81.Reprenons nos équations canoniques
(1)
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Je suppose d’abord que qui ne dépend pas des dépend
des variables et que son hessien par rapport à ces variables
n’est pas nul.
Je me propose de démontrer que, sauf dans certains cas exceptionnels
que nous étudierons plus loin, les équations (1) n’admettent
pas d’autre intégrale analytique et uniforme que l’intégrale
Voici ce que j’entends par là :
Soit une fonction analytique et uniforme des des et de
qui doit de plus être périodique par rapport aux
Je ne suis pas obligé de supposer que cette fonction soit analytique
et uniforme pour toutes les valeurs des des et de
Je suppose seulement cette fonction analytique et uniforme
pour toutes les valeurs réelles des pour les valeurs suffisamment
petites de et pour les systèmes de valeurs des appartenant à
un certain domaine D ; le domaine D peut d’ailleurs être quelconque
et être aussi petit qu’on le veut. Dans ces conditions, la
fonction est développable par rapport aux puissances de et je
puis écrire
étant uniformes par rapport aux et aux et
périodiques par rapport aux
Je dis qu’une fonction de cette forme ne peut pas être une
intégrale des équations (1).
La condition nécessaire et suffisante pour qu’une fonction
soit une intégrale s’écrit, en reprenant la notation du no 3,
ou en remplaçant et par leurs développements
Nous aurons donc séparément les équations suivantes, dont je ferai
usage plus loin,
(2)
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et
(3)
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Je dis que je puis toujours supposer que n’est pas une fonction
de
En effet, supposons que l’on ait
Je dis que la fonction sera une fonction uniforme en général,
quand les variables resteront dans le domaine D.
Nous avons en effet
Nous pourrons résoudre cette équation par rapport à et écrire
et sera une fonction uniforme à moins que ne s’annule à
l’intérieur du domaine D.
En remplaçant par sa valeur dans
il vient
est une fonction uniforme des et des si l’on y remplace
par la fonction uniforme on obtiendra une fonction uniforme
de de et des
mais, par hypothèse, cette fonction ne dépend que de
Donc est fonction uniforme de
Cela a lieu pourvu que ne s’annule pas dans le domaine D ;
cela aura lieu également si l’une des dérivées ne s’annule pas
dans le domaine D.
Cela posé, si est une intégrale uniforme, il en sera de même de
est développable suivant les puissances de et de plus
est divisible par puisque est nul. Posons donc
sera une intégrale analytique et uniforme et il viendra
En général, ne sera pas une fonction de si cela avait lieu,
on recommencerait la même opération.
Je dis qu’en recommençant ainsi cette opération, on finira par
arriver à une intégrale qui ne se réduira pas à une fonction de
pour
À moins toutefois que ne soit une fonction de auquel cas
les deux intégrales et ne seraient plus distinctes.
En effet, soit le jacobien, ou déterminant fonctionnel de et
de par rapport à deux des variables et Je puis supposer
que ce jacobien n’est pas identiquement nul, puisque, si tous les
jacobiens étaient nuls, serait fonction de ce que nous ne
supposons pas.
sera manifestement développable suivant les puissances de
De plus s’annulera avec puisque
est fonction de sera donc divisible par une certaine puissance de par exemple
par
Soit maintenant le déterminant fonctionnel ou jacobien de
et de on aura
de sorte que ne sera plus divisible que par
Ainsi, après opérations au plus, on arrivera à un jacobien qui
ne s’annulera plus avec et qui correspondra, par conséquent, à
une intégrale qui ne se réduira pas pour à une fonction de
Par conséquent, s’il existe une intégrale analytique et uniforme
et distincte de mais telle que soit fonction de
on en pourra toujours trouver une autre de même forme et qui ne se
réduira pas à une fonction de pour
Nous avons donc toujours le droit de supposer que n’est
pas fonction de
82.Je dis maintenant que ne peut dépendre des
Si en effet dépend des ce sera une fonction périodique de
ces variables, de sorte que nous pourrons écrire
les étant des entiers positifs ou négatifs, les des fonctions
des et la notation représentant pour abréger l’exponentielle
imaginaire qui multiplie
Cela posé, nous avons
puisque ne dépend pas des et que les
sont nuls.
D’autre part,
de sorte que l’équation (2) s’écrit
et, comme ce doit être une identité, on aura, pour tous les systèmes
de valeurs entières des
de sorte qu’on doit avoir identiquement, ou bien
(4)
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ou bien
(5)
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De l’identité (5) on déduirait, par différentiation,
Or cela ne peut avoir lieu que de deux manières :
Ou bien si
ou bien si le hessien de est nul.
Or nous avons supposé au début que le hessien n’était pas nul.
Donc doit être identiquement nul, sauf pour le terme où
tous les sont nuls.
Cela revient à dire que se réduit à un seul terme qui ne
dépend pas des
C.Q.F.D.
Examinons maintenant l’équation (3). Comme et ne
dépendent pas des cette équation peut s’écrire
D’autre part, et sont périodiques par rapport aux et,
par conséquent, développables suivant les exponentielles de la forme
les étant des entiers positifs ou négatifs.
Pour abréger, je désignerai, comme plus haut, cette exponentielle
par et j’écrirai
les et les étant des coefficients dépendant des seulement.
On aura alors
de sorte que l’équation (3), divisée par s’écrira
Comme cette équation est une identité, nous devrons avoir pour
tous les systèmes de valeurs entières des
(6)
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La relation (6) doit avoir lieu pour toutes les valeurs des
Donnons alors aux des valeurs telles que
(7)
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le second membre de (6) s’annule. Nous devrons donc avoir,
toutes les fois que les satisferont à l’équation (7), ou bien
(8)
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ou bien
(9)
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La fonction est une des données de la question et il en est
de même, par conséquent, des coefficients Il est donc aisé de
reconnaître si l’égalité (7) entraîne l’égalité (8). En général, on
constatera qu’il n’en est pas ainsi et on devra conclure que l’égalité
(9) est une conséquence nécessaire de l’égalité (7).
