient pas d’un même côté du contour

Soit un chemin tracé dans le plan des et allant d’un point de module 1 à des points singuliers définis plus haut. Supposons qu’on suive ce chemin de en et qu’on étudie les variations de en prenant pour valeur initiale

Bien que la fonction puisse ne pas être et ne soit pas en général uniforme, la détermination particulière de que nous avons en vue est ainsi entièrement définie, puisque nous nous donnons la valeur initiale et le chemin parcouru.

Il s’agit alors de savoir si le point est bien un point singulier pour cette détermination particulière de

La fonction n’étant pas uniforme, il faut faire varier non pas sur un plan, mais sur une surface de Riemann possédant autant de feuillets que la fonction possède de déterminations (ce nombre peut être infini).

Quand variera en suivant le chemin les points singuliers se déplaceront et la surface de Riemann se déformera.

C’est sur cette surface de Riemann qu’il faut supposer le contour tracé.

Ce contour se réduira pour au cercle tracé sur un des feuillets de quand la surface se déformera, on devra déformer également le contour de telle sorte qu’il ne s’y trouve jamais de point singulier. Une discussion spéciale, souvent délicate, fera voir alors si, pour une valeur de très voisine de les deux points singuliers de qui se confondent pour sont de part et d’autre du contour ce qui est la condition nécessaire et suffisante pour que le point soit un point singulier pour la détermination particulière de que nous envisageons.

Comment reconnaître maintenant si le point se trouve sur une des circonférences

qui limitent la convergence de la série,

et si, par conséquent, il est un de ceux dont dépend la valeur approchée que nous cherchons ?

Traçons le chemin allant du point de module 1 au point de façon que le module de varie constamment dans le même sens. Si le point appartient à l’une de nos deux circonférences, il devra être un point singulier pour la détermination de définie par le chemin et on le reconnaîtra parle moyen que je viens d’expliquer.

Si un point satisfait à cette condition, je dirai que ce point singulier est admissible.

Cela posé, parmi tous les points singuliers admissibles de module plus grand que 1, ceux-là seront sur la circonférence dont le module sera le plus petit.

De même, parmi tous les points singuliers admissibles de module plus petit que 1, ceux-là seront sur la circonférence dont le module sera le plus grand.

J’ajouterai, en terminant, que la fonction possède plusieurs déterminations qui s’échangent entre elles, soit quand deux des déterminations de s’échangent entre elles, soit quand deux des points singuliers de tournent autour l’un de l’autre.

Je vais d’abord chercher à déterminer les points singuliers de je déterminerai ensuite par une discussion spéciale quels sont ceux qui conviennent à la question.

Recherche des points singuliers.

96.Bornons-nous au cas où le mouvement se passe dans un plan.

Soient et les anomalies excentriques, et les excentricités, et les grands axes, et les longitudes des périhélies.

On aura

Les coordonnées de la première planète, par rapport au grand axe de son ellipse et à une perpendiculaire menée par le foyer, seront

ce seront donc les parties réelle et imaginaire de Si l’on pose

Si l’on pose de même

les coordonnées de la deuxième planète, rapportée aux mêmes axes que la première, seront les parties réelle et imaginaire de

Soit

soit
il viendra

Les points singuliers de sont les mêmes que ceux de car ne diffère de que par une puissance de et le point qui, d’ailleurs, n’interviendra pas dans la discussion, est déjà un point singulier de

Les points singuliers de seront ceux pour lesquels et et par conséquent cesseront d’être fonctions uniformes de et de et, par conséquent, de et de et, en outre, ceux pour lesquels

Je vais poser

d’où
Nous en déduirons
et

Nous aurons ensuite

en posant, pour abréger,

Nous aurons, d’autre part,

Les points singuliers de nous sont donnés par

Nous pouvons transcrire ces équations en nous servant des variables et elles deviennent alors algébriques ; les deux premières s’écrivent, en effet,

(1)
(2)

et les deux dernières, en chassant les dénominateurs,

(3)
(4)

Pour trouver les points singuliers de il suffit d’exprimer que deux des points singuliers de se confondent. Mais cela peut arriver de deux manières :

Ou bien un point singulier défini par l’une des quatre équations va se confondre avec un point singulier défini par une autre de ces quatre équations : nous obtiendrons ainsi les points singuliers de première espèce de

Ou bien deux des points singuliers définis par une de ces quatre équations se confondront en un seul : nous obtiendrons ainsi les points singuliers de deuxième espèce de

Pour avoir les points de première espèce, il suffit de combiner deux à deux les quatre équations (1), (2), (3), (4). On voit que ces points ne dépendent en aucune façon des entiers et

Pour avoir les points de deuxième espèce, voici comment il faut faite :