Soient maintenant un certain nombre d’entiers.
Imaginons que l’on donne aux des valeurs telles que
(10)
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On pourra trouver une infinité de systèmes d’entiers
tels que
Pour chacun de ces systèmes d’entiers, on devra avoir
et, par conséquent,
La comparaison de ces deux équations montre que l’on doit avoir
c’est-à-dire que le jacobien de et de par rapport à deux
quelconques des quantités doit être nul.
Cela doit avoir lieu pour toutes les valeurs des qui satisfont
à des relations de la forme (10), c’est-à-dire pour toutes les
valeurs telles que les soient commensurables entre eux. Dans
un domaine quelconque, quelque petit qu’il soit, il y a donc une
infinité de systèmes de valeurs des pour lesquels ce jacobien
s’annule, et, comme ce jacobien est une fonction continue, il doit
s’annuler identiquement.
Dire que tous les jacobiens de et de sont nuls, c’est dire
que est fonction de Or cela est contraire à l’hypothèse que
nous avons faite à la fin du numéro précédent.
Nous devons donc conclure que les équations (1) n’admettent
pas d’autre intégrale uniforme que
C.Q.F.D. Cas où les s’annulent.
83.Dans la démonstration qui précède, nous avons supposé que
les coefficients n’étaient pas nuls. Si un ou plusieurs de ces
coefficients s’annulaient (et surtout si une infinité d’entre eux
s’annulaient), il y aurait lieu d’examiner le raisonnement de plus près.
Pour rendre possible l’énoncé des conséquences auxquelles je
vais être conduit, je serai forcé d’introduire une terminologie nouvelle.
À chaque système d’indices (où les sont
des entiers) correspond un coefficient Je dirai que ce coefficient
devient séculaire quand les prendront des valeurs telles que
(7)
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Voici ce qui peut justifier cette dénomination.
Lorsque, dans le calcul des perturbations, on suppose que le
rapport des moyens mouvements soit commensurable, quelques-uns
des termes de la fonction perturbatrice cessent d’être périodiques,
et l’on peut dire alors qu’ils deviennent séculaires ; ce qui
se passe ici est tout à fait analogue.
Je dirai que deux systèmes d’indices et
appartiennent à la même classe lorsqu’on aura
et que deux coefficients appartiennent à la même classe
lorsqu’ils correspondent à deux systèmes d’indices appartenant à la même classe.
Pour démontrer le théorème du numéro précédent, nous avons
supposé qu’aucun des coefficients ne s’annule en devenant séculaire.
Pour que le résultat soit vrai, il suffit que, dans chacune des
classes, il y ait au moins un des coefficients qui ne s’annule pas
en devenant séculaire.
Supposons en effet que le coefficient qui correspond au système
s’annule, mais que le coefficient qui
correspond au système ne s’annule pas.
Si l’on donne aux des valeurs telles que
on aura également
et par conséquent
De la première de ces égalités on ne peut pas déduire
parce que est nul ; mais, comme n’est pas nul,
la seconde égalité nous donne
et, par conséquent,
Le reste du raisonnement se fait comme dans le numéro précédent.
Avant d’aller plus loin, considérons d’abord le cas particulier où
il n’y a que deux degrés de liberté.
Il n’y aura alors que deux indices et et une classe sera
entièrement définie par le rapport de ces deux indices. Soit un
nombre commensurable quelconque ; soit la classe d’indices où
Je dirai, pour abréger, que cette classe appartient au
domaine D, ou est dans ce domaine si l’on peut donner aux un
système de valeurs appartenant à ce domaine, et telles que
Je dirai qu’une classe est singulière lorsque tous les coefficients
de cette classe s’annulent en devenant séculaires et qu’elle est ordinaire
dans le cas contraire.
Je dis que le théorème sera encore vrai si l’on suppose que, dans
tout domaine δ faisant partie de D on peut trouver une infinité de
classes ordinaires.
Soit en effet un système quelconque de valeurs de et tel
que l’on ait en ce point
Supposons que soit commensurable et que la classe qui correspond
à cette valeur de soit ordinaire ; le raisonnement du numéro
précédent pourra alors s’appliquer à ce système de valeurs et on
devra conclure que, pour ces valeurs de et de le jacobien de
et de par rapport à et à s’annule.
Mais, par hypothèse, il existe, dans tout domaine δ si petit qu’il
soit faisant partie de D, une infinité de pareils systèmes de valeurs
de et de Par conséquent notre jacobien doit s’annuler en
tous les points de D ; ce qui montre que est une fonction de
On en conclurait, comme dans le numéro précédent, qu’il n’existe
pas d’intégrale uniforme distincte de
Il n’en serait plus de même si l’on pouvait trouver un domaine D
dont toutes les classes soient singulières.
On pourrait se demander alors s’il ne peut pas exister une intégrale
qui reste uniforme non pas pour toutes les valeurs des
mais quand ces variables ne sortent pas du domaine D. On verrait,
en général, qu’il n’en serait pas ainsi ; il suffirait, pour s’en assurer,
d’envisager dans l’équation
non plus seulement le terme indépendant de et le terme en
mais le terme en et les termes suivants.
Je n’insiste pas, cela n’a pas d’intérêt, car je ne crois pas que,
dans aucun problème de Dynamique, se posant naturellement, il
arrive que toutes les classes d’un domaine D soient singulières sans
que tous les coefficients s’annulent en devenant séculaires.
Passons maintenant au cas où il y a plus de 2 degrés de liberté. Les résultats seront analogues, bien que l’énoncé en soit plus compliqué.
Soient
nombres entiers quelconques. Considérons tous les systèmes
d’indices qui satisfont à la condition
Je dirai que tous les coefficients correspondants appartiennent à
une même famille.
Soient classes définies par les systèmes d’indices suivants
Si l’on ne peut trouver entiers,
tels que l’on ait
je dirai que ces classes sont indépendantes.
Je dirai qu’une famille est ordinaire si l’on y peut trouver
classes indépendantes et ordinaires, et qu’elle est singulière dans
le cas contraire. Elle sera singulière du premier ordre si l’on peut
y trouver classes indépendantes, ordinaires et singulières du
ième ordre, si l’on peut y trouver classes indépendantes
et ordinaires et qu’on n’en puisse trouver davantage.
Je dirai qu’une famille définie par les entiers
appartient à un domaine D s’il existe dans ce domaine des valeurs
des telles que
Cela posé, je dis que, si l’on peut trouver dans tout domaine δ faisant partie de D une infinité de familles ordinaires, il ne pourra
exister aucune intégrale uniforme distincte de
Le raisonnement du numéro précédent est en effet applicable
à tout système de valeurs des qui correspond à une famille
ordinaire.
Les jacobiens de et de par rapport à deux quelconques
des variables devraient donc s’annuler une infinité de fois dans
tout domaine δ faisant partie de D, ce qui ne peut arriver que s’ils
sont identiquement nuls.
Je dis maintenant que, si l’on peut trouver dans tout domaine δ
faisant partie de D une infinité de classes singulières du ième ordre,
le nombre des intégrales uniformes distinctes que peuvent comporter
les équations (1) est au plus égal à (en y comprenant
l’intégrale ).
Supposons en effet qu’il y ait intégrales distinctes ; soient
ces intégrales et supposons que pour elles se réduisent à
(11)
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Soit un système de valeurs des correspondant à une famille
irrégulière du ième ordre. Posons
Il existera dans cette famille classes ordinaires. Soient
les systèmes d’indices correspondant à ces classes.
On aura pour les valeurs des x considérées
On en déduira que les jacobiens des fonctions (11) par
rapport à quelconques des doivent s’annuler pour les
valeurs considérées des
Et comme cela doit avoir lieu une infinité de fois dans chaque
domaine δ, on en conclura que ces jacobiens s’annulent identiquement
et par conséquent que nos intégrales ne peuvent pas
être distinctes.
Ces considérations ne présentent pas d’ailleurs d’intérêt pratique
et je ne les ai présentées ici que pour être complet et rigoureux.
On peut évidemment construire artificiellement des problèmes où
ces diverses circonstances se rencontreront ; mais, dans les problèmes
de Dynamique qui se posent naturellement, il arrivera
toujours, ou bien que toutes les classes seront singulières, ou bien
qu’elles seront toutes ordinaires, à l’exception d’un nombre fini
d’entre elles.
Cas où le hessien est nul.
84.Passons maintenant au cas où ne dépend pas de toutes
les variables
Je supposerai que dépend de et seulement et que son
hessien par rapport à ces deux variables n’est pas nul.
Pour bien marquer la différence entre ces deux variables et
et leurs conjuguées et d’une part, et les autres variables et
d’autre part, je conviendrai de désigner
par la notation
On observera d’abord que les conclusions du no 81 subsistent
et que, s’il existe une intégrale uniforme distincte de il est
toujours permis de supposer que n’est pas fonction de
Cela posé, nous devons d’abord avoir
Posons
nous pouvons écrire
les étant des coefficients dépendant de des et des
Il vient alors
Cette relation doit être une identité, et, d’autre part, le hessien
de n’étant pas nul, on ne peut avoir identiquement
à moins que et ne soient nuls tous deux.
On en conclurait, comme au no 82, que ne dépend ni de
ni de
Écrivons ensuite l’équation (3), nous aurons
Posons encore
Quand il sera nécessaire de mettre les indices en évidence, j’écrirai
Il viendra
Cette relation doit être une identité : nous pouvons donc égaler à 0
le coefficient d’une quelconque des exponentielles Nous donnerons
de plus aux des valeurs telles que
(12)
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de façon à faire disparaître les termes qui dépendent de
Il viendra
(13)
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Nous considérons comme appartenant à une même classe deux
coefficients tels que
et je dirai, pour abréger, que le coefficient appartient à la
classe Il suit de cette définition que le coefficient
appartient à la fois à toutes les classes.
D’après ce qui précède, si l’on donne aux des valeurs qui satisfont
à la relation (12), la relation (13) devra avoir lieu pour les
coefficients de la classe
Soient alors et deux entiers premiers entre eux, tels que
Posons
et
Si l’on donne aux des valeurs telles que
(12 bis)
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on devra avoir
(13 bis)
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et cela pour toutes les valeurs entières de positives, négatives ou nulles.
Cela ne peut avoir lieu que de deux manières :
1o Ou bien si l’on a
d’où
On en déduirait par un raisonnement tout semblable à celui du
no 82 que est fonction de ce qui est contraire
à l’hypothèse faite au début.
2o Ou bien, si le jacobien de quelconques des fonctions
par rapport aux variables et est nul.
On en conclurait que, si l’on donne à et à des valeurs constantes
satisfaisant à la condition (12 bis), il en résulte une relation
entre quelconques des fonctions de telle sorte que
toutes ces fonctions peuvent s’exprimer à l’aide de d’entre elles.
On peut énoncer encore ce résultat d’une autre manière :
Considérons les expressions suivantes
(14)
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Si l’on suppose que l’on donne à et des valeurs constantes
satisfaisant à l’équation (12 bis), ces expressions (14) dépendent
de variables seulement, à savoir des et des
S’il existe une intégrale uniforme, toutes ces expressions sont des
fonctions de d’entre elles ; ou, en d’autres termes, on peut
trouver une relation entre quelconques d’entre elles.