Soit une des quatre équations (1), (2), (3), (4) ; pour exprimer que deux des points singuliers définis par cette équation se confondent, il me suffit d’écrire

Si nous changeons de variables en exprimant et et, par conséquent, en fonctions de et de il vient

de sorte que l’équation peut être remplacée par

ou bien encore

Les premiers membres des équations (1) et (2) ne dépendent que de ou bien que de nous pouvons les laisser de côté ; mais nous avons des points singuliers qui nous seront donnés par les deux équations

ou encore par les deux équations

Nous avons

L’équation peut donc être remplacée par la suivante :

ou
(5)

De même l’équation peut être remplacée par la suivante

(6)

Les points singuliers de deuxième espèce sont donc donnés par les équations (3) et (5) ou bien par les équations (4) et (6) ; à l’inverse de ceux de première espèce, ils dépendent donc du rapport des entiers et

Tous les points singuliers de sont donc donnés par des équations algébriques.

Ces équations algébriques se simplifient quand on suppose Il est permis alors de supposer et par conséquent

L’équation (1) ne change pas, l’équation (2) se réduit à et il n’y a plus à en tenir compte, les équations (3) et (4) deviennent

(3)
(4)

Les équations (5) et (6) deviennent

(5)
(6)

La combinaison des équations (3) et (5) donne

(7)

et celle des équations (4) et (6) donne

(8)

Les équations (7) et (8) nous donnent les valeurs de correspondant aux points de la deuxième espèce ; l’équation (1) nous donne les valeurs de correspondant à certains points de première espèce. Il nous reste à parler des points de première espèce définis par les équations (3) et (4), puisque l’équation (2) devient illusoire.

Les équations (3) et (4) s’écrivent

Si elles sont satisfaites à la fois, on aura

Or
Il reste donc

de sorte que les valeurs de correspondant à cette sorte de points singuliers seront données par les deux équations

(9)
(10)

Les valeurs de qui correspondent aux points singuliers nous seront données par les cinq équations (1), (7), (8), (9) et (10). Observons que les équations (1), (9) et (10) sont réciproques et que les équations (7) et (8) se changent l’une dans l’autre quand on change en Si est un point singulier, il en sera donc de même de C’est ce qu’il était aisé de prévoir.

Si l’on fait nos équations se réduisent à donc, quand tend vers 0, les racines des équations (1), (7) et (8) tendent vers 0 ou vers l’infini.

Si l’on pose

les équations (3), (4), (5), (6), (7) et (8) deviennent

(3)
(4)
(5)
(6)
(7)
(8)

L’équation (1) nous donne d’autre part comme solution

Lorsque et sont très petits, nous avons vu que les valeurs de sont très petites, ou très grandes, et, comme les équations ne changent pas quand on change en nous devons conclure qu’il y en a précisément autant de très petites que de très grandes.

Nos équations et les valeurs correspondantes de se simplifient un peu quand, supposant très petit, on néglige le carré de cette quantité.

Les équations (1), (9) et (10) nous donnent alors respectivement pour trois valeurs très petites, qui sont approximativement

(11)

et trois valeurs très grandes, qui sont approximativement

(11 bis)

L’équation (7) nous donne deux valeurs très petites, définies approximativement par l’équation

(12)

et une valeur très grande ; qui est approximativement

(13 bis)

L’équation (8) nous donne deux valeurs très grandes, définies par

(12 bis)

et une très petite, qui s’écrit

(13)

Il est aisé de vérifier que les équations (12) et (12 bis) ont leurs racines réelles quand Si donc et sont de signe contraire et que soit assez petit, les équations (7) et (8) auront leurs racines réelles.

Les valeurs de correspondant aux divers points singuliers étant ainsi définies, il reste à déterminer les valeurs de et de

J’observe d’abord que, si l’on a un point singulier correspondant à certaines valeurs de de et de les valeurs inverses correspondront à un autre point singulier, que j’appellerai le réciproque du premier. On constate, en effet, que notre système d’équations ne change pas quand on change en et et cela était d’ailleurs aisé à prévoir.

Les valeurs de et de seront définies par les couples d’équations suivants :

(1),(3); (1),(4); (7),(3); (8),(4); (9),(3) ou (4); (10), (3) ou (4).

Ces équations nous montrent que, si est très petit et peut être regardé comme un infiniment petit du premier ordre, est très petit si est très petit et très grand si est très grand.

Nous avons, d’autre part,

Si est infiniment petit du premier ordre, est infiniment petit (ou infiniment grand) du même ordre ; il en est de même de l’exposant est alors fini ; par conséquent est un infiniment petit (ou infiniment grand) d’ordre

Je distinguerai parmi les points singuliers celui qui est défini par [solution de l’équation (1)] et par l’équation (3).

Pour ce point, en effet, et sont nuls.