Quelle est la condition pour qu’il existe trois intégrales uniformes distinctes
Soient et ce que deviennent ces trois intégrales pour
On démontrerait, comme plus haut, que l’on peut toujours
supposer qu’il n’y a aucune relation entre et
On trouverait ensuite, en posant
que l’on a
(13 ter )
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Ainsi l’équation (12 bis) entraîne, comme conséquence nécessaire,
non seulement l’équation (13 bis), mais l’équation (13 ter).
Par un raisonnement tout pareil à celui qui précède, on verrait
que cela ne peut arriver que de deux manières :
Ou bien s’il y a une relation entre et
ce qui est contraire à l’hypothèse que nous venons de faire ;
Ou bien si le jacobien de quelconques des fonctions
est nul ainsi que tous ses mineurs du premier ordre.
Il en résulterait que, si et satisfont à la condition (12 bis),
il y a entre quelconques des non pas une,
mais deux relations.
En d’autres termes, les expressions (14) peuvent se calculer à
l’aide de d’entre elles.
Les expressions (14) qui dépendent des coefficients du développement
de la fonction sont des données de la question et
on pourra toujours vérifier s’il y a entre de ces expressions
une ou deux relations.
Généralement, on constatera qu’il n’y en a pas une seule et on
en conclura qu’il n’existe pas d’intégrale analytique et uniforme
autre que
Qu’arriverait-il cependant s’il n’en était pas ainsi ? Pour pouvoir
énoncer le résultat d’une manière complète et rigoureuse, je vais
me servir d’une terminologie analogue à celle du numéro précédent.
Je dirai qu’une classe est ordinaire s’il n’y a pas de relation
entre des expressions (14) formées avec les coefficients de
cette classe, qu’elle est singulière du premier ordre s’il y en a une,
singulière du second ordre s’il y en a deux, etc. Plus généralement,
une classe sera singulière d’ordre s’il y a relations entre
quelconques des quantités
Soit δ un domaine quelconque comprenant une infinité de systèmes
de valeurs de des et des
Si l’on peut trouver dans le domaine δ des valeurs de et
satisfaisant à la condition (12 bis), je dirai que la classe appartient
à ce domaine. J’ai dit des valeurs de et de et non des
valeurs de des et des parce que le premier membre
de (12 bis) ne dépend que de et de
Je pourrai alors énoncer le résultat suivant :
Je désignerai par D un domaine comprenant une infinité de
systèmes de valeurs de , des et des
Si, dans tout domaine δ faisant partie de D, on peut trouver une
infinité de classes ordinaires, on pourra être certain qu’il n’existe
pas en dehors de d’autre intégrale qui soit analytique et uniforme
par rapport aux aux aux et aux et de plus
périodique par rapport à et à et qui reste telle pour toutes les
valeurs réelles de et de pour les valeurs suffisamment petites
de et pour les valeurs de des et des
qui appartiennent au domaine D.
Si, dans tout domaine δ faisant partie de D, on peut trouver
une infinité de classes singulières du ième ordre, il ne pourra pas
exister plus de intégrales uniformes distinctes, en y comprenant
Application au problème des trois Corps.
85.Je vais m’occuper maintenant d’appliquer les notions qui
précèdent aux divers cas du problème des trois Corps.
Commençons par le cas particulier défini au no 9. Dans ce cas,
nous avons 2 degrés de liberté seulement et quatre variables
(cf. no 9) ; on a d’ailleurs
Le hessien de est nul, mais on peut, par l’artifice du no 43,
ramener le problème au cas où ce hessien n’est pas nul.
Si donc il existait une intégrale uniforme, il faudrait que, dans
le développement de (qui est la fonction perturbatrice des
astronomes), suivant les sinus et les cosinus des multiples de
et tous les coefficients s’annulent au moment où ils deviennent séculaires.
L’examen du développement bien connu de la fonction perturbatrice
montre qu’il n’en est pas ainsi.
Nous devons donc conclure que, dans ce cas particulier du problème
des trois Corps, il n’y a pas d’intégrale uniforme distincte de
Dans mon Mémoire des Acta mathematica (t. XIII), je me
suis servi pour établir le même point de l’existence des solutions
périodiques et du fait que les exposants caractéristiques ne sont
pas nuls. La démonstration que je donne ici ne diffère de celle des
Acta que par la forme, mais elle se prête mieux à la généralisation
qui va suivre.
Considérons maintenant un cas un peu plus général du problème
des trois Corps, celui où le mouvement se passe dans un plan, el
supposons qu’on ait réduit le nombre des degrés de liberté à 3,
ainsi qu’on l’a dit au no 15.
Nous avons alors six variables conjuguées, à savoir
Supposons que l’on développe la fonction perturbatrice de
la manière suivante
les coefficients seront fonctions de
et
Soient et deux entiers quelconques premiers entre eux ;
formons les expressions
(14)
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Donnons à et à des valeurs satisfaisant à la condition
(12 bis), c’est-à-dire telles que le rapport des moyens mouvements soit égal a
Pour que le problème admît une intégrale uniforme autre que
l’intégrale des forces vives, il faudrait qu’il y eût une relation entre
deux quelconques d’entre elles ( ), c’est-à-dire
que toutes ces expressions (14) fussent des fonctions de
c’est-à-dire de la partie séculaire de la fonction perturbatrice. Or
l’examen du développement bien connu de cette fonction montre
qu’il n’en est pas ainsi.
Nous devons donc conclure que, en dehors de l’intégrale des
forces vives, le problème n’admet pas d’intégrale uniforme de la
forme suivante
périodique en et
Mais cela ne nous suffit pas, il nous faut encore démontrer que
le problème n’admet pas d’intégrale de la forme suivante
où la fonction dépend d’une manière quelconque de et de
au lieu de dépendre seulement de la différence
Pour cela il faut prendre le problème avec 4 degrés de liberté,
ainsi que nous l’avons fait au no 16.
Nous aurons alors huit variables conjuguées
Les coefficients et les expressions (14) dépendent alors
de
et Quand on aura donné à et à
des valeurs constantes telles que le rapport des moyens mouvements
soit égal à les expressions (14) ne dépendront plus que des
quatre variables et
Pour qu’il y ait une intégrale uniforme autre que celle des forces
vives, il faut que l’on ait une relation entre quatre quelconques
( ) des expressions (14) ; c’est ce qui arrive
puisque toutes ces expressions sont fonctions seulement des trois
variables et
Rien ne s’oppose donc à ce qu’il existe une intégrale autre que
celle des forces vives, et il en existe une en effet, à savoir l’intégrale
des aires.
Pour qu’il y eût deux intégrales, il faudrait qu’il y eût une relation
entre trois quelconques de ces expressions ; c’est-à-dire que
toutes ces expressions dépendissent seulement de deux d’entre
elles. Il n’en est pas ainsi.
Donc, en dehors de l’intégrale des forces vives et de celle des
aires, le problème n’admet pas d’autre intégrale uniforme.
Passons enfin au cas le plus général du problème des trois Corps,
et posons le problème comme au no 11, c’est-à-dire avec 6 degrés
de liberté et avec les douze variables :
Les expressions (14), après qu’on a donné à et à des valeurs
constantes convenables choisies comme plus haut, dépendent
encore des huit variables
Pour qu’il y eût intégrales uniformes distinctes de il faudrait
qu’il y eût une relation entre
quelconques des expressions (14).
Il est aisé de vérifier que ces expressions dépendent seulement
de cinq variables, à savoir de
et de l’angle des plans des deux orbites osculatrices.
Il y a donc une relation entre quelconques des
expressions (14).
Rien ne s’oppose donc à l’existence de trois intégrales nouvelles
et elles existent effectivement : ce sont les intégrales des aires.
Mais il n’y a pas de relation entre quelconques des
expressions (14).
Donc, le problème des trois Corps n’admet pas d’autre intégrale
uniforme que celles des forces vives et des aires.
Je me suis borné, pour ne pas interrompre le raisonnement, à
affirmer qu’il n’existe pas de relations entre les expressions (14) ;
je reviendrai plus loin sur cette question.
On sait que M. Bruns a démontré (Acta mathematica, t. II)
que le problème des trois Corps n’admet pas de nouvelle intégrale
algébrique, en dehors des intégrales déjà connues.
Le théorème qui précède est plus général en un sens que celui
de M. Bruns, puisque je démontre non seulement qu’il n’existe
pas d’intégrale algébrique, mais qu’il n’existe même pas d’intégrale
transcendante uniforme, et non seulement qu’une intégrale
ne peut pas être uniforme pour toutes les valeurs des variables,
mais qu’elle ne peut même pas demeurer uniforme dans un
domaine restreint défini plus haut.
Mais, en un autre sens, le théorème de M. Bruns est plus général
que le mien ; j’établis seulement, en effet, qu’il ne peut pas exister
d’intégrale algébrique pour toutes les valeurs suffisamment petites
des masses ; et M. Bruns démontre qu’il n’en existe pour aucun
système de valeurs des masses.
86.Il y a des problèmes où l’on connaît l’existence d’une intégrale
uniforme et où l’on peut se proposer de vérifier que les conditions
énoncées dans les numéros qui précèdent sont effectivement
remplies.
Prenons comme exemple le problème du mouvement d’un point
mobile M, attiré par deux centres fixes A et B.
Je supposerai, pour simplifier, que le mouvement se passe dans
un plan ; je supposerai de plus que la masse de A est grande,
tandis que celle de B est égale à une quantité très petite de
telle façon que l’on puisse regarder l’attraction de B comme une
force perturbatrice.
Nous définirons alors la situation du point M par les éléments
osculateurs de son orbite autour de A et nous désignerons ces
éléments par les lettres et
comme au no 10. Nous aurons alors
d’où
pourra se développer sous la forme suivante
Les coefficients dépendent alors de
et et, pour qu’il existe une intégrale, il faut qu’il y ait une relation entre deux
quelconques des coefficients d’une même classe (
je dis au lieu de parce que dépend, non plus
de deux variables et comme aux nos 84 et 85, mais d’une
seule variable) quand on donne à une valeur satisfaisant à la
relation (12 bis).
Mais ici tous les coefficients (qui n’ont plus qu’un seul indice) appartiennent à une même classe et une relation (12 bis)
s’écrit simplement
ou Il ne pourrait donc y avoir de difficulté que pour les
valeurs infinies de Si donc nous reprenons le langage abrégé
des numéros précédents, et si l’on appelle D un domaine quelconque
formé par une infinité de systèmes de valeurs de et
mais tel que, pour tous ces systèmes, la valeur de soit finie, la
classe dont font partie tous ces coefficients n’appartiendra pas
au domaine D ; rien ne s’opposera donc à l’existence d’une intégrale
qui reste uniforme dans ce domaine D.
Passons à un autre problème ; celui du mouvement d’un corps
pesant autour d’un point fixe.
Ce problème a été intégré dans trois cas particuliers différents
par Euler, par Lagrange et par Mme de Kowalevski (cf. Acta mathematica,
12). Je crois savoir que Mme de Kowalevski a découvert
encore de nouveaux cas d’intégrabilité.
On peut donc se demander si, dans ce problème, les considérations
exposées dans ce Chapitre s’opposent à l’existence d’une
intégrale uniforme autre que celles des forces vives et des aires.