De même, pour le point défini par [autre solution de (1)] et par l’équation (4), et qui est le réciproque du premier, les valeurs de et de sont infinies.

Nous n’aurons donc pas à nous occuper de ces deux points singuliers dans la discussion qui va suivre.

Discussion.

97.Voici la question qu’il me reste à résoudre.

J’ai en tout 14 points singuliers, 7 qui correspondent à des valeurs très petites de et de 7 qui correspondent à des valeurs très grandes de et de

À un autre point de vue, 7 de ces points correspondent à des valeurs très petites de et 7 à des valeurs très grandes de Il s’agit de savoir quel est, parmi les 7 premiers, celui pour lequel le module de est le plus grand (cela nous apprendra en même temps, puisque les valeurs de sont réciproques deux à deux comme le sont celles de et de quel est, parmi les 7 derniers, celui pour lequel le module de est le plus petit).

Si les points singuliers correspondants sont admissibles, ce seront eux qui définiront les circonférences

Pour ne pas prolonger la discussion par l’examen d’un trop grand nombre de cas différents, je vais faire quelques hypothèses particulières. Je supposerai

Je supposerai également que le rapport est voisin du rapport des moyens mouvements changé de signe, c’est-à-dire que l’on a à peu près (en désignant par et ces moyens mouvements)

Les termes les plus intéressants sont, en effet, ceux qui correspondent à de petits diviseurs.

On a alors à peu près

ce qui montre que et sont de signe contraire ; je supposerai par exemple positif et négatif ; comme est plus grand que 1, sera positif.

Grâce à ces hypothèses, toutes les valeurs de sont réelles. Cela rend possible une représentation géométrique simple qui permettra de suivre plus facilement la discussion.

Dans la figure ci-contre, nous représentons chaque point singulier par un point du plan dont les coordonnées rectangulaires sont et

J’ai fait deux figures (fig. 1 et fig. 2), la première représentant le quadrant du plan compris entre l’axe des positifs et celui des positifs ; et la seconde représentant le quadrant compris entre l’axe des négatifs et l’axe des négatifs.

Figure 1
Fig. 1.

Figure 1
Fig. 2.

Les droites AS et A′S′ ont respectivement pour équation

Les deux branches de courbe C′B′DBP et QFAE′R′ ont pour équation

c’est-à-dire l’équation (3) ; les deux branches de courbe

B′D′BCOREL  et  R′F′Q′

ont pour équation

(4)

Les divers points singuliers sont représentés sur la figure par les points suivants

A.................... Équations (1) et (3)
B.................... (9), (3) et (4) [2e éq. (11)],
C.................... (8) et (4) [(13)],
D.................... (7) et (3) [(12) racine négative],
E.................... (1) et (4)
F.................... (7) et (3) [(12) racine positive],
R.................... (10), (3) et (4) [3e éq. (11)] ;

et par les points A′, B′, C′, D′, E′, F′ et R′, respectivement réciproques des premiers.

Il est aisé de vérifier que, si est assez petit, ces points sont bien disposés dans l’ordre de la figure, c’est-à-dire que les abscisses des points

C′B′D′DBCFREE′R′F′

vont en croissant.

Comparons les valeurs de correspondant à ces divers points. On voit d’abord que, pour les points de la fig. (1) (où est réel positif et que, pour les points de fig. (2) (où ), l’argument de est égal à celui de égal à Reste à voir comment varie le module de Si l’on suit l’une des courbes (3) ou (4), les maxima et minima de correspondent aux points de contact de ces courbes (3) et (4) avec les courbes

c’est-à-dire aux points C′, D, F, A pour la courbe (3), et aux points D′, C, F′ pour la courbe (4).

Voici comment varie  :

1o Quand on suit la courbe (3)

En O′................  En Q ................
De O′ en C′ .......... croît  De Q en F ............ croît
En C′................ max.  En F ................ max.
De C′ en D ........... décroît  De F en A ............ décroît
En D ................ min.  En A ................
De D en P ........... croît  De A en O′........... croît
En P ................  En O′................

2o Quand on suit la courbe (4)

En P′................  En O ................
De P′ en D′ .......... croît  De O en L ou en A′ .... croît
En D′................ max.  En A′................
De D′ en C .......... décroît  De A′ en F′ .......... décroît
En C ................ min.  En F′ ................
De C en O′ .......... croît  De F′ en Q′ .......... croît
En O ................  En Q′ ................

On en conclut que le du point B est plus grand que celui du point C, et celui du point E que celui du point R.

De même, le du point D est plus petit que celui du point B, et le de R est plus petit que celui de F.