Je supposerai que le produit du poids du corps par la distance
du centre de gravité au point de suspension est très petite, de telle
façon que l’on puisse écrire les équations du problème sous la forme
Les et les forment trois couples de variables conjuguées ;
désigne l’énergie totale du système ; est sa demi-force vive ;
est une quantité très petite et représente le produit du poids
du corps par la distance du centre de gravité à un plan horizontal
passant par le point de suspension.
Dans le cas où est nul (c’est-à-dire où le centre de gravité
coïncide avec le point de suspension), le mouvement du corps
solide se réduit à un mouvement à la Poinsot. Comme nous supposons
très petit, c’est ce mouvement à la Poinsot qui va nous servir de première approximation, à la façon du mouvement képlérien
dans l’étude du problème des trois Corps par les approximations
successives.
Je dois, avant d’aller plus loin, définir deux quantités et
que j’appellerai les deux moyens mouvements et qui joueront un
rôle important dans ce qui va suivre. Dans le mouvement à la
Poinsot, l’ellipsoïde d’inertie roule sur un plan fixe : soit P le pied
de la perpendiculaire abaissée du point de suspension sur ce plan
fixe et Q le point de contact. Ce point de contact appartient à
une courbe fixe par rapport à l’ellipsoïde et appelée polhodie. Au
bout d’un certain temps le même point de la polhodie reviendra
en Q′ en contact avec le plan fixe. Soit l’angle QPQ′. Nous
poserons
et et seront les deux moyens mouvements.
Cela posé, les équations du mouvement à la Poinsot pourront s’écrire de la manière suivante.
Soient et les coordonnées d’un point quelconque du corps
solide en prenant l’origine des coordonnées au point de suspension
et l’axe des vertical.
Posons
et étant deux constantes d’intégration.
Soient et trois fonctions de et
périodiques de période en (ces fonctions, comme on le sait, dépendent des
fonctions elliptiques) ; soient et deux nouvelles constantes
d’intégration ; on aura
Si l’on suppose que le point est le centre de gravité
du corps solide, se réduit à un facteur constant près à de
sorte que nous pourrons écrire
les coefficients dépendant seulement de de et de
Lorsqu’on donnera à et à des valeurs constantes satisfaisant
à la condition (12 bis), les ne dépendront plus que de de
sorte qu’il y aura une relation entre deux quelconques d’entre eux.
Les ne dépendront que de et de en posant,
comme dans les numéros précédents,
Il y aura donc une relation entre quelconques des
Toute classe sera donc singulière du premier ordre.
Rien ne s’oppose donc à l’existence d’une intégrale uniforme
distincte de celle des forces vives et nous savons, en effet, qu’il en
existe une, à savoir celle des aires.
Mais la question est de savoir s’il peut en exister une troisième.
À cet effet, cherchons quelles sont les classes qui sont singulières
du deuxième ordre. Il faut pour cela et il suffit qu’il y ait
entre trois quelconques des deux relations et, par conséquent,
que tous les soient fonctions d’un seul d’entre eux. Nous serons
ainsi conduits à distinguer plusieurs sortes de classes :
1o La classe qui contient tous les coefficients
Celle-ci est singulière du deuxième ordre. On a en effet
ne dépendant que de et de et devant, par conséquent,
être regardé comme une constante, puisqu’on a supposé qu’on
donnait à et à des valeurs constantes. On a alors
Pour que les soient fonctions d’un seul d’entre eux, il faut que
tous les s’annulent, à l’exception d’un seul d’entre eux, ou
que la fonction se réduise à une exponentielle
Mais, pour satisfaire à la condition (12 bis), il faut donner à la
valeur 0 ; quel est donc le mouvement à la Poinsot pour lequel
? Un peu d’attention montre que c’est celui qui correspond
à la rotation uniforme autour de l’un des axes d’inertie. Dans un
pareil mouvement, la fonction est une constante indépendante de Cela prouve que tous les
sont nuls pour ces valeurs particulières de et de à l’exception de
La classe est donc singulière du deuxième ordre.
2o Les classes de la forme qui ne contiennent que trois coefficients
Ces classes ne peuvent être singulières du deuxième ordre que si
ou, ce qui revient au même, si dans le développement de
et de suivant les puissances positives et négatives de il
n’y a pas de terme en (en supposant et réels).
Cela n’arrivera pas, en général, quand l’ellipsoïde d’inertie ne
sera pas de révolution ; mais, si cet ellipsoïde est de révolution, on aura
étant des constantes.
Il en résulte que l’on aura
à moins que ou
Toutes les classes seront alors singulières du deuxième ordre,
à l’exception des classes et
3o Toutes les autres classes se réduisant au seul coefficient
seront singulières du deuxième ordre.
En résumé, si l’ellipsoïde est de révolution, toutes les classes
sont singulières du deuxième ordre, à l’exception des classes
et
Rien ne s’oppose donc à ce qu’il existe une troisième intégrale
uniforme et même à ce qu’elle soit algébrique, pourvu que le jacobien
des trois intégrales s’annule quand on fait ou
(Cette dernière condition n’est pas nécessaire dans le cas de
Lagrange, c’est-à-dire si le point de suspension est sur l’axe de
révolution, parce qu’alors et se réduisent à des constantes.)
Si, au contraire, l’ellipsoïde n’est pas de révolution, il y a une infinité de classes qui ne sont pas singulières du deuxième ordre,
à savoir des classes mais envisageons un domaine D comprenant
une infinité de systèmes de valeurs de
et et supposons que, pour aucun de ces systèmes, ne soit multiple de
aucune des classes n’appartiendra à ce domaine. Rien ne s’oppose
donc encore à ce qu’il existe une troisième intégrale uniforme,
pourvu que le jacobien des trois intégrales s’annule dès que est
multiple de d’où il résulte que cette troisième intégrale ne peut,
en général, être algébrique.
Les conditions énoncées dans ce Chapitre étant nécessaires,
mais non suffisantes, rien ne prouve que cette troisième intégrale
existe ; il convient, avant de se prononcer, d’attendre la publication
complète des résultats de Mme de Kowalevski[1].
Intégrales non holomorphes en
87.Jusqu’ici nous avons supposé que notre intégrale uniforme
était développable suivant les puissances entières de Il est facile
d’étendre le résultat au cas où l’on renoncerait à cette hypothèse.
Supposons, par exemple, que soit développable suivant les
puissances entières de nous pourrons écrire
et étant développables suivant les puissances entières de
Si est une intégrale, on devra avoir identiquement
Comme et sont développables suivant les puissances
entières de on devra avoir séparément
Donc et doivent être toutes deux des intégrales.
Si donc on a démontré qu’il ne peut pas exister d’intégrale
uniforme développable suivant les puissances entières de on
aura démontré qu’il ne peut pas exister non plus d’intégrale uniforme
développable suivant les puissances entières de
Plus généralement, soient
(1)
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fonctions quelconques de
Supposons que soit de la forme
(2)
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les étant des fonctions des et des indépendantes de
Nous pouvons toujours supposer qu’il n’y a pas entre les
fonctions (1) de relations de la forme
(3)
|
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étant développables suivant les puissances de
S’il en était ainsi en effet, l’une des fonctions
ne contiendra pas en facteur ; car, si toutes ces fonctions contenaient
en facteur, le premier membre de (3) serait divisible
par et l’on effectuerait la division.
Supposons, par exemple, que ne s’annule pas avec on
pourra résoudre l’équation (3) par rapport à et on aura
seront développables suivant les puissances
de et si l’on remplace par cette valeur dans l’expression (2), on aura
réduit d’une unité le nombre des fonctions (1).
Supposons donc que ces fonctions ne soient pas liées par une relation de la forme (3).
Nous pourrons écrire
étant développables suivant les puissances de
Si est une intégrale, on aura
(4)
|
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|
Je dis qu’on aura séparément
(5)
|
|
|
Car, s’il n’en était pas ainsi, comme les quantités
sont développables suivant les puissances de
la relation (4) serait de la forme (3), ce qui est contraire à l’hypothèse
que nous venons de faire.
Donc les relations (5) ont lieu.
Donc sont des intégrales.
Si donc on a démontré qu’il ne peut pas y avoir d’intégrale uniforme
développable suivant les puissances de on aura démontré
qu’il n’y a pas non plus d’intégrale uniforme de la forme (2).
J’ajouterai que le raisonnement s’applique quand les fonctions
(1) sont en nombre infini.
Discussion des expressions (14).
88.Je reviens sur le sujet que j’avais réservé plus haut, à
savoir sur la démonstration de ce fait qu’il n’existe pas de relation
entre quelconques des expressions (14) dans le cas du
problème des trois Corps.
Nous avons, pour définir les expressions (14), supposé que la
fonction perturbatrice avait été développée sous la forme suivante
(1)
|
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|
les coefficients étant des fonctions des autres variables
ou
Ce n’est pas sous cette forme qu’on développe d’ordinaire la
fonction perturbatrice dans les traités de Mécanique céleste.
On prend comme variables :
Les grands axes, les excentricités, les inclinaisons, les longitudes
moyennes et les longitudes des périhélies et des nœuds.
Mais il est aisé de voir que cela revient au même.
Si nous posons
il viendra
(2)
|
|
|
Le facteur exponentiel ne dépend que des longitudes moyennes
et le facteur ne dépend que des autres variables, grands
axes, excentricités, inclinaisons, longitudes des périhélies et des
nœuds. Nous retomberons donc ainsi sur le développement habituel
de la fonction perturbatrice.
Les expressions (14) peuvent alors s’écrire
Pour qu’il y ait une intégrale uniforme, il faut donc qu’il y ait
une relation entre quelconques ( dans le plan,
dans l’espace) des expressions
(14 bis)
|
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|
formées à l’aide des coefficients du développement (2).
Ainsi, pour appliquer les principes du présent Chapitre, il n’est
pas nécessaire d’effectuer un nouveau développement de la fonction
perturbatrice à l’aide de nouvelles variables, tel que serait le
développement (1). On peut se servir du développement déjà usité
par les astronomes, c’est-à-dire du développement (2).
Les coefficients sont développables suivant les puissances
croissantes des excentricités et des inclinaisons. Considérons donc
le développement de l’un de ces coefficients suivant les puissances
des excentricités et des inclinaisons. On sait (cf. no 12) que
tous les termes de ce développement seront de degré au moins par rapport à ces quantités et, si leur degré diffère
de la différence est un nombre pair.
Nous pourrons donc écrire
représentant l’ensemble des termes du développement qui sont de degré
par rapport aux excentricités et aux inclinaisons.
Nous dirons que est le terme principal de
et que les autres termes en sont les termes secondaires.
Il y aura exception pour le coefficient dans ce cas,
ne dépend que des grands axes ; si ces grands axes sont
regardés momentanément comme des constantes, ainsi que nous
l’avons fait dans les numéros précédents [c’est, en effet, en supposant
les grands axes constants que l’existence d’une intégrale uniforme
entraîne celle d’une relation entre expressions (14)] ;
si donc les grands axes sont des constantes, sera aussi une
constante qui ne jouera aucun rôle dans le calcul.
C’est donc qui est du second degré par rapport aux excentricités
et aux inclinaisons que nous conviendrons d’appeler le
terme principal de
Si alors nous remplaçons le développement (2) par le suivant
(3)
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|
nous dirons que nous avons écrit le développement de la fonction
perturbatrice réduite à ses termes principaux.