Nous avons vu que, la fonction n’étant pas uniforme, il fallait tracer les contours d’intégration sur la surface de Riemann correspondante dont le nombre des feuillets est infini. Pour éviter la considération de cette surface de Riemann, on peut changer de variables. Observons, en effet, que le carré de est fonction uniforme de et de et, par conséquent, que le carré de est fonction uniforme de et de

Si donc nous convenons de donner à une valeur déterminée et que nous considérions momentanément comme constante, à un point du plan des correspondront seulement deux valeurs de égales et de signe contraire. Nous pourrons alors avec avantage tracer nos contours d’intégration sur le plan des

Donnons d’abord à une valeur initiale dont le module soit égal à 1. Nous sommes convenus, en définissant que le contour d’intégration le long duquel doit être prise l’intégrale

doit se réduire au cercle pour les valeurs de de module 1.

Pour nous devrons donc prendre pour contour dans le plan des le cercle et dans le plan des le cercle

Voici donc la règle pour reconnaître si un point singulier de est admissible. Soit la valeur de et la valeur de qui correspondent à ce point singulier. Nous supposerons, par exemple, que le module de est plus petit que 1 ; aussi bien savons-nous que, parmi les points singuliers de la moitié ont leur module plus petit que 1. Nous allons faire varier de la manière suivante : son argument devra rester constant et constamment égal à celui de et son module ira en croissant de à 1. En d’autres termes, le point décrira un segment de droite limité aux points et

Pour chacune des valeurs de considérée comme fonction de présente un certain nombre de points singuliers ; pour deux de ces points singuliers se confondent en un seul et avec Quand décrit la droite ces deux points singuliers varient d’une manière continue et parfaitement définie. Quand atteint la valeur finale il peut arriver ou bien que les positions finales de ces deux points singuliers sont toutes deux intérieures, ou toutes deux extérieures au cercle et alors le point considéré est inadmissible, ou bien que ces positions finales sont l’une extérieure et l’autre intérieure à ce cercle et alors le point considéré est admissible.

La fonction est multipliée par une racine ième de l’unité quand est multiplié par une racine ième de l’unité. Supposons donc que, pour une valeur donnée de le point le point

soit un point singulier de considérée comme fonction de Il en sera de même des points

Nous avons vu que les valeurs de qui correspondent aux points singuliers de sont toutes réelles, et ont par conséquent pour argument 0 ou Les valeurs correspondantes de auront donc pour argument étant entier. Soit donc une de ces valeurs, je pourrai écrire

ayant pour argument 0 ou et étant entier.

Si correspond à un point singulier de [c’est-à-dire à deux points singuliers de confondus], il en sera de même de

Je dis que la condition nécessaire et suffisante pour que le point soit admissible, c’est que le point le soit.

En effet, appliquons la règle : quand le point décrira la droite les deux points singuliers, primitivement confondus en auront pour positions finales et de même les deux points singuliers primitivement confondus en auront pour positions finales

Il suffit évidemment, pour démontrer le théorème énoncé, d’observer que

Il suffira donc d’examiner les points singuliers qui correspondent à des valeurs réelles et positives de c’est-à-dire aux points F, E, R et A de la figure, et les points singuliers qui correspondent à la valeur de l’argument de c’est-à-dire aux points D, B et C de la figure.

Le point E est inadmissible ; en effet, la valeur correspondante de est

quand le point décrira la droite les deux points singuliers primitivement confondus en resteront réels. À chacun d’eux correspondra une valeur de et une de et par conséquent un point représentatif sur notre figure.

L’un de ces points représentatifs décrira alors la droite ES et l’autre la courbe EL.

L’un des points singuliers restera donc fixe et égal à et aura par conséquent son module toujours plus petit que 1.

La valeur initiale de est réelle et positive : la droite sera donc une portion de l’axe des quantités réelles et la valeur finale sera égale à 1.

Le second point singulier (qui correspond au point représentatif qui a suivi la courbe EL) a une valeur réelle et positive que j’appelle il s’agit de savoir si est plus petit ou plus grand que 1.

Lorsque ce point représentatif décrira la courbe EL depuis E jusqu’en L, le module de ira en croissant depuis une certaine valeur très petite jusqu’à l’infini ; il passera donc une fois et une seule par la valeur 1. Il s’agit de montrer que la valeur correspondante de est plus petite que 1. Pour cela, il suffit de faire voir que, quand l’abscisse de ce point représentatif atteint la valeur 1, est plus grand que 1.

Or on trouve que, pour

Il reste donc à démontrer que

Or il est clair que

Donc
Donc le point E est inadmissible. C.Q.F.D.

Le point F est inadmissible ; ici encore la droite sera une portion de l’axe des quantités réelles puisque sera réel. Les points singuliers primitivement confondus en ne resteront pas réels, mais ils resteront imaginaires conjugués ; ils ont donc même module ; il est donc impossible que quand atteindra sa valeur finale