Cela posé, quelle est la condition pour qu’il y ait une relation
entre quelconques des expressions
(14)
|
|
|
Formons un tableau composé d’une infinité de lignes formées comme il suit :
Les différentes lignes correspondront aux diverses valeurs entières
de l’indice positives, négatives ou nulles.
Le premier élément de la ligne d’indice sera
les autres seront les dérivées de par rapport aux diverses
variables
c’est-à-dire par rapport aux excentricités, aux longitudes des périhélies,
aux inclinaisons et aux longitudes des nœuds.
Eh bien, la condition nécessaire et suffisante pour que l’on ait
une relation entre ( dans l’espace) des
expressions (14), c’est que tous les déterminants formés en prenant dans
ce tableau neuf lignes quelconques soient nuls.
Inutile d’ajouter que, dans les cas plus simples, par exemple
lorsque les trois Corps se meuvent dans un plan, le nombre des
colonnes et des lignes de ces déterminants est plus petit que 9.
Nous avons vu que tous les termes du développement de
sont de degré au moins. Donc, parmi les éléments de la
ligne d’indice (que je suppose développés suivant les puissances
des excentricités et des inclinaisons), le premier
commence par des termes de degré
II en est de même des dérivées de par rapport aux
et aux tandis que les dérivées de par rapport aux
et aux commenceront par des termes de degré
Pour la ligne d’indice 0, le premier terme se réduit à 0 ; les développements
de dérivées de par rapport aux et aux
commenceront par des termes du second degré, et ceux des dérivées de
ar rapport aux et aux commenceront par des termes du premier degré.
Nos déterminants sont à leur tour susceptibles d’être développés
suivant les puissances des et des Si un déterminant est formé
par les lignes d’indices
tous les termes de son développement seront alors au moins de degré
Je pose cette quantité égale à
Il y a exception dans le cas où tous les termes sont alors
au moins de degré
Je poserai encore cette quantité égale à
Le déterminant devant être identiquement nul, l’ensemble des
termes de degré devra aussi être identiquement nul. Or on obtiendra
ces termes de degré en remplaçant dans le déterminant
chacun des coefficients par son terme principal
(ou si ).
Le déterminant ainsi obtenu devra donc être identiquement
nul ; or que signifie cette condition
Formons les expressions
(14 bis)
|
|
|
obtenues en remplaçant, dans les expressions (14), chacun des coefficients
par son terme principal.
Si, dans l’expression (14), nous faisons cette expression se réduit à
dont le terme principal est
Nous adjoindrons au tableau des expressions (14 bis) l’expression
qui est un polynôme entier du second degré par rapport
aux et aux
Eh bien, la condition signifie qu’il y a une relation entre
huit quelconques des expressions (14 bis) contenues dans le tableau
ainsi complété.
Ainsi, pour qu’il y ait une intégrale uniforme, il faut qu’il y ait
une relation entre huit quelconques de ces expressions (14 bis).
Les coefficients étaient des séries infinies, et les expressions
(14) se présentaient sous la forme du quotient de deux pareilles séries.
Au contraire, les expressions (14 bis) sont rationnelles par rapport
aux aux aux sinus et cosinus des et des
La vérification est donc facilitée par la substitution aux coefficients
de leurs termes principaux.
Elle devient même aisée pour les petites valeurs des deux entiers
et
Quand on a constaté ainsi que les déterminants correspondant
aux petites valeurs des entiers et ne sont pas nuls, il devient
difficile de conserver l’illusion que les déterminants correspondant
aux grandes valeurs des mêmes entiers puissent s’annuler et permettre
ainsi l’existence d’une intégrale uniforme.
Un doute pourrait néanmoins encore subsister.
On pourrait supposer, quelque invraisemblable que cela puisse
paraître, que, parmi les classes (pour parler le langage du no 84), il
y en a un nombre fini qui sont ordinaires et que ce sont précisément
celles sur lesquelles la vérification a porté ; mais qu’il y en a
une infinité qui sont singulières.
Pour lever complètement ce dernier doute, il faudrait avoir une
expression générale des fonctions (14) ou (14 bis) pour toutes les
valeurs des entiers et
et cette expression ne pourrait être qu’extrêmement compliquée.
Heureusement M. Flamme, dans une Thèse récente[2],
a donné l’expression approchée des termes de rang élevé dans le développement
de la fonction perturbatrice et cette expression approchée,
beaucoup plus simple que l’expression complète, peut suffire pour notre objet.
Toutefois, la forme que lui a donnée M. Flamme n’est pas la
plus convenable pour le problème qui nous occupe ; nous serons
obligé de compléter ses résultats et de les transformer considérablement.
Je reviendrai donc sur ce sujet dans le prochain Chapitre, après
avoir traité du calcul approché des divers termes de la fonction
perturbatrice, car, bien que les considérations précédentes soient de nature à convaincre les plus sceptiques, elles ne constituent
pas cependant une démonstration mathématique rigoureuse.
89.Une dernière remarque peut faciliter dans une certaine
mesure la vérification.
Reprenons la relation (13) du no 84 qui s’écrit
En faisant dans cette relation j’obtiendrai
une relation particulière que j’appellerai (13 bis) ; en y faisant
j’obtiendrai une autre relation particulière
que j’appellerai (13 ter).
Soit ensuite
sera l’une des expressions (14) qui ont joué un si grand rôle
dans les numéros précédents.
Multiplions (13 bis) et (13 ter) respectivement par
et ajoutons ; il viendra
ou, en adoptant la notation des crochets de Jacobi,
ou bien
Si donc et sont deux expressions (14) appartenant à la
même classe, on devra avoir
ou, en vertu du théorème de Poisson,
d’où l’on peut conclure que
est une fonction de
des expressions (14).
Il ne faut pas oublier que les crochets doivent être calculés en
considérant et (c’est-à-dire dans le cas du problème des trois
Corps, et ) comme des constantes